III. QUELLES INFRASTRUCTURES POUR DEMAIN ?

La France disposait au 1 er janvier 2009 de 194 établissements pénitentiaires 14 ( * ) , soit 51.997 places « opérationnelles » (nombre de places de détention disponibles dans les établissements pénitentiaires).

Le parc immobilier présente un contraste fort entre, d'une part, des établissements vétustes du fait de leur ancienneté (tel est le cas des maisons d'arrêt situées dans les centres-villes construites au XIXème siècle) ou du manque d'entretien, et d'autre part, des bâtiments beaucoup plus modernes issus des trois programmes immobiliers qui se sont succédé depuis les années 1980 15 ( * ) . Le dernier d'entre eux, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, prévoit la création de 13.200 places réparties entre 6 établissements pénitentiaires pour mineurs désormais en service et une quinzaine d'établissements pour majeurs dont les premiers ont ouvert en 2008.

Les investissements immobiliers de l'administration pénitentiaire comportent actuellement trois volets :

- la poursuite du programme « 13.200 » places ;

- l'accroissement des capacités au sein d'établissements existants ;

- la rénovation des établissements pénitentiaires parmi lesquels les structures les plus importantes (Fleury-Mérogis, Fresnes, Les Baumettes, La Santé).

Investissements immobiliers en maîtrise d'ouvrage publique

AE
(527,83 M€

CP
(258,06 M€)

Entretien du gros oeuvre et sécurisation des établissements pénitentiaires

Programme de construction « 13.200 »

86,56 M€

366,27 M€

79,56 M€

153,5 M€

Investissements immobiliers en maîtrise d'ouvrage privée

AE
(362 M€)

CP
(36,3 M€)

Loyers des établissements construits en partenariat public-privé et AOT-LOA

0

26,3 M€

Nouveaux programmes en partenariat public-privé

33,9 M€

10 M€

Reconstitution de l'enveloppe relative à la réhabilitation
de la maison d'arrêt de Paris-La Santé

328 M€

A. LE PROGRAMME DE RÉNOVATION DES GRANDES MAISONS D'ARRÊT

Ce programme décidé en 1998 concerne les plus grands établissements pénitentiaires français (maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Paris-La Santé, centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes et centre de détention de Nantes).

A Marseille , le programme de rénovation a pris un tel retard qu'il a dû être entièrement réexaminé. Il est désormais envisagé de construire deux établissements dont l'un, totalement neuf, sur le site actuel des Baumettes. Les nouveaux aménagements prévus pour les Baumettes permettraient ainsi de « dé-densifier » le site actuel en augmentant l'espace réservé aux parloirs, aux familles et aux promenades.

Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (12 novembre)

Plus grande maison d'arrêt d'Europe avec une capacité théorique de 2.800 places, la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis comprend 3 établissements pénitentiaires répartis en 7 bâtiments : une maison d'arrêt pour femmes, une maison d'arrêt pour hommes (comprenant 5 tripales de 700-750 détenus chacune) et un centre de jeunes détenus.

Elle accueille 3500 détenus dont 1340 prévenus et 2100 -dont une centaine de détenus condamnés à des peines allant de 10 ans à la perpétuité en attente d'affectation en établissement pour peines. La majorité des condamnés purgent une peine inférieure à 2 ans.

Le taux d'occupation atteint 125 % pour l'ensemble de l'établissement et 130 % pour la maison d'arrêt des hommes.

La maison d'arrêt pour les hommes a vu ses effectifs diminuer de façon continue depuis le 1 er janvier 2009 (moins 500 hommes) sans qu'une explication puisse être fournie, la maison d'arrêt relevant de plusieurs parquets pouvant mettre en place des politiques pénales différentes.

Travaux de rénovation

Mise en service en 1968, la maison d'arrêt fait actuellement l'objet d'importants travaux de rénovation entamés depuis 2002 . La maison d'arrêt pour hommes est composée de cinq tripales qui sont successivement mises aux normes. La tripale D2 a été livrée après 30 mois de travaux au lieu des 18 prévus. Les travaux sur la tripale suivante ont commencé sans délai. En 2010 débutera la rénovation des bâtiments centraux ce qui supposera la construction de locaux provisoires notamment pour les parloirs.

