IV. UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES POLITIQUES PARTENARIALES

Le recentrage de la PJJ sur la seule activité pénale s'est accompagné d'un véritable effort pour améliorer ses pratiques professionnelles et la qualité et le contenu de ses prises en charge. Votre rapporteur pour avis a eu à plusieurs reprises l'occasion de le souligner.

Toutefois, la PJJ ne peut pas tout, et, saisie de situations mêlant difficultés familiales, sociales, scolaires et parfois médicales ou psychologiques, elle ne peut agir efficacement qu'en unissant ses efforts à ceux d'autres acteurs.

A cet égard, les conseils généraux, désormais seuls compétents en matière de protection de l'enfance en danger, sont le premier partenaire de la PJJ.

A. LES CONSEILS GÉNÉRAUX : UN PARTENAIRE INDISPENSABLE POUR LA PJJ

Le renforcement du rôle du conseil général dans la coordination du dispositif de protection de l'enfance et le recentrage de la PJJ sur son activité pénale ont rendu nécessaire le développement de dispositifs de concertation entre ces deux acteurs. De tels dispositifs sont en effet indispensables pour tenter d'assurer la continuité des parcours des jeunes, qu'ils fassent l'objet d'une mesure judiciaire civile ou pénale.

Les partenariats anciens (dispositifs d'accueil d'urgence, participation conjointe à des commissions « parcours » ou « cas difficiles », contribution de la PJJ au volet enfance des schémas d'organisation sociale et médico-sociale) ont été renforcés par la création de nouvelles instances prévues dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance : cellules de recueil des informations préoccupantes et observatoires départementaux de la protection de l'enfance.

Par ailleurs, la PJJ associe les conseils généraux à la politique d'audit qu'elle a initiée depuis quelques années.

En revanche, des désaccords persistent sur la question des mineurs étrangers isolés.

1. Les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP)

Depuis la fin de l'année 2010, tous les départements se sont dotés d'une cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), comme les y obligeait la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

La CRIP a un rôle de centralisation et d'orientation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou en risque de danger. Toute personne qui a connaissance d'une situation d'enfants en danger ou en risque de l'être est tenue de transmettre les informations qu'elle détient à la cellule départementale. Cette dernière les évalue afin de mieux repérer les situations qui nécessitent une intervention. Enfin, elle est chargée de leur traitement, ce qui implique à la fois la protection de l'enfance contractualisée, ou, dans les cas définis par l'article L.226-4 du code de l'action sociale et des familles, la saisine de l'autorité judiciaire.

La CRIP joue ainsi un rôle de clarification des critères d'intervention de l'autorité judiciaire et d'amélioration de l'articulation entre protection administrative et protection judiciaire de l'enfance. Elle doit contribuer à l'harmonisation des critères de saisine du procureur de la République, puisqu'elle est l'interlocuteur des magistrats du parquet pour les signalements.

La PJJ participe assez largement à ces cellules puisque, d'après les informations transmises par le ministère de la Justice, elle est signataire de près de 80% des protocoles partenariaux de création et de fonctionnement de cette instance.

Outre la PJJ, l'autorité judiciaire, les préfectures et l'Éducation nationale sont les partenaires les plus représentés au sein de ces dispositifs.

2. Les observatoires départementaux de la protection de l'enfance

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a prévu que des observatoires départementaux de la protection de l'enfance seraient chargés :

- d'une part, du recueil, de l'examen et de l'analyse des données relatives à l'enfance en danger dans le département, en s'appuyant notamment sur les informations anonymisées transmises par la CRIP. Ces données, qui font également l'objet d'une transmission à l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED), permettent d'améliorer la connaissance des populations prises en charge par l'aide sociale à l'enfance ;

- d'autre part, de formuler des propositions et des avis sur la mise en oeuvre de la politique de protection de l'enfance dans le département.

Au 3 juillet 2012, environ 40 départements ont mis en place un tel observatoire.

Ce dispositif, plus souple que les CRIP, permet à la PJJ et aux conseils généraux d'analyser les besoins en matière de protection de l'enfance afin d'organiser les modalités de la prise en charge. Afin de favoriser la concertation sur ce sujet, le décret n°2011-222 du 28 février 2011 organisant la transmission d'informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance et à l'ONED prévoit que les directions territoriales de la PJJ seront destinataires des données départementales et des analyses transmises par ce dernier.

3. L'association des conseils généraux à la politique d'audit mise en oeuvre par la PJJ

La DPJJ s'est progressivement dotée d'un service d'audit à partir de 2008. Au 31 décembre 2011, une centaine de personnels ont été formés et 68 sont actuellement en fonction.

Organisées au niveau interrégional, les équipes d'audit interviennent dans l'ensemble des établissements et services relevant tant du secteur public que du secteur associatif habilité. L'objectif est de les auditer une fois tous les cinq ans. Cela représente une amélioration notable dans la mesure où, jusqu'alors, ces mêmes établissements et services étaient en moyenne contrôlés tous les trente ans.

Depuis l'initiation de cette démarche, 550 audits ont été réalisés (à la date du 31 décembre 2011) (voir supra ).

76 d'entre eux ont été conduits conjointement avec les conseils généraux , sur la base de conventions conclues entre ces derniers et la PJJ. Au 1 er juin 2012, 51 conventions de ce type avaient été signées, et 12 étaient en préparation.

Par ailleurs, 27 personnels des conseils généraux ont participé à la formation des auditeurs dispensée par l'ENPJJ, ce qui favorise les liens entre équipes et unifie les méthodes de travail.

Cette année, sept nouvelles demandes de formation émanant des conseils généraux ont été retenues pour la session de formation débutant en septembre 2012.

