INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'année 2015 marque l'anniversaire des 70 ans de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante , qui a institué l'éducation surveillée, devenue la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Depuis, conformément à la convention des droits de l'enfant 2 ( * ) , les mineurs font l'objet d'une protection judiciaire spécifique dont le cadre pénal est mis en oeuvre par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui dispose également d'une compétence exclusive en matière d'investigation civile et pénale.

L'anniversaire des 70 ans de l'ordonnance du 2 février 1945 conduit à dresser le bilan des multiples réformes de ce texte fondateur ainsi que des transformations subies par l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse mais également par l'autorité judiciaire, contraintes d'adapter l'une et l'autre leurs pratiques professionnelles. Cette année encore, votre rapporteure tient à saluer le dévouement et le professionnalisme de tous ceux pour lesquels la protection et l'éducation des mineurs sont une vocation bien davantage qu'un métier.

Les crédits du programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse s'élèvent pour 2016 à 795,6 millions d'euros, soit près de 10 % de l'ensemble des crédits de la mission Justice . Ce projet de budget pour 2016 se caractérise par une augmentation des crédits de 2,34 % et du plafond d'autorisations d'emplois de 196 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires par rapport au plafond prévu pour 2015.

Le présent avis est l'occasion pour votre rapporteure de rappeler la crise d'identité traversée tant par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse que par les juridictions pour mineurs à la suite du recentrement pénal de la PJJ. Ce constat invite à une clarification de la justice des mineurs par la réaffirmation des principes de spécialité et de continuité dans la prise en charge des mineurs délinquants.

Enfin, votre rapporteure s'est penchée sur le sujet de la prise en charge sanitaire, en particulier en matière de santé mentale, des mineurs pris en charge par la PJJ.

I. UN BUDGET PRÉSERVÉ MAIS QUI DEMEURE EN-DEÇA DES BESOINS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Le budget de la PJJ bénéficie d'un traitement favorable au regard de la plupart des missions budgétaires. Néanmoins, la hausse de son budget doit s'analyser au regard de ses besoins budgétaires et de l'évolution de son budget depuis 2008.

A. UNE AUGMENTATION OPPORTUNE DES CRÉDITS

1. Un programme budgétaire en reconstruction

Entre 2008 et 2012, la protection judiciaire de la jeunesse a fortement été mise à contribution pour la réduction de la dépense publique. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la PJJ avait été conduite à, d'une part, recentrer sa prise en charge sur l'enfance délinquante, et d'autre part, à réformer son organisation territoriale 3 ( * ) et restructurer ses services et ses établissements 4 ( * ) . Du fait de ces évolutions, les crédits de la PJJ ont baissé de plus de 6 % entre 2008 et 2011 et les effectifs ont été diminués de 632 ETPT entre 2008 et 2012 .

Depuis 2012, la justice faisant partie des priorités budgétaires du Gouvernement, les budgets de la PJJ ont été préservés, voire augmentés . Après le projet de loi de finances pour 2013 qui prévoyait une augmentation de 2,41 % des crédits de paiements (790,7 millions d'euros), les projets de loi de finances pour 2014 et 2015 ont prévu des niveaux en très légère diminution (- 0,6 % pour 2014 et - 0,7 % pour 2015), caractérisant la volonté du Gouvernement de préserver ce budget dans un contexte de forte contrainte budgétaire.

Le projet de budget du programme Protection judiciaire de la jeunesse pour 2016 se caractérise quant à lui par une certaine majoration de ses crédits, qui s'explique par les moyens accordés dans le cadre du plan de lutte antiterroriste (PLAT). Les crédits de paiement du programme s'élèvent à 795 millions d'euros (+ 2,34 %), principalement du fait de la hausse des dépenses de personnel du titre 2 (+ 2,9 %). Les autorisations d'engagement sont elles aussi en augmentation (+ 2,7 %).

2. Une augmentation des crédits en trompe-l'oeil

L'augmentation des crédits de paiements de 2,34 % doit néanmoins être nuancée. Corrigée des moyens supplémentaires accordés dans le cadre du plan de lutte antiterroriste (cf. infra ), cette augmentation n'est que d'1,4 % par rapport aux crédits accordés en loi de finances pour 2015.

Au surplus, deux effets de périmètre viennent optiquement gonfler le projet de budget pour 2016 :

- le transfert de la rémunération des stagiaires en formation professionnelle (+ 2,2 millions d'euros) ;

- la contribution au financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers (+ 2,5 millions d'euros).

En premier lieu, la rémunération des stagiaires en formation professionnelle a été transférée, en provenance du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement d'un emploi , au budget de la PJJ, ce qui explique une augmentation des crédits de 2,2 millions d'euros.

En second lieu, le budget de la PJJ est fictivement abondé de 2,5 millions d'euros qui ont pour finalité d'être versés au fonds national de financement de la protection de l'enfance pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers 5 ( * ) .

Votre rapporteure déplore, qu'en dehors de toute prévision de loi de finance et en l'absence de dotation correspondante, ce financement ait d'ores et déjà été prélevé en 2015 6 ( * ) , mettant en grave difficulté la gestion du budget de la PJJ.

En outre, si votre rapporteure salue l'effort financier de l'État dans le cadre du dispositif national de mise à l'abri des mineurs isolés étrangers, elle s'interroge sur la place de ce mécanisme financier au sein du budget de la PJJ. Sans résoudre l'interrogation sur la place de la PJJ dans ce dispositif, ce financement participe de l'amalgame des mineurs isolés étrangers à l'enfance délinquante.

Ces deux effets de périmètre permettent de nuancer l'augmentation des dépenses d'interventions. Ainsi, sur le 6 millions d'euros de dépenses affichés, seul 1,3 million devrait financer des actions ponctuelles réalisées par des associations intervenant dans le champ de la protection de l'enfance et de l'enfance délinquante, soit 19 % de crédits en moins par rapport à 2015.

Votre rapporteure constate ainsi que l'augmentation des crédits du programme 182, corrigée des moyens accordés dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme ainsi que des effets de périmètre, se réduit à + 0,82 %, soit une stagnation des moyens accordés à la protection judiciaire de la jeunesse .


* 2 Art. 40 : « Tout enfant suspecté, accusé ou reconnu coupable d'avoir commis un délit a droit à un traitement qui favorise son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui tient compte de son âge et qui vise sa réintégration dans la société. L'enfant a droit à des garanties fondamentales, ainsi qu'à une assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée pour sa défense. La procédure judiciaire et le placement en institution doivent être évités à chaque fois que cela est possible. »

* 3 À compter du 1 er janvier 2009, les 15 directions régionales et les 100 directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse ont été regroupées dans 9 directions interrégionales (DIR) et 54 directions territoriales (DT), soit presque deux fois moins qu'avant la réforme.

* 4 Les services ne disposant pas d'une taille critique suffisante (6 ETP d'éducateurs pour les unités éducatives de milieu ouvert, 12 mineurs pour les EPE et 24 mineurs pour les unités éducatives d'hébergement diversifié ont été supprimés, soit 99 services de milieu ouvert et 37 structures d'hébergement.

* 5 Le décret n° 2010-497 du 17 mai 2010 relatif au fonds national de financement de la protection de l'enfance a modifié les dépenses autorisées du fond pour y inclure « le remboursement des dépenses engagées par les départements dans le cadre du financement de la phase de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des enfants sans représentant légal sur le territoire français ».

* 6 Le décret n° 2015-1161 du 17 septembre 2015 portant transfert de crédits a annulé 2,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiements du programme n° 182 pour financer le dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des mineurs isolées étrangers (MIE).

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