Avis n° 106 (2009-2010) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2009

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N° 106

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

JUSTICE - ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Jean-René LECERF,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 et 101 (annexe n° 16 ) (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, le 10  novembre 2009, la commission des lois du Sénat, réunie le 18 novembre 2009 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf, les crédits du programme « administration pénitentiaire » au sein de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2010 .

M. Jean-René Lecerf a relevé que les crédits consacrés au programme « administration pénitentiaire » augmentaient de 9,8 % pour atteindre 2,7 milliards d'euros en 2010, cet effort étant encore pour une large part déterminé par l'ouverture des nouveaux établissements dans le cadre du programme de réalisation de 13.200 places prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002.

Le rapporteur pour avis a regretté en revanche que le projet de loi de finances pour 2010 ne prenne pas suffisamment en compte les conséquences de la loi pénitentiaire adopté par le Parlement cette année. Il a constaté, d'une part, que les objectifs et indicateurs du projet annuel de performances n'étaient pas toujours adaptés aux ambitions de ce texte -ainsi la cible assignée pour le taux de personnes détenues bénéficiant d'une activité rémunérée était fixée à 37 % pour 2011 contre une prévision de 41,5 % dans le projet de loi de finances pour 2009. En outre, il a noté que les créations d'emplois de personnels d'insertion et de probation ne correspondaient pas aux objectifs fixés par l'étude d'impact accompagnant la loi pénitentiaire.

Le rapporteur a estimé que la réduction du nombre de personnes détenues observée cette année, pour la première fois depuis le début de la décennie, annonçait peut-être une stabilisation plus durable de la population pénale. Dans ce contexte, à l'échéance du programme « 13.200 », la priorité devrait être consacrée à la rénovation des capacités existantes et au renforcement de l'encadrement humain des personnes détenues.

La commission des lois s'est déclarée très attentive à la mise en oeuvre des ressources humaines et financières garantissant une application effective de la loi pénitentiaire.

Au bénéfice de ces observations, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice - Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi de finances pour 2010 .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'année 2009 aura été marquée par l'adoption par le Parlement, au terme de débats fructueux, de la loi pénitentiaire longtemps attendue. L'enjeu des prochaines années est la mise en oeuvre effective, dans le respect de l'esprit des travaux parlementaires, de l'ensemble des dispositions de ce texte. Votre commission y sera, pour sa part, très attentive.

A l'évidence, l'application de la loi ne saurait être appréciée seulement à l'aune de l'effort financier dégagé en faveur de l'administration pénitentiaire. Néanmoins, comme le souligne d'ailleurs l'étude d'impact qui accompagnait le projet de loi pénitentiaire, « toute politique de prise en charge ambitieuse des détenus est nécessairement coûteuse ». Cette étude avait procédé à une première évaluation du coût, pour l'Etat, de certaines des dispositions de la loi « sans prétendre apporter une analyse globale des moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de la future loi ».

Qu'il s'agisse du développement des aménagements de peine, de l'obligation d'activité -dont le corollaire est la nécessité pour l'administration pénitentiaire de développer et diversifier notamment l'offre de travail et de formation- ou encore de l'encadrement des fouilles -avec le recours privilégié aux moyens électroniques de contrôle- pour ne prendre que quelques exemples parmi les nouvelles mesures introduites par la loi pénitentiaire, ce texte impliquera une forte mobilisation de moyens humains et financiers et, en tout cas, dans un cadre budgétaire nécessairement contraint, une réorientation de certaines priorités (avec, en particulier, un rééquilibrage au sein des recrutements des personnels pénitentiaires en faveur des services pénitentiaires d'insertion et de probation).

*

* *

A la lumière de la visite de nombreux établissements et des échanges organisés à cette occasion, votre rapporteur est convaincu que le développement de l'activité en prison ainsi que l'extension des mesures d'aménagement de peine constituent deux axes prioritaires pour modifier la situation carcérale. La loi pénitentiaire offre sur ces deux sujets de nouveaux leviers d'action .

La situation du centre de détention de Val-de-Reuil illustre les insuffisances que l'on retrouve dans un grand nombre de prisons.

Le centre de détention de Val de Reuil (30 avril 2009)

Le centre de détention de Val-de-Reuil a ouvert le 7 juin 1989. Il a été décidé d'augmenter sa capacité au moment de la construction : la structure a ainsi été doublée à l'identique -non seulement pour les cellules mais aussi pour tous les espaces communs (salles de sports et salles de spectacles).

L'établissement se compose ainsi de deux divisions d'une capacité d'accueil de 400 détenus chacune. La deuxième division reçoit des détenus pour de longues peines et la première, des courtes et moyennes peines (reliquat de peines en général inférieur à 7 ans). Lors de la visite de votre rapporteur, le taux d'occupation était de 97 % , chaque cellule étant occupée par un détenu.

Le centre de détention comporte un quartier de semi-liberté d'une trentaine de places mais qui, à la date de la visite de votre rapporteur, n'accueillait qu'une vingtaine de détenus.

Les régimes différenciés au coeur de l'organisation de la détention

L'établissement pratique quatre régimes différenciés allant d'un régime de responsabilité (cellule portes ouvertes, circulation libre pour se rendre aux activités et libre circulation au sein de l'unité de vie avec possibilité de mutualiser les moyens des détenus, par exemple pour la cuisine) au régime de contrôle resserré, mis en place à la suite d'agressions violentes commises contre les personnels en passant par un régime contrôlé normal (détenus accompagnés dans leurs mouvements fixés à des horaires précis).

La modification du régime de détention est décidée par la commission pluridisciplinaire unique qui réunit le chef d'établissement, le chef de détention, des représentants des surveillants, enseignants, corps médical, ainsi que le psychologue, organe au sein duquel l'information peut être mutualisée.

De fortes tensions

L'établissement connaît actuellement deux grandes difficultés.

La première est liée aux délais de l'ordre de 10 à 12 mois pour obtenir les expertises nécessaires à l'octroi des aménagements de peine. Cette situation liée à l'insuffisance du nombre de psychiatres provoque une très forte insatisfaction de la part des détenus dont beaucoup demandent à quitter l'établissement dès leur arrivée car ils jugent que ces délais leur font grief.

82 % des aménagements de peine concernent les permissions de sortie tandis que la liberté conditionnelle et le placement extérieur demeurent résiduels.

Les soins psychiatriques sont organisés au sein du SMPR également commun à la maison d'arrêt de Rouen. L'établissement compte un psychiatre à temps partiel (60 %). Le délai de prise en charge par le SMPR est de l'ordre de 7 à 8 mois (une centaine de détenus sont suivis en soins psychiatriques dans la deuxième division). En revanche, tous les détenus font l'objet d'une consultation psychiatrique à leur arrivée et aussi en soins d'urgence.

La seconde difficulté tient à l'insuffisance de l'emploi puisque sur quelque 800 détenus, seuls 150 ont un travail en atelier (100 pour la deuxième division, 50 pour la première). L'établissement dispose pourtant d'ateliers vastes (6.000 m 2 ) et plus faciles d'accès, comme votre rapporteur a pu le constater, qu'un grand nombre d'établissements pénitentiaires. Plusieurs grosses entreprises ont quitté l'établissement. Celui-ci a récemment embauché un commercial qui sillonne la région pour démarcher les entreprises sans avoir pour l'instant réussi à faire venir de nouvelles entreprises.

Par ailleurs, 20 à 30 % des détenus suivent une formation.

Comme l'a indiqué le responsable de l'éducation nationale à votre rapporteur, la moitié des personnes qui arrivent en détention ont quitté l'école avant la classe de troisième. En outre, au sein de la division 1, un petit nombre de jeunes détenus perturbent fortement les cours et la disponibilité que les enseignants sont en mesure de témoigner pour l'ensemble des détenus.

Un délégué du Médiateur assure deux permanences par mois (5 à 6 détenus étant reçus par permanence). Il a attiré l'attention du rapporteur sur les difficultés particulières que présente le renouvellement des titres de séjour des personnes détenues auprès des préfectures. En effet, le titre de séjour peut expirer en cours de détention, pénalisant le détenu qui, pour bénéficier d'un certain nombre de prestations sociales doit disposer d'un titre de séjour régulier. Or, la procédure actuelle implique la présence de la personne concernée à la préfecture. Le problème pourrait être surmonté par l'organisation d'une permanence du service de la préfecture au sein de l'établissement, par exemple un jour par mois.

Les interlocuteurs de votre rapporteur, et en particulier les surveillants, ont tous souligné que l'intervention du délégué du Médiateur avait apporté un apaisement dans un contexte qui reste marqué par les fortes tensions liées, d'une part, à l'insuffisance des aménagements de peine, et d'autre part, au manque de travail.

I. LE PROJET DE BUDGET POUR 2010 : UNE PRISE EN COMPTE ENCORE PARTIELLE DES CONSÉQUENCES DE LA LOI PÉNITENTIAIRE

Force est de constater que le projet de loi de finances pour 2010, qui constitue la première année de mise en oeuvre de la loi pénitentiaire, ne prend pas encore en compte tous les effets de la loi pénitentiaire.

Deux constats s'imposent :

- le programme annuel de performances, dont les objectifs et indicateurs constituent un instrument précieux de suivi et de contrôle des politiques publiques, apparaît en retrait par rapport aux orientations de la loi pénitentiaire ;

- malgré un effort financier soutenu en faveur de l'administration pénitentiaire qu'il convient de saluer, les créations d'emplois de conseiller d'insertion et de probation (CIP) apparaissent encore en retrait au regard des objectifs de la loi pénitentiaire en matière d'aménagements de peine.

A. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DU PROJET ANNUEL DE PERFORMANCES AUX GRANDES ORIENTATIONS DE LA LOI PÉNITENTIAIRE

L'administration pénitentiaire constitue l'un des six programmes de la mission justice 1 ( * ) . Il se décline lui-même en trois actions :

- L'action n° 1 : « garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » (garde des détenus, contrôle des personnes placées sous main de justice, aménagements de peine, alternatives à l'incarcération, parc immobilier, sécurité) ;

- L'action n° 2 : « accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » (accueil, y compris maintenance et entretien des bâtiments pénitentiaires, accès aux soins, maintien des liens familiaux, activités de réinsertion) ;

- L'action n° 4 : « soutien et formation » (moyens de l'administration générale, développement du réseau informatique, formation des personnels).

Ces actions représentent respectivement 69,9 %, 17,3 % et 12,8 % des moyens de l'administration pénitentiaire.

Le programme administration pénitentiaire comprend un projet annuel de performances . Ce document présente plusieurs objectifs assortis d' indicateurs de performance . Ces éléments sont indispensables pour apprécier les priorités de l'administration pénitentiaire et permettre de contrôler leur suivi au-delà de l'exercice budgétaire.

OBJECTIFS ET INDICATEURS DE PERFORMANCE

Six objectifs

Objectif n° 1
Renforcer la sécurité
des établissements pénitentiaires

Indicateurs :


Taux d'évasions sous garde pénitentiaire directe (pour 10.000 détenus). En 2008 : 0,8. Cible 2011 : <3.
- de détenus particulièrement signalés :
En 2008 : 0. Cible 2011 : <1.
- de détenus autres :
En 2008 : 0,8. Cible 2011 : <2.
- taux d'évasions hors établissements pénitentiaires en aménagement de peine :
En 2008 : 24.Cible 2011 : <36.
- taux d'évasions hors établissement pénitentiaire en sorties sous escortes pénitentiaires :
En 2008 : 1,1. Cible 2011 : <1.


Nombre d'incidents (pour 10.000 détenus), agressions contre le personnel :
En 2008 : 24,9. Cible 2011 : <15.

Taux de formation à la prévention suicide (nouveau)

- Taux de formation de personnels : prévision 2010 : 50. Cible 2011 : 75.

- Taux de formation des personnels de surveillance affectés dans les quartiers sensibles : prévision 2010 :100. Cible : 100.

Objectif n° 2
Adapter le parc immobilier aux catégories de populations accueillies

Indicateurs :


Taux d'occupation des places spécialisées :

- taux d'occupation des places en centre ou quartier semi-liberté :
En 2008 : 84.Cible 2011 :96

- taux d'occupation des places en centre ou quartier courte peine :
En 2008 : 84.Cible 2011 : 95


Taux de places spécialisées créées depuis 2008

- nombre de places créées en centre de semi-liberté
En 2008 : 80. Cible 2011 : 831

- nombre de places créées en quartier courte peine :
En 2008 : 0.Cible 2011 : 450

- nombre de places créées en centre pour peine aménagée :
En 2008 : 0 -. Cible 2011 : 442

- taux de places spécialisées crées/nombre total de places créées :
En 2008 : 2,8. Cible 2011 : 17,75

Objectif n° 3
Développer
les aménagements de peine

Indicateur :


Taux des personnes placées sous main de justice et bénéficiant
d'un aménagement de peine (PSE, placements extérieurs, semi-liberté) :
En 2008 : 11,6.
Prévision 2009 : 14.

Cible 2011 : 18.

Observation : Cet indicateur, utile, ne dépend qu'en partie de l'administration pénitentiaire
(qui, depuis la loi Perben 2, peut proposer des mesures d'aménagement), la décision relevant en principe du juge
de l'application des peines.

Objectif n° 4
Améliorer les conditions de détention
Indicateurs :


Taux d'occupation des unités de vie familiale :
En 2008 : 61 Prévision 2010 : 65. Cible 2011 : 70


Taux d'occupation des parloirs familiaux :
En 2008 : 40

Prévision 2010 : 85. Cible 2011 : 100
(total de ½ journées d'utilisation des parloirs familiaux/total de ½ journées d'ouverture)


Taux d'actualisation des protocoles (évaluation de l'adaptation des procédures de collaboration entre le ministère de la justice et celui de la santé) :
En 2008 : 44
Prévision 2010 : 85. Cible 2011 : 100


Taux d'occupation des UHSI :
En 2008 : 67
Prévision 2010 : 80. Cible 2011 : 80

Six objectifs (suite)

Objectif n° 5
Favoriser les conditions d'insertion professionnelle
des détenus

Indicateurs :


Taux de détenus bénéficiant d'une formation professionnelle :
En 2008 : 8,6. Cible 2011 : 9,3


Taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée :
En 2008 : 36,4 : Prévision 2011 : 37
(cet objectif était fixé à 44,2 % pour 2012 dans le PLF pour 2008 et à 41,5 % dans le PLF pour 2009)

Objectif n° 6
Améliorer la qualité de prise en charge du condamné en milieu ouvert

Indicateur :


Pourcentage de personnes condamnées avec un sursis avec mise à l'épreuve ayant respecté l'obligation d'indemniser les victimes :
En 2008 : 58,6. Cible 2011 : 68

Selon votre rapporteur, la présentation des objectifs et indicateurs de performance appelle trois réserves.

En premier lieu, si certains indicateurs sont tout à fait pertinents, la cible fixée apparaît en deçà des objectifs d'une politique pénitentiaire ambitieuse. Tel est le cas pour le taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée qui ne prévoit aucune progression d'ici deux ans par rapport à la situation actuelle (objectif fixé à 44,2 % pour 2012 dans le projet de loi de finances pour 2008, à 41,5 pour 2011 dans le projet de loi de finances pour 2009 et à 37 % pour 2011 dans le présent projet de loi de finances).

