B. DES BUDGETS AMPUTÉS PAR UNE RÉSERVE DE PRÉCAUTION QUI NE PERMETTENT PAS L'ACCOMPLISSEMENT PAR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES DE TOUTES LEURS MISSIONS : UNE ATTEINTE À LEUR EFFICACITÉ ET LEUR AUTONOMIE ?

Les autorités administratives indépendantes sont soumises à une réserve de précaution sur leurs autorisations d'engagement et crédits de paiement.

L'article 51-4 de la loi organique n°2001-692 relative aux lois de finances du 1 er août 2001 prévoit une réserve de précaution, afin d'améliorer le pilotage de l'exécution budgétaire. Elle consiste à rendre indisponible, dès le début de la gestion, une fraction des crédits ouverts en lois de finances.

Dans le cadre de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, l'article 6 dispose que « pour chaque programme doté de crédits limitatifs, sont mis en réserve au moins 0,5 % des crédits de paiement et des autorisations d'engagement ouverts sur le titre 2 « Dépenses de personnel », et au moins 5 % des crédits de paiement et des autorisations d'engagement ouverts sur les autres titres ».

Pour 2015, l'hypothèse d'un taux de mise en réserve de 0,5 % des crédits ouverts sur le titre 2, et de 8 % pour les autres titres (hors titre 2) se traduit par les montants de réserve de précaution suivants* :

PLF 2015

ttaux

réserve de précaution

AE

CP

AE

CP

Dépenses de personnel

37 960 097

37 960 097

0,5 %

189 800

189 800

Autres dépenses

60 450 788

60 889 996

8 %

4 836 063

4 871 200

* Ces montants sont donnés à titre indicatif et sont à nuancer. La pondération dans le calcul de la réserve de précaution pour les opérateurs, afin de prendre en compte le volume de dépenses de personnel n'a pas été traduite .

Source : réponse au questionnaire

En raison de son changement de statut, le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera soumis en 2015 à un taux unique de 8 % sur l'ensemble de ses crédits, ce qui entraînera une augmentation de la réserve de précaution de 1,1 million d'euros par rapport à 2014.

Les fonds prélevés aux autorités administratives au titre de la réserve de précaution peuvent leur être redistribués après négociation avec les services du Premier ministre, ce qui pour votre rapporteur constitue une atteinte à leur indépendance.

Par ailleurs, des réajustements sont effectués en fin d'année par le responsable de programme entre les différents budgets opérationnels de programme. C'est ainsi que les budgets alloués sont amputés d'une partie des crédits de paiement ou d'autorisations d'engagement et ce afin d'être remontés au programme ou réaffectés à une autre autorité.

Pour toutes ces raisons, plusieurs autorités administratives indépendantes se disent dans l'obligation de réaliser des arbitrages entre leurs missions et de renoncer aux plus coûteuses.

C'est ainsi que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté se déclare contraint de différer les contrôles les plus coûteux, notamment en outre-mer.

Cette situation est mise en évidence par les indicateurs de performance appliqués aux autorités administratives.

Le programme 308 s'attache à « affirmer les démarches de performance conduites par chacune des autorités administratives indépendantes tout en menant un travail de synthèse visant à une plus grande transversalité des objectifs et à une meilleure convergence des indicateurs ».

Ces indicateurs, qui n'existaient pas à l'origine du programme, ont évolué au fil des années afin d'améliorer le suivi grâce à une mutualisation de la méthode d'évaluation.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, les objectifs mesurés reflètent le champ d'action couvert par les entités du programme.

RÉCAPITULATION DES OBJECTIFS ET INDICATEURS DE PERFORMANCE

OBJECTIF 1 Défendre et protéger efficacement les droits et les libertés

INDICATEUR 1.1 Nombre de dossiers et de réclamations traités par an et par un ETP d'agent traitant

INDICATEUR 1.2 Délai moyen d'instruction des dossiers

INDICATEUR 1.3 Nombre de lieux contrôlés

INDICATEUR 1.4 Taux d'effectivité du suivi des prises de position du Défenseur des droits

OBJECTIF 2 Éclairer la décision politique en offrant une expertise reconnue

INDICATEUR 2.1 Délai moyen de transmission d'un avis

INDICATEUR 2.2 Contribution aux rapports gouvernementaux, aux projets de loi et au débat public

OBJECTIF 3 Renforcer l'efficacité de la régulation du secteur audiovisuel au profit des auditeurs et des téléspectateurs

INDICATEUR 3.1 Pour les services de télévision et de radio, nombre de fréquences nouvelles autorisées, conventionnées et nombre de modifications réalisées

OBJECTIF 4 Accompagner les professionnels dans leur démarche de conformité à la loi

INDICATEUR 4.1 Niveau de satisfaction des correspondants à la protection des données à caractère personnel relatif à la qualité de service rendu par la CNIL

OBJECTIF 5 Optimiser la gestion des fonctions support

INDICATEUR 5.1 Ratio d'efficience bureautique

INDICATEUR 5.2 Efficience de la gestion immobilière

INDICATEUR 5.3 Ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines

INDICATEUR 5.4 Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987

Source : PAP de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »
annexé au projet de loi de finances pour 2015

Certains indicateurs mettent en évidence une amélioration ou, à tout le moins, un maintien des résultats des autorités administratives.

