INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

À titre liminaire votre rapporteur tient à rendre hommage à son prédécesseur, notre collègue Catherine Tasca, qui rapportait auparavant les crédits de la justice et de l'accès au droit.

Le présent avis porte sur les crédits dévolus, dans le projet de loi de finances pour 2015, à quatre programmes de la mission « justice » (le programme 166 « justice judiciaire », le programme 101 « accès au droit et à la justice », le programme 310 « conduite et pilotage de la politique de la justice » et le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature ») dont le responsable est la ministre de la justice, garde des sceaux.

Votre commission examine ainsi, dans un même avis, l'ensemble des moyens consacrés au fonctionnement de l'institution judiciaire, ce que le strict respect de la nomenclature budgétaire ne permettrait pas, puisque la mission « justice » rassemble aussi le programme 107 consacré à l'« administration pénitentiaire » et 182 consacré à la « protection judiciaire de la jeunesse » 2 ( * ) .

Dans un contexte budgétaire toujours plus difficile, qui affecte significativement les moyens des services judiciaires, la pertinence d'un budget est celle des choix et des priorités retenues. C'est dans cet esprit que votre rapporteur pour avis a conduit ses travaux.

*

* *

I. DES CRÉDITS QUI N'ÉCHAPPENT PLUS À L'EFFORT BUDGÉTAIRE

Dans un contexte financier contraint, le budget de la mission « justice » continue d'augmenter de 1,7 %. Mécaniquement, sa part dans un budget général en régression s'améliore encore, de 2,7 % à 2,8 %.

Toutefois, cette croissance profite exclusivement aux crédits dédiés à l'administration pénitentiaire .

En effet, pour la première fois depuis le début des années 2000, les moyens auxquels cet avis budgétaire est consacré, c'est-à-dire ceux dévolus aux juridictions judiciaires, au ministère de la justice et à l'accès au droit, régressent, en valeur absolue, de 0,7 % .

Certes, la baisse observée intervient après plusieurs années de hausses significatives et elle est limitée si on la compare à la contraction du budget général, à hauteur de 1,74 %. Elle témoigne toutefois du fait que, la justice judiciaire, qui participait déjà à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, n'est plus préservée d'une réduction en volume de ses crédits. Dans la suite de la loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales du 15 août 2014, le Gouvernement a ainsi choisi de donner la priorité à sa politique pénitentiaire.

Cette réduction des crédits est d'autant plus préoccupante que le Gouvernement annonce, pour les projets de loi de finances pour 2016 et 2017, une contraction des moyens dédiés à la mission justice de 0,36 % (de 6,376 milliards d'euros à 6,353 milliards d'euros).

Évolution des crédits des programmes
de la mission « justice
» examinés dans le présent avis
(en millions d'euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

2015/2014 (en %)

LFI 2014

PLF 2015

2015/2014 (en %)

166 - Justice judiciaire

3 182

3 009

-5,4%

3 110

3 079

-1,0%

101 - Accès au droit et à la justice

368

364

-1,1%

368

363

-1,4%

310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice

404

357

-11,6%

311

319

2,6%

335 - Conseil supérieur de la magistrature

3,8

3,6

-5,3%

4,2

4,4

4,8%

Total des programmes suivis dans cet avis

3 958

3 734

-5,7%

3 793

3 765

-0,7%

Total des crédits de la mission « justice »

7 578

9 239

21,9%

7 806

7 940

1,7%

Budget général de l'État en crédits nets (hors dégrèvements)

-

287 000

282 000

-1,74%

Part des crédits de la mission « justice » dans le budget de l'État

-

2,7%

2,8%

-

Part des programmes du présent avis dans le budget général (en %)

-

1,32%

1,34%

-

Part des crédits du présent avis dans la mission « justice » (en %)

52,2%

40,4%

-

48,6%

47,4%

-

Source : PLF et projet annuel de performances pour 2015.

L'ensemble des crédits de la mission ont fait l'objet, à l'Assemblée nationale, d'amendements qui les ont réduits en moyenne de 0,5 %.

A. LE PROGRAMME « JUSTICE JUDICIAIRE »

Le programme « justice judiciaire » absorbe l'essentiel de la baisse des moyens consacrés au fonctionnement des juridictions et au financement de l'accès au droit. Ses crédits de paiement (CP) régressent de 30 millions d'euros , à 3,079 milliards dans le projet de loi de finances pour 2015, contre 3,110 milliards d'euros votés dans la loi de finances pour 2014.

Cette diminution des crédits porte principalement sur les dépenses de personnel. En dépit d'un schéma d'emplois positif et de l'engagement de création nette de 49 emplois de magistrats ou de personnels judiciaires, le Gouvernement escompte une réduction de ces dépenses de 3,2 %, soit 23 millions d'euros. Le ressort de cette réduction de la dépense, paradoxalement concomitante avec une progression affichée des moyens, sera étudié dans la partie suivante 3 ( * ) . En tout état de cause, la progression enregistrée l'an passé (21 millions d'euros) serait totalement effacée.

