B. UN EFFORT FINANCIER ENCORE LARGEMENT TRIBUTAIRE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE DE 2002

Le programme « administration pénitentiaire » représente 39 % de la mission justice, soit une dotation en crédits de paiement de 2,7 milliards d'euros , en augmentation de 9,8 % par rapport à l'an passé.

Les autorisations d'engagement (3 milliards d'euros) diminuent de 23,4 % : l'année 2010 marque en effet la mise à exécution des importantes autorisations d'engagement votées en 2009 au titre III (fonctionnement) afin de permettre le renouvellement des marchés des établissements à gestion déléguée et la notification des marchés pour les nouveaux établissements livrés en 2010. Au titre V (investissement), en revanche, les autorisations d'engagement progressent afin de permettre en particulier la poursuite du programme « 13.200 », l'entretien du gros oeuvre des établissements pénitentiaires, ainsi que la remise à niveau du parc d'établissements en gestion déléguée.

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement
(en million d'euros)

Crédits de paiement
(en million d'euros)

Ouvertes en LFI pour 2009

Demandées pour 2010

Ouvertes en LFI pour 2009

Demandées pour 2010

Titre 2 : dépenses de personnel

1.602,8

1.698,5

1.602,8

1.698,5

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

2.061,8

400,2

544,8

611,8

Titre 5 : dépenses d'investissement

275,1

899,9

232

304,3

Titre 6 : dépenses d'intervention

76,5

77,3

79,7

84,3

Total

4.016,4

3.076,68

2.459,4

2.699,2

Par un effet d'inertie compréhensible, le projet de loi de finances pour 2010 est encore déterminé pour une large part par la mise en service progressive des nouveaux établissements pénitentiaires dans le cadre du programme « 13.200 » engagé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 29 août 2002. Ainsi toutes les implications financières de la loi pénitentiaire n'ont pu être encore vraiment prises en compte.

1. Les effectifs : la priorité donnée à la création d'emplois de personnels de surveillance

La progression des effectifs

Le plafond d'autorisation d'emploi au titre du projet de loi de finances pour 2010 s'élève à 33.860 ETPT 2 ( * ) contre 33.020 en 2009.

Ce plafond se répartit de la manière suivante :

Catégorie d'emploi

Plafond autorisé pour 2009

Demandes pour 2010

Variation 2008/2009

Magistrats de l'ordre judiciaire

17

17

-

Personnels d'encadrement

1.324

1.345

+ 21

Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif (catégorie B)

3.828

3.976

+ 148

Administratifs et techniques (catégorie B)

985

997

+ 6

Personnels de surveillance (catégorie C)

23.931

24.596

+ 665

Personnels administratifs et techniques (catégorie C)

2.929

2.929

-

Total

33.020

33.860

+ 840

Compte tenu de la réactivation de plusieurs ETPT non utilisés du fait de l'insuffisance de la masse salariale, les créations effectives devraient être portées à 1.113 emplois :

- 518 au titre de l'ouverture en 2011 des nouveaux établissements :

- 141 pour l'ouverture des unités hospitalières spécialement aménagées -UHSA- (Nancy, Paris et Rennes) qui n'ouvriront qu'en 2011(les emplois devant être créés dès 2010 compte tenu d'un temps de formation de huit mois) ;

- 114 pour le renforcement du service de nuit ;

- 18 (à titre provisionnel) pour le soutien psychologique des personnels ;

- 189 pour le renforcement du dispositif PSE-PSEM ;

- 133 pour le renforcement des SPIP.

Ainsi, globalement, 322 (189+133) personnes devraient intervenir pour le développement des mesures d'aménagement de peines (parmi lesquelles 114 conseillers d'insertion et de probation et 208 personnels de surveillance).

123 emplois de conseillers d'insertion et de probation (CIP) devraient être créés (aux 114 déjà évoqués s'ajouteraient 9 CIP pour intervenir en milieu pénitentiaire).