4. Des désaccords persistants sur la question de la prise en charge des mineurs étrangers isolés

Le rapport établi par notre collègue Isabelle Debré en mai 2010 à la demande du Premier ministre évalue le nombre de mineurs étrangers isolés présents sur le territoire national entre 4 000 et 8 000 (4 000 mineurs isolés bénéficiant d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance selon l'Assemblée des Départements de France).

Si les pays d'origine sont très variés, le croisement des données, notamment des conseils généraux, montre que ces mineurs viennent majoritairement du Mali, d'Afghanistan, d'Inde, de Chine, des territoires palestiniens, du Congo, de la République démocratique du Congo, d'Angola, du Pakistan et du Maroc.

Selon les années et les départements, les nationalités sont plus ou moins représentées : la Seine-Saint-Denis recense peu d'Afghans, contrairement au Pas-de-Calais et à Paris. La présence d'enfants Roms est spécifique à Paris.

Aux termes de l'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles, la prise en charge des mineurs étrangers isolés relève de la compétence des services d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux.

Ce point fait débat. Comme l'écrit notre collègue Isabelle Debré dans son rapport précité, « globalement, la gestion du phénomène migratoire des mineurs isolés est perçue comme une charge par les départements concernés, dont les exécutifs ont le sentiment qu'elle leur incombe par défaut. En d'autres termes, ceux-ci considèrent que l'État devrait exercer son rôle de chef de file dans le dispositif d'accueil des mineurs isolés étrangers, le contrôle des flux migratoires relevant de sa compétence régalienne, et que c'est en raison de la carence étatique qu'une réponse a dû être organisée localement. Les élus départementaux considèrent en outre que leur compétence générale en matière de protection de l'enfance ne saurait être mise en avant par l'État pour justifier sa propre absence de réponse à un phénomène qu'ils disent subir largement.

« Le Pas-de-Calais, le Nord, Paris et la Seine-Saint-Denis sont les départements les plus affectés par l'afflux des mineurs isolés étrangers [...].

« L'acrimonie des élus est d'autant plus vive qu'ils ont le sentiment de financer, au titre de la fiscalité locale pesant sur leurs seuls administrés, une politique d'accueil généreuse qui justifierait une solidarité nationale ou, à tout le moins, interdépartementale » 16 ( * ) .

A la suite de ce rapport, le précédent Gouvernement a décidé, le 30 décembre 2010, de confier au ministère de la Justice une mission de coordination de l'ensemble des acteurs, afin d'améliorer l'accueil et la prise en charge de ces mineurs. En raison de son savoir-faire et de sa présence sur l'ensemble du territoire, la DPJJ s'est vu attribuer cette nouvelle mission, et a mis en place en janvier 2011 une direction de projet pour assurer celle-ci.

Cette dernière a entrepris de mettre en place une concertation avec l'ensemble des ministères concernés par la question des mineurs étrangers isolés (droit au séjour, prise en charge, santé, insertion). Au niveau territorial, elle a incité, sous l'égide des préfets et à l'initiative des directeurs territoriaux de la PJJ, à la mise en place de plateformes territoriales de coordination.

Dans le Nord, où votre rapporteur s'est rendu au mois d'octobre 2012, le conseil général a par exemple mis en place une plateforme d'accueil de 24 places destinées à accueillir ces mineurs. De son côté, la PJJ prend en charge le financement de mesures d'investigation sur deux mois portant à la fois sur la personnalité et le parcours de ces derniers.

Du fait d'une répartition très inégale de ces jeunes au moment de leur arrivée sur le territoire français, plusieurs départements sont confrontés à la question de leur accueil dans des proportions qu'ils ne sont plus en mesure d'assumer, tant sur le plan financier comme sur celui des capacités d'accueil.

En septembre 2011, afin de faire face à une situation d'urgence en Seine Saint-Denis , le ministère de la Justice a mis en place un dispositif ayant vocation à rééquilibrer la charge financière supportée par ce département . Celui-ci a visé à réorienter vers d'autres conseils généraux les jeunes arrivant en Seine Saint-Denis et identifiés comme mineurs isolés étrangers, leur prise en charge relevant alors du département d'arrivée. L'acheminement des jeunes sur leur lieu de placement définitif est assuré par la Croix-Rouge, sur la base d'une convention conclue avec le ministère de la Justice pour un montant de 180 000 euros. La ministre de la Justice a décidé la prorogation de cette convention, qui devait arriver à son terme en juin 2012, jusqu'au 31 décembre 2012, ce qui correspond à une charge supplémentaire de 60 000 euros. Dans l'attente d'une solution pérenne, une charge non budgétée de 240 000 euros en année pleine pèse donc sur la PJJ . A ce coût s'ajoute une somme de 500 000 euros au titre de la contribution de la PJJ au dispositif d'évaluation.

Des recours ont été formés par certains des départements concernés par ce dispositif contre les décisions de placement des juges des enfants. Après examen de ces recours, deux cours d'appel (Paris et Versailles) ont validé les dispositions prises par l'État. Les juridictions administratives, également saisies par ailleurs, ne se sont pas encore prononcées.

Un certain nombre de départements qui accueillent un très grand nombre de ces mineurs demandent l'intervention de l'État qu'ils estiment compétent, a minima , pendant la phase de « mise à l'abri » et d'évaluation. Certains départements sollicitent par ailleurs la mise en place d'un dispositif de péréquation qui permettrait de répartir la charge des jeunes mineurs isolés étrangers, tant en termes d'accueil physique que sur le plan financier.


* 16 Rapport de Mme Isabelle Debré, sénateur des Hauts-de-Seine, parlementaire en mission auprès du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, mai 2010, page 47.

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