2. Le renforcement indispensable des moyens de la CNDA

Au regard de la situation actuelle de la Cour, un renforcement de ses moyens paraît impératif. Telle est d'ailleurs l'analyse du Gouvernement, qui prévoit une augmentation continue des effectifs de la CNDA pour les trois prochaines années.

Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour, a expliqué à votre rapporteur que le nombre de rapporteurs avait été porté de 70 à 95 en 2010. Au total 10 ETPT de magistrats et 20 ETPT d'agents de greffe et de rapporteurs à la CNDA seront créés en 2011.

Cet effort se poursuivra en 2012 et 2013 (effectifs supplémentaires, nouvelles salles d'audience).

Mme Martine Denis-Linton, présidente de la CNDA, a indiqué à votre rapporteur que la professionnalisation de la Cour, avec la nomination de magistrats permanents, avait considérablement amélioré son fonctionnement.

En effet, en 2009, 10 ETPT de magistrats, qui ont été transférés du ministère de la justice à la CNDA, ont permis d'y affecter 10 présidents permanents de formation de jugement, en remplacement d'une soixante de juges vacataires (sur une centaine auparavant).

Ces présidents permanents assurent la présidence de formations de jugement au rythme soutenu de deux audiences en moyenne par semaine. Au-delà de la présidence des formations de jugement, la présence de présidents permanents a pour but d'assurer, notamment, une harmonisation de la jurisprudence de la Cour, par les échanges qui s'organisent entre eux, au quotidien ou sous l'autorité de la présidente de la Cour, et par l'encadrement des rapporteurs affectés dans la division à laquelle ils sont rattachés et des chefs de ces divisions.

Selon Mme Denis-Linton, ces présidents permanents contribuent activement à l'émergence d'une vie de juridiction, tant en termes d'activité strictement juridictionnelle, qu'en ce qui concerne le fonctionnement administratif de la Cour.

La présence de présidents permanents est ainsi, incontestablement, un facteur d'amélioration de l'organisation et du fonctionnement de la juridiction.

3. L'accès des demandeurs d'asile à l'aide juridictionnelle et le nombre insuffisant d'avocats intervenants devant la Cour

L'extension aux demandeurs d'asile de l'accès à l'aide juridictionnelle a contribué à l'augmentation des délais de jugement de la CNDA.

En 2009, l'élargissement de l'aide juridictionnelle, par la suppression de la condition d'entrée régulière en France, en application de la loi n° 2006-711 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration 22 ( * ) , a entraîné une très forte augmentation des demandes, qui ont été multipliées par trois : 9 927 demandes ont été enregistrées en 2009, contre 3 468 en 2008 ; 6 185 d'entre elles ont été admises contre 1 202 en 2008.

Les prévisions pour 2010 sont établies en tenant compte, d'une part, de l'évolution constatée au 1 er semestre 2009 et des évaluations prévisionnelles en année pleine et, d'autre part, de l'augmentation prévisionnelle de 15% du nombre de recours qui seront enregistrés à la Cour.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution de l'aide juridictionnelle depuis 2008.

2008

2009

2010

(prévisions)

nombre d'admissions

1202

6 185

8100

coût d'une unité de valeur UV (en euros)

22,84

22,84

22,84

coût annuel en euros pour la CNDA (8 UV par dossier)

219 629

1 130 123

1 480 032

Source : secrétariat général du Conseil d'Etat

Lorsque l'auteur d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile remplit les conditions d'octroi de l'aide juridictionnelle, le bureau d'aide juridictionnelle désigne un avocat sur les listes établies par les bâtonniers des barreaux de la Cour d'appel de Paris et de la Cour d'appel de Versailles (article 80 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique).

Sur la base du volontariat, 111 avocats susceptibles d'être désignés au titre de l'aide juridictionnelle sont inscrits sur ces listes. Ils appartiennent aux barreaux de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre. A ceux-ci s'ajoutent les avocats qui, déjà constitués dans une affaire, acceptent d'être désignés par le bureau de l'aide juridictionnelle près la Cour, à la demande du requérant.

Mme Martine Denis-Linton, présidente de la CNDA, a souligné que le nombre d'avocats inscrits sur les listes demeurait nettement insuffisant, ce qui conduisait à une désignation trop fréquente des mêmes avocats au titre de l'aide juridictionnelle, bien que la Cour s'efforce de regrouper les dossiers de ces avocats. Le faible niveau de la rétribution de l'aide juridictionnelle dans le contentieux de l'asile (8 unités de valeur, soit 182 euros par dossier) paraît constituer la cause principale de cette situation.

La présidente de la CNDA a indiqué que l'attention des bâtonniers avait été appelée à plusieurs reprises, encore en 2010, sur l'insuffisance du nombre d'avocats inscrits et sur la nécessité de sensibiliser les nouveaux avocats à l'intérêt de la défense des requérants demandeurs d'asile admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Votre rapporteur relève par ailleurs que, au-delà de la problématique de l'aide juridictionnelle, le faible nombre d'avocats intervenants devant la Cour est une source de difficultés de fonctionnement. Ainsi, il peut arriver qu'un avocat concentre à lui seul 1 600 dossiers de demandeurs d'asile ayant déposé un recours devant la CNDA, cette concentration conduisant à des difficultés d'organisation des audiences.

Par ailleurs, lors des missions foraines que la Cour tient en Guyane, en Guadeloupe ou à Mayotte, le bureau d'aide juridictionnelle rencontre de grandes difficultés pour la désignation d'avocats qui doivent nécessairement être inscrits dans les barreaux d'Île-de-France.

Votre rapporteur estime que la compétence nationale de la Cour nationale du droit d'asile devrait conduire à ouvrir l'inscription sur les listes à d'autres barreaux, ce qui supposerait une simple modification du décret du 19 décembre 1991 précité.

Au premier trimestre 2009, dans 77,4 % des dossiers, les demandeurs d'asile ont fait appel à un avocat, au lieu de 72,4 % en 2008. Si l'élévation du taux de constitution assure une meilleure défense des requérants, elle contribue à allonger le délai de traitement des dossiers compte tenu des délais nécessaires pour garantir le respect du principe du contradictoire.

Enfin, l'assouplissement des conditions d'octroi de l'aide juridictionnelle conduit certains requérants à solliciter l'aide juridictionnelle le jour même de l'audience, obligeant la formation de jugement à renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et contribuant à la hausse générale du taux des renvois.

Mme Martine Denis-Linton, présidente de la CNDA, a expliqué que les perspectives de réforme des conditions d'accès à l'aide juridictionnelle pour les demandeurs d'asile étaient susceptibles d'améliorer le fonctionnement de la Cour.

En effet, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, transmis au Sénat le 12 octobre 2010, prévoit de modifier la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, afin de fermer la possibilité de présenter une demande d'aide juridictionnelle le jour de l'audience. Cette réforme devrait ainsi limiter le nombre de renvoi décidés le jour de l'audience et permettre une accélération des délais de jugement, ainsi que des économies budgétaires.

Par ailleurs, ce projet de loi enserre le dépôt de la demande d'aide juridictionnelle dans un délai d'un mois suivant le dépôt du recours contre la décision de l'OFPRA.

La présidente de la CNDA a par ailleurs salué la disposition du même texte permettant l'utilisation de la visioconférence dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, ce qui permettra de réduire le nombre de missions foraines au coût important, puisqu'elles supposent le déplacement de formations de jugement.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la justice judiciaire, à l'accès au droit et aux juridictions administratives par le projet de loi de finances pour 2011.


* 22 La directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 a en effet imposé l'abandon du critère relatif à l'entrée régulière sur le territoire.

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