D. L'AUGMENTATION DES FRAIS DE JUSTICE ET LA GESTION DE LA PÉNURIE PAR LES JURIDICTIONS

1. La reprise confirmée de l'augmentation des frais de justice

Les résultats spectaculaires obtenus en matière de maîtrise des frais de justice en 2006 ont constitué une heureuse surprise de la LOLF. En effet, le passage de crédits évaluatifs à des crédits limitatifs a permis, dans un premier temps, de contenir la progression des frais de justice qui avaient connu une explosion au cours des années précédentes.

Cette maîtrise a été le résultat de deux facteurs principaux. D'une part, les magistrats, sans perdre leur liberté de prescription, ont été sensibilisés à l'impact budgétaire des différentes opérations qu'ils peuvent demander dans le cadre d'une procédure (expertises, analyses, écoutes téléphoniques...).

D'autre part, le ministère de la justice s'est efforcé de négocier les tarifs des différentes tâches correspondant aux frais de justice, afin de réduire le coût unitaire de chaque opération, en recourant à la mutualisation et aux appels à la concurrence.

Toutefois, l'évolution des frais de justice semble être repartie à la hausse en 2009, même si le volume total reste inférieur aux 487 millions d'euros atteints en 2005.

Evolution des dépenses de frais de justice depuis 2005

En euros

2005

2006*

2007

2008

2009

Frais de justice pénale

376 730 003

262 368 022

260 704 830

269 463 595

293 404 331

Frais de justice civile
et prud'homale

60 550 124

22 988 085

22 980 767

24 031 250

23 086 178

Frais de justice commerciale

37 472 377

23 234 210

25 283 192

30 290 149

35 990 000

Autres frais de justice

12 618 837

70 831 855

79 652 042

77 946 516

80 065 069

Total frais de justice

487 371 341

379 422 139

388 620 831

401 731 510

432 545 578

Source : ministère de la justice et des libertés
* La modification de la nomenclature budgétaire au 1er janvier 2006 rend délicate certaines comparaisons. La modification majeure concerne le transfert de l'ensemble des frais postaux dans l'action "soutien". La ligne "Autres frais de justice" correspond aux frais relevant des actions « soutien », « cassation » et « enregistrement des décisions judiciaires ».

2. L'augmentation des frais de justice pénale

De 2003 à 2005, la dépense de frais de justice a connu une progression de 42,7 %.

Après avoir diminué en 2006 de 22,1 %, les dépenses de frais de justice sont à nouveau en progression depuis 2007. Celles-ci ont augmenté de 2,4 % en 2007 (388,6 millions d'euros), de 3,4 % en 2008 (401,7 millions d'euros) et de 7,7 % en 2009 (432,5 millions d'euros). Cette tendance affecte principalement des postes liés à l'action pénale et à la sous-action commerciale.

? Les frais de justice pénale

Les frais de justice pénale demeurent la composante essentielle des frais de justice (68 % de la dépense totale), même si leur part a diminué sur la période 2005-2009 (- 22,1 %).

Leur montant est passé de 269,5 millions d'euros en 2008 à 293,4 millions d'euros en 2009. Si cette dépense a connu globalement une progression de 8,8 %, certains postes liés à l'action pénale tendent toutefois à se stabiliser.

Evolution des principaux postes de dépense de frais de justice en matière pénale (2005 / 2009)

Nature de dépenses

2005

2006

2007

2008

2009

Evolution 2005/2009

Evolution 2008/2009

Frais médicaux

70 300 768

61 437 081

65 009 964

72 316 996

75 142 389

6,9%

3,9%

Analyses génétiques

23 877 053

20 496 279

16 786 642

17 532 396

20 885 824

-12,5 %

19,1%

Traduction interprétariat

14 994 863

13 207 273

14 214 382

15 124 014

24 490 277

63,3%

61,9%

Huissiers

14 520 557

14 345 983

14 517 961

15 065 323

15 276 766

5,2%

1,4%

Réquisitions opérateurs (hors location matériel)

69 084 726

38 280 064

34 606 456

33 257 430

32 969 588

-52,3%

-0,9%

Enquêtes sociales rapides, de personnalité, contrôle judiciaire

20 278 123

19 818 320

20 992 261

22 572 027

22 673 132

11,8%

0,4%

Frais en matière de scellés

26 923 087

18 311 214

17 117 247

15 209 950

15 224 404

-43,5%

0,1%

Les frais médicaux constituent le premier poste de dépense de frais de justice. La dépense a progressé de 3,9 % entre 2008 (72,3 millions d'euros) et 2009 (75,1 millions d'euros).

