AVANT-PROPOS

En première lecture, la commission des finances avait reçu délégation de la commission des lois pour l'examen au fond d'environ un tiers des articles du présent projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit « Sapin II », soit 56 articles. Elle avait également souhaité se saisir de cinq articles pour avis.

Sur les articles délégués au fond, le Sénat a adopté 76 amendements au texte voté par l'Assemblée nationale dont 42 amendements en commission des finances et 34 amendements en séance.

Il a voté 25 articles conformes, modifié 25 articles, supprimé 6 articles et adopté 12 articles additionnels. Il restait donc 43 articles à examiner par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre dernier.

I.  LES VOTES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté 20 articles conformes , dont 7 articles introduits à l'initiative du Sénat en première lecture, et confirmé la suppression de 2 articles. Il s'agit de :

- l'article 7 relatif à la protection des lanceurs d'alerte dans le domaine bancaire et financier ;

- l'article 18 étendant le champ de la composition administrative de l'autorité des marchés financiers (AMF) ;

- l'article 19 bis, introduit par le Sénat en première lecture, interdisant aux sociétés n'y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public de leurs parts sociales ;

- l'article 22 quater ouvrant aux conseils régionaux l'accès au fichier bancaire des entreprises ;

- l'article 23 bis relatif à l'avis des commissions des finances du Parlement sur la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) ;

- l'article 23 ter relatif à l'autoliquidation de la TVA ;

- l'article 25 B, introduit par le Sénat en première lecture, plafonnant le versement en espèces pour le cautionnement judiciaire ;

- l'article 27 bis relatif aux s anctions administratives en matière de commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte ;

- l'article 28 bis B (suppression maintenue) relatif à l'interdiction de la publicité pour les prestataires proposant illégalement les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués ;

- l'article 28 ter A, introduit par le Sénat en première lecture, relatif à la coopération entre l'ARJEL et l'AMF, l'ACPR et la DGCCRF ;

- l'article 28 quater, introduit par le Sénat en première lecture, renforçant les obligations de transparence applicables au démarchage et à la publicité en faveur de certains investissements ouvrant droit à réduction d'impôt ;

- l'article 31 septies , introduit par le Sénat en première lecture, relatif à l'intégration d'une clause de révision des prix de prix des marchés publics de fourniture de denrées alimentaires ;

- l'article 33 bis A, introduit par le Sénat en première lecture, relatif à l'obligation d'information des entreprises d'assurance à l'égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire lorsque ceux-ci ont atteint l'âge de départ en retraite ;

- l'article 33 bis relatif à la sortie en capital des plans d'épargne retraite populaire aux faibles encours ;

- l'article 34 portant habilitation pour la modernisation du financement par dette des entreprises ;

- l'article 34 bis A introduit par le Sénat en première lecture, ouvrant la possibilité pour les gestionnaires d'actifs de fonds ouverts de plafonner le montant des rachats ;

- l'article 35 portant habilitation pour la séparation des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille ;

- l'article 45 ter (suppression maintenue) élargissant le champ des entreprises soumises au reporting fiscal ;

- l'article 50 bis transposant la directive sur le redressement et la résolution des banques ;

- l'article 51 modifiant la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques ;

- l'article 52 intégrant l'institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) au sein de la Banque de France ;

- l'article 58 portant habilitation à adopter un code monétaire et financier spécifique à l'outre-mer.

L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté 17 articles avec modifications, dont 5 articles introduits à l'initiative du Sénat en première lecture, et rétabli 4 articles dont 2 dans une rédaction différente de celle de première lecture. Il s'agit de :

- l'article 17 habilitant le Gouvernement à transposer la directive « mad » ( market abuse directive ) et le règlement « mar » ( market abuse regulation ) ;

- l'article 19 mettant en cohérence la compétence de la commission des sanctions de l'autorité des marchés financiers avec la réglementation applicable aux offres de titres ;

- l'article 20 transposant des dispositions répressives de divers textes européens en matière financière aux dispositifs de sanction mis en oeuvre par l'autorité des marchés financiers ;

- l'article 21 élargissant les pouvoirs de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d'assurance ;

- l'article 21 bis A (rétablissement du texte de première lecture) portant habilitation à réformer le code de la mutualité ;

- l'article 21 bis élargissant les prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière aux organismes d'assurance et renforcement de ses pouvoirs ;

- l'article 25 (rétablissement) réduisant la validité des chèques de 12 à 6 mois ;