Les crédits d'investissement ne seraient touchés qu'à hauteur de 6 millions d'euros.

Les autorisations d'engagement (AE) baissent de 5,4 %, soit 164 millions d'euros , qui se décomposent principalement en une réduction de 23 millions d'euros des dépenses de personnel 4 ( * ) , et une réduction de 139 millions des dépenses d'investissement.

Cette contraction de l'investissement procède de deux phénomènes.

Le premier est la fin du recours aux contrats de partenariat public-privé, qui se traduisent, lors de leur conclusion, par un abondement d'autorisations d'engagement équivalent à la totalité de la dépense prévue, celle-ci étant ensuite acquittée, par tranches, années après années.

Le second phénomène est une réduction sensible du nombre de nouveaux chantiers destinés aux réparations et à l'amélioration des bâtiments judiciaires. La phase d'étude préalable a été prolongée pour certains projets, comme à Lille, Douai, Mont-de-Marsan et Pointe-à-Pitre, d'autres ont été différés, comme à Saint-Malo ou Aix-en-Provence.

En outre, comme le soulignait le rapport pour avis précédent, l'année 2014 a constitué un tournant vis-à-vis de la réforme de la carte judiciaire, pour deux raisons.

Il n'y a plus de nouvelles autorisations d'engagement de dépenses correspondant à une opération immobilière prévue dans le cadre de cette réforme.

En revanche, le budget 2014 a prévu la mise en oeuvre des correctifs à cette réforme décidées par la garde des sceaux après la remise du rapport de la mission présidée par Serge Daël : réouverture des tribunaux de grande instance de Saint-Gaudens, Saumur et Tulle ; ouverture d'une chambre détachée à Dôle, Guingamp, Marmande et Millau et création d'un guichet unique de greffe à Belley.

Le budget 2015 est donc le premier à ne plus avoir aucun lien avec la réforme de la carte judiciaire.

Évolution des crédits du programme « justice judiciaire »
(en millions d'euros)

Intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Évolution

2015/2014

(%)

LFI 2014

PLF 2015

Évolution

2015/2014

(%)

1 - Traitement et jugement des contentieux civils

950

928

-2,3%

950

928

-2,3%

2 - Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1 003

962

-4,1%

1 003

962

-4,1%

3 - Cassation

59

59

0%

59

59

0%

5 - Enregistrement des décisions judiciaires

12

12

0%

12

12

0%

6 - Soutien

1 017

908

-10,7%

946

978

3,5%

7 - Formation (école nationale de la magistrature, école nationale des greffes)

112

112

0,1%

112

112

0,1%

8 - Support à l'accès au droit et à la justice

30

29

-4,7%

30

29

-4,7%

Total

3 182

3 009

-5,4%

3 110

3 079

-1%

Source : projet annuel de performances pour 2015.

Votre rapporteur pour avis note avec satisfaction que les indicateurs de performance du programme 166 ont enfin évolué conformément à ce que la commission des lois demandait depuis plusieurs années.

Ainsi, l'indicateur relatif au « délai moyen de traitement des procédures civiles » ne prend plus en compte les procédures courtes, comme les référés, qui faussaient l'appréciation de la durée réelle des procédures normales. L'activité des fonctionnaires judiciaires est mieux appréhendée, puisqu'il est aussi tenu compte de leur contribution à la justice pénale. Enfin l'indicateur relatif au taux de réponse pénale, qui avait atteint des niveaux si élevés qu'on pouvait s'interroger sur sa pertinence, a été supprimé.

En revanche, votre rapporteur constate que certains choix d'indicateurs témoignent d'une approche plus quantitative que qualitative, soucieuse de flux plus que de contenus.

Ainsi, votre rapporteur regrette-t-il la disparition de l'indicateur portant sur « l'ancienneté moyenne du stock par type de juridiction », qui, couplé avec celui sur la durée moyenne de traitement des procédures, donnait une idée plus précise de la façon dont les juridictions gèrent leur contentieux. Il est en effet possible de réduire le délai moyen de traitement en évacuant, par priorité, les affaires faciles à traiter. Mais ceci aggrave l'ancienneté du stock. Inversement, une hausse des délais moyens de traitement pouvait être justifiée par la volonté de traiter les contentieux les plus difficiles ou les plus anciens, afin de réduire l'ancienneté du stock.

De la même manière, l'abandon de l'indicateur relatif au « taux de rejet des décisions pénales par le casier judiciaire national » et son remplacement par un indicateur relatif « au délai moyen de transmission des décisions au casier judiciaire national » sont critiquables. Un indicateur qualitatif, qui mesurait la conformité de la décision pénale aux règles applicables, a ainsi été remplacé par un indicateur quantitatif, qui rend compte de la célérité à transmettre une décision pénale.


* 2 Ces deux derniers programmes sont respectivement étudiés au nom de la commission des lois par les avis budgétaires de M. Jean-René Lecerf et Mme Cécile Cukierman.

* 3 Cf. infra , II., A).

* 4 La règle, en matière de dépenses de personnel, est que les autorisations d'engagement sont égales aux crédits de paiement.

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