B. L'AIGUILLON NÉCESSAIRE DU CONTRÔLE

• Le contrôle juridictionnel

L'amélioration des conditions de détention doit beaucoup au contrôle juridictionnel exercé par les juridictions administratives ou, au niveau européen, par la Cour européenne des droits de l'Homme.

La mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison des conditions de détention a connu une forte augmentation depuis l'année 2008. Les condamnations prononcées par les juridictions administratives soit dans le cadre d'instances de fond, soit dans le cadre d'instances de référé, ont représenté en 2010 un montant de 143.950 euros contre une somme totale de 47.000 euros sur la période 2007-2009.

A titre d'exemple, en novembre 2010, le tribunal administratif de Toulon a reconnu la responsabilité de l'Etat en le condamnant à 10.000 euros dans une affaire de viol d'un détenu par un codétenu en 2008 à la prison toulousaine de La Farlède. L'administration avait été reconnue fautive pour avoir placé la victime avec un autre détenu dont la dangerosité pour viol était connue.

Par ailleurs, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en mai dernier pour traitements dégradants en violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme 26 ( * ) . En l'espèce la personne détenue avait subi des examens médicaux en étant menottée et sous la surveillance d'agents d'escorte -policiers ou personnels pénitentiaires-. La Cour a estimé que ces mesures « ont pu causer un sentiment d'arbitraire, d'infériorité et d'angoisse caractérisant un degré d'humiliation dépassant celui que comportent inévitablement les examens médicaux des détenus ». Elle a conclu que « les mesures de sécurité imposées (...) lors des examens médicaux combinées avec la présence du personnel pénitentiaire s'analysent en un traitement dépassant le seuil de gravité toléré par l'article 3 et constituent un traitement dégradant ».

• Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

L'activité du Contrôleur général revêt deux formes principales :

- les réponses aux saisines dont il est l'objet -en vertu de l'article 6 de la loi du 30 octobre 2007, toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du Contrôleur général des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence ; le Contrôleur général peut être saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les parlementaires ainsi que par différentes autorités administratives indépendantes ; il peut enfin se saisir de sa propre initiative. Au 1 er juillet 2011, 996 saisines sur des situations individuelles avaient été transmises au garde des sceaux (contre 485 au 1 er août 2010).

- les visites . Au 1 er juillet 2011, le Contrôleur général avait effectué 119 contrôles en établissement pénitentiaire (75 en 2010). Ces contrôles ont donné lieu à 60 rapports de visite. Les observations formulées par le Contrôleur général portent principalement sur l'amélioration des conditions de détention et les travaux à réaliser dans ce cadre. Elles concernent aussi en ordre décroissant le manque d'activités rémunérées, le maintien des liens familiaux, les difficultés d'accès aux soins, les conditions d'utilisation des moyens de contrainte.

Selon les informations communiquées par le ministre de la justice à votre rapporteur, l'administration pénitentiaire s'est attachée à « répondre précisément et promptement aux observations du Contrôleur général et à suivre avec attention leur mise en oeuvre et les engagements pris par le Garde des Sceaux ».

Au 31 décembre 2010, sur les 519 observations contenues dans les 51 rapports remis au 31 décembre 2009, 345 sont d'ores et déjà effectives et 93 le seront prochainement, soit au total 80 % de ces observations.

En outre, les inspecteurs territoriaux de l'inspection des services pénitentiaires ont été chargés de vérifier in situ leur réalisation effective, à l'occasion de chaque inspection portant sur les établissements pénitentiaires concernés. Ces rapports de contre-visite sont transmis au Contrôleur général.

A la suite de la recommandation relative à la préservation des effets des personnes détenues, l'administration pénitentiaire a rappelé (note du 22 décembre 2010) aux directions interrégionales la nécessité de veiller particulièrement au respect des procédures de prise en compte des affaires personnelles à toutes les étapes de la vie en détention -écrou, fouille des cellules, changement de cellules et transfert.

Dans un avis en date du 20 juin 2011 sur l'accès à l'informatique des personnes détenues, le Contrôleur général s'interroge sur la légalité des dispositions de l'article D. 449-1 du code de procédure pénale qui prévoit que le matériel informatique peut, dans certains cas, indépendamment de toute procédure disciplinaire, être confisqué par l'administration pénitentiaire.

Il distingue l'utilisation de ces équipements en cellule et dans les locaux collectifs. En cellule, aucun matériel ne doit permettre de communiquer directement, par voie filaire ou par tout autre moyen, avec un tiers. En revanche, les personnes détenues « doivent pouvoir bénéficier en cellule d'une part d'ordinateurs correspondant à leurs besoins, d'autre part des capacités de stockage de données qu'elles estiment utiles », enfin du programme informatique (logiciels) sous réserve des exigences liées à la réinsertion, au bon ordre de l'établissement, aux intérêts des victimes.

Dans les locaux partagés, en présence d'un personnel de l'administration ou d'un tiers (enseignant, formateur...), les matériels et les données permettant la communication « doivent être admis et même encouragés ».

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a indiqué à votre rapporteur que ses avis étaient davantage suivis au niveau local que sur le plan national.


* 26 Cour européenne des droits de l'homme, affaire Duval c. France, 26 mai 2011.

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