En deuxième lieu, plusieurs objectifs font l'objet d'une approche réductrice . L'objectif n° 6 (améliorer la qualité de prise en charge du condamné en milieu ouvert) n'est appréhendé que par le pourcentage de personnes condamnées avec un sursis avec mise à l'épreuve ayant respecté l'obligation d'indemniser les victimes. Or, d'une part, il existe d'autres mesures en milieu ouvert, d'autre part, l'obligation d'indemniser les victimes, malgré son importance, ne constitue pas la seule mesure prévue dans le cadre d'un SME. Comme l'ont indiqué à votre rapporteur les responsables du syndicat Snepap-FSU, principalement représenté dans la filière des services d'insertion et de probation, les conseillers d'insertion et de probation jugent peu motivant que leur activité dans le milieu ouvert soit appréhendée à travers ce seul prisme.

Enfin, les éléments de présentation actuels présentent des lacunes évidentes . Sans doute votre rapporteur approuve-t-il l'introduction d'un nouvel indicateur relatif au taux de formation à la prévention du suicide qui vient compléter les moyens d'apprécier l'objectif n° 2 relatif au renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires et permettre de vérifier l'application, sur ce point, des préconisations du rapport de la commission Albrand. Il regrette cependant que l'objectif concernant la sécurité des établissements ne soit assorti d'aucune donnée sur le taux de suicide dans les établissements ou sur les violences commises à l'encontre des détenus alors même que la loi pénitentiaire (article 44) assigne à l'administration pénitentiaire l'obligation d' « assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ».

Il convient par ailleurs de regretter la suppression de l'indicateur associé à l'objectif n° 5 (« favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus ») concernant le nombre de conventions partenariales signées et actives qui avait été introduit l'an dernier seulement. Ce choix n'augure pas favorablement de la dynamique pourtant indispensable au développement du travail dans le milieu pénitentiaire.

De même, l'objectif n° 8 « assurer une formation de qualité aux personnels pénitentiaires », introduit en 2008, a été supprimé ainsi que l'indicateur dont il était assorti (taux de formation initiale effective). Selon les explications apportées à votre rapporteur, ce taux « sera porté en JPE (justification au premier euro) ou dans la partie opérateur du PAP (projet annuel de performances) du programme », ce qui ne semble toutefois pas garantir la même qualité d'information sur un sujet auquel il importe que l'administration pénitentiaire accorde une attention plus soutenue.

Votre rapporteur appelle de ses voeux une réflexion d'ensemble , en concertation avec le Parlement, sur une révision des objectifs et des indicateurs qui puisse, tout en reposant sur des données statistiques fiables, prendre pleinement en compte les grands axes de la loi pénitentiaire .

B. UN EFFORT FINANCIER ENCORE LARGEMENT TRIBUTAIRE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE DE 2002

Le programme « administration pénitentiaire » représente 39 % de la mission justice, soit une dotation en crédits de paiement de 2,7 milliards d'euros , en augmentation de 9,8 % par rapport à l'an passé.

Les autorisations d'engagement (3 milliards d'euros) diminuent de 23,4 % : l'année 2010 marque en effet la mise à exécution des importantes autorisations d'engagement votées en 2009 au titre III (fonctionnement) afin de permettre le renouvellement des marchés des établissements à gestion déléguée et la notification des marchés pour les nouveaux établissements livrés en 2010. Au titre V (investissement), en revanche, les autorisations d'engagement progressent afin de permettre en particulier la poursuite du programme « 13.200 », l'entretien du gros oeuvre des établissements pénitentiaires, ainsi que la remise à niveau du parc d'établissements en gestion déléguée.

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement
(en million d'euros)

Crédits de paiement
(en million d'euros)

Ouvertes en LFI pour 2009

Demandées pour 2010

Ouvertes en LFI pour 2009

Demandées pour 2010

Titre 2 : dépenses de personnel

1.602,8

1.698,5

1.602,8

1.698,5

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

2.061,8

400,2

544,8

611,8

Titre 5 : dépenses d'investissement

275,1

899,9

232

304,3

Titre 6 : dépenses d'intervention

76,5

77,3

79,7

84,3

Total

4.016,4

3.076,68

2.459,4

2.699,2

Par un effet d'inertie compréhensible, le projet de loi de finances pour 2010 est encore déterminé pour une large part par la mise en service progressive des nouveaux établissements pénitentiaires dans le cadre du programme « 13.200 » engagé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 29 août 2002. Ainsi toutes les implications financières de la loi pénitentiaire n'ont pu être encore vraiment prises en compte.

1. Les effectifs : la priorité donnée à la création d'emplois de personnels de surveillance

La progression des effectifs

Le plafond d'autorisation d'emploi au titre du projet de loi de finances pour 2010 s'élève à 33.860 ETPT 2 ( * ) contre 33.020 en 2009.

Ce plafond se répartit de la manière suivante :

Catégorie d'emploi

Plafond autorisé pour 2009

Demandes pour 2010

Variation 2008/2009

Magistrats de l'ordre judiciaire

17

17

-

Personnels d'encadrement

1.324

1.345

+ 21

Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif (catégorie B)

3.828

3.976

+ 148

Administratifs et techniques (catégorie B)

985

997

+ 6

Personnels de surveillance (catégorie C)

23.931

24.596

+ 665

Personnels administratifs et techniques (catégorie C)

2.929

2.929

-

Total

33.020

33.860

+ 840

Compte tenu de la réactivation de plusieurs ETPT non utilisés du fait de l'insuffisance de la masse salariale, les créations effectives devraient être portées à 1.113 emplois :

- 518 au titre de l'ouverture en 2011 des nouveaux établissements :

- 141 pour l'ouverture des unités hospitalières spécialement aménagées -UHSA- (Nancy, Paris et Rennes) qui n'ouvriront qu'en 2011(les emplois devant être créés dès 2010 compte tenu d'un temps de formation de huit mois) ;

- 114 pour le renforcement du service de nuit ;

- 18 (à titre provisionnel) pour le soutien psychologique des personnels ;

- 189 pour le renforcement du dispositif PSE-PSEM ;

- 133 pour le renforcement des SPIP.

Ainsi, globalement, 322 (189+133) personnes devraient intervenir pour le développement des mesures d'aménagement de peines (parmi lesquelles 114 conseillers d'insertion et de probation et 208 personnels de surveillance).

123 emplois de conseillers d'insertion et de probation (CIP) devraient être créés (aux 114 déjà évoqués s'ajouteraient 9 CIP pour intervenir en milieu pénitentiaire).

L'accroissement des effectifs représenterait une dépense supplémentaire de 12,65 millions d'euros (hors pensions sur le titre 2).

Compte tenu de ces créations d'emploi et du remplacement de 1.260 agents, les prévisions de recrutement s'établissent à 2.123 ETP en 2009.

Malgré l'effort réel de recrutement de personnels destinés à appuyer le développement des aménagements de peine, l'objectif doit rester celui énoncé par l'étude d'impact accompagnant la loi pénitentiaire.

Actuellement, environ 200.000 personnes sont suivies en milieu ouvert et fermé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, alors que les travailleurs sociaux sont au nombre de 2.700 (2.500 effectivement en charge du suivi de dossiers) soit environ 80 dossiers par travailleur social. Selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi pénitentiaire, l'augmentation du nombre d'aménagements de peine -en particulier l'extension à deux ans du quantum de peine ouvrant le bénéfice d'une telle mesure- devrait porter à 210.000 le nombre de personnes faisant l'objet d'un suivi. Ainsi « il apparaîtrait nécessaire de passer de 80 à 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation, ce qui nécessiterait la création de 1.000 postes de CIP pour un coût salarial total de 32.844.000 euros » en sus du coût d'investissement. Sans doute s'agit-il ici d'une estimation basse qui ne prend pas en compte les nouvelles responsabilités confiées aux SPIP dans le cadre de la mise en oeuvre de PSE pour les personnes détenues à quatre mois de la fin de leur peine.

Certes, l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires ne laisse d'autre choix que d'accorder une priorité au recrutement des personnels de surveillance. Cependant, votre rapporteur forme le voeu que le programme « 13.200 » places achevé, l'effort budgétaire en matière de personnels soit consacré aux SPIP . Il souhaite aussi qu'un programme pluriannuel de création d'emplois puisse être soumis au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances. M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, s'est montré favorable à cette suggestion lors de son audition, le 10 novembre 2009, par votre commission des lois.

Les mesures catégorielles

Un montant de 8 millions d'euros (hors pensions) est consacré aux mesures catégorielles :

- les réformes statutaires des personnels de surveillance mises en oeuvre depuis 2005 (3,86 millions d'euros) ;

- la réforme relative à l'indemnité de surveillance de nuit et à l'indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés entrée en vigueur le 1 er août 2008 (1,29 million d'euros) ;

- la réforme statutaire et indemnitaire de la filière des personnels d'insertion et de probation mise en oeuvre depuis 2009 (2,85 millions d'euros). Ce volet indemnitaire correspond à la création, en 2010, du statut d'emploi de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation 3 ( * ) et à l'intégration programmée des chefs de service d'insertion et de probation dans le corps des directeurs d'insertion et de probation.

2. Les moyens de fonctionnement : l'amélioration indispensable des outils de supervision de la gestion publique et déléguée

Perspectives pour 2010

Entre 2009 et 2010, le budget de fonctionnement de l'administration pénitentiaire devrait croître de 7,85 %. Les moyens nouveaux pour 2010 (41,47 millions d'euros en crédits de paiement) porteront principalement sur le fonctionnement des nouveaux établissements pour majeurs en gestion déléguée ainsi que sur le financement de la montée en charge du dispositif de placement sous surveillance électronique (fixe et mobile). Par ailleurs, la subvention pour charges de service public versée à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire devrait être abondée de 1,4 million d'euros (contre une augmentation d'un montant de 5 millions d'euros l'an passé).

Les coûts comparés de la gestion publique et de la gestion mixte

La gestion déléguée des établissements pénitentiaires 4 ( * ) mise en oeuvre depuis 1990, concerne aujourd'hui 40 établissements pénitentiaires (27 établissements pour majeurs construits dans le cadre des programmes 13.000 et 4.000 5 ( * ) , 7 nouveaux établissements pour majeurs et 6 établissements pour mineurs construits dans le cadre du programme 13.200).

Coût de la journée de détention par type d'établissement - année 2008

CD

CP

MA

MC

EPM

Coût moyen

Gestion publique

83,89 €

75,92 €

61,19 €

147,75 €

-

69,01 €

Gestion déléguée

72,20 €

68,44 €

59,09 €

-

343,97 €

69,02 €

Un rapport de l'Inspection générale des finances sur les modalités de partenariat entre l'administration pénitentiaire et le secteur privé, rendu public en avril 2009, a estimé que le « manque de données fiables ne permet pas de conclure définitivement à une supériorité de la gestion déléguée ».

S'agissant des services à la personne , le bilan, selon l'IGF, est en première analyse favorable à la gestion déléguée qui propose une prestation dont la qualité est garantie à un coût voisin, voire inférieur à celui de la gestion publique, en particulier sur la restauration. Néanmoins « l'absence de suivi organisé de la qualité des prestations en gestion publique empêche de formuler un avis définitif, toute comparaison avec la gestion déléguée, qui fait quant à elle l'objet de contrôles réguliers, s'avérant impossible ».

Quant à la maintenance des bâtiments , l'IGF a estimé que l'Etat consacre à ce poste un effort supérieur en gestion privée alors même que la « récurrence du loyer autorise en théorie une maintenance « préventive » qui devrait garantir à l'Etat des bâtiments en meilleur état ».

S'agissant, enfin, du travail pénitentiaire , le rapport constate que si la gestion déléguée emploie en 2008 plus de détenus (taux d'emploi de 14,10 %) que la gestion publique (11,90 %), la « pertinence de l'externalisation de cette fonction est discutable ». Il juge difficile de relier les résultats enregistrés à une action décisive des prestataires qui ont peu de prise sur un environnement défavorable au travail pénitentiaire dont la faible valeur ajoutée le rend sensible aux délocalisations et à l'automatisation des procédés de fabrication. Par ailleurs, l'intégration de la fonction « travail » dans le contrat de partenariat est coûteux -avec, en particulier, une provision du risque sur 30 ans- et dissuade les entreprises moyennes de prendre part à ce type de marché. Enfin, cette fonction serait peu attractive pour les prestataires actuels (pertes prévisibles et application des pénalités) qui cherchent à compenser ces surcoûts sur d'autres activités comme la maintenance. L'IGF considère à cet égard que le « rôle de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) pourrait être repensé et professionnalisé pour développer le travail pénitentiaire, quel que soit le mode de gestion ».

De manière plus générale, selon l'IGF, « si le bilan du recours aux partenaires privés n'est pas défavorable pour l'Etat, des marges d'amélioration existent cependant, en particulier sur la maintenance. Ce constat pose la question du pilotage efficace des prestataires et du pilotage effectif des établissements en gestion publique. L'administration pénitentiaire a entrepris une démarche positive de professionnalisation de ce pilotage qui souffre cependant de deux lacunes : a) elle est orientée sur la gestion déléguée mais n'évalue pas la performance de la gestion publique, pourtant majoritaire ; b) elle est centrée sur la mise en oeuvre du contrat plus que sur l'évaluation de la performance. »

II. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION PÉNALE : VERS UNE STABILISATION ?

A. UN INFLÉCHISSEMENT DE TENDANCE

Au 1 er octobre 2009, le nombre des personnes écrouées détenues en métropole et outre mer s'élevait à 61.781 contre 63.185 au 1 er octobre 2008, soit une baisse de 2,2 % . Cette population se répartissait de la manière suivante :

- 15.602 prévenus (contre 16.738 au 1 er octobre 2008), soit 25,2 % ;

- 2.115 femmes (contre 2.211 au 1 er octobre 2008), soit 3,4 % ;

- 630 mineurs (contre 697 au 1 er octobre 2008), soit 1,1 %.

