B. UNE DIVERSITÉ DES MODES DE PRISE EN CHARGE ADAPTÉE AU RECENTRAGE DE LA PJJ SUR LES MINEURS DÉLINQUANTS

1. Un traitement de la délinquance des mineurs qui évolue
a) La délinquance des mineurs : quelques données chiffrées

Selon les informations transmises par la DPJJ, entre 2002 et 2009, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a crû de 19%, passant de 180 382 en 2002 à 214 612 en 2009. Cette évolution est moins forte que celle constatée chez les majeurs (+32% de mis en cause sur la même période).

Votre rapporteur pour avis attire l'attention sur le fait que ces données peuvent traduire à la fois une augmentation réelle de la délinquance et/ou une plus grande efficacité des services de police et de gendarmerie : il est donc nécessaire de les interpréter avec précaution.

En 2009, la délinquance des mineurs diffère de celle des majeurs par sa composition :

- plus de 40% des mineurs sont mis en cause pour vol, contre 20% pour les majeurs ;

- les mineurs sont moins concernés que les majeurs par les stupéfiants (11% de leurs mises en cause, contre 16% pour les majeurs). Ils sont en revanche plus présents en matière de destructions et de dégradations de biens (13% du total de leurs mises en cause, contre 5% pour les majeurs) ;

- les faits de violence représentent une part croissance de la délinquance des mineurs, passant de 16% à 22% des mises en cause entre 2002 et 2009.

Peu de ces mineurs « récidivent » 9 ( * ) : d'après les évaluations réalisées par la DPJJ, sept mineurs sur dix ne font pas l'objet de nouvelles poursuites ou d'une mesure alternative aux poursuites dans l'année suivant la fin de leur prise en charge.

Plus de trois délinquants mineurs sur quatre sont âgés de 16 ans et plus. 20% ont entre 13 et 16 ans. Les délinquants mineurs de moins de treize ans sont rares : 2% environ. Enfin, près de neuf délinquants sur dix sont des garçons.

b) Une réponse judiciaire qui a évolué

Sur la période 2002-2009, la réponse judiciaire à la délinquance des mineurs a fortement progressé en nombre et a évolué dans ses modalités.

Au niveau des parquets, les affaires traitées impliquant des mineurs ont progressé de 13% sur cette période (de 162 000 à 183 000 affaires), soit à un rythme un peu moins rapide que les mises en cause par les services de police et de gendarmerie (+19%). Les infractions non poursuivables 10 ( * ) augmentent de 36%. Les 150 000 affaires poursuivables mettant en cause des mineurs ont représenté 10% de l'ensemble des affaires poursuivables traitées par les parquets en 2009, ce qui représente une part assez stable sur les années récentes.

L'évolution de l'activité des parquets dans le traitement de la délinquance des mineurs se traduit par deux éléments majeurs :

- d'une part, une forte diminution (-64%) , sur la période 2002-2009, de l'abandon des poursuites pour inopportunité estimée par le parquet (« classements secs »), aboutissant à un taux de réponse pénale de 92,9% en 2009 ;

- d'autre part, un fort accroissement (+62%) , sur cette même période, des procédures alternatives aux poursuites , qui offrent une réponse rapide et aisément compréhensible par le mineur dans les affaires les moins graves. Dans deux tiers des cas, le parquet recourt à un rappel à la loi . Les mesures de réparation ne représentent qu'une part encore modeste de ces alternatives (environ 12%), mais elles sont en forte augmentation (+78%) par rapport à 2002. En 2009, 53,7% des affaires poursuivables mettant en cause des mineurs ont été classées après réussite d'une procédure alternative aux poursuites.

77.731 mineurs délinquants ont été poursuivis devant la juridiction pour enfants en 2009. Sur la période 2002-2009, le nombre de décisions rendues par les juridictions pour mineurs a diminué de 8%. Le nombre de mesures éducatives demeure stable, tandis que le nombre de peines prononcées diminue de 19%. Près de 2.000 sanctions éducatives sont désormais prononcées chaque année.