L'accroissement des effectifs représenterait une dépense supplémentaire de 12,65 millions d'euros (hors pensions sur le titre 2).

Compte tenu de ces créations d'emploi et du remplacement de 1.260 agents, les prévisions de recrutement s'établissent à 2.123 ETP en 2009.

Malgré l'effort réel de recrutement de personnels destinés à appuyer le développement des aménagements de peine, l'objectif doit rester celui énoncé par l'étude d'impact accompagnant la loi pénitentiaire.

Actuellement, environ 200.000 personnes sont suivies en milieu ouvert et fermé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, alors que les travailleurs sociaux sont au nombre de 2.700 (2.500 effectivement en charge du suivi de dossiers) soit environ 80 dossiers par travailleur social. Selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi pénitentiaire, l'augmentation du nombre d'aménagements de peine -en particulier l'extension à deux ans du quantum de peine ouvrant le bénéfice d'une telle mesure- devrait porter à 210.000 le nombre de personnes faisant l'objet d'un suivi. Ainsi « il apparaîtrait nécessaire de passer de 80 à 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation, ce qui nécessiterait la création de 1.000 postes de CIP pour un coût salarial total de 32.844.000 euros » en sus du coût d'investissement. Sans doute s'agit-il ici d'une estimation basse qui ne prend pas en compte les nouvelles responsabilités confiées aux SPIP dans le cadre de la mise en oeuvre de PSE pour les personnes détenues à quatre mois de la fin de leur peine.

Certes, l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires ne laisse d'autre choix que d'accorder une priorité au recrutement des personnels de surveillance. Cependant, votre rapporteur forme le voeu que le programme « 13.200 » places achevé, l'effort budgétaire en matière de personnels soit consacré aux SPIP . Il souhaite aussi qu'un programme pluriannuel de création d'emplois puisse être soumis au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances. M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, s'est montré favorable à cette suggestion lors de son audition, le 10 novembre 2009, par votre commission des lois.

Les mesures catégorielles

Un montant de 8 millions d'euros (hors pensions) est consacré aux mesures catégorielles :

- les réformes statutaires des personnels de surveillance mises en oeuvre depuis 2005 (3,86 millions d'euros) ;

- la réforme relative à l'indemnité de surveillance de nuit et à l'indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés entrée en vigueur le 1 er août 2008 (1,29 million d'euros) ;

- la réforme statutaire et indemnitaire de la filière des personnels d'insertion et de probation mise en oeuvre depuis 2009 (2,85 millions d'euros). Ce volet indemnitaire correspond à la création, en 2010, du statut d'emploi de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation 3 ( * ) et à l'intégration programmée des chefs de service d'insertion et de probation dans le corps des directeurs d'insertion et de probation.

2. Les moyens de fonctionnement : l'amélioration indispensable des outils de supervision de la gestion publique et déléguée

Perspectives pour 2010

Entre 2009 et 2010, le budget de fonctionnement de l'administration pénitentiaire devrait croître de 7,85 %. Les moyens nouveaux pour 2010 (41,47 millions d'euros en crédits de paiement) porteront principalement sur le fonctionnement des nouveaux établissements pour majeurs en gestion déléguée ainsi que sur le financement de la montée en charge du dispositif de placement sous surveillance électronique (fixe et mobile). Par ailleurs, la subvention pour charges de service public versée à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire devrait être abondée de 1,4 million d'euros (contre une augmentation d'un montant de 5 millions d'euros l'an passé).

Les coûts comparés de la gestion publique et de la gestion mixte

La gestion déléguée des établissements pénitentiaires 4 ( * ) mise en oeuvre depuis 1990, concerne aujourd'hui 40 établissements pénitentiaires (27 établissements pour majeurs construits dans le cadre des programmes 13.000 et 4.000 5 ( * ) , 7 nouveaux établissements pour majeurs et 6 établissements pour mineurs construits dans le cadre du programme 13.200).