Au total, le nombre de personnes écrouées (effectif de personnes détenues auquel s'ajoute les personnes condamnées sous surveillance électronique ou en placement à l'extérieur) s'élevait à 66.307 (- 405 en un an, soit - 0,6 %) 6 ( * )

L'analyse de la composition de la population confirme trois caractéristiques :

- la baisse continue du nombre de prévenus. En outre, avec la possibilité introduite par la loi pénitentiaire de prévoir l 'assignation à résidence des personnes prévenues contrôlées par un bracelet électronique fixe ou mobile, le nombre de personnes prévenues détenues pourrait diminuer. Ce dispositif constitue une formule intermédiaire entre la détention provisoire et le contrôle judiciaire. Contrairement au régime retenu pour ce dernier, la durée de l'assignation serait intégralement déduite de la durée de la peine qui pourrait être prononcée (art. 137 à 142-13 du code de procédure pénale). Par ailleurs, l'évolution du nombre des personnes prévenues donnait lieu à des analyses approfondies dans le rapport de la commission de suivi de la détention provisoire qui, depuis la nomination de son président, M. Jean-Marie Delarue, en 2008, comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté, semble ne plus s'être réunie. Votre rapporteur regrette vivement cette situation et forme le voeu que cette commission puisse poursuivre, comme par le passé, un travail très utile ;

- la forte prépondérance des courtes peines : parmi les personnes condamnées incarcérées, celles condamnées à une peine de moins d'un an représente 34,6 % de l'ensemble ; 27 % sont condamnées à des peines comprises entre 1 et 3 ans ; 10,1 % à des peines comprises entre 3 et 5 ans et 27,8 % à des peines d'une durée égale ou supérieure à 5 ans 7 ( * ) . La durée moyenne de détention (population moyenne de détenus rapportée aux entrées de détenus sur douze mois) tend cependant à progresser en 2008, s'établissant à 8,8 mois (contre 8,4 mois en 2007) ;

- les violences volontaires (23 % des personnes condamnées) prévalent depuis 2007 sur les viols ou autres agressions sexuelles (16,1 %). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (13,9 %), les vols qualifiés (10 %), les escroqueries et abus de confiance (7,8 %). Les homicides ou atteintes involontaires à l'intégrité de la personne représentent 5,7 %.

La réduction du nombre de personnes détenues

Au-delà de ces constantes, l'année 2009 est marquée par l'inversion de la tendance continue, observée depuis le début de la décennie, à l'augmentation du nombre de personnes détenues.

Il est encore difficile d'expliquer cette orientation qui paraît résulter de la réduction du nombre de mises sous écrou (22.763 au premier trimestre 2009 contre 23.760 au premier trimestre 2008) -même si cette tendance est partiellement compensée par un allongement de la durée de détention (8,9 mois au premier trimestre 2009 contre 8,3 mois au premier trimestre 2008)- ainsi que de l'augmentation du nombre d'aménagements de peine (13 % de la population écrouée au 1 er octobre 2009 contre 11 % au 1 er octobre 2008).

La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs n'a pas eu pour effet une augmentation du nombre d'incarcérations. D'une part, les peines plancher ne sont prononcées que dans la moitié des cas où elles pourraient être décidées. D'autre part, la peine plancher ne donne pas nécessairement lieu à une mise sous écrou (elle peut faire l'objet, selon les antécédents du condamné, d'un sursis total ou seulement partiel, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général), d'autre part, même lorsqu'une peine d'emprisonnement ferme a été prononcée, celle-ci peut faire l'objet d'un aménagement (semi-liberté, placement extérieur ou placement sous surveillance électronique) dès lors que la peine est inférieure à un an.

Le retournement de tendance observé en 2009 est-il durable ? Selon le professeur Pierre Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, une stabilisation de l'effectif de la population pénale semble aujourd'hui le scénario le plus vraisemblable. Il a rappelé, lors de son audition par votre rapporteur, que la France avait déjà connu des périodes de déflation carcérale -de 1996 à 2001 par exemple- sans qu'une analyse approfondie de ces reflux ait été conduite.

La mise en oeuvre des dispositions de la loi pénitentiaire relatives aux aménagements de peine devrait, en tout état de cause, jouer dans le sens d'une réduction du nombre de personnes détenues.

Une première conséquence : la diminution du taux de densité carcérale

Au 1 er octobre 2009, les établissements pénitentiaires disposaient de 53.764 places opérationnelles (50.936 au 1 er octobre 2008). Le taux d'occupation s'élevait ainsi à 114,9 % (contre 124 % au 1 er octobre 2008). Parmi les établissements pénitentiaires, 11 présentaient une densité supérieure ou égale à 200 % (15 en 2008) et 33 une densité comprise entre 150 % et 200 % (47 en 2008).

Le nombre de détenus en surnombre (10.778) a ainsi diminué de 20 % par rapport à l'an passé.

Comme l'indiquent les statistiques produites par le professeur Pierre-Victor Tournier, le taux de détention en France au 1 er septembre 2007 était de 99,3  pour 100.000 8 ( * ) , plus faible que le taux global de 122 pour 100.000 habitants dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Par ailleurs, à la même date, la France connaissait un taux de densité carcérale de 120 pour 100 places , supérieur en revanche au taux moyen de densité carcérale à l'échelle européenne de l'ordre de 106 pour 100 places .

En l'absence de données plus récentes sur le taux moyen de densité carcérale en Europe, il n'est pas possible de savoir si la baisse de ce taux en France lui permet de se rapprocher de la moyenne européenne.

Cependant, le phénomène de surpopulation affecte encore beaucoup de maisons d'arrêt avec un taux d'occupation souvent supérieur à 130 % 9 ( * ) .

En outre, la capacité opérationnelle correspond au nombre de places d'un établissement et n'équivaut pas au nombre de cellules (par exemple une cellule dont la surface est comprise entre 11 m 2 et 14 m 2 compte pour deux places). Elle sous estime par conséquent le phénomène de densité carcérale.

La surpopulation, il convient de le rappeler de nouveau, constitue le principal facteur de dégradation des conditions de détention. Elle limite considérablement les activités proposées aux détenus et la faculté, en particulier, d'occuper un emploi.

Elle est facteur des violences qui sévissent trop souvent dans le milieu carcéral.

Elle pèse ainsi sur les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire dont les effectifs ne s'ajustent pas à l'évolution du nombre de personnes écrouées sur la base d'un ratio prédéterminé.

Au cours de ses visites, votre rapporteur a pu mesurer l'écart considérable des situations entre les maisons d'arrêt, les plus nombreuses, surpeuplées et celles, une minorité, dont le taux d'occupation restait satisfaisant.

Maison d'arrêt de Béthune (3 juillet 2009)

A la date de la visite de votre rapporteur, la maison d'arrêt comptait 403 détenus pour 183 places (dont dix en semi-liberté). Quoique préoccupant, ce taux d'occupation reste en-deçà de certains pics observés par le passé où il avait atteint 277 %.

Plusieurs des cellules de la maison d'arrêt (9,5 m 2 ) comportent trois lits. Votre rapporteur a visité l'une d'entre-elles et recueilli le témoignage des détenus. L'un d'entre-eux ne sortait plus depuis trois mois par crainte de faire l'objet de violences de la part des autres détenus. Un autre avait été victime d'un viol. Votre rapporteur a pu constater les conditions choquantes de promiscuité (toilettes séparés par un simple muret n'assurant aucune intimité, limitation à trois douches par semaine...). Selon les témoignages recueillis, il a également constaté qu'au-delà de 50 ans, les détenus n'avaient droit à aucune formation.

D'une manière plus générale, l'offre de travail est très limitée et variable en fonction de la conjoncture : lors de la visite de votre rapporteur, vingt détenus seulement travaillaient.

Maison d'arrêt d'Aurillac (26 octobre 2009)

Comme l'a souligné M. Jacques Mézard lors des échanges de vues organisés à l'occasion de la visite de votre rapporteur, la prison d'Aurillac s'inscrit dans un contexte particulier. Implantée dans un département considéré comme le deuxième plus sûr de France, elle ne connait pas les tensions habituelles dans les maisons d'arrêt.

La maison d'arrêt d'Aurillac est située au centre ville, dans un ensemble architectural comprenant le palais de justice et les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Elle a pour vocation d'accueillir les prévenus et les condamnés hommes dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à un an.

Le quartier femmes existant à l'origine a été supprimé en 1975. Cependant, l'établissement est habilité à écrouer des femmes dans le cadre des placements sous surveillance électronique et des placements extérieurs.

La maison d'arrêt présente une capacité théorique de 72 places (68 places pour la détention normale et 4 places pour la semi-liberté) depuis le 1 er avril 2008. 22 cellules sur 33 comportent deux places (13 m 2 ).

La maison d'arrêt présente plusieurs caractéristiques remarquables par rapport au plus grand nombre des établissements du même type visités par votre rapporteur.

En premier lieu, elle accueille en moyenne 55 détenus et ne connait pas réellement de problème de surpopulation contrairement à la maison d'arrêt de Clermont-Ferrand (dans laquelle se trouve des dortoirs abritant plus d'une dizaine de personnes) pour laquelle elle constitue d'ailleurs un établissement de « désencombrement » (sur les 155 entrants du 01/01/2009 au 01/10/2009, 53 sont des transferts).

La maison d'arrêt accueille aujourd'hui une grande majorité de personnes condamnées (à la date de la visite de votre rapporteur, elle ne comptait que 5 prévenus) -le pôle de l'instruction ayant été établi à Clermont-Ferrand.

Ce taux de densité carcérale explique pour une large part le climat apaisé qui semble prévaloir en détention. La grande majorité des détenus qui le demande est en mesure d'exercer une activité soit au service général soit en atelier. En outre, la taille de la structure permet, comme l'a expliqué le représentant de l'éducation nationale à votre rapporteur, de conduire un véritable travail de sensibilisation auprès des détenus dont témoigne le fait qu'une quarantaine d'entre eux sont inscrits aux trois groupes de travail organisés en fonction du niveau.

La mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes s'est traduite par la séparation effective des prévenus et des condamnés depuis 2008, ainsi que par l'accès au téléphone.

En second lieu, l'établissement fait l'objet d'un effort de maintenance régulier (estimé à 250.000 euros par an en moyenne, à comparer au budget de 10 millions d'euros dont dispose la direction interrégionale pour ce poste). L'ensemble des cellules dispose d'un coin toilettes cloisonné, d'un système d'interphonie, et de fenêtres à double vitrage. En outre, elles sont toutes équipées d'un réfrigérateur et d'une télévision.

Les principaux travaux envisagés concernent actuellement la réfection de la porte d'accès à l'établissement (investissement évalué à 650.000 euros) et le changement d'emplacement des ateliers afin de gagner en espace et accessibilité.

Signe de l'atmosphère particulière de cet établissement, le médecin de l'UCSA a indiqué que la maison d'arrêt n'avait déploré aucun suicide depuis 35 ans. Il a souligné la coordination excellente entre les services de soins et les personnels de surveillance. Il a noté également que la proximité du Samu, capable d'intervenir en moins de deux minutes dans l'établissement, constituait aussi un avantage certain dont un grand nombre d'établissements pénitentiaires étaient dépourvus.

La principale difficulté de l'établissement tenait au fonctionnement du service de nuit actuellement assuré par deux gardiens, ce qui ne correspond ni aux exigences réglementaires concernant les maisons d'arrêt à petit effectif (la circulaire du 4 septembre 2008 précise que : « la présence de trois agents en service de nuit est indispensable : un agent portier, un agent rondier et un agent de piquet . ») ni au protocole d'accord du 11 mai 2009, signé avec plusieurs syndicats des personnels de l'administration pénitentiaire, qui prévoit en son troisième point, que « l es plus petits établissements, dans lesquels le service de nuit n'est assuré que par trois surveillants depuis 1995, seront progressivement renforcés afin que le service de nuit soit assuré par quatre agents ». Comme l'avait relevé notre collègue, M. Jacques Mézard dans une question orale sans débat en septembre dernier, « cette situation pose très clairement de réels problèmes de sécurité, que ce soit en cas de bagarre, d'agression sexuelle, de mise à feu, de tentative de suicide, et également en cas de problème de santé ». Dans sa réponse, le secrétaire d'Etat à la Justice, M. Jean-Marie Bockel, a indiqué que trois surveillants seraient affectés à l'établissement à l'occasion des prochaines opérations de mobilité.

Néanmoins, ce renforcement ne devrait intervenir qu'au mois de mai de l'année prochaine, ce qui, dans l'intervalle, continue de placer les personnels dans une situation délicate.

Votre rapporteur est convaincu au terme de cette visite que :

- la taille de l'établissement constitue l'échelle la plus adaptée pour permettre la prise en charge des personnes détenues (à la condition, évidemment, que la structure ne connaisse pas de suroccupation) ;

- la présence de la maison d'arrêt à Aurillac permet, dans un département confronté au problème de la désertification, de garantir le maintien des liens familiaux, facteur important de la réinsertion. Le maillage territorial de l'administration pénitentiaire doit prendre en compte cette exigence et à cet égard la pérennité de la structure doit être assurée.

Enfin, la qualité de la direction et de l'encadrement constituent des éléments déterminants dans le bon fonctionnement d'un établissement pénitentiaire. L'exemple d'Aurillac le démontre.

Maison d'arrêt pour femmes de Versailles (6 novembre 2009)

La maison d'arrêt de Versailles, si elle compte 120 places de semi-liberté pour hommes, occupées aux deux tiers, a surtout vocation à accueillir des femmes détenues. Elle dispose à cette fin de 30 cellules pour, à la date de la visite de votre rapporteur, 70 femmes détenues.

L'établissement souffre des handicaps traditionnels des maisons d'arrêt les plus anciennes. D'une part, il comporte huit cellules de six lits chacune avec tous les inconvénients qu'une telle promiscuité peut générer. D'autre part, faute de moyens suffisants, l'infrastructure s'est dégradée. A titre d'exemple, le calcaire accumulé dans la tuyauterie entraîne de nombreux dysfonctionnements des douches, tantôt glacées, tantôt brulantes. La rénovation de ces canalisations impliquerait un budget de 50.000 euros, à comparer aux 40.000 euros qui ont déjà été dépensés au fil du temps pour des réparations de fortune.

L'effectif de la maison d'arrêt compte 60 ETP mais à un instant donné, en journée, la maison d'arrêt femmes ne compte que cinq à six surveillants auxquels s'ajoutent deux personnels aux postes de surveillance et dix personnels dans les services administratifs.

Les ateliers situés aux étages présentent des capacités limitées. Ils permettent néanmoins à une trentaine de personnes de travailler, ce qui correspond à un taux d'activité rémunéré plutôt satisfaisant au regard de la moyenne des maisons d'arrêt. Une vingtaine de détenues est en attente d'un travail au sein de l'établissement.

Comme pour la maison d'arrêt d'Aurillac, les conditions de fonctionnement de l'établissement sont caractérisées par un empirisme certain. Ainsi la cuisine est assurée par des femmes détenues qui, malgré leur absence de formation, assurent les repas, non seulement de la détention femmes, mais aussi de la totalité des quartiers semi-liberté.

La taille de l'établissement reste néanmoins un cadre propice aux expérimentations, dès lors que le personnel d'encadrement fait preuve d'initiative.

Ainsi, l'établissement a totalement rénové le système de « cantine » en partenariat avec une grande surface. Ce système a permis tout à la fois une baisse des tarifs (d'autant plus que l'établissement ne prend aucune commission sur les produits cantinés) et la multiplication du nombre de produits cantinables. Il s'est accompagné de la dotation d'un réfrigérateur gratuit dans chaque cellule. Ces mesures contribuent pour une part non négligeable à l'amélioration des conditions de détention.

La stabilisation, certes à un niveau élevé, du nombre de personnes détenues témoigne que l'augmentation de la population pénale ne constitue pas une tendance irréversible. Elle donne raison aux positions prises par le Parlement lors de l'examen de la loi pénitentiaire en faveur de l' encellulement individuel . Ce principe, grâce à l'augmentation des capacités opérationnelles, ne devrait plus rester hors d'atteinte.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE ÉVALUATION PLUS RIGOUREUSE DU TAUX DES PEINES NON EXÉCUTÉES

Les données avancées au cours des derniers mois en matière d'exécution des peines d'emprisonnement ont présenté des écarts si importants qu'une clarification s'impose.