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009e

Évolution

2002/2009

Décisions rejetant la poursuite

8 441

8 352

9 615

8 420

8 648

9 408

9 202

8 912

6%

Mesures et sanctions définitives

77 068

74 139

76 516

74 113

74 885

76 046

74 864

70 908

-8%

- Mesures éducatives

43 577

42 219

44 151

43 719

45 465

45 676

44 453

43 635

0%

Admonestations, remises à parent,
dispenses de mesure ou de peine

35 678

33 256

33 770

32 689

33 556

33 297

31 182

29 649

-17%

Liberté surveillée, protection judiciaire,
placement, réparation

7 899

8 632

9 623

9 704

10 271

10 513

11 091

12 023

52%

- Sanctions éducatives

0

331

758

1 326

1 638

1 866

2 180

1 963

- Peines

33 491

31 920

32 365

30 394

29 420

30 370

30 411

27 273

-19%

TIG, sursis TIG, stage de citoyenneté, suivi socio judiciaire

3 053

3 568

3 828

4 049

4 500

4 670

4 826

4 721

55%

Amende ferme ou avec sursis

6 760

6 226

6 703

5 444

4 829

5 060

5 244

4 639

-31%

Emprisonnement avec sursis simple

10 244

9 965

9 836

9 477

9 374

9 401

9 516

8 509

-17%

Emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve

4 959

5 118

5 368

5 195

4 891

5 080

5 095

4 340

-12%

Emprisonnement avec au moins une partie ferme

8 475

7 043

6 630

6 229

5 826

6 159

5 730

5 064

-40%

Source : DPJJ

En 2009, près de 96.000 mineurs délinquants ont été suivis par les services publics et associatifs habilités de la DPJJ, ce qui correspond à une augmentation du nombre de prises en charge de 40% depuis 2002 . Les mesures de placement ont presque doublé (+96%), tandis que les mesures de milieu ouvert ont progressé de 50% et les mesures d'investigation de 33%.

Le ministère de la Justice dispose désormais de statistiques relatives au délai moyen s'écoulant entre la saisine de la juridiction pour enfants et le prononcé du jugement : en 2009, cette durée s'établit à 9,4 mois s'agissant des décisions rendues en audience de cabinet, et de 4,8 mois s'agissant des jugements rendus par le tribunal pour enfants.

De façon plus globale, 16,6 mois séparent en moyenne la commission des faits de la date de condamnation définitive par le juge ou le tribunal pour enfants. En matière criminelle, cinq ans séparent en moyenne les faits d'une condamnation par une cour d'assises des mineurs 11 ( * ) .

Votre commission regrette que de tels délais contribuent à priver la condamnation d'une partie de sa signification, dès lors qu'elle intervient trop longtemps après les faits.

2. Une diversité des modes de prise en charge

La PJJ organise ou supervise trois modes de prise en charge différents :

- d'une part, les mesures d'investigation ont pour but de permettre aux magistrats, avec un degré d'approfondissement graduel, de mieux cerner la personnalité, le parcours et l'environnement des mineurs qui leur sont présentés et ainsi de prendre leurs décisions dans les meilleures conditions d'information possibles ;

- d'autre part, les mesures de milieu ouvert ordonnées par les parquets ou les juridictions pour enfants permettent de prendre en charge le mineur tout en le maintenant dans son milieu de vie habituel (mesures d'activité de jour, réparation pénale, travaux d'intérêt général, etc.) ;

- enfin, le mineur peut faire l'objet d'une mesure de placement dans un établissement plus ou moins spécialisé dans l'accueil d'un public délinquant. Le placement permet d'éloigner le mineur de son lieu de vie habituel et d'assurer une prise en charge plus intensive. La PJJ intervient également en établissement pénitentiaire pour mineurs ainsi que dans les quartiers mineurs des établissements pénitentiaires, placés sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire.

Cette diversité des modes de prise en charge offre à la PJJ les outils nécessaires pour adapter la réponse des pouvoirs publics à la spécificité du parcours du mineur.

Pour mener à bien ces missions, elle dispose de deux réseaux de services :

- le secteur public Etat , constitué, au 1 er juillet 2010, de 295 établissements et services ;

- le secteur associatif , constitué à la même date de 1330 établissements et services habilités et contrôlés par le ministère de la Justice.

En dépit de leur grande diversité, il est possible de regrouper ces services en quatre catégories :

1) Les établissements de placement spécialisés dans l'accueil des mineurs délinquants :

- 41 centres éducatifs fermés (CEF), dont 32 du secteur associatif habilité, peuvent accueillir une douzaine de mineurs de 13 à 18 ans délinquants, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'une libération conditionnelle ou d'un placement extérieur. Alternatif à l'incarcération, le placement en CEF s'accompagne d'un projet éducatif intensif (voir encadré infra ) ;

- 97 établissements de placement éducatif (EPE), dont 3 centres spécialisés de placement immédiat (CPI) relevant du secteur associatif habilité. Ils comportent plusieurs unités éducatives :

* les unités éducatives d'hébergement collectif (UEHC), disposant de 12 places, assurent dans un cadre collectif les missions d'accueil, d'éducation et de surveillance de mineurs retirés temporairement de leur milieu de vie habituel. Les éducateurs doivent structurer leur action par la mise en place d'activités de jour dans le cadre du dispositif « accueil - accompagnement », notamment pour les jeunes « décrocheurs » des dispositifs scolaires et de formation professionnelle de droit commun ;

* les unités éducatives d'hébergement diversifié (UEHD) proposent des formules individualisées de placement pour les mineurs en famille d'accueil ou en résidence sociale ;

* les unités éducatives d'activité de jour (UEAJ) organisent un ensemble structuré d'actions ayant pour objectif le développement personnel, l'intégration sociale et l'insertion professionnelle des mineurs ;

* enfin, les unités éducatives de centre éducatif renforcé (UECER) proposent des programmes adaptés de trois à six mois autour d'un projet avec un encadrement éducatif permanent.