Dans la tripale rénovée, l'ensemble des cellules disposent d'un coin toilette et douche cloisonné, de plusieurs prises électriques et d'un système d'interphonie fonctionnant de jour comme de nuit.

Le quartier disciplinaire commun à l'ensemble de l'établissement a également été rénové. Les 78 cellules sont réparties par quota entre les 7 bâtiments. Les détenus sont pris en charge par une équipe affectée à ce quartier.

Les nouvelles cours de promenade qui peuvent accueillir de 200 à 250 détenus prennent en compte la question de l'insécurité. A terme, la vidéo surveillance y sera installée.

Le centre de jeunes détenus accueille 80 mineurs. Il se caractérise par le principe de l'encellulement individuel et l'activité. A la différence des EPM, les effectifs d'encadrement sont moindres : on compte 1 officier et 18 surveillants.

En sous-capacité, les cellules disponibles ont été affectées à des adultes qui travaillent.

Les règles pénitentiaires européennes sont mises en oeuvre à la maison d'arrêt des femmes et au centre de jeunes détenus. Par exemple, le téléphone est installé. La distinction prévenu/condamné existe chez les femmes et va progressivement être mis en place chez les hommes. Des quartiers arrivants ont été mis en place.

On dénombre environ un millier de travailleurs sans compter le dispositif de l'éducation nationale. Le taux d'activité est variable d'une tripale à l'autre : du quasi plein emploi à la quasi inoccupation.

1700 détenus occupent une cellule individuelle.

S'agissant des personnels, l 'établissement accueille de nombreux jeunes surveillants. La rotation des personnels, y compris des personnels de direction, est importante.

En 2009, les violences sur les personnels ont augmenté. Les chiffres ne distinguent pas néanmoins les agressions directes des simples bousculades commises par le détenu. Le directeur a aussi indiqué que les surveillants avaient tendance à régler eux-mêmes les problèmes plutôt que de faire appel à un gradé. Il a précisé que la prévention de ces incidents serait soumise au comité d'hygiène et de sécurité. Une piste de réflexion serait d'améliorer le taux de réponse aux requêtes des détenus.

Sur le pôle santé

L'établissement compte 160 personnels médicaux. Une infirmière en chef coordonne le travail de 50 infirmières (20 affectées à la psychiatrie, et 30 aux soins des troubles somatiques).

Afin d'éviter les trafics de médicaments, la préparation et la délivrance font l'objet d'une traçabilité. La prise des médicaments n'est pas contrôlée, sauf exception (ex. méthadone).

Un dossier médical unique pour chaque détenu est accessible par les différents médecins.

Le chef du SMPR a rappelé l'indépendance de son service vis-à-vis de l'administration pénitentiaire et l'importance du secret médical. Il a indiqué que contrairement à ce qu'on pouvait entendre, la prison n'était pas peuplée de malades mentaux en grand nombre mais plutôt de personnes en souffrance psychologique.

Le SMPR est en sous-effectifs : 5 médecins temps plein au lieu d'un médecin temps plein pour 20 lits d'hospitalisation, un praticien pour 400 détenus.

Les relations entre l'UCSA et le SMPR semblent difficiles alors même que l'unité géographique des deux pôles devrait favoriser une bonne coordination. Il a regretté que l'UHSI de la Pitié-Salpêtrière n'ait ouvert que 15 lits sur les 25 prévus..

Trois suicides sont à déplorer depuis le début de l'année. Ce taux est cependant deux fois inférieur à celui relevé au niveau national Une commission centrale traite de la question de la prévention du suicide.

Maison d'arrêt La Santé (13 novembre)

La maison d'arrêt de la Santé a ouvert en 1867. Elle apparaissait alors comme l'un des premiers fleurons d'une politique pénitentiaire ambitieuse fondée sur l'encellulement individuel de jour et de nuit pour les prévenus et, pour les condamnés, sur l'encellulement collectif de jour et individuel de nuit. Elle correspondait aux normes architecturales les plus modernes de l'époque (ventilation, chauffage).