Il n'existe pas actuellement d'outil informatique permettant de recueillir et d'exploiter sur un plan national les données des juridictions relatives à l'exécution des peines. En effet, en 2008, la majorité des bureaux de l'exécution des peines des juridictions ne sont pas encore informatisés. Le déploiement de l'application informatique Cassiopée devrait contribuer à combler progressivement cette lacune.

Toutefois, les conditions d'exécution des peines d'emprisonnement peuvent être approchées à travers deux séries de données :

- les informations collectées par les sept juridictions franciliennes (Paris, Evry, Créteil, Bobigny, Pontoise, Versailles, Nanterre) dotées, quant à elles, de l'outil informatique adapté. En 2008, le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme 10 ( * ) s'établit à 80,3 % pour les jugements contradictoires (soit 9.353 peines) contre 88,1 % en 2008 et de 42,6 % pour les jugements contradictoires à signifier (soit 4.293 peines) contre 50 % en 2007 ;

- l'étude réalisée par l'inspection générale des services judiciaires en mars 2009 consacrée à l'évaluation du nombre de peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution sur la base d'un comptage manuel au sein de l'ensemble des juridictions. Elle établit à 82.153 le stock de peines d'emprisonnement ferme exécutoires en attente d'exécution. Ce stock se compose à hauteur de 90,8 % de peines d'emprisonnement inférieures à un an (68,7 concernant des peines d'emprisonnement inférieures à six mois). Le rapport de l'inspection relativise la portée de ce chiffre en indiquant que 75 % de ces peines environ devraient faire l'objet d'un aménagement .

La réduction du taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme constatées dans les sept juridictions franciliennes n'en soulève pas moins des interrogations sur l'efficacité de la réponse pénale. Plusieurs éléments expliquent cette situation :

- les retards aux différents maillons de la chaîne pénale, l'exécution des peines n'en constituant que la dernière étape ; l'augmentation constante du taux de réponse pénale 11 ( * ) peut conduire à des effets de saturation au niveau du bureau d'ordre, de l'audiencement ou encore du greffe correctionnel ;

- les effectifs dévolus à l'exécution des peines apparaissent insuffisants. La juridictionnalisation de l'application des peines (processus achevé par la loi « Perben 2 ») et la création de tâches nouvelles -en particulier l'alimentation des fichiers de police et de justice tels que le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) ou le fichier des personnes recherchées (FPR)- considérées par le ministère de la justice comme des activités « chronophages », ont beaucoup accru la charge de travail des parquets au cours des dernières années. En outre, l'exécution des peines présente une technicité particulière. Pour cette raison, le recours à des vacataires est une solution qui n'est pas toujours adaptée ;

- les peines prononcées en l'absence du prévenu (soit près du tiers de l'ensemble) ne sont exécutées qu'au terme d'un délai moyen de 13,6 mois (contre un délai de 4,1 mois pour les peines d'emprisonnement ferme prononcées contradictoirement). Il est en effet nécessaire dans ce cas que le jugement soit signifié par acte d'huissier et qu'en cas de remise non faite à la personne du condamné, une notification soit effectuée à la requête du parquet par un officier ou un agent de police judiciaire. La loi du 1 er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines a néanmoins assoupli ces modalités en permettant la notification des décisions judiciaires par le chef d'établissement pénitentiaire, par un magistrat ou par un greffier. La mise à exécution des condamnations rendues par décision contradictoire à signifier ou par défaut devrait ainsi être accélérée lorsque les condamnés sont détenus ou présentés à l'autorité judiciaire dans le cadre d'une autre affaire.

Lors de son audition par votre commission, le 10 novembre dernier, M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, a indiqué qu'il avait demandé aux chefs de cour et aux présidents des chambres de l'application des peines des cours d'appel réunis à Paris le 1 er octobre 2009 de mettre en oeuvre des conférences régionales de l'application des peines afin de mieux coordonner la politique judiciaire de l'application des peines au sein des ressorts. Il a également relevé que les procureurs de la République devraient, d'une part, veiller à identifier en temps réel les capacités des établissements pénitentiaires en relation avec les chefs d'établissement pour assurer une « exécution fluide des peines d'emprisonnement » et, d'autre part, à activer les bureaux d'exécution des peines destinés à faciliter l'exécution de la peine dès la fin de l'audience.

C. LES AMÉNAGEMENTS DE PEINE : UN ACCOMPAGNEMENT HUMAIN INDISPENSABLE

La loi pénitentiaire ouvre un cadre juridique très favorable aux aménagements de peine.

Elle fixe deux principes directeurs (art. 132-24 du code pénal) :

- en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;

- lorsqu'une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement de peine (semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement de peines).

Ces principes se concrétisent principalement sous quatre formes :

- l'allongement , sauf dans le cas où la personne a été condamnée en état de récidive, de un à deux ans du quantum de peine susceptible de faire l'objet d'un aménagement (total ou partiel) par la juridiction de jugement ab initio ou par le juge de l'application des peines en cours d'exécution de la peine (article 132-25 du code pénal) ;

- l'abaissement de 40 à 20 heures du plancher d'un travail d'intérêt général (dont la durée maximale est restée fixée à 210 heures) -article 131-8 du code pénal- afin d'assouplir les conditions d'utilisation de ce dispositif ;

- des dispositions plus incitatives en faveur de la libération conditionnelle : possibilité d'accorder cette mesure à une personne âgée de soixante-dix ans même si elle n'a pas accompli l'intégralité du temps d'épreuve requis par la loi à la condition, d'une part, que son insertion ou sa réinsertion soit assurée, d'autre part, que sa libération ne risque pas de causer un trouble à l'ordre public ; faculté de prendre en compte l'implication du condamné dans « tout projet sérieux d'insertion ou de réinsertion » (article 729 du code de procédure pénale) ; utilisation du PSE, au même titre que la semi-liberté, comme mesure probatoire à la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine privative de liberté (article 720-5 du code de procédure pénale) ;

- la simplification des procédures : de nouvelles procédures simplifiées d'aménagement des peines sont appelées à se substituer aux dispositifs introduits par la loi du 9 mars 2004.

Les principales concernent les condamnés incarcérés. Les modifications apportées par la loi pénitentiaire consistent pour l'essentiel à étendre le champ des personnes concernées et à confier au ministère public un rôle de filtre des propositions d'aménagement du SPIP.

L'aménagement de peine pourrait être prononcé dès lors que la durée d'emprisonnement restant à subir est inférieure ou égale à deux ans et non plus à trois ou six mois suivant les cas. Il appartient, comme par le passé, au SPIP d'examiner en temps utile le dossier de chaque détenu et de proposer une mesure d'aménagement de peine qui, toutefois, ne sera pas transmise au JAP, comme tel était le cas selon les règles antérieures, mais au procureur de la République qui, s'il estime la proposition justifiée, la transmet pour homologation au JAP. En cas de non homologation à l'issue du délai de trois semaines, le directeur du SPIP peut mettre en oeuvre la mesure d'aménagement sur instruction du parquet (article 723-20).

Les différentes mesures d'aménagement de peine tendent à progresser en 2008 :

2005

2006

2007

2008

Libération conditionnelle

5.911

5.648

6.057

7.494

Permissions de sortir (flux)

35.411

*

53.111

53.201

Placements à l'extérieur

1.944 *

1.980

2.289

2.608

Placement en semi-liberté

4.128 *

4.655

5.283

5.928

Placements
sous surveillance électronique

714

884

1.689

2.566

* données incomplètes pour 2005

** changement des règles de comptage

- Les mesures de libération conditionnelle ne tiennent pas compte des libérations conditionnelles ab initio qui ne donnent pas lieu à écrou et ne sont par conséquent pas connues de l'administration pénitentiaire. Le rapport entre le nombre de mesures prononcées (7.494) et le nombre moyen annuel des condamnés écroués permet cependant une approche pondérée, soit un ratio de l'ordre de 0,15. Ainsi, un peu plus d'un écroué sur 10 bénéficie d'une libération conditionnelle.

- Les placements en semi-liberté sont pour une large part déterminés par les places opérationnelles dans les centres de semi-liberté 12 ( * ) ou les quartiers de semi-liberté au sein des établissements pénitentiaires, soit au total 2.300 places. Le nombre de places opérationnelles dans les centres de semi-liberté tend à baisser de manière constante et le taux d'occupation atteint pour la première fois 95 % au 1 er janvier 2009 (contre 73,6 % au 1 er janvier 2007). Cette moyenne marque cependant des disparités entre les établissements en centre-ville pour la plupart surencombrés et ceux qui sont plus excentrés et ne bénéficient pas d'un accès aussi favorable aux lieux de travail et au réseau de transport.

L'administration pénitentiaire envisage le développement de places de semi-liberté sous trois formes : la création, dans le cadre du dispositif d'accroissement des capacités, de 277 places de semi-liberté sur les sites de Saint-Etienne, Melun, Caen, Angers, Seysses et Nouméa ; l'ouverture en 2010 de trois nouveaux quartiers de semi-liberté à Gradignan, Aix-en-Provence et Avignon (au total, 210 places) ; la création, à l'horizon 2012, de 1.700 places au sein des nouveaux quartiers courtes peines (dont un tiers dédiés à la semi-liberté).

- Le placement sous surveillance électronique. Cette mesure est devenue l'une des principales mesures d'aménagement de peine au cours des trois dernières années. Avec la loi pénitentiaire, il pourrait devenir la modalité la plus usuelle d'exécution des fins de peine. En effet, aux termes du nouvel article 723-28 du code de procédure pénale, la personne condamnée à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à 5 ans, lorsqu'aucune mesure d'aménagement de peine n'a été ordonnée six mois avant la fin de peine, et qu'il lui reste 4 mois d'emprisonnement à subir 13 ( * ) exécute le reliquat de la peine selon les modalités du PSE, sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé, ou d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou le risque de récidive. Afin d'éviter toute dérive vers une « grâce électronique », le Parlement a prévu que cette disposition était mise en oeuvre par le directeur du SPIP sous l'autorité du procureur de la République qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. Par ailleurs, en l'absence de décision de placement, la personne condamnée peut saisir le juge de l'application des peines qui statue par jugement après débat contradictoire.

D'ores et déjà, une expérimentation a été engagée depuis septembre 2008 afin de permettre l'examen systématique de la situation des personnes condamnées en fin de peine au regard du PSE.

Au 29 octobre 2009, sur les 14 sites opérationnels et une population de 1.623 personnes éligibles, 285 avaient été admises à ce dispositif. Le nombre d'échecs apparaît limité, seules 11 mesures ayant été révoquées.

- Le placement sous surveillance électronique mobile. Malgré l'élargissement progressif de l'éventail des dispositifs juridiques dans lesquels il peut être utile, le PSEM connaît encore des débuts modestes.

L'expérimentation du dispositif a débuté en juin 2006 dans le cadre de la libération conditionnelle. Le personnel de l'administration pénitentiaire assure la pose et la dépose des émetteurs sur les placés. Il reçoit et traite les alarmes de violation des interdictions et obligations liées aux déplacements du placé. Il procède à la saisie des décisions judiciaires relatives à la surveillance électronique mobile, et notamment des zones d'inclusion (par exemple, le domicile du placé, le lieu de formation), des zones d'exclusion (notamment le domicile des victimes), des zones tampons situées autour des zones d'exclusion ou encore des horaires d'assignation. Ce sont les agents des pôles centralisateurs du placement sous surveillance électronique (PSE) qui assurent le suivi du PSEM. Les autres prestations liées à la surveillance électronique mobile sont entièrement externalisées, assurées et prises en charge par le prestataire.

La durée d'application du PSEM est de deux ans renouvelable une fois pour les délits et de deux ans renouvelable deux fois pour les crimes, dans la limite de la durée de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire prononcés. Cependant, la loi du 25 février 2008 prévoit désormais que le PSEM peut être appliqué, durant toute la durée du suivi socio-judiciaire et de la surveillance judiciaire, sans limite de temps, pour toutes les personnes condamnées à une réclusion criminelle supérieure ou égale à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

Selon les éléments communiqués par M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, lors de son audition par votre commission, le 10 novembre dernier, 58 mesures de PSEM ont été prononcées dont 43 dans le cadre d'une surveillance judiciaire. 38 mesures sont en cours.

*

* *

Votre rapporteur estime que s'il est possible de connaître les taux d'occupation des établissements pénitentiaires, il serait utile aussi de disposer d'outils permettant de mieux évaluer les capacités d'absorption du milieu ouvert, en particulier au regard des effectifs des conseillers d'insertion et de probation.

La réussite des dispositifs de surveillance électronique -fixe ou mobile- dépendra aussi de l'encadrement humain des personnes concernées (qui ne doivent pas seulement être surveillées mais aussi accompagnées dans leur démarche de réinsertion). Faute des ressources nécessaires en CIP, le nombre d'échecs pourrait augmenter à proportion du nombre de personnes condamnées concernées au risque de discréditer une mesure pourtant très utile.

III. QUELLES INFRASTRUCTURES POUR DEMAIN ?

La France disposait au 1 er janvier 2009 de 194 établissements pénitentiaires 14 ( * ) , soit 51.997 places « opérationnelles » (nombre de places de détention disponibles dans les établissements pénitentiaires).

Le parc immobilier présente un contraste fort entre, d'une part, des établissements vétustes du fait de leur ancienneté (tel est le cas des maisons d'arrêt situées dans les centres-villes construites au XIXème siècle) ou du manque d'entretien, et d'autre part, des bâtiments beaucoup plus modernes issus des trois programmes immobiliers qui se sont succédé depuis les années 1980 15 ( * ) . Le dernier d'entre eux, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, prévoit la création de 13.200 places réparties entre 6 établissements pénitentiaires pour mineurs désormais en service et une quinzaine d'établissements pour majeurs dont les premiers ont ouvert en 2008.

Les investissements immobiliers de l'administration pénitentiaire comportent actuellement trois volets :

- la poursuite du programme « 13.200 » places ;

- l'accroissement des capacités au sein d'établissements existants ;

- la rénovation des établissements pénitentiaires parmi lesquels les structures les plus importantes (Fleury-Mérogis, Fresnes, Les Baumettes, La Santé).

Investissements immobiliers en maîtrise d'ouvrage publique

AE
(527,83 M€

CP
(258,06 M€)

Entretien du gros oeuvre et sécurisation des établissements pénitentiaires

Programme de construction « 13.200 »

86,56 M€

366,27 M€

79,56 M€

153,5 M€

Investissements immobiliers en maîtrise d'ouvrage privée

AE
(362 M€)

CP
(36,3 M€)

Loyers des établissements construits en partenariat public-privé et AOT-LOA

0

26,3 M€

Nouveaux programmes en partenariat public-privé

33,9 M€

10 M€

Reconstitution de l'enveloppe relative à la réhabilitation
de la maison d'arrêt de Paris-La Santé

328 M€

A. LE PROGRAMME DE RÉNOVATION DES GRANDES MAISONS D'ARRÊT

Ce programme décidé en 1998 concerne les plus grands établissements pénitentiaires français (maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Paris-La Santé, centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes et centre de détention de Nantes).