- Article 26 ter , introduit à l'initiative du Sénat 1 ( * ) , relatif à l'information systématique du PNF lorsque TRACFIN saisit le parquet territorialement compétent ;

- l'article 28 interdisant la publicité par voie électronique pour les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués ;

- l'article 28 bis A étendant aux conseillers en investissements financiers l'interdiction de la publicité par voie électronique pour les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués ;

- l'article 28 bis élargissant le champ de l'interdiction des publicités en faveur des produits financiers ;

- l'article 28 ter interdisant le parrainage en faveur des produits financiers risqués ;

- l'article 28 quinquies , introduit par le Sénat en première lecture, harmonisant les dispositions applicables aux intermédiaires en biens divers en matière d'encadrement des offres promotionnelles ;

- l'article 29 créant une option solidaire pour le livret de développement durable ;

- l'article 29 bis AA, introduit par le Sénat en première lecture, limitant le montant des frais applicables aux contrats obsèques ;

- l'article 29 quater (rétablissement) relatif au rôle de l'assemblée générale dans une association ayant souscrit un contrat d'assurance de groupe sur la vie ou de capitalisation ;

- l'article 33 portant habilitation pour la réforme du régime prudentiel des activités de retraite professionnelle supplémentaire et modernisation de certains dispositifs de retraite supplémentaire à adhésion individuelle ;

- l'article 45 bis introduisant un reporting pays par pays public pour les grandes entreprises ;

- l'article 52 bis , introduit par le Sénat en première lecture, relatif au rapprochement entre l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations ;

- l'article 54 bis B (rétablissement du texte de première lecture) ajoutant des représentants du personnel à la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ;

- l'article 54 bis F, introduit par le Sénat en première lecture, relatif à la facilitation des échanges d'informations entre la DGFiP, la DGCCRF et la Direction des douanes.

II.  LES APPORTS DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE ONT ÉTÉ REPRIS DANS LEUR TRÈS GRANDE MAJORITÉ MAIS QUELQUES POINTS DE DIVERGENCE DEMEURENT

Il convient de se féliciter du grand nombre d'articles adoptés par l'Assemblée nationale dans leur rédaction issue de la première lecture du Sénat . S'agissant des articles ayant fait l'objet de modifications en nouvelle lecture, celles-ci sont, dans leur grande majorité, de nature rédactionnelle.

L'Assemblée nationale a par exemple repris les apports suivants :

- la possibilité de sanctionner les établissements bancaires et les entreprises d'assurance jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires en cas de manquement à leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou d'assurance-vie en déshérence ;

- la limitation et l'encadrement des prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), en cas de menace à la stabilité financière, compte tenu des atteintes potentielles aux contrats d'assurance en cours ;

- le rejet de la limitation de la durée des chèques de 12 à 6 mois ;

- le renforcement et l'élargissement des interdictions de publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et risqués ;

- l'encadrement de la publicité pour les produits défiscalisés ;

- la création d'un document d'information contrôlé systématiquement par l'AMF pour les « investissements atypiques » ;

- la nouvelle obligation d'information des entreprises d'assurance à l'égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire lorsque ceux-ci ont atteint l'âge de départ en retraite (complément à la loi dite "Eckert" sur les comptes bancaires et les contrats d'assurance-vie en déshérence) ;

- l'encadrement des conditions dans lesquelles les fonds d'investissement peuvent prêter aux entreprises ;

- la conclusion d'une convention cadre entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations afin de définir les modalités de leur collaboration en matière de développement.

Enfin, l'Assemblée nationale a infirmé sa position de première lecture en confirmant la suppression, adoptée par le Sénat, de l'élargissement du champ des entreprises soumises au reporting fiscal, qui n'était pas conforme au cadre fixé par les accords BEPS de l'OCDE.

Deux points de divergence demeurent néanmoins .

Le premier point de divergence concerne l'autorisation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance l'ensemble du code de la mutualité . Le Sénat, estimant que cette habilitation introduite par voie d'amendement de séance et sans débat, était excessivement large, en avait voté la suppression en première lecture. L'Assemblée nationale, tout en partageant les observations du Sénat sur la méthode, a rétabli cette habilitation exactement dans les mêmes termes en nouvelle lecture.