Actuellement, l'établissement comporte encore un quartier bas formé de quatre divisions où l'encellulement individuel est assuré (cellule de 6,90 m 2 ) et un quartier haut constitué de quatre blocs dont un seul est ouvert, les trois autres ayant été fermés compte tenu de leur état de vétusté.

Le Gouvernement avait décidé en 2005 la réhabilitation de l'établissement par la mise en oeuvre d'un contrat de partenariat public-privé. Cependant, à la suite de l'audit mené dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le projet a été suspendu en 2008.

Le site est conservé et son activité se poursuit sur la base d'une capacité fortement diminuée avec 455 places opérationnelles.

Alors que la Santé pouvait accueillir de 1 300 à 1 500 détenus, elle n'en reçoit aujourd'hui que 570, soit un taux d'occupation de 126 % (dont 230 détenus dans le quartier bas). La répartition des détenus entre les établissements d'Ile de France obéit encore à une stricte logique alphabétique, la Santé n'accueillant plus les détenus qu'à partir de la lettre S.

L'établissement reçoit 52,6 % de prévenus et 53 % de personnes non francophones (avec une forte progression des personnes venant d'Europe de l'est) 16 ( * ) .

Depuis 2009, dans le cadre du plan de relance, de nouveaux investissements ont été engagés (rénovation des réseaux électriques, réhabilitation des cours de promenade...) pour un budget de 100 000 €.

En outre, le quartier de semi-liberté a fait l'objet d'une opération de rénovation et d'extension sur 2008-2009 pour un montant de 771.000 €. Le nombre de cellules a été porté de 18 à 36 accueillant 72 détenus. Ce quartier, qui est le seul à fonctionner dans Paris intra-muros, est très sollicité.

Les effectifs des personnels sont originaires à 84 % des départements d'outre-mer et connaissent un fort taux de rotation. Ainsi l'année 2008 a été marquée par un renouvellement de 25 % du personnel.

Les espaces collectifs apparaissent contraints. Les zones ateliers occupent une surface de 400 m 2 . Seul le quart des détenus bénéficie d'une activité rémunérée (travail et formation). L'organisation des activités doit également prendre en compte le fait que la moyenne de séjour de la population pénale au sein de l'établissement ne dépasse pas quatre mois (les flux d'entrée et de sortie représentent chacun 1 200 personnes).

L'établissement a mis en place un partenariat intéressant avec plusieurs institutions culturelles, au premier chef le Louvre qui intervient sous la forme de conférences et d'ateliers artistiques. Des permissions de sortie permettent à quatre détenus accompagnés de trois surveillants de visiter le musée à intervalles réguliers. Cette opération concerne de 20 à 30 détenus par mois.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le maintien d'un établissement pénitentiaire sur le site actuellement occupé par la maison d'arrêt de la Santé n'est plus contesté. Seule la capacité de l'établissement reste en débat.

L'établissement pourrait n'accueillir des détenus que le temps de leur procès et du délai nécessaire pour trouver une affectation après la condamnation. La maison d'arrêt aurait ainsi principalement la vocation d'une plaque tournante à l'égard des autres structures franciliennes. Le nombre de cellules pourrait ainsi être fixé à 1.100 ou 1.300.

Votre rapporteur reste pour sa part réservé sur un surdimensionnement capacitaire de l'établissement, incompatible avec une prise en charge individualisée des personnes détenues, pourtant nécessaire y compris pour des séjours de courte durée.

Il estime indispensable que l'avenir de la structure soit rapidement clarifié, le fait qu'une partie importante de la détention soit aujourd'hui inoccupée et dans un état de fort délabrement étant aujourd'hui vécu de manière difficile par les personnels.

* 14 111 maisons d'arrêt, 62 établissements pour peine -dont 4 maisons centrales-, 13 centres de semi-liberté, un centre pour peines aménagées, 6 établissements pénitentiaires pour mineurs, un établissement public de santé national à Fresnes.

* 15 Le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements et le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de 6 établissements.

* 16 Lorsque les quatre blocs du quartier haut fonctionnaient, les détenus y étaient répartis selon des critères géographiques.

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