Ces frais correspondent principalement aux examens effectués au cours de l'enquête (examens de garde à vue, examens des victimes avec fixation de l'ITT, autopsies), aux examens psychiatriques, médico-psychologiques et psychologiques ainsi qu'aux examens toxicologiques, biologiques et radiologiques.

Si ces frais ont eu tendance à diminuer entre 2005 et 2006, ils ont à nouveau progressé depuis 2007. L'augmentation de la dépense, qui est due pour partie à l'accroissement de l'activité pénale, s'explique également par les réformes suivantes :

- les revalorisations successives (1 er août 2006 et 1 er juillet 2007) de la lettre C, qui détermine le tarif de certaines prestations en matière de frais de justice (examen médical de garde à vue, examen médical des victimes ...) ;

- la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, qui développe le recours à l'expertise psychiatrique, que ce soit en début ou en fin de placement ;

- le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008, qui revalorise les honoraires des experts psychiatres et prévoit l'application d'un tarif majoré pour les expertises des victimes d'infractions sexuelles.

L'augmentation de la dépense s'explique enfin par les mesures en matière de sécurité routière, destinées à favoriser le dépistage de stupéfiants, notamment par l'utilisation des tests salivaires 8 ( * ) .

? Frais d'analyses génétiques

La dépense pour les analyses génétiques a progressé de 19,1 % entre 2008 (17,5 millions d'euros) et 2009 (20,8 millions d'euros).

Elle concerne les frais d'analyses génétiques effectuées à partir de prélèvements sur individus ou à partir de traces biologiques, hors frais d'analyses génétiques liés aux marchés publics passés dans ce domaine, qui relèvent de l'action soutien. Son augmentation significative correspond principalement au développement des analyses génétiques « traces », ces analyses demeurant particulièrement coûteuses en matière criminelle.

La loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a étendu le périmètre des infractions conduisant à une inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Elle a eu un fort impact sur les frais de justice en développant le recours aux analyses génétiques, réalisées à partir de prélèvements sur individus ou à partir de traces biologiques. Ces analyses sont désormais prescrites tant dans le domaine de la grande criminalité que dans celui de la délinquance de masse, sachant qu'elles demeurent particulièrement coûteuses en matière criminelle.

Ainsi, la dépense pour les analyses génétiques a progressé de 23,8 % entre 2007 (16,8 millions d'euros) et 2009 (20,8 millions d'euros).

Afin de maîtriser la dépense générée par cette réforme, la direction des services judiciaires a passé, depuis 2005, quatre marchés publics en matière d'analyses génétiques à partir de prélèvements sur individus, et, en 2009, un marché d'analyses génétiques à partir de traces biologiques, aux fins d'alimentation du FNAEG.

Ces mises en concurrence ont permis d'obtenir une réduction significative du coût unitaire de l'analyse. Cependant, la volumétrie des analyses (50 000 analyses pour le marché analyses « individus », 60 000 pour le marché analyses « traces ») a largement contrebalancé cet effet positif, et s'est traduite par une augmentation de la dépense en 2009 (2,36 millions d'euros) et en 2010.

? Frais de traduction et d'interprétariat

La dépense a progressé de 61,8 % entre 2008 (15,1 millions d'euros) et 2009 (24,4 millions d'euros) .

La très forte progression de ce poste de dépense s'explique par les revalorisations tarifaires introduites par le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et son arrêté d'application du 2 septembre 2008. En effet, ces textes ont non seulement revalorisé le tarif de l'heure d'interprétariat, mais aussi introduit des majorations pour la première heure d'interprétariat (+ 40 %) et pour les missions de nuit, de week-end et les jours fériés.

? Frais d'huissiers

La dépense reste contenue, puisqu'elle a progressé de 1,4 % entre 2008 (15,1 millions d'euros) et 2009 (15,3 millions d'euros). Cette hausse est due à la revalorisation des tarifs des huissiers audienciers (décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007).

? Frais de location de matériel d'interception

La dépense s'est accrue de 31,6 % entre 2008 (16,9 millions d'euros) et 2009 (22,3 millions d'euros).

La progression significative de ce poste est liée au perfectionnement de ce matériel et à l'augmentation du nombre des interceptions judiciaires.

Il convient de souligner que les frais de location de matériel ne sont pas tarifés, mais qu'ils ont vocation à disparaître progressivement dans la perspective de la mise en place de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), prévue au cours de l'année 2012.


* 8 En effet, ces tests, lorsque leurs résultats sont positifs, ont un impact sur les frais de justice (frais d'analyses en vue de la recherche de stupéfiants et, le cas échéant, frais d'analyses en vue de la recherche de médicaments psycho actifs, frais d'expertise toxicologique, frais de déplacement du médecin).

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