3. Une nouvelle mission : l'instruction des réclamations formées par les justiciables contre les magistrats

La saisine directe par les justiciables du Conseil supérieur de la magistrature a constitué, pour cette institution, l'une des innovations majeures de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elle est pour la première fois rentrée en application cette année, avec l'installation du nouveau CSM.


La saisine directe par le justiciable du Conseil supérieur de la magistrature

L'enjeu de cette réforme réside dans la recherche d'un juste équilibre entre un surcroît de transparence et la nécessité d'éviter que ce nouveau dispositif ne devienne un facteur de déstabilisation de l'action des magistrats.

C'est dans ces conditions qu'un système de filtrage a été institué. Des commissions d'admission des requêtes ont été instituées, compétentes respectivement pour les magistrats du siège et pour les magistrats du parquet, composées de deux magistrats et de deux personnalités non-magistrats désignés, chaque année, par le président de la formation. Pour des raisons d'impartialité, ces membres ne peuvent participer à la formation siégeant en matière disciplinaire, dès lors qu'elle est saisie.

La réclamation présentée par le justiciable n'est pas susceptible de remettre en cause la décision rendue. La saisine du Conseil est limitée au cas où une faute disciplinaire est susceptible d'avoir été commise par le magistrat, dans l'exercice de ses fonctions, et, à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant.

La plainte ne peut être dirigée contre le magistrat du siège ou du parquet qui demeure saisi ou en charge de la procédure et ne peut être présentée après l'expiration d'un délai d'un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure. Elle doit contenir l'indication détaillée des faits et griefs allégués et doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse ainsi que les éléments permettant d'identifier la procédure en cause.

Si la plainte est jugée recevable, la saisine du Conseil supérieur ne constitue pas une cause de récusation du magistrat. Le président de la commission d'admission des requêtes peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables.

Si la plainte n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, la commission d'admission des requêtes sollicite du chef de cour ou de juridiction dont dépend le magistrat mis en cause ses observations ainsi que tous éléments d'information utiles. La commission d'admission peut entendre le magistrat ainsi que le justiciable qui a introduit la demande. La commission ne dispose pas d'autre pouvoir d'enquête, comme celui d'entendre des témoins.

• L'organisation du traitement des saisines par le CSM

Conformément à la loi organique, des commissions d'admission des requêtes ont été instituées. L'organisation administrative a cependant été adaptée pour tenir compte des enseignements tirés au vu des premières saisines.

Ainsi, eu égard au nombre plus important de plaintes concernant le siège, deux commissions d'admission des requêtes ont été instituées pour les magistrats du siège, l'une présidée par un magistrat, l'autre par l'avocat membre du CSM, et une pour les magistrats du parquet.

Un traitement efficace de ces plaintes a nécessité un renforcement sensible du secrétariat général. En effet, dès qu'une plainte est adressée au Conseil supérieur de la magistrature, elle est examinée par le secrétaire général ou son adjoint, en vue d'être enregistrée avant orientation vers le président de la commission d'admission des requêtes concernée.

Un des magistrats du secrétariat général examine l'ensemble des courriers reçus afin d'identifier ceux qui constituent des plaintes.

Un accusé de réception est envoyé au justiciable. En outre, la pratique montre qu'une part non négligeable de l'activité porte sur l'accueil téléphonique des justiciables qui souhaitent connaître le sort donné à leur réclamation.

L'organisation administrative est placée sous l'autorité directe d'un des magistrats du secrétariat général, ce qui a motivé au demeurant que soit prévu budgétairement, pour 2012, la nomination d'un deuxième secrétaire général adjoint. Elle se déclinera, une fois l'ensemble des postes pourvus, de la manière suivante :

- un greffier en chef, qui dispose au demeurant d'autres compétences au sein du Conseil ;

- un greffier (nommé au CSM à compter du 1 er novembre 2011) qui aura la charge directe de l'enregistrement et de la gestion administrative des plaintes ;

- un fonctionnaire de catégorie C, assistant le greffier dans l'accomplissement de ses tâches.

Enfin, un programme spécifique a été lancé afin d'assurer un traitement dématérialisé de ces plaintes : les acquisitions requises ont été ou doivent prochainement être réalisées pour que les plaintes soient scannées et traitées directement par les membres du Conseil sur leurs postes informatiques.

• Des saisines nombreuses, dont beaucoup ont été rejetées car irrecevables ou manifestement infondées

Selon les chiffres fournis à votre rapporteur par M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation et responsable du programme 335, du 27 janvier 2011 au 27 octobre dernier, le CSM a été directement saisi par les justiciables de 355 plaintes dirigées contre un ou plusieurs magistrats.

Sur ces 355 plaintes, 268 concernaient des magistrats du siège, 51 des magistrats du parquet et 51, à la fois, des magistrats du siège et du parquet.

Au 9 septembre 2011, 151 plaintes avaient été traitées par le CSM dont :

- 119 concernaient des magistrats du siège. 79 % de ces plaintes ont été déclarées irrecevables, soit qu'elles interviennent hors délai, soit qu'elles correspondent en réalité à la contestation d'une décision de justice. Les 21 % restant ont été déclarées manifestement infondées ;

- 32 concernaient des magistrats du parquet. 81 % ont été rejetées parce qu'elles ont été jugées irrecevable et 19 % manifestement infondées.

Ce fort taux de rejet ne doit pas être mal interprété : les plaintes le plus manifestement irrecevables ou infondées sont, par nature, celles qui ont pu donner lieu à des délais d'instruction courts et aboutir à une décision rapide.

Avant de tirer toute conclusion, il est nécessaire d'attendre la fin du premier exercice ouvert cette année.

En outre, la procédure est nouvelle, les justiciables et leur conseil juridique n'en sont pas encore familiers, ce qui peut expliquer certaines erreurs d'orientation. Si, cependant, une telle situation de rejet quasi systématique se confirmait, il conviendrait au minimum d'engager des efforts d'information plus importants pour faire comprendre aux justiciables le sens et les limites de la nouvelle faculté qui leur a été ouverte.

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