B. UN EFFORT FINANCIER ENCORE LARGEMENT TRIBUTAIRE DE LA CRÉATION DE PLACES DE DÉTENTION SUPPLÉMENTAIRES

Le programme « administration pénitentiaire » représente 39 % de la mission justice, soit une dotation en crédits de paiement de 2,8 milliards d'euros , en augmentation de 4,4 % par rapport à l'an passé.

Les autorisations d'engagement ( 3,2 milliards d'euros ) progressent de 6,7 %.

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement
(en million d'euros)

Crédits de paiement
(en million d'euros)

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Titre 2 : dépenses de personnel

1.698,5

1.800,2

1.698,5

1.800,2

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

400,2

510

611,8

655,8

Titre 5 : dépenses d'investissement

886,6

879,2

296,5

268,4

Titre 6 : dépenses d'intervention

77,4

80,9

84,4

87,3

Total

3.062,8

3.270,4

2.691,4

2.813,3

1. Les effectifs de surveillance : une progression prioritaire et pourtant insuffisante au regard de l'évolution des missions

La progression des effectifs

Le plafond d'autorisation d'emplois au titre du projet de loi de finances pour 2011 s'élève à 34.857 ETPT 4 ( * ) contre 33.860 en 2010.

Ce plafond se répartit de la manière suivante :

Catégorie d'emploi

Plafond autorisé pour 2010

Demandes pour 2011

Variation 2009/2010

Magistrats de l'ordre judiciaire

17

17

-

Personnels d'encadrement

1.345

1.392

+ 47

Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif (catégorie B)

3.976

4.090

+ 114

Administratifs et techniques (catégorie B)

997

1.028

+ 31

Personnels de surveillance (catégorie C)

24.596

25.325

+ 729

Personnels administratifs et techniques (catégorie C)

2.929

3.005

+ 76

Total

33.860

34.857

+ 997

L'augmentation du plafond d'emplois concerne principalement les personnels de surveillance et correspond principalement :

- à la création de 207 ETPT permettant de faire face à l'ouverture des nouveaux établissements prévue en 2011 et de poursuivre la mise en place du placement sous surveillance électronique fixe et mobile ;

- à une compensation de 375 ETPT au titre du nouveau mode de décompte en 2011 des agents non titulaires dans l'outil Chorus ;

- au financement de 150 emplois de surveillants pénitentiaires dans le cadre de la compensation des besoins du service prévue par le protocole signé avec plusieurs organisations syndicales des personnels après les mouvements sociaux du premier trimestre 2009.

Le coût budgétaire de la progression des effectifs est estimé à 18,7 millions d'euros.

L'évolution des effectifs soulève deux interrogations majeures.

En premier lieu, elle ne prend pas en compte la création des emplois nécessaires pour permettre à l'administration pénitentiaire d'assumer de nouvelles missions à l'extérieur des établissements pénitentiaires . En effet, en septembre 2010, le Gouvernement a arrêté le principe du transfert de la charge des extractions ainsi que de la garde de certains lieux -le ministère de la justice, place Vendôme à Paris, et des unités hospitalières sécurisées interrégionales- de la police et de la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire.

Le processus devrait s'échelonner sur les trois années à venir. A l'exception de la CGT, les organisations syndicales des personnels rencontrées par votre rapporteur se sont montrées favorables à ce transfert de compétences, conforme au souhait exprimé par la majorité d'entre elles, d'un enrichissement et d'une diversification des missions. Cependant, ce transfert doit avoir pour contrepartie la création des emplois ainsi que la mise en oeuvre des moyens supplémentaires nécessaires. Or de grandes incertitudes pèsent encore sur les effectifs destinés à assumer ces tâches.

D'après les éléments communiqués par M. Jean-Amédée Lathoud, directeur de l'administration pénitentiaire :

- 22 agents seront nécessaires pour la garde du ministère de la justice (emplois proposés lors de la prochaine commission administrative paritaire du mois de décembre prochain) ;

- 35 emplois seront nécessaires pour la garde de l'UHSI de Lille (emplois proposés lors de la commission administrative paritaire de mars 2011).