C'est ainsi que l'indicateur 1.1 met en évidence pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel un nombre de dossiers et réclamations traités par an et par un équivalent temps plein (ETP) d'agent de 674 dossiers en 2012, 921 en 2013, 955 en 2014 (prévision réactualisée), 927 en 2015 (prévision), avec une cible de 1 000 dossiers en 2017.

Dans d'autres cas, les indicateurs montrent une dégradation de la « performance » de certaines autorités administratives indépendantes.

Ainsi, l'indicateur 1.1, laisse apparaître que le nombre de saisines traitées par an et par ETP d'agents traitants du Défenseur des droits, qui était de 468 en 2012, fait l'objet d'une prévision à hauteur de 435, en 2014 et 2015. Aucune amélioration n'est prévue puisque la cible pour 2017 est elle aussi de 435 dossiers.

Le délai de réponse aux saisines par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, calculé par l'indicateur 1.2, est passé de quarante-deux jours en 2012 à soixante-dix jours en 2014 (prévision actualisée). Il est évalué à soixante-quinze jours en 2015, ce qui correspond à la cible pour 2017, de sorte qu'aucune amélioration n'est attendue.

En 2014, tout laisse à penser que la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ne contrôlera pas le nombre de sites prévus : prévision actualisée de dix-huit sites alors que la prévision initiale était de vingt-huit. Ce nombre ne sera pas atteint en 2015 (vingt contrôles prévus) et reste en deçà des réalisations de 2012 (vingt-trois sites).

Il en sera de même pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui probablement n'atteindra pas la prévision de 150 visites réalisées dans l'année (prévision actualisée de 140 pour 2014). Or cet objectif de 150 est maintenu pour les années à venir, de nombreux établissements de santé mentale de taille importante n'ayant pas été vus, de même que des commissariats et brigades de gendarmerie. De plus, les lieux déjà visités doivent faire l'objet d'une nouvelle visite.

Les autorités administratives indépendantes soulignent leurs difficultés pour prendre en compte immédiatement les compétences nouvelles qui leur sont attribuées.

En effet, plusieurs mois s'écoulent entre l'élargissement de missions et leur prise en compte l'année suivante par le budget.

C'est ainsi que la Contrôleure des lieux de privation de liberté, Madame Adeline Hazan, estime que deux postes supplémentaires lui sont nécessaires pour assurer sa nouvelle mission de contrôle des conditions de reconduite des étrangers vers leur pays d'origine du fait de la transposition en droit français de la directive dite « retour » qui intervient dans un contexte d'augmentation des saisines, et ce malgré l'attribution de trois ETPT supplémentaires en 2015.

Le coût d'une dizaine de contrôles de mesures d'éloignement a par ailleurs été chiffré à 37 000 € par le CGLPL qui estime ne pas être en mesure d'assurer l'ensemble de ses missions.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme fait, elle aussi, état d'une mission nouvelle, en qualité de rapporteur national sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui lui a été confiée par l'adoption en Conseil des ministres le 14 mai 2014 du Plan national d'action contre la traite des êtres humains.

Elle estime avoir besoin de ce fait de cinq postes supplémentaires et prévoit une augmentation corrélative de ses dépenses d'activité (publication d'études et déplacements à prévoir).

Le projet de loi de finances pour 2015 ne prenant pas en compte cette mission nouvelle, la Commission nationale consultative des droits de l'homme est en cours de discussion avec le cabinet de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports pour obtenir les crédits nécessaires.

Le Défenseur des droits, au coeur du programme 308, se doit de disposer des moyens de mener à bien ses actions et ce afin d'assurer son rôle de contre-pouvoir républicain. Il souhaite développer l'accès au droit de nos concitoyens, ce qui conduirait mécaniquement à une augmentation de ses saisines.

Cette volonté du Défenseur des droits de jouer son rôle auprès du plus grand nombre, et particulièrement des publics les plus en difficulté, se heurte à une diminution du plafond d'emplois depuis trois ans.

Or, la création de nouveaux droits induit de nouvelles fonctions pour le Défenseur.

Par ailleurs, en période de réduction des moyens dans les administrations, il est indispensable que le Défenseur des droits dispose des moyens de s'assurer que cela ne se traduit pas par des difficultés d'accès aux droits.

Le Défenseur des droits participe, en outre, par le biais de la médiation, à une bonne justice en prévenant les recours contentieux auprès de juridictions déjà engorgées.

Il estime pouvoir faire face, dans un premier temps seulement, à une augmentation des demandes qui lui sont adressées, jugeant indispensable que des moyens humains supplémentaires lui soient accordés.

Le développement en parallèle du réseau de bénévoles sur lequel il s'appuie sur le terrain implique un budget de formation et de défraiement.

Dans ce contexte, les autorités administratives sont amenées à gérer au mieux leurs budgets afin d'optimiser les fonds qui leur sont alloués.

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