Si votre commission considère, après avoir obtenu de plus amples éléments d'information, que le caractère urgent, nécessaire ou technique des dispositions en cause peut justifier une habilitation sur certains points cela ne peut en aucun cas sur tous. Ainsi en est-il des nouvelles activités qui seraient ouvertes aux mutuelles (activités sportives et pompes funèbres) ou encore de l'équilibre entre les pouvoirs de l'assemblée générale et ceux du conseil d'administration : selon les termes de l'habilitation, l'assemblée générale n'aurait plus à voter le règlement mutualiste, ni même à adopter les montants de prestations et cotisations. Il est donc proposé de revenir à un champ d'habilitation plus raisonnable en supprimant, ce qui apparaît constituer un minimum, ces deux dispositions.

Considérant le très grand nombre d'habilitations données au Gouvernement pour légiférer par ordonnance dans le présent projet de loi, qui ne sont pas toutes justifiées par l'urgence ou la technicité des dispositions en cause, restreindre ces habilitations apparaît comme particulièrement nécessaire tant pour la préservation d'un débat parlementaire sur des évolutions concernant nos concitoyens que pour la qualité de notre législation.

Le second point de divergence concerne l'obligation de déclaration publique d'activités pays par pays pour les entreprises opérant à l'international et dont le chiffre d'affaires dépasse un certain seuil. Le Sénat avait adopté en première lecture un reporting pour les entreprises de plus de 750 millions d'euros de chiffres d'affaires en s'alignant sur le contenu actuel de la proposition de directive présentée par la Commission européenne, avec une date d'entrée en vigueur au 1 er janvier 2018, sous condition d'adoption d'un instrument communautaire.

L'Assemblée nationale a préféré rétablir son texte de première lecture donc en ne liant pas l'application de la mesure à l'entrée en vigueur de la directive et en reprenant le champ très large des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros. Elle a seulement reporté l'entrée en vigueur par défaut du dispositif national du 1 er juillet 2017 au 1 er janvier 2018. De plus, la déclaration d'activité serait publiée en ligne, dans un format de données ouvertes et gratuites. La France pourrait ainsi se trouver seule à mettre en oeuvre un reporting public, ce qui serait contraire à ses intérêts. Il est donc proposé de revenir au texte du Sénat de première lecture.

Enfin, malgré la prise en compte des amendements introduits par le Sénat en première lecture concernant les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) et l'ajout par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture de la mention selon laquelle il doit « tenir compte » des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires des contrats d'assurances, votre commission estime nécessaire d'aller plus loin et d'inscrire dans la loi que le Haut Conseil « veille à la protection » de leurs intérêts au même titre qu'il veille à la protection de la stabilité financière, lorsqu'il met en oeuvre les nouvelles mesures instituées par l'article 21 bis .

Comme il l'a développé dans son rapport de première lecture, votre rapporteur estime que l'atteinte qui serait portée au droit des contrats encourt des risques de nature constitutionnelle, aussi doit-elle être strictement encadrée. La décision de retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d'arbitrages ou le versement d'avances sur contrat ne pourrait être acceptée que dans des cas extrêmes (menace grave mais également caractérisée à la stabilité financière), pour une période de temps également limitée (3 mois et non 6 mois), dans la transparence (décision motivée rendue publique) et dans un objectif de protection des intérêts des assurés eux-mêmes, selon les dispositions introduites par le Sénat.

D'une manière générale, comme l'a montré la récente décision n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016 déclarant contraire à la Constitution la disposition législative 2 ( * ) instituant un registre public des trusts , en raison d'une atteinte au droit au respect de la vie privée et du fait que le législateur, n'avait pas précisé la qualité ni les motifs justifiant la consultation du registre, ni limité le cercle des personnes ayant accès aux données de ce registre, il importe que le législateur fixe des « garde-fous » au bénéfice de nos concitoyens. Cette QPC pourrait d'ailleurs avoir des incidences sur l'article 45 quater B relatif à la création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales , voté en première lecture dans les mêmes termes par les deux assemblées, dans la mesure où cet article renvoie à un décret en Conseil d'État pour « préciser les informations sur les bénéficiaires effectifs qui sont mises à la disposition du public et celles qui ne sont accessibles qu'aux autorités publiques compétentes dans les domaines de la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme, la corruption et l'évasion fiscale, ainsi qu'aux entités assujetties » aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Votre rapporteur avait d'ailleurs souligné, dans son rapport de première lecture, que « s'agissant des informations ayant vocation à être rendues publiques, il pourrait être préférable que la « ligne de partage » relève du législateur dans ses grands principes ».


* 1 Cet article, introduit à l'initiative de la commission des finances, fait l'objet d'un examen par la commission des lois.

* 2 Il s'agit du deuxième alinéa de l'article 1649 AB du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

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