- 57 centres éducatifs renforcés (CER) gérés par des associations exercent les mêmes fonctions que les UECER du secteur public.

Ces centres éducatifs renforcés ont vocation à prendre en charge des mineurs délinquants multiréitérants en grande difficulté ou en voie de marginalisation ayant souvent derrière eux un passé institutionnel déjà lourd. Ils se caractérisent par des programmes d'activités intensifs pendant des sessions de trois à six mois (selon les projets) et un encadrement éducatif permanent, qui visent à créer une rupture dans les conditions de vie du mineur et à préparer les conditions de sa réinsertion. A l'heure actuelle, la capacité du dispositif est de 414 places. En 2009, 1.189 mineurs ont suivi un programme d'activité intensive dans un CER.

2) Les établissements du secteur associatif non spécialisés (et qui sont de ce fait pour la plupart habilités conjointement avec les conseils généraux au titre de la protection de l'enfance en danger) peuvent accueillir des mineurs délinquants :

- 309 foyers ;

- 224 maisons d'enfants à caractère social (MECS) ;

- 46 centres d'hébergement diversifié (CHD) et 48 centres de placement familial et socio-éducatif (CPFSE) ;

- 82 centres scolaires et professionnels (CSP), qui assurent en internat l'accueil des adolescents et dispensent une formation scolaire ou professionnelle ;

- 101 lieux de vie (LVA), qui sont des petites structures d'hébergement (trois à sept places) dirigées par des personnes ayant une activité professionnelle, sociale ou autre, et dont les jeunes accueillis partagent le quotidien et l'espace de vie, leur profession pouvant également servir de base à des activités (exploitation agricole, centre équestre, etc.) ;

- 7 foyers de jeunes travailleurs (FJT).

3) Les services de milieu ouvert, d'insertion et d'investigation :

- 350 services territoriaux éducatifs de milieu ouvert (STEMO), qui assurent notamment l'exercice d'une permanence éducative auprès des tribunaux, l'exécution des mesures d'investigation ordonnées par l'autorité judiciaire, la mise en oeuvre des décisions pénales et civiles autres que les mesures de placement et l'intervention éducative dans les quartiers spéciaux pour mineurs des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, les professionnels de ces services doivent structurer leur action par la mise en place d'activités de jour dans le cadre du dispositif « accueil - accompagnement » (voir supra ). Enfin, les STEMO assurent la coordination de la participation de la PJJ aux politiques publiques territoriales de protection de l'enfance et de prévention de la délinquance ;

- 98 services d'investigation et d'orientation éducative du secteur associatif habilité ;

- 88 services d'enquêtes sociales du secteur associatif habilité ;

- 48 services de réparation pénale du secteur associatif habilité ;

- 5 services éducatifs auprès du tribunal (SEAT) du secteur public, qui assurent la permanence éducative auprès des tribunaux les plus importants ;

- 27 services territoriaux éducatifs d'insertion, dont 16 relèvent du secteur public et 11 du secteur associatif habilité. Les STEI regroupent plusieurs unités éducatives d'activité de jour (UEAJ) qui assurent l'exécution de la mesure d'activité de jour créée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance pour les mineurs qui, après la prise en charge en « accueil - accompagnement » dans les UEHC et UEMO, ne peuvent pas encore être inscrits dans les dispositifs de droit commun. Ces services interviennent également auprès de jeunes ne faisant pas l'objet d'une mesure judiciaire, dans le cadre de partenariats avec la prévention spécialisée ou les missions locales.

4) Les services éducatifs au sein des établissements pénitentiaires pour mineurs (SE-EPM) :

Les professionnels des SE-EPM élaborent, pour chaque jeune détenu, un projet et des emplois du temps individualisés. Ils mettent en place des activités socio-éducatives en travaillant de manière pluridisciplinaire avec les partenaires (administration pénitentiaire, Éducation nationale, services de santé).


* 9 Au sens strict, la récidive désigne le fait, pour une personne déjà condamnée définitivement pour une infraction, de commettre cette même infraction ou une infraction assimilée dans un certain délai.

* 10 C'est-à-dire mal caractérisées ou se traduisant par la mise hors de cause du mineur interpellé.

* 11 Voir à ce sujet le rapport n° 619 (2009-2010), fait au nom de la commission des lois, de notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx sur la proposition de loi relative au régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs.

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