En revanche, les données restent très discutées s'agissant des missions d'escorte. Ni la police, ni la gendarmerie ne semblent disposer d'éléments fiables sur les moyens humains mobilisés sur ces missions 5 ( * ) . Les estimations peuvent beaucoup varier pour une même région d'un interlocuteur à l'autre, voire d'un jour à l'autre...

L'expérimentation du transfert des escortes devrait commencer en 2011 dans deux régions, l'Auvergne et la Lorraine, et justifier la création de 200 emplois. Un amendement adopté par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 prévoit de majorer de 200 ETPT le plafond d'emplois du ministère de la justice et à minorer à due concurrence le plafond d'emplois du ministère de l'intérieur.

Au total, 800 emplois pourraient être ouverts sur 3 ans, soit un chiffre qui paraît bien en-deçà des effectifs actuellement mobilisés par la police et la gendarmerie nationales. Le développement de la visioconférence -dont la quasi-totalité des établissements est désormais équipée 6 ( * ) - ne semble pas justifier une réduction aussi significative de la charge représentée par cette mission. M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la justice, a indiqué lors de son audition par votre commission, le 18 novembre dernier, que les échanges se poursuivaient entre le ministère de la justice et celui de l'intérieur afin de parvenir à l'évaluation la plus juste des moyens humains nécessaires.

Par ailleurs, si l'administration pénitentiaire dispose déjà des retours d'expérience de la garde statique de certaines UHSI dont la compétence lui avait été confiée à titre expérimental -comme l'UHSI de Marseille- elle ne dispose pas encore du même savoir-faire en matière d'extraction judiciaire -qui implique l'escorte lors du déplacement mais aussi de la comparution de la personne détenue devant l'autorité judiciaire. Le contenu des missions, la formation des personnels, la question de l'armement sont autant de thèmes de réflexion sur lesquels une réflexion doit s'engager rapidement en concertation avec les personnels .

La seconde interrogation soulevée par l'évolution des effectifs porte sur l' insuffisance des personnels d'insertion et de probation dont le rôle est pourtant fondamental pour le développement des mesures d'aménagement de peine. Selon l'étude d'impact accompagnant la loi pénitentiaire, l'augmentation du nombre d'aménagements de peine -en particulier l'extension à deux ans du quantum de peine ouvrant le bénéfice d'une telle mesure- devrait porter de 200.000 à 210.000 le nombre de personnes suivies en milieu ouvert et fermé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Selon cette étude, l'accroissement du nombre de personnes prises en charge et l'exigence d'un suivi plus attentif des dossiers -soit un ratio de 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation- nécessiterait « la création de 1.000 postes de CIP pour un coût salarial total de 32.844.000 euros ». A cette aune, les créations successives d'ETPT au titre des « métiers de greffe, de l'insertion et de l'éducatif » (148 dans la loi de finances pour 2010, 114 dans le présent projet de loi de finances) demeurent très modestes.

Selon certains interlocuteurs de votre rapporteur, le nombre moyen de dossiers suivi par les SPIP les plus chargés est de l'ordre de 130 à 180.

Mesures catégorielles

Un montant de 6,25 millions d'euros (hors pensions) est consacré aux mesures catégorielles :

- le financement de l'extension en année pleine des mesures intervenues en 2010 (première tranche des réformes statutaires -1,4 million d'euros- et indemnitaire -0,5 million d'euros- de la filière d'insertion et de probation ; revalorisation de l'indemnité de surveillance de nuit et de l'indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et jour férié -1,3 million d'euros) ;

- le financement de mesures statutaires et indemnitaires dont la mise en oeuvre est prévue en 2011 (reclassement dans le corps des secrétaires administratifs -0,3 million d'euros ; deuxième tranche de la réforme indemnitaire de la filière d'insertion et de probation -0,4 million d'euros- prime pour les personnels exerçant leurs fonctions dans les établissements surencombrés).

2. Une hausse des moyens de fonctionnement liée à l'extension de la gestion privée

Entre 2010 et 2011, le budget de fonctionnement de l'administration pénitentiaire devrait croître de 3,5 %.