A Marseille , le programme de rénovation a pris un tel retard qu'il a dû être entièrement réexaminé. Il est désormais envisagé de construire deux établissements dont l'un, totalement neuf, sur le site actuel des Baumettes. Les nouveaux aménagements prévus pour les Baumettes permettraient ainsi de « dé-densifier » le site actuel en augmentant l'espace réservé aux parloirs, aux familles et aux promenades.

Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (12 novembre)

Plus grande maison d'arrêt d'Europe avec une capacité théorique de 2.800 places, la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis comprend 3 établissements pénitentiaires répartis en 7 bâtiments : une maison d'arrêt pour femmes, une maison d'arrêt pour hommes (comprenant 5 tripales de 700-750 détenus chacune) et un centre de jeunes détenus.

Elle accueille 3500 détenus dont 1340 prévenus et 2100 -dont une centaine de détenus condamnés à des peines allant de 10 ans à la perpétuité en attente d'affectation en établissement pour peines. La majorité des condamnés purgent une peine inférieure à 2 ans.

Le taux d'occupation atteint 125 % pour l'ensemble de l'établissement et 130 % pour la maison d'arrêt des hommes.

La maison d'arrêt pour les hommes a vu ses effectifs diminuer de façon continue depuis le 1 er janvier 2009 (moins 500 hommes) sans qu'une explication puisse être fournie, la maison d'arrêt relevant de plusieurs parquets pouvant mettre en place des politiques pénales différentes.

Travaux de rénovation

Mise en service en 1968, la maison d'arrêt fait actuellement l'objet d'importants travaux de rénovation entamés depuis 2002 . La maison d'arrêt pour hommes est composée de cinq tripales qui sont successivement mises aux normes. La tripale D2 a été livrée après 30 mois de travaux au lieu des 18 prévus. Les travaux sur la tripale suivante ont commencé sans délai. En 2010 débutera la rénovation des bâtiments centraux ce qui supposera la construction de locaux provisoires notamment pour les parloirs.

Dans la tripale rénovée, l'ensemble des cellules disposent d'un coin toilette et douche cloisonné, de plusieurs prises électriques et d'un système d'interphonie fonctionnant de jour comme de nuit.

Le quartier disciplinaire commun à l'ensemble de l'établissement a également été rénové. Les 78 cellules sont réparties par quota entre les 7 bâtiments. Les détenus sont pris en charge par une équipe affectée à ce quartier.

Les nouvelles cours de promenade qui peuvent accueillir de 200 à 250 détenus prennent en compte la question de l'insécurité. A terme, la vidéo surveillance y sera installée.

Le centre de jeunes détenus accueille 80 mineurs. Il se caractérise par le principe de l'encellulement individuel et l'activité. A la différence des EPM, les effectifs d'encadrement sont moindres : on compte 1 officier et 18 surveillants.

En sous-capacité, les cellules disponibles ont été affectées à des adultes qui travaillent.

Les règles pénitentiaires européennes sont mises en oeuvre à la maison d'arrêt des femmes et au centre de jeunes détenus. Par exemple, le téléphone est installé. La distinction prévenu/condamné existe chez les femmes et va progressivement être mis en place chez les hommes. Des quartiers arrivants ont été mis en place.

On dénombre environ un millier de travailleurs sans compter le dispositif de l'éducation nationale. Le taux d'activité est variable d'une tripale à l'autre : du quasi plein emploi à la quasi inoccupation.

1700 détenus occupent une cellule individuelle.

S'agissant des personnels, l 'établissement accueille de nombreux jeunes surveillants. La rotation des personnels, y compris des personnels de direction, est importante.

En 2009, les violences sur les personnels ont augmenté. Les chiffres ne distinguent pas néanmoins les agressions directes des simples bousculades commises par le détenu. Le directeur a aussi indiqué que les surveillants avaient tendance à régler eux-mêmes les problèmes plutôt que de faire appel à un gradé. Il a précisé que la prévention de ces incidents serait soumise au comité d'hygiène et de sécurité. Une piste de réflexion serait d'améliorer le taux de réponse aux requêtes des détenus.

Sur le pôle santé

L'établissement compte 160 personnels médicaux. Une infirmière en chef coordonne le travail de 50 infirmières (20 affectées à la psychiatrie, et 30 aux soins des troubles somatiques).

Afin d'éviter les trafics de médicaments, la préparation et la délivrance font l'objet d'une traçabilité. La prise des médicaments n'est pas contrôlée, sauf exception (ex. méthadone).

Un dossier médical unique pour chaque détenu est accessible par les différents médecins.

Le chef du SMPR a rappelé l'indépendance de son service vis-à-vis de l'administration pénitentiaire et l'importance du secret médical. Il a indiqué que contrairement à ce qu'on pouvait entendre, la prison n'était pas peuplée de malades mentaux en grand nombre mais plutôt de personnes en souffrance psychologique.

Le SMPR est en sous-effectifs : 5 médecins temps plein au lieu d'un médecin temps plein pour 20 lits d'hospitalisation, un praticien pour 400 détenus.

Les relations entre l'UCSA et le SMPR semblent difficiles alors même que l'unité géographique des deux pôles devrait favoriser une bonne coordination. Il a regretté que l'UHSI de la Pitié-Salpêtrière n'ait ouvert que 15 lits sur les 25 prévus..

Trois suicides sont à déplorer depuis le début de l'année. Ce taux est cependant deux fois inférieur à celui relevé au niveau national Une commission centrale traite de la question de la prévention du suicide.

Maison d'arrêt La Santé (13 novembre)

La maison d'arrêt de la Santé a ouvert en 1867. Elle apparaissait alors comme l'un des premiers fleurons d'une politique pénitentiaire ambitieuse fondée sur l'encellulement individuel de jour et de nuit pour les prévenus et, pour les condamnés, sur l'encellulement collectif de jour et individuel de nuit. Elle correspondait aux normes architecturales les plus modernes de l'époque (ventilation, chauffage).

Actuellement, l'établissement comporte encore un quartier bas formé de quatre divisions où l'encellulement individuel est assuré (cellule de 6,90 m 2 ) et un quartier haut constitué de quatre blocs dont un seul est ouvert, les trois autres ayant été fermés compte tenu de leur état de vétusté.

Le Gouvernement avait décidé en 2005 la réhabilitation de l'établissement par la mise en oeuvre d'un contrat de partenariat public-privé. Cependant, à la suite de l'audit mené dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le projet a été suspendu en 2008.

Le site est conservé et son activité se poursuit sur la base d'une capacité fortement diminuée avec 455 places opérationnelles.

Alors que la Santé pouvait accueillir de 1 300 à 1 500 détenus, elle n'en reçoit aujourd'hui que 570, soit un taux d'occupation de 126 % (dont 230 détenus dans le quartier bas). La répartition des détenus entre les établissements d'Ile de France obéit encore à une stricte logique alphabétique, la Santé n'accueillant plus les détenus qu'à partir de la lettre S.

L'établissement reçoit 52,6 % de prévenus et 53 % de personnes non francophones (avec une forte progression des personnes venant d'Europe de l'est) 16 ( * ) .

Depuis 2009, dans le cadre du plan de relance, de nouveaux investissements ont été engagés (rénovation des réseaux électriques, réhabilitation des cours de promenade...) pour un budget de 100 000 €.

En outre, le quartier de semi-liberté a fait l'objet d'une opération de rénovation et d'extension sur 2008-2009 pour un montant de 771.000 €. Le nombre de cellules a été porté de 18 à 36 accueillant 72 détenus. Ce quartier, qui est le seul à fonctionner dans Paris intra-muros, est très sollicité.

Les effectifs des personnels sont originaires à 84 % des départements d'outre-mer et connaissent un fort taux de rotation. Ainsi l'année 2008 a été marquée par un renouvellement de 25 % du personnel.

Les espaces collectifs apparaissent contraints. Les zones ateliers occupent une surface de 400 m 2 . Seul le quart des détenus bénéficie d'une activité rémunérée (travail et formation). L'organisation des activités doit également prendre en compte le fait que la moyenne de séjour de la population pénale au sein de l'établissement ne dépasse pas quatre mois (les flux d'entrée et de sortie représentent chacun 1 200 personnes).

L'établissement a mis en place un partenariat intéressant avec plusieurs institutions culturelles, au premier chef le Louvre qui intervient sous la forme de conférences et d'ateliers artistiques. Des permissions de sortie permettent à quatre détenus accompagnés de trois surveillants de visiter le musée à intervalles réguliers. Cette opération concerne de 20 à 30 détenus par mois.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le maintien d'un établissement pénitentiaire sur le site actuellement occupé par la maison d'arrêt de la Santé n'est plus contesté. Seule la capacité de l'établissement reste en débat.

L'établissement pourrait n'accueillir des détenus que le temps de leur procès et du délai nécessaire pour trouver une affectation après la condamnation. La maison d'arrêt aurait ainsi principalement la vocation d'une plaque tournante à l'égard des autres structures franciliennes. Le nombre de cellules pourrait ainsi être fixé à 1.100 ou 1.300.

Votre rapporteur reste pour sa part réservé sur un surdimensionnement capacitaire de l'établissement, incompatible avec une prise en charge individualisée des personnes détenues, pourtant nécessaire y compris pour des séjours de courte durée.

Il estime indispensable que l'avenir de la structure soit rapidement clarifié, le fait qu'une partie importante de la détention soit aujourd'hui inoccupée et dans un état de fort délabrement étant aujourd'hui vécu de manière difficile par les personnels.

B. LE PROGRAMME 13.200 : UN PREMIER BILAN CONTRASTÉ

Ce programme est réalisé en quatre lots : un lot en maîtrise d'ouvrage publique, deux lots successifs en AOT-LOA (autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat) 17 ( * ) , un lot en partenariat public privé 18 ( * ) .

Le financement disponible pour la réalisation du programme de 12.800 places pour majeurs et de 420 places pour mineurs est de 1.130 M€ obtenus au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice auquel il convient d'ajouter 160 M€ en complément du financement de 1.800 places annoncées antérieurement à la LOPJ.

Le calendrier de ces réalisations s'établit de la manière suivante en métropole 19 ( * ) .

Année de mise en service

Site*

2007

EPM Quiévrechain (60)

EPM Meyzieu (60),

EPM Marseille (60),

EPM Lavaur (60)

2008

EPM Orvault (60),

EPM Porcheville (60),

CP Mont de Marsan (690),

CP La Réunion (576)

2009

CD Roanne (600),

MA Lyon-Corbas (690),

CP Nancy (690),

CP Poitiers (560),

CP Béziers (810)

2010

CP Le Mans (400),

CP Le Havre (690),

CP de Rennes (690),

CP Bourg-en-Bresse (690)

2011

CP Lille-Annoeullin (688),

CP Île de France-Réau (798)

2012

MA Nantes (570),

MC Vendin-le-Vieil (220) 20 ( * )

Dans les collectivités d' outre-mer , la LOPJ a prévu la création de 1.600 places. Le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion (574), réalisé en conception réalisation, a été mis en service en décembre 2008. Cinq autres projets validés ont fait l'objet d'études préalables : extension ou réhabilitation sur les domaines existants des établissements de Mayotte (177 places), de Martinique (160 places), de Guyane (160 places), de Baie-Mahault (250 places) et de Basse-Terre (70 places).

En deux ans (2008-2009), 5.109 places prévues par la LOPJ auront été livrées et mises en service dont 4.146 en 2009. En 2010, s'ajouteront 3.025 places et en 2011, 1.931 places . Parallèlement, entre 2009 et 2011, 2.406 places auront été fermées, soit un solde net de créations de 7.659 au titre du programme 13.200.

Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville (6 novembre 2009)

Des conditions d'ouverture difficiles

L'EPM de Porcheville a ouvert le 14 avril 2008 avec une capacité d'une trentaine de places. A la date de la visite de votre rapporteur, il accueillait 29 mineurs incarcérés ; toutefois, jusqu'au mois de mars 2009, l'effectif de l'établissement avait connu certaines fluctuations avec une moyenne de 35 mineurs incarcérés.

L'encadrement, en particulier du côté de la protection judiciaire de la jeunesse, a été assuré pour moitié par des contractuels et, pour moitié, par des personnels sortant d'écoles et dépourvus de réelle expérience.

Si, dès le départ, l'Education nationale a doté l'EPM de l'effectif adapté à sa pleine capacité (60 mineurs détenus), soit dix emplois à temps plein et trois temps partiel, tel n'a pas été le cas de l'administration pénitentiaire et surtout de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ).

Par ailleurs, l'établissement a d'abord accueilli des mineurs qui avaient initialement été hébergés en quartiers mineurs au sein d'établissements pénitentiaires en région parisienne et qui ont été soumis dans l'EPM à une organisation de vie en détention beaucoup plus dense et structurée, ce qui a pu susciter des réactions de rejet. Les premiers mois ont ainsi été émaillés d'incidents parfois très violents commis à l'encontre des personnels.

Enfin, la structure immobilière a révélé de nombreuses fragilités -emploi de matériaux inadaptés à la détention, vulnérabilité des cloisons, etc.- et ont fait l'objet de rapides dégradations.

Un taux d'encadrement important pour un coût très élevé

La structure compte 75 personnels pénitentiaires, 30 personnels de la PJJ, une dizaine de personnels de l'Education nationale, une équipe médicale (un médecin généraliste et un psychiatre à mi-temps, un psychologue à temps plein et 2,3 ETPT d'infirmiers).

Ces effectifs devraient être atteints à l'horizon 2010 afin d'accueillir les 60 mineurs prévus. L'effectif de surveillants devrait ainsi être augmenté de 17 et celui de la PJJ de 12, ce qui pour cette administration ne semble pas du tout assuré.

Le prix de la journée de détention est aujourd'hui à l'EPM de Porcheville de 800 euros (hors prise en charge sanitaire), à comparer toutefois au prix de journée de 450 euros à l'EPM de Marseille qui, de tous les EPM, est celui qui fonctionne actuellement avec le plus grand nombre de mineurs incarcérés, soit une cinquantaine, en moyenne.

Un bilan contrasté

Comme il avait déjà pu en faire le constat l'an passé, votre rapporteur observe que le temps de séjour au sein de l'EPM de l'ordre de 2,5 mois en moyenne (la durée la plus longue du séjour, à ce jour, s'est élevée à 14 mois) ne permet pas une prise en charge pleinement efficace du mineur, même si l'impact de la détention dans l'EPM est extrêmement variable, selon le moment de l'incarcération dans le processus de construction de la personnalité du délinquant.

Si les mineurs manifestaient au départ leur souhait de réintégrer les quartiers mineurs traditionnels, tel ne semble plus le cas désormais puisque, au contraire, arrivés à leur majorité, ils demandent généralement de prolonger le plus longtemps possible leur séjour au sein de l'établissement. L'un des principaux enjeux auxquels sont désormais aujourd'hui confrontés les EPM est précisément de mieux articuler le temps passé dans cette structure avec le parcours d'exécution de peine dans un établissement pour majeurs.

