C. LES INFRASTRUCTURES : LA LIVRAISON DES