Cette progression traduit d'abord un effort particulier en faveur des mesures d'aménagement de peine, dotées d'un crédit de 24,5 millions d'euros (contre 18 millions d'euros en 2010) afin de financer près de 10.000 bracelets électroniques en 2011. Le coût de location des bracelets dans le cadre du nouvel accord-cadre national, devrait en outre être plus onéreux que ceux des marchés régionaux actuels en matière de placement sous surveillance électronique (4,76 € contre 2,93 € pour les dispositifs PSE filaires et 3,68 € pour les dispositifs GSM).

L'évolution des moyens de fonctionnement reflète surtout l'augmentation des crédits consacrés à la gestion déléguée (291 millions d'euros contre 269 millions d'euros en 2010, soit + 8 %) en raison de la montée en charge des marchés correspondants.

En revanche, la dotation de fonctionnement destinée aux établissements en gestion publique se réduit (244 millions d'euros en 2011 contre 252 millions d'euros en 2010, soit -3 %).

La réduction des crédits de fonctionnement présente souvent des conséquences très dommageables pour la maintenance des infrastructures. Les économies réalisées de manière ponctuelle se soldent généralement in fine par l'exigence d'une réhabilitation d'ensemble coûteuse pour les finances publiques.

Coût comparé de la journée de détention par type d'établissement
entre gestion publique et gestion déléguée en 2009

Centre de détention

Centre pénitentiaire

Maison d'arrêt

Maison centrale

Etablissement pour mineurs 7 ( * )

Coût moyen

Gestion publique

91,35

93,53

78,43

152,64

-

86,59

Gestion déléguée

83,42

83,40

67,85

-

370,15

81,63

Le coût de journée de détention a progressé globalement de près de 3 % entre 2008 et 2009. Cependant, à périmètre constant 8 ( * ) , cette augmentation est ramenée à 8,4 % en gestion publique et à 4,1 % en gestion déléguée.

Le coût des établissements en gestion déléguée devrait s'accroître sous l'effet de quatre facteurs :

- l'échéance du marché relatif aux établissements pénitentiaires pour mineurs au cours de la période 2011-2012 ;

- la livraison de six nouveaux établissements au cours de la période 2011-2012 ;

- l'extension du périmètre des marchés de gestion déléguée aux quatre établissements témoins construits dans le cadre du programme « 13 000 » et placés jusqu'à aujourd'hui sous le régime de la gestion publique ;

- l'extension du périmètre des marchés de gestion déléguée à certaines fonctions telles que la prise en charge de la restauration des détenus de plusieurs établissements du parc classique.

Dans le rapport qu'elle a consacré au service public pénitentiaire, rendu public en juillet 2010 9 ( * ) , la Cour des comptes, à la suite de l'Inspection générale des finances, a souhaité l'élaboration d'une méthode fiable de comparaison entre la gestion déléguée et la gestion publique , en intégrant des indicateurs de coûts mais aussi de qualité de service. Elle a insisté également sur la nécessité de renforcer le contrôle de la gestion déléguée sous la forme notamment d'audits des prestations sur les établissements rencontrant des difficultés sur certaines fonctions sensibles (restauration, maintenance, cantines, travail et formation professionnelle).


* 4 Les équivalents temps plein travaillé correspondent aux effectifs pondérés par la quantité de travail des agents (un agent titulaire travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 % ETPT). En outre, tout ETPT non consommé l'année n est perdu l'année n + 2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis.

* 5 Incertitudes pour partie compréhensible dès lors que ces missions d'escorte ne représentent actuellement qu'une partie de l'activité des agents qui y sont employés.

* 6 Un deuxième plan de déploiement de la visioconférence au sein des établissements pénitentiaires devrait prochainement être mis en oeuvre.

* 7 Votre rapporteur est très réservé sur cette évaluation du coût de journée dans les EPM qui ne prend en compte en particulier ni l'intervention de l'éducation nationale ni celle des personnels de santé.

* 8 La baisse du nombre de journées de détention en 2009 a entraîné mécaniquement une augmentation de leur coût. En effet, le coût des établissements en gestion publique intègre un socle de dépenses d'infrastructures et d'exploitation indépendants de l'évolution des effectifs de détenus ; de même, les marchés de gestion déléguée prévoient le paiement d'une part fixe quel que soit le taux d'occupation des sites.

* 9 Cour des comptes, Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie carcérale, juillet 2010.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page