Coût de la journée de détention par type d'établissement - année 2008

CD

CP

MA

MC

EPM

Coût moyen

Gestion publique

83,89 €

75,92 €

61,19 €

147,75 €

-

69,01 €

Gestion déléguée

72,20 €

68,44 €

59,09 €

-

343,97 €

69,02 €

Un rapport de l'Inspection générale des finances sur les modalités de partenariat entre l'administration pénitentiaire et le secteur privé, rendu public en avril 2009, a estimé que le « manque de données fiables ne permet pas de conclure définitivement à une supériorité de la gestion déléguée ».

S'agissant des services à la personne , le bilan, selon l'IGF, est en première analyse favorable à la gestion déléguée qui propose une prestation dont la qualité est garantie à un coût voisin, voire inférieur à celui de la gestion publique, en particulier sur la restauration. Néanmoins « l'absence de suivi organisé de la qualité des prestations en gestion publique empêche de formuler un avis définitif, toute comparaison avec la gestion déléguée, qui fait quant à elle l'objet de contrôles réguliers, s'avérant impossible ».

Quant à la maintenance des bâtiments , l'IGF a estimé que l'Etat consacre à ce poste un effort supérieur en gestion privée alors même que la « récurrence du loyer autorise en théorie une maintenance « préventive » qui devrait garantir à l'Etat des bâtiments en meilleur état ».

S'agissant, enfin, du travail pénitentiaire , le rapport constate que si la gestion déléguée emploie en 2008 plus de détenus (taux d'emploi de 14,10 %) que la gestion publique (11,90 %), la « pertinence de l'externalisation de cette fonction est discutable ». Il juge difficile de relier les résultats enregistrés à une action décisive des prestataires qui ont peu de prise sur un environnement défavorable au travail pénitentiaire dont la faible valeur ajoutée le rend sensible aux délocalisations et à l'automatisation des procédés de fabrication. Par ailleurs, l'intégration de la fonction « travail » dans le contrat de partenariat est coûteux -avec, en particulier, une provision du risque sur 30 ans- et dissuade les entreprises moyennes de prendre part à ce type de marché. Enfin, cette fonction serait peu attractive pour les prestataires actuels (pertes prévisibles et application des pénalités) qui cherchent à compenser ces surcoûts sur d'autres activités comme la maintenance. L'IGF considère à cet égard que le « rôle de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) pourrait être repensé et professionnalisé pour développer le travail pénitentiaire, quel que soit le mode de gestion ».

De manière plus générale, selon l'IGF, « si le bilan du recours aux partenaires privés n'est pas défavorable pour l'Etat, des marges d'amélioration existent cependant, en particulier sur la maintenance. Ce constat pose la question du pilotage efficace des prestataires et du pilotage effectif des établissements en gestion publique. L'administration pénitentiaire a entrepris une démarche positive de professionnalisation de ce pilotage qui souffre cependant de deux lacunes : a) elle est orientée sur la gestion déléguée mais n'évalue pas la performance de la gestion publique, pourtant majoritaire ; b) elle est centrée sur la mise en oeuvre du contrat plus que sur l'évaluation de la performance. »

* 2 Les équivalents temps plein travaillé correspondent aux effectifs pondérés par la quantité de travail des agents (un agent titulaire travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 % ETPT). En outre, tout ETPT non consommé l'année n est perdu l'année n + 2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis.

* 3 Extension de l'indemnité de fonction et d'objectif -IFO- aux directeurs fonctionnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

* 4 Le prestataire privé gère en général l'ensemble des fonctions qui ne relèvent pas des missions régaliennes.

* 5 Les marchés de gestion déléguée dite « Chalandon 2 » -soit les 27 établissements pour majeurs des programmes immobiliers « 13.000 » et « 4.000 » auxquels s'ajoute la maison centrale d'Arles- feront l'objet d'un renouvellement au 1 er janvier 2010 pour une durée de 6 à 8 ans selon les lots. Le coût en 2010 s'élèvera à 189,5 millions d'euros en crédits de paiement.

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