Du côté des personnels, la perception change également. Ainsi les personnels de la PJJ, notamment parmi les jeunes générations, mesurent mieux que les conditions de travail dans les EPM (en particulier au regard de la sécurité, puisqu'ils interviennent aux côtés de personnels de l'administration pénitentiaire) sont plus satisfaisantes que dans les centres éducatifs fermés ou les autres structures de la PJJ. La position des personnels de surveillance apparaît contrastée : aux côtés d'agents très impliqués, une proportion élevée souhaite une mutation dans un établissement pour majeurs, les surveillants n'ayant pas toujours pris conscience de l'investissement requis par ce type de structure, ainsi que de la spécificité du travail en binôme avec la PJJ.

L'ouverture de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas : une expérience difficile (16 novembre 2009)

La maison d'arrêt de Lyon-Corbas comporte une unité pour femmes de 60 places et trois unités pour hommes de 180 places chacune (50 cellules doubles, 78 cellules individuelles, deux cellules « handicapés »).

L'ouverture, le 3 mai 2009, de l'établissement a été marquée par trois séries de difficultés.

Une montée en charge excessivement rapide

Lors de l'ouverture de l'établissement, 436 détenus ont été transférés des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph de Lyon (soit l'un des transferts les plus importants jamais réalisé par l'administration pénitentiaire). A la date de la visite de votre rapporteur, l'établissement, doté de 690 places, accueillait 850 personnes détenues . La grande majorité des cellules est occupée par deux personnes, y compris les cellules individuelles. La maison d'arrêt des femmes elle-même, dotée de 60 places, est intégralement occupée avec des cellules parfois doublées.

L'établissement est en outre confronté à des flux d'entrée très importants puisque la durée moyenne de séjour des détenus est comprise entre huit et dix semaines. Il accueille systématiquement les personnes condamnées dans le cadre des comparutions immédiates. En outre, certains détenus sont d'abord incarcérés à Lyon-Corbas alors même qu'ils ont vocation à être transférés à Villefranche-sur-Saône qui sert principalement d'établissement de « désencombrement ». Ne serait-il pas plus conforme à une gestion rationnelle des moyens publics et à une prise en charge respectueuse des personnes détenues d'organiser une affectation directe à Villefranche-sur-Saône ?

Des relations parfois délicates avec le partenaire privé

L'établissement a été construit dans le cadre d'un contrat AOT-LOA par la société Effage construction, propriétaire de la structure pendant une période de 30 ans et responsable de sa maintenance par le biais d'une filiale et d'une structure opérationnelle intervenant au sein de l'établissement.

L'ouverture a été marquée par un certain nombre de dysfonctionnements sans doute prévisibles compte tenu de l'importance de sa structure et des technologies avancées qui y sont employées, en particulier pour le système de contrôle et d'ouverture des portes. La réactivité du bailleur a parfois été prise en défaut. Néanmoins, le système de pénalité prévu par le contrat apparaît très dissuasif.

Le contrat prévoit que, en cas de dysfonctionnement, le partenaire privé doit intervenir en fonction de délais prédéterminés. Lorsque cette intervention n'est pas réalisée dans les délais contractuels, des pénalités (dont le montant global est plafonné chaque année), sont appliquées. Ces pénalités, de l'ordre de 20 000 € le premier mois, aurait pu atteindre jusqu'à 1 200 000 €, montant qu'il faut rapprocher du loyer mensuel fixé à 750 000 €.

Les difficultés rencontrées devraient sans doute progressivement s'atténuer à mesure de l'acquisition progressive par la société Effage d'une culture pénitentiaire qui lui était jusqu'à présent étrangère.

Des personnels mis à l'épreuve

Les personnels ont été confrontés à la montée en charge extrêmement rapide de la population pénale ainsi qu'aux contraintes liées à l'adaptation à une organisation architecturale sans rapport avec celle des anciennes maisons d'arrêt de Saint-Paul et Saint-Joseph et à l'emploi de nouvelles techniques. Plusieurs des personnels de surveillance rencontrés ont fait part du sentiment d'insécurité qu'ils éprouvaient du fait des dysfonctionnements des technologies très sophistiquées face auxquels ils se trouvent démunis. Par ailleurs, l'augmentation de la population pénale donne le sentiment aux personnels de surveillance qu'ils jouent principalement un rôle de « porte clés » sans pouvoir assumer d'autres types de missions. Ces contraintes pèsent sur un effectif diminué par rapport à celui des établissements de Lyon Perrache (360 personnels contre 430). En outre, le temps de formation a été limité (moins d'une semaine sur des dispositifs qui n'étaient pas tous fonctionnels ou pas encore installés). La situation actuelle a entraîné un fort taux d'absentéisme selon le directeur de l'établissement.

Les différentes unités qui composent la structure ne sont pas autonomes les unes par rapport aux autres. L'accès aux parloirs, SMPR, UCSA ou ateliers impliquent une circulation d'un bâtiment à l'autre. Or la forte mobilisation des personnels, les contraintes liées aux exigences de la sécurité et à la disposition des lieux conduisent à une gestion très rigoureuse des mouvements.

Plusieurs des partenaires de l'établissement et au premier chef les services de santé tant somatique que psychiatrique se sont plaints que ces considérations limitent considérablement le nombre de personnes détenues qu'ils pouvaient recevoir. Ainsi, d'après le responsable de l'UCSA, 30 % des détenus qui le justifieraient ne peuvent être reçus.

Votre rapporteur, même s'il regrette la surpopulation de l'établissement, ne peut que constater que le nouvel établissement garantit aux détenus des conditions de détention respectueuses de la dignité des personnes, et qu'il a permis un progrès considérable par rapport à la situation qui prévalait dans les établissements de Saint-Paul et Saint-Joseph qu'il avait visités en septembre 2007. Il note que l'insuffisance des effectifs est la principale source de ces difficultés rencontrées et que la création d'une vingtaine de postes supplémentaires permettrait déjà de favoriser un fonctionnement plus harmonieux de la structure.

La livraison des premiers établissements du programme 13.200 n'intervenant qu'à partir de 2008, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un dispositif d'accroissement des capacités au sein des établissements pénitentiaires destinés à créer 2.852 places supplémentaires (dont 365 places en semi-liberté). Au 31 juillet 2009, 2.175 places avaient été réalisées dans des quantités très variables selon les établissements (de 9 places à la maison d'arrêt de Mayenne à 200 places au centre de détention de Villenauxe La Grande). 512 places étaient prévues en 2010 parmi lesquelles 50 places pour la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, 80 places pour la maison d'arrêt de Montauban ainsi que pour le centre pénitentiaire de Liancourt, 89 places pour la maison d'arrêt de Bonneville.

C. LES NOUVEAUX ENJEUX DES PROGRAMMES IMMOBILIERS À VENIR : BÂTIR MIEUX À CAPACITÉ CONSTANTE

Lors de son audition par votre commission des lois le 10 novembre dernier, la garde des sceaux et le secrétaire d'Etat à la justice ont confirmé qu'un nouveau programme de construction prendrait le relais du « 13.200 » places sur la période 2012-2018 . Il permettra d'une part la réalisation de 12.300 places en remplacement de places vétustes et, d'autre part, la création nette de 5.000 places . Les premières ouvertures interviendraient en 2014. A l'issue de ce programme, le nombre de places dans les prisons françaises devrait atteindre 68.000 .

Votre rapporteur estime parfaitement justifiée la réalisation de 12.300 places respectueuses de conditions de détention dignes et du principe de l'encellulement individuel. Il est plus réservé sur l'augmentation des capacités de détention qui tendent plutôt à jouer comme un facteur d'inflation carcérale. En outre, cette augmentation peut paraître paradoxale à l'heure où la population pénale semble se stabiliser, voire se réduire. L'expérience du programme des établissements pénitentiaires pour mineurs mérite réflexion : établi sur la base d'une population de 900 mineurs incarcérés, il a dû être revu à la baisse, le nombre de mineurs détenus ne dépassant pas, depuis plusieurs années, 700. Ainsi, le septième établissement pénitentiaire pour mineurs a été reconverti en établissement pour majeurs.

Toutefois, le programme de création de 5.000 places peut se concevoir dans une perspective de moyen terme s'il permet de mettre un terme au rythme heurté observé jusqu'à présent en France où la construction de nombreux établissements succède à de longues périodes où aucune place n'a été réalisée. La concentration sur quatre à cinq ans de l'ouverture de nouvelles structures, comme tel est le cas avec le programme 13.200, impose en particulier des recrutements massifs qui ne s'accordent pas toujours avec l'exigence de qualité.

Ce nouveau programme offre l'occasion de réfléchir sur l'organisation architecturale et le fonctionnement des établissements pénitentiaires de demain.

Il convient à cet égard de tirer les premiers enseignements de la réalisation des grands ensembles y compris dans le cadre du programme « 13.200 ». A la lumière des visites effectuées par votre rapporteur, un constat s'impose : tant les personnels pénitentiaires que les personnes détenues préfèrent les petites unités aux grandes. Sans doute conviendrait-il de mieux concilier les exigences liées aux économies d'échelle avec la nécessité d'une détention à dimension humaine. Le secrétaire d'Etat à la justice en est convenu lors de l'audition devant votre commission des lois en indiquant que si la taille et la localisation des nouveaux établissements n'étaient pas encore arrêtées, la « course au gigantisme » ne saurait constituer un objectif en soi. Il a en particulier souligné l'importance d'une conception architecturale permettant d'inscrire chaque détenu dans un parcours approprié d'exécution des peines.

Votre rapporteur estime qu'au sein d'un même établissement des unités (d'une soixantaine de détenus par exemple) permettraient de mieux prendre en compte la diversité de la population pénale (prévenus/condamnés ; courtes/longues peines ; délinquants sexuels/autres catégories de détenus) et d'éviter, comme tel est trop souvent le cas, que l'ensemble du dispositif de détention soit établi sur la base des règles les plus rigoureuses, nécessaires seulement pour une minorité de condamnés.

A titre d'exemple, certains des nouveaux établissements pourraient être dépourvus de miradors. Les économies ainsi réalisées sur les contraintes habituelles de sécurité seraient consacrées aux actions de réinsertion.

IV. LES DROITS DES PERSONNES DÉTENUES : APPORTER UNE RÉPONSE EFFECTIVE AUX ATTENTES SUSCITÉES PAR LA LOI PÉNITENTIAIRE

A. UN NOUVEAU CADRE LÉGISLATIF AMBITIEUX

La loi pénitentiaire, grâce aux initiatives conjuguées du Sénat et de l'Assemblée nationale, a permis de mieux assurer dans notre droit la pleine reconnaissance de la dignité de la personne détenue. Parmi les différentes dispositions adoptées, à ce titre, par le Parlement, il convient de citer plus particulièrement :

- l'encadrement des conditions dans lesquelles les détenus peuvent faire l'objet de fouilles . A cet égard, M. Claude d'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire, a indiqué à votre rapporteur que deux matériels de substitution aux fouilles intégrales étaient expérimentés dans les maisons centrales de Saint-Maur et Lannemezan ;

- le renforcement des garanties reconnues aux détenus menacés de sanctions disciplinaires (notamment avec la présence d'une personne extérieure à l'administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline) ;

- l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir la sécurité des personnes détenues et l'institution d'un régime de responsabilité sans faute de l'Etat pour les décès en détention survenus du fait d'une agression commise par un détenu.

D'une manière générale, la loi pénitentiaire a permis de relever au niveau législatif plusieurs dispositions qui relevaient du règlement voire de la circulaire alors même qu'elles affectaient directement l'exercice des droits et libertés. Par ailleurs, à l'initiative du Sénat, la loi prévoit, afin de favoriser l'harmonisation de l'application de la règle de droit entre les établissements pénitentiaires, que des « règlements intérieurs-types, prévus par décret en Conseil d'Etat, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires » (article 728 du code de procédure pénale).

L'application de ces principes pourra s'appuyer en particulier sur l'action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

B. LES EFFETS DES INTERVENTIONS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

L'activité du Contrôleur général revêt deux formes principales :

- les réponses aux saisines dont il est l'objet -en vertu de l'article 6 de la loi du 30 octobre 2007, toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du Contrôleur général des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence ; le Contrôleur général peut être saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les parlementaires ainsi que par différentes autorités administratives indépendantes ; il peut enfin se saisir de sa propre initiative. Au 1 er août 2009, 124 saisines sur des situations individuelles avaient été transmises au garde des sceaux. Le Contrôleur général, M. Jean-Marie Delarue, a indiqué à votre rapporteur que 573 dossiers étaient actuellement examinés par cette autorité.

- les visites . Au 1 er août 2009, le Contrôleur général avait effectué 40 contrôles en établissement pénitentiaire. Selon le rapport d'activité rendu public par le Contrôleur général le 8 avril 2009, ces contrôles se sont effectués dans de bonnes conditions avec le concours de l'ensemble des services concernés. Ils ont donné lieu à quinze rapports de visite.

Selon les informations communiquées par le ministre de la justice à votre rapporteur, l'administration pénitentiaire s'est attachée à « répondre précisément et promptement aux observations du Contrôleur général et à suivre avec attention leur mise en oeuvre et les engagements pris par le Garde des Sceaux ». Le 12 mai 2009, l'administration pénitentiaire a ainsi transmis un premier bilan de mise en oeuvre de ces observations : 80 % d'entre elles devraient être effectives fin 2009, 16 % font l'objet d'une étude de faisabilité de la part des établissements pénitentiaires concernés et 4 % ont été jugées non réalisables (il s'agit pour trois d'entre elles de l'équipement des cellules en plaques chauffantes, non réalisables au regard des installations électriques des établissements concernés et pour le quatrième de l'agrandissement des locaux des services médicaux d'une maison d'arrêt, incompatible avec les contraintes architecturales de cet établissement).

En outre, l'administration pénitentiaire a également chargé les inspecteurs territoriaux de l'inspection des services pénitentiaires de vérifier in situ leur réalisation effective, à l'occasion de chaque inspection portant sur les établissements pénitentiaires concernés.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Jean-Marie Delarue a nuancé ce bilan. Il a noté que les directeurs des établissements visités n'étaient destinataires ni du rapport définitif du Contrôleur général (seul le rapport provisoire leur est adressé), ni des décisions prises par l'administration pénitentiaire pour concrétiser les recommandations contenues dans ces documents. Il a observé que les constats dressés à l'occasion de nouvelles visites dans les mêmes établissements après un certain délai n'attestaient pas toujours de progrès effectifs. Il a relevé enfin que le taux de 80 % avancé par l'administration pénitentiaire concernait les recommandations sur lesquelles elle s'était engagée et non la totalité des préconisations du Contrôleur général.

Sur le fondement de l'article 10 de la loi du 30 octobre 2007 qui permet au Contrôleur général d'émettre des avis, de formuler des recommandations aux autorités publiques et de proposer au Gouvernement « toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables », M. Jean-Marie Delarue a présenté un avis, le 21 octobre 2009, sur l'exercice de leur droit à la correspondance des personnes détenues.

