C. UN DISPOSITIF D'HÉBERGEMENT ENGORGÉ

1. Un effort certain de la puissance publique en matière d'hébergement
a) La consécration du principe d'hébergement

En même temps qu'elle rendait le droit à l'hébergement opposable , la loi « Dalo » du 5 mars 2007 a consacré le principe de continuité de la prise en charge . La loi « Molle » du 25 mars 2009 a ensuite introduit celui d' accueil inconditionnel.

Les principes d'inconditionnalité et de continuité de l'accueil
pour l'hébergement d'urgence

? Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. »

? Article L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles: « Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »

En s'appuyant notamment sur ces principes, le juge administratif est intervenu pour garantir l'application du droit à l'hébergement.

En 2012, il a fait du droit à l'hébergement d'urgence une liberté fondamentale susceptible de faire l'objet d'un référé-liberté 17 ( * ) .

En avril 2013, il a par ailleurs renforcé la portée du droit à l'hébergement opposable (Daho), considérant que, celui-ci devant être une étape vers l'accès à un logement autonome, les propositions effectuées en application de la décision de la commission de médiation doivent « présenter un caractère de stabilité, afin, notamment, de leur permettre de bénéficier d'un accompagnement adapté vers l'accès au logement » 18 ( * ) .

b) Les efforts réalisés en termes de créations de places

Comme le souligne le rapport de l'Assemblée nationale publié en janvier 2012 sur la politique d'hébergement 19 ( * ) , les capacités d'accueil en hébergement, insertion et logement adapté ont augmenté de plus de 60 % entre 2004 et 2010. Fin décembre 2012, on comptait 81 960 places réparties de la façon suivante :

- 39 142 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui correspondent pour l'essentiel à des places d'hébergement d'insertion, dans une moindre mesure à des places d'hébergement d'urgence ou de stabilisation ;

- 16 193 places en hébergement d'urgence hors CHRS ;

- 4 150 places en hébergement de stabilisation hors CHRS ;

- 1 748 places en hébergement d'insertion hors CHRS.

- 20 727 places en hôtel

A cela s'ajoutent 11 527 places en pensions de famille.

Cette augmentation, qui correspond à un effort non négligeable de la puissance publique et s'est accompagnée de mesures visant à améliorer la qualité de l'hébergement, a cependant été inégalement répartie. L'objectif de créer 15 000 places de pensions de famille n'est pas encore atteint tandis que le nombre quotidien de nuitées d'hôtel a plus que doublé sur la période 2004-2010.

Ces données montrent que les principes de la stratégie de refondation engagée en 2009, qui visait à assurer en premier lieu l'insertion dans le logement et à ne rendre l'hébergement que résiduel, sont loin d'être appliqués. Le nombre de logements adaptés demeure insuffisant et la gestion des places d'hébergement reste encore largement gouvernée par l'urgence et la saisonnalité.

2. Une crise de l'hébergement
a) Le manque de places

L'augmentation substantielle des capacités d'hébergement et de logement adapté n'a pas suffi à répondre à la croissance des besoins. S'ils sont en hausse, les crédits alloués par l'Etat au renforcement du parc d'hébergement demeurent par conséquent sous-évalués, situation dénoncée chaque année au moment de l'examen de la loi de finances et qui se traduit par des abondements systématiques en cours d'exécution budgétaire.

Selon le baromètre du 115 publié par la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), les demandes d'hébergement ont augmenté de 43 % entre juillet 2012 et juillet 2013 . Comme le souligne le rapport précité de la Fondation Abbé Pierre, cette hausse, qui s'observe depuis plusieurs années, n'est pas concentrée sur quelques zones historiquement « tendues » telles que l'Ile-de-France ou la région Rhône-Alpes, mais s'étend à des départements qui étaient jusque-là moins concernés.

Toujours selon la Fnars, 76 % des demandes d'hébergement effectuées en juillet 2013 n'ont pas pu trouver de réponse , principalement en raison de l'absence de places disponibles.

Près de trois personnes sur quatre ayant appelé le 115 en juillet l'avaient déjà sollicité auparavant. Une sur trois l'avait fait au cours de la période hivernale, ce qui traduit certainement des remises à la rue au printemps consécutives à la fermeture de places hivernales.

Tableau n° 4 : Demandes d'hébergement adressées au 115

2012

2013

Nombre de demandes d'hébergement

Juillet

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juillet

41 649

59 469

58 069

59 919

53 810

51 174

59 414

Part des demandes ayant donné lieu à un hébergement

30 %

45 %

49 %

44 %

33 %

31 %

24 %

Source : Baromètre du 115, juillet 2013.

Entre juillet 2012 et juillet 2013, le nombre de demandes adressées par des familles a progressé de 62 %. Ces dernières représentaient plus de la moitié des demandeurs d'hébergement en juillet 2013. Elles étaient également plus durement touchées par l'absence de réponse en raison de l'inadaptation des structures. Or l'absence de logement stable est l'un des premiers facteurs de désocialisation et d'exclusion sociale. Elle influence directement la capacité des enfants à suivre une scolarité dans des conditions satisfaisantes.

Les demandeurs d'asile sont également nombreux à s'adresser au 115, soit parce que le nombre de places en centres d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) est insuffisant, soit parce que, déboutés de leur demande d'asile, ils sont contraints de se tourner vers le dispositif d'hébergement généraliste.

Le collectif des associations unies a mené au début de l'année 2012 une enquête auprès de 529 personnes hébergées dans le cadre du plan hivernal 20 ( * ) . Près de 40 % d'entre elles ne disposaient d'aucune couverture médicale . Un peu plus d'une sur quatre ne bénéficiait d'aucun suivi social et n'avait pas entamé de démarches pour accéder à un hébergement ou un logement. 44,5 % ne savaient pas qu'elles pouvaient former un recours Daho ou Dalo.

Ces données montrent que le manque de moyens destinés à l'accompagnement social des personnes sans abri les conduit à renoncer aux démarches qu'elles pourraient souhaiter entreprendre afin de faire valoir leurs droits .

b) Les actions engagées par le Gouvernement

Afin de compenser la sous-dotation chronique de l'enveloppe budgétaire consacrée à l'hébergement, un abondement de 40 millions d'euros de crédits a été décidé à l'automne 2012.

Pour mettre fin à la gestion « au thermomètre » des places d'hébergement, des projets territoriaux de sortie de l'hiver ont été réalisés par les préfets au début de l'année 2013 et ont servi de base à la réalisation de diagnostics territoriaux « à 360 degrés » dans plusieurs départements. L'objectif est d'adapter au mieux l'évolution de l'offre à l'analyse des besoins. Ces diagnostics devraient être généralisés à l'ensemble des départements d'ici la fin de l'année 2013. Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale prévoit également la création ou la pérennisation de 5 000 places d'hébergement supplémentaires au cours de l'année 2013.

La tension que connaît le secteur de l'hébergement demeure malgré tout, ce dont témoigne le nouvel abondement de 107 millions d'euros décidé au mois de septembre 2013.


* 17 CE, 10 février 2012, n° 356456.

* 18 CE, 22 avril 2013, n° 358427.

* 19 Rapport d'information n° 4 221 fait au nom du comité d'évaluation et de contrôle, « Pour un service public efficace de l'hébergement et de l'accès au logement des plus démunis », Mme Danièle Hoffman-Rispal et M. Arnaud Richard, janvier 2012.

* 20 Collectifs des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri ou mal logées, « Opération 19 000 invisibles auprès de 529 personnes hébergées ou mises temporairement à l'abri dans le cadre du dispositif hivernal 2012 », 16 février - 21 mars 2012.

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