Synthèse de l'avis du 21 octobre 2009

Cet avis comporte plusieurs préconisations qui « n'imposent aucune modification du code en vigueur » (sous réserve d'une disposition nouvelle) et « pourraient s'appliquer le plus tôt possible » :

- les personnes ayant de sérieuses difficultés pour écrire doivent trouver au sein de leur établissement une aide pour l'écriture respectant la confidentialité de cette dernière ;

Votre rapporteur estime cette recommandation particulièrement importante dans un milieu pénitentiaire où prévaut la culture de l'écrit puisque toute demande ou sollicitation doit revêtir une forme écrite alors même qu'une partie de la population pénale ne maîtrise pas cet outil de communication.

- dans différents lieux, accessibles aux détenus lors de leurs mouvements ou à proximité immédiate de leurs cellules pour ceux qui s'y tiennent en permanence, des boîtes aux lettres métalliques fermées de manière sûre doivent être disposées ; elles sont au nombre de trois, chacune spécialisée pour un type de courrier -courrier interne, courrier destiné aux personnels soignants, courrier vers l'extérieur. « Ces boîtes aux lettres doivent être relevées régulièrement : celle renfermant le courrier destiné à l'UCSA ou au SMPR, par le seul personnel de cette unité, au moins deux fois par jour ; celle du courrier interne et externe par les vaguemestres, seuls habilités à les ouvrir, au moins une fois par jour et sous leur responsabilité exclusive -deux personnes au moins par établissement devant être habilitées par le chef d'établissement au titre de vaguemestre-. La lecture des lettres doit être le fait des seuls vaguemestre. Ces derniers seraient tenus au secret professionnel, seule disposition qui implique une modification de la réglementation actuelle, sauf à en être délié, conformément aux principes en vigueur, lorsqu'est en cause la réinsertion du détenu ou la sécurité des biens et des personnes.

C. LA MISE EN oeUVRE DES RÈGLES PÉNITENTIAIRES EUROPÉENNES : LA NÉCESSAIRE ADHÉSION DES PERSONNELS

L'administration pénitentiaire a souhaité s'appuyer sur les règles pénitentiaires européennes -dont la deuxième version a été adoptée par le Conseil de l'Europe le 11 janvier 2006- comme aiguillon non seulement pour améliorer concrètement les conditions de prise en charge des personnes détenues mais aussi pour moderniser les pratiques professionnelles des agents du service public pénitentiaire.

L'année 2009 aura été marquée par la généralisation à l'ensemble des établissements pénitentiaires des sept règles pénitentiaires européennes d'abord expérimentées sur une trentaine de sites pilotes :

- la séparation -totale ou partielle - des prévenus et des condamnés est mise en oeuvre dans 103 établissements pénitentiaires (79 % des sites concernés contre 35 % en 2007) ;

- des quartiers accueillant des détenus arrivants et une procédure d'accueil sont mis en place dans 121 établissements (68 % des sites contre 42 % en 2007) ;

- des commissions pluridisciplinaires uniques composées de l'ensemble des acteurs de la vie en détention (administration pénitentiaire, enseignement, UCSA, prestataire privé...) ont été créées dans 63 des établissements pénitentiaires (93 % des sites contre 30 % en 2007) ;

- une procédure formalisée de traitement des requêtes des personnes détenues (assurant une meilleure « traçabilité » des requêtes et de la prise en compte de la demande formulée) est désormais garantie dans 39 % des sites ;

- un système d' interphonie complet permettant aux personnes détenues d'entrer en contact de jour comme de nuit avec un personnel pénitentiaire est installé dans 67 établissements (contre 51 en 2007), 86 établissements disposant par ailleurs d'un système d'interphonie partiel ;

- le téléphone équipe 95 maisons d'arrêt (73 % des sites concernés) ; jusqu'alors ce droit n'était pas ouvert aux détenus dans ce type d'établissement ;

- l'augmentation de la durée des parloirs depuis 2007 dans 24 établissements (14 % des sites) et la rénovation des lieux d'accueil réservés aux familles et/ou aux parloirs au sein de 33 établissements (19 % des sites).

Par ailleurs, 19 établissements ont obtenu une labellisation délivrée par un organisme indépendant, AFNOR, qui certifie le respect d'une vingtaine de règles pénitentiaires européennes relatives à la prise en charge et à l'accompagnement de la personne détenue durant la phase d'accueil.

D'après les informations communiquées par la DAP, une étude menée sur cinq sites pilotes a permis de montrer une diminution de 22 % des dégradations en détention sur la période 2007 et 2008.

Au-delà du bilan quantitatif, les progrès apportés par l'introduction des RPE dépendent beaucoup de l' implication des personnels , ce qui, à l'évidence, votre rapporteur l'a constaté, suppose un changement d'état d'esprit dans certains établissements.

Maison d'arrêt de Douai (3 juillet 2009)

D'une capacité théorique de 389 places, la maison d'arrêt de Douai connaît un taux d'occupation de l'ordre de 160 %.

La maison d'arrêt a organisé un quartier « arrivants » dans lequel les détenus sont accueillis pendant une semaine.

A leur arrivée, il leur est notamment remis un document -dont il existe des versions en plusieurs langues- relatif à leurs conditions de détention ainsi qu'un nécessaire de toilette et du linge propre.

Au cours de cette période, ils font l'objet de visites systématiques de la part des personnels de direction, de surveillance, des services sociaux ainsi que des personnels médicaux de l'UCSA. Au terme de la semaine d'observation, une décision collective est prise dans le cadre d'une commission pluridisciplinaire sur l'affectation de la personne détenue. Plusieurs critères sont pris en compte (les fumeurs ne sont pas mélangés avec les non-fumeurs, les personnes ne parlant pas français ne sont pas isolées etc). L'observation permet également d'évaluer le risque auto ou hétéro agressif de la personne détenue. Les informations recueillies durant cette première semaine constituent les premiers éléments de la fiche de suivi qui accompagnera le détenu.

La commission pluridisciplinaire, qui se réunit de manière hebdomadaire, constitue le cadre d'un échange continuel et d'un travail d'équipe.

Elle permet une mutualisation des informations. Sur la base de cette expérience, la maison d'arrêt a obtenu le label concernant la conformité des conditions d'accueil au sein du quartier arrivant aux règles pénitentiaires européennes.

Par ailleurs, l'établissement comporte un étage pour des détenus considérés comme vulnérables, en particulier les délinquants sexuels.

En outre, la maison d'arrêt a structuré l'organisation des bâtiments en fonction des régimes différenciés. Dans le régime de détention le plus favorable, les détenus bénéficient d'un régime de portes ouvertes et d'espaces communs dans lesquels ils peuvent partager certaines activités.

L'établissement a également innové en mettant en place dans certains espaces de la détention, des bornes permettant d'assurer l'enregistrement des requêtes des détenus. Ce système permet d'assurer un suivi de la demande par l'administration pénitentiaire et garantit en principe une réponse dans des délais satisfaisants. Il devrait progressivement être étendu aux autres établissements pénitentiaires.

Un effort particulier est également fait pour favoriser l'activité des détenus. Votre rapporteur a notamment noté le fait que certaines formations, comme par exemple l'apprentissage d'un instrument de musique, étaient assurées par les détenus eux-mêmes selon leurs compétences.

Au cours de la table ronde organisée à l'occasion de la visite de l'établissement, les responsables de l'éducation nationale ont indiqué que les demandes ne pouvaient pas être toutes satisfaites mais qu'un doublement de l'espace consacré aux activités scolaires permettrait de répondre aux besoins. Ils ont souligné que le taux de présence en classe de l'ordre de 95 % était particulièrement satisfaisant. Ils ont observé également que la perspective de réductions de peine supplémentaires souvent utilisée pour inciter les détenus à suivre une activité scolaire ne pouvait suffire car cette seule motivation ne permettait pas de garantir la continuité de la présence en classe.

Le nombre de procédures disciplinaires est passé entre 2006 et 2008 de 570 à 320. La sanction maximale (45 jours de quartier disciplinaire) n'a été prononcée en 2008 que dans deux cas.

V. L'OBLIGATION D'ACTIVITÉ : UNE OBLIGATION DE MOYENS AUSSI POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Le développement des activités en milieu carcéral constitue sans doute aujourd'hui l'un des principaux défis que l'administration pénitentiaire doit relever dans les années à venir.

La loi pénitentiaire a déterminé un cadre juridique favorable. D'abord, elle permet aux entreprises ou ateliers d'insertion d'intervenir au sein des établissements pénitentiaires 21 ( * ) .

Ensuite, à l'initiative du Sénat, elle institue une obligation d'activité pour les détenus, obligation qui n'est pas réductible au travail ou à la formation même si ces deux activités sont sans doute les plus pertinentes au regard de l'objectif de réinsertion. Cette disposition a pour corollaire, d'une part, l'obligation pour l'administration pénitentiaire de consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées et, d'autre part, la possibilité pour les personnes incarcérées les plus démunies d'obtenir en numéraire une partie de l'aide apportée par l'Etat.

Elle implique aussi des établissements pénitentiaires qu'ils accroissent l'offre d'activité proposée aux détenus .

A. DES CONSTATS PRÉOCCUPANTS

Force est de constater que l'indicateur concernant le taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée figurant dans le projet de loi de finances n'est pas à la mesure de cette ambition. En effet, la cible affichée pour 2011 n'a cessé de reculer passant de 44,2 % proposée dans le projet de loi de finances pour 2008 à 37 % dans le présent projet de loi de finances.

L'objectif est ainsi simplement ajusté à la réalité constatée aujourd'hui : en 2008, le taux d'activité rémunérée dans les établissements pénitentiaires s'établissait à 36,4 % de la population écrouée (soit 22.249 personnes sur 61.115). Le taux d'activité professionnelle (hors formation) était de 26,4 %, soit une moyenne mensuelle de 16.237 personnes détenues.

- Les activités de service général , générées par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements, ont employé 29,8 % des actifs rémunérés en détention, soit 6.642 postes de travail en moyenne annuelle. La rémunération s'effectue sur la base de tarifs journaliers fixés dans le cadre de crédits budgétaires de fonctionnement attribués à chaque établissement, la rémunération mensuelle moyenne par poste de travail, sur la base de 295 jours travaillés dans l'année, s'établissant à 192,90 euros (la durée quotidienne de travail varie entre 3 et 7 heures selon les postes et les activités) ;

- Le travail effectué dans les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire (SEP) par l'intermédiaire du compte « régie industrielle des établissements pénitentiaires » (RIEP) a employé 1.162 détenus en moyenne annuelle. La rémunération mensuelle par poste de travail s'élève à 521 euros.

En 2008, le SEP a géré 46 ateliers implantés au sein de 26 établissements pénitentiaires recevant majoritairement des détenus condamnés à de longues peines -les ateliers de la RIEP représentent ainsi 59 % de l'emploi en production des maisons centrales.

Le SEP intervient dans plus de 11 secteurs d'activité différents allant de la confection à la menuiserie en passant pas la métallerie ou la mécanique générale. Le chiffre d'affaires -réalisé pour 70 % avec le secteur public dont 59 % avec l'administration pénitentiaire (confection des uniformes des personnels de surveillance, fabrication de mobilier)- a progressé de 3 % par rapport à 2007. Le résultat en 2008 est bénéficiaire de 1.437.033 euros. Après plusieurs exercices déficitaires, la RIEP a rétabli ces grands équilibres et dispose, selon les informations communiquées à votre rapporteur, des marges de manoeuvre nécessaires à la poursuite du développement de ses activités et à la mise en oeuvre d'une politique volontariste en matière de modernisation de ses équipements industriels.

- Les activités de travail gérées par les entreprises privées , concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion déléguée, ont employé en moyenne annuelle 8.390 détenus dans leurs ateliers de production. La rémunération mensuelle moyenne par poste de travail est de 370 euros.

La situation de l'emploi s'est dégradée en 2008 : le nombre de journées travaillées a baissé de 3,8 % par rapport à 2007. L'activité de production a perdu 312 emplois.

B. LA NÉCESSITÉ DE PRENDRE DE NOUVELLES INITIATIVES

Plusieurs initiatives ont été engagées par l'administration pénitentiaire pour infléchir ces tendances :

- la mise en oeuvre du Plan « entreprendre » , engagé en 2008, afin d'améliorer l'organisation du travail dans les établissements pénitentiaires selon diverses modalités : principe du travail en continu, renforcement de la flexibilité pour faire face aux pics d'activité, identification du travail susceptible de faire l'objet d'une extension, facilitation de l'accès des véhicules de transport pour réduire les délais d'attente à l'entrée des établissements. L'inadaptation des infrastructures les plus anciennes, la prise en compte de l'organisation du travail des personnels de surveillance sont autant de freins à la concrétisation rapide de ces objectifs ;

- l' action conjointe de l'administration pénitentiaire avec l'ANPE (sur la base d'une convention cadre qui doit être renouvelée en 2009 avec le nouvel opérateur Pôle emploi, issu en décembre 2008 de la fusion entre l'ANPE et l'ASSEDIC). En 2008, les correspondants ANPE justice ont reçu en entretien professionnel 15.579 détenus afin de déterminer la « distance à l'emploi » de ces personnes et, le cas échéant, de proposer les premières étapes d'un parcours professionnel. Parmi l'ensemble des personnes suivies, 25 % ont pu obtenir une solution directe d'insertion professionnelle au moment de leur sortie de détention définitive ou dans le cadre d'un aménagement de peine 22 ( * ) ;

- le partenariat avec les entreprises privées . Le 28 mai 2008 a été signé un protocole d'accord national entre la garde des sceaux et la présidente du MEDEF à la maison d'arrêt de Villepinte afin de faciliter le retour à la vie active des personnes détenues (notamment par la mise en oeuvre de contrats de professionnalisation permettant aux personnes détenues d'acquérir une qualification, ainsi que par l'intervention de chefs d'entreprise en milieu carcéral afin de mener des actions d'information sur les entreprises et leur soutien auprès des personnes détenues). Cet accord devait faire l'objet de déclinaisons locales au cours de l'année 2009. Le MEDEF Nord - Pas-de-Calais a été le premier (le 13 octobre 2008) à signer un protocole -suivi par le MEDEF Bourgogne le 24 mars 2009 23 ( * ) . Le bilan reste néanmoins décevant (au niveau départemental, cinq protocoles seulement ont été signés -Bouches-du-Rhône, Gironde, Alsace, Yvelines, Côte d'Or- et au niveau local, un accord a été conclu avec le MEDEF de Cambraisis). Un comité de pilotage organisé cet automne a été chargé de réaliser un bilan de ces expériences et d'évaluer le développement des dispositifs -notamment dans le cadre d'un travail conduit avec les branches professionnelles.

Votre rapporteur estime indispensable que de nouvelles initiatives soient prises. Le Sénat avait prévu, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, qu'un droit de préférence fût reconnu, lors de la passation des marchés publics, au service pénitentiaire de l'emploi et aux sociétés concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par des personnes détenues. Cette disposition n'a finalement pas été retenue dans le texte adopté par le Parlement au motif de son caractère réglementaire. Lors de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire, la garde des sceaux, interrogée par votre rapporteur, avait estimé que ces mesures pourraient être ajoutées au code des marchés publics 24 ( * ) , position confirmée par M. Henri de Raincourt à l'Assemblée nationale : « la disposition relative à la préférence accordée, dans le cadre des marchés publics, aux entreprises employant des détenus, figurait dans le texte issu des travaux du Sénat. Le Gouvernement souhaite maintenir ce principe et l'intégrera par conséquent dans le code des marchés publics. » 25 ( * )

Sur la base, notamment, des dispositions réglementaires qui devront être prises, votre rapporteur souhaite que la RIEP, dont la situation financière est aujourd'hui équilibrée, soit le moteur du développement du travail en milieu pénitentiaire. Seule, ou en partenariat avec d'autres acteurs institutionnels ou le monde de l'entreprise, elle pourrait étendre sa présence dans les prisons et élargir son champ d'activités. Votre rapporteur estime en outre que de nouvelles techniques, telles le télétravail , ouvrent des pistes intéressantes qu'il convient d'explorer.

VI. LE MALAISE PERSISTANT DES PERSONNELS

A. LES PERSONNELS DE SURVEILLANCE : ÉTAT DES LIEUX APRÈS LA CRISE DE MAI 2009

Le mouvement social des personnels de surveillance au début du mois de mai 2009 s'est nourri principalement du sentiment de dégradation des conditions de travail liées à la surpopulation pénale. Les effectifs sont déterminés principalement en fonction de la capacité opérationnelle des établissements et non de leur occupation effective. Sans doute le nombre des personnels n'a-t-il cessé de croître au cours des dernières années mais les efforts portent surtout sur les nouveaux établissements du programme « 13 200 ». Compte tenu de l'augmentation du nombre de détenus, les personnels de surveillance n'ont d'autre choix que de se cantonner à un rôle de « porte clefs » comme ils le rappellent souvent lors des échanges systématiques organisés lors des visites de votre rapporteur dans les établissements pénitentiaires. Au-delà même du nombre de détenus, les caractéristiques mêmes de la population pénale -en particulier le poids des détenus souffrant de troubles psychiatriques parfois très graves (avec les risques suicidaires que ces pathologies peuvent comporter)- constituent souvent une source de fortes tensions.

Le protocole d'accord signé le 11 mai 2009 avec les deux organisations syndicales majoritaires (l'UFAP-UNSA et le SNP-FO) s'articule autour de treize points portant en particulier sur les conditions de travail, l'organisation et le fonctionnement des établissements.

Parmi les mesures prises dans le prolongement de cet accord, il convient de signaler :

- la revalorisation en trois phases annuelles de l'indemnité de surveillance de nuit 26 ( * ) et de l'indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés 27 ( * ) ;

- la création d'un bureau d'aide sociale au sein de la direction de l'administration pénitentiaire chargé notamment d'analyser les événements graves dans les établissements ; un bilan social devrait être édité chaque année sur la situation sociale des personnels pénitentiaires ;

- l'amélioration des conditions de travail : dans le cadre du plan de relance, 130 opérations ont été programmées qui vont de la climatisation et de la rénovation des bureaux à l'amélioration de l'ergonomie des postes de travail dont le contrôle et la surveillance (1 million d'euros est budgété annuellement pour le financement de cet aménagement).

Par ailleurs, comme l'a indiqué M. Jean-Marie Bockel lors de son audition par votre commission, les modalités de la surveillance spéciale ont été redéfinies afin d'assouplir l'obligation d'une ronde toutes les deux heures.

Le protocole prévoyait la remise de trois rapports portant respectivement sur la mise en place des RPE, le taux de compensation pour le calcul des besoins de service, le droit disciplinaire applicable aux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire. Les deux premiers de ces rapports ont été remis à la garde des sceaux et transmis aux syndicats. Le troisième, élaboré sous l'égide de M. Marcel Pochard, devrait être rendu prochainement.

Il n'est pas sûr cependant que, malgré leur intérêt, ces différentes initiatives répondent aux tensions actuelles. Comme l'a souligné M. Jean-Marie Delarue, les personnels s'efforcent de trouver des affectations qui ne les mettent pas au contact direct des détenus. Ainsi, le clivage s'accentue entre les surveillants en détention et ceux qui peuvent occuper d'autres postes.

Lors de leur rencontre avec votre rapporteur, les représentants des syndicats SNP-FO des personnels techniques et FO - personnels administratifs ont regretté qu'un nombre croissant de personnels de surveillance exerce ainsi des fonctions relevant des personnels techniques ou administratifs. La garde des sceaux a rappelé très clairement, lors de son intervention devant votre commission, que chacun doit exercer le métier qu'il a choisi et pour lequel il a été formé. Il y va de la qualité de la gestion des ressources humaines.

Votre rapporteur estime par ailleurs que la spécificité de certaines fonctions devrait être mieux reconnue et valorisée. Il en est ainsi par exemple du travail très exigeant requis des personnels de surveillance intervenant auprès des mineurs.

B. LES PROJETS DE MODIFICATION STATUTAIRE DES PERSONNELS D'INSERTION ET DE PROBATION

Le protocole de travail signé les 17 et 24 juin 2008 entre la direction de l'administration pénitentiaire et trois organisations syndicales (SNEPAP, CFDT, CGT) portait en particulier sur les conséquences statutaires de l'évolution des métiers d'insertion et de probation.

Le projet de modification statutaire se décline sous trois formes :

- le projet de statut d'emploi des directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation avec la création d'un statut d'emploi type limité fonctionnellement et géographiquement aux services les plus importants : les postes de responsabilités moins lourdes demeurant dans l'échelonnement indiciaire du statut d'emploi actuel ;

- le projet de statut du corps des directeurs d'insertion et de probation (qui comprend actuellement 202 fonctionnaires). Il prévoit une répartition égale du nombre d'emplois entre les concours externe et interne (contre 60 % et 40 % dans le statut actuel) 28 ( * ) ;

- le projet de statut du corps des conseillers d'insertion et de probation. Le corps des CIP est aujourd'hui aligné sur celui des assistants de service social. Cette quasi assimilation fonctionnelle et indiciaire interdit toute modification de la grille indiciaire des seuls CIP et ne correspond plus à une orientation professionnelle désormais davantage axée sur la lutte contre la récidive. L'inscription des personnels dans la filière de sécurité permettra une revalorisation statutaire et indemnitaire sur le principe d'une surindiciarisation identique à celle des officiers pénitentiaires (lieutenants et capitaines pénitentiaires).

La réforme du projet de modification statutaire des personnels d'insertion et de probation s'élèverait à 15 millions d'euros (charges sociales et GVT - glissement vieillesse - technicité - compris) sur la période 2009-2016.

Les représentants du syndicat SNEPAP-FSU se sont inquiétés devant votre rapporteur des modalités de mise en oeuvre de cette réforme et des moyens qui lui seraient affectés. Par ailleurs, ils ont attiré l'attention de votre rapporteur sur les conditions de formation initiale des CIP : en effet, les élèves seraient, au cours de leur deuxième année de scolarité, préaffectés sur des postes vacants. Interrogé sur ce point, M. Jean-Marie Bockel a indiqué, lors de son audition par votre commission, que les élèves n'en restaient pas moins en situation d'apprentissage -le nombre de dossiers attribués étant par exemple limité par rapport à ceux d'un titulaire.

Pour votre rapporteur, l'enjeu principal pour les années à venir est de permettre aux CIP, tant dans le milieu fermé que dans le milieu ouvert, de consacrer au suivi individuel des personnes condamnées le temps qu'ils consacrent encore aujourd'hui trop souvent à des tâches purement administratives. Cette évolution implique une politique déterminée, inscrite sur le moyen terme, d'augmentation des effectifs.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme pénitentiaire de la mission justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 .

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

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Administration pénitentiaire

- M. Claude d'Harcourt , directeur

- M. Jérôme Bresson , sous-directeur de l'organisation et du fonctionnement des services déconcentrés

Personnalités qualifiées

- M. Jean-Marie Delarue , Contrôleur général des lieux de privation de liberté

- M. Pierre-Victor Tournier , directeur de recherche au CNRS

Observatoire international des prisons (OIP)

- M. Patrick Marest , délégué national

- Mme Marie Crétenot , membre

Snepap-FSU

- Mme Sophie Desbruyères , secrétaire général

- M. Sylvain Roussilloux , secrétaire national

SNP-FO des personnels techniques

- M. René Berthier , secrétaire national

FO-personnels administratifs

- M. Yves Sauthieux , secrétaire général adjoint

ANNEXE 2 - LISTE DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR

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Jeudi 30 avril 2009 - Centre de détention de Val-de-Reuil

Mardi 9 juin 2009 - Visite du dépôt et de la souricière du Palais de justice de Paris (avec M. Yves Détraigne)

Vendredi 3 juillet 2009 - Maisons d'arrêt de Douai et de Béthune

Lundi 26 octobre 2009 - Maison d'arrêt d' Aurillac (avec Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Jacques Mézard)

Vendredi 6 novembre 2009 - Établissement pour mineurs de Porcheville (avec M. Nicolas Alfonsi) et Maison d'arrêt pour femmes de Versailles

Jeudi 12 novembre 2009 - Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis

Vendredi 13 novembre 2009 - Maison d'arrêt de Paris « La Santé » (avec M. Richard Yung)

Lundi 16 novembre 2009 - Établissement pénitentiaire de Lyon-Corbas et future Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA) de Lyon

* 1 Pour la commission des Lois, le programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est traité dans l'avis présenté par M Nicolas Alfonsi ; les quatre autres programmes -justice judiciaire, accès au droit et à la justice, conduite et pilotage de la politique de la justice- décomposés en deux programmes distincts, sont traités par M. Yves Détraigne.

* 2 Les équivalents temps plein travaillé correspondent aux effectifs pondérés par la quantité de travail des agents (un agent titulaire travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 % ETPT). En outre, tout ETPT non consommé l'année n est perdu l'année n + 2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis.

* 3 Extension de l'indemnité de fonction et d'objectif -IFO- aux directeurs fonctionnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

* 4 Le prestataire privé gère en général l'ensemble des fonctions qui ne relèvent pas des missions régaliennes.

* 5 Les marchés de gestion déléguée dite « Chalandon 2 » -soit les 27 établissements pour majeurs des programmes immobiliers « 13.000 » et « 4.000 » auxquels s'ajoute la maison centrale d'Arles- feront l'objet d'un renouvellement au 1 er janvier 2010 pour une durée de 6 à 8 ans selon les lots. Le coût en 2010 s'élèvera à 189,5 millions d'euros en crédits de paiement.

* 6 3.984 condamnés placés sous surveillance électronique -+ 31 %- et 542 condamnés en placement à l'extérieur -+ 12 %-.

* 7 Au sein de cette dernière catégorie, la composition est la suivante : de 5 ans à moins de 10 ans : 2,7 % ; de 10 ans à moins de 20 ans : 71,1 % ; de 20 ans à moins de 30 ans : 19,9 % ; perpétuité : 6,3 %.

* 8 95,4 si on exclut les personnes condamnées sous écrou mais non détenues en raison d'un aménagement de peine.

* 9 Centres de détention et maisons centrales bénéficient en pratique d'un numerus clausus justifié par le fait qu'il ne serait pas admissible de maintenir des détenus pour de longues durées dans des conditions de surpopulation et de promiscuité.

* 10 Part des peines prononcées en 2008 qui présentent un commencement de mise à exécution au 1 er septembre de l'année 2009.

* 11 Part des affaires faisant l'objet d'une poursuite, d'une procédure alternative réussie ou d'une composition pénale réussie dans l'ensemble des affaires poursuivables.

* 12 Il existe en France 13 centres de semi-liberté : 3 dans le ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, 4 dans celui de Strasbourg, 2 dans celui de Toulouse, 2 dans celui de Lyon, 1 dans celui de Dijon, 1 dans celui de Lille. Les régions pénitentiaires de Bordeaux, Marseille et Rennes, ainsi que la mission d'outre-mer ne disposent d'aucun établissement de ce type.

* 13 Ou pour les peines inférieures ou égales à 6 mois, les personnes à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir.

* 14 111 maisons d'arrêt, 62 établissements pour peine -dont 4 maisons centrales-, 13 centres de semi-liberté, un centre pour peines aménagées, 6 établissements pénitentiaires pour mineurs, un établissement public de santé national à Fresnes.

* 15 Le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements et le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de 6 établissements.

* 16 Lorsque les quatre blocs du quartier haut fonctionnaient, les détenus y étaient répartis selon des critères géographiques.

* 17 Alors que dans la conception réalisation l'Etat est propriétaire du bâtiment dès sa livraison, il doit dans le cadre de la procédure AOT-LOA s'acquitter des loyers pendant une période de 27 ans avant d'en devenir propriétaire.

* 18 Le partenariat public-privé comprend non seulement les prestations comprises dans le cadre du contrat AOT-LOA mais aussi les services correspondant aux marchés actuels de gestion déléguée (les services à la personne étant remis en concurrence tous les 8 ans).

* 19 Les caractères de couleur noire signalent les établissements réalisés en maîtrise d'ouvrage publique, les caractères de couleur bleue le premier lot de construction en AOT-LOA, les caractères de couleur rouge le second lot de construction en AOT-LOA, les caractères de couleur verte le troisième lot en partenariat public-privé .

* 20 Une seconde maison centrale, située à Condé sur Sarthe, a été prévue par la LOPJ.

* 21 La loi pénitentiaire, si elle prévoit de formaliser le travail du détenu sous la forme d'un acte d'engagement, ne va pas jusqu'à instituer un contrat de travail de droit commun, en effet difficilement envisageable en milieu pénitentiaire.

* 22 1.705 personnes avaient un emploi à leur sortie de prison, 882 ont intégré une formation professionnelle, 1.364 ont été accueillies dans le cadre d'une prestation ANPE.

* 23 Le protocole avec le MEDEF Bourgogne est un accord tripartite qui implique ainsi le réseau des entreprises d'insertion. Il repose sur une logique de sécurisation des parcours, les entreprises d'insertion proposant une étape de transition dans le parcours de réinsertion professionnelle.

* 24 Sénat, séance du 13 novembre 2009, journal officiel, p. 8515.

* 25 AN, 2 ème séance du 13 octobre 2009, JO p. 7841.

* 26 Elle vise l'exercice des fonctions entre 21 heures et 6 heures pendant une durée au moins égale à 6 heures consécutives.

* 27 Exercice des fonctions d'au moins six heures de travail consécutif. Elle a été portée de 23 à 24 euros au 1 er août 2009. Elle est majorée d'un montant de 2,64 euros par heure au-delà de la huitième heure.

* 28 Pendant une période transitoire de 5 ans, les chefs des services d'insertion et de probation (CSIP) seront intégrés dans le corps des directeurs d'insertion et de probation : 60 % des recrutements seront réservés aux CSIP (soit par nomination au choix pour les trois quarts des promotions, soit pour un quart par examen professionnel) et, au-delà de la période de 5 ans, 40 % du recrutement (soit par nomination au choix pour le quart des promotions, soit pour les trois quarts par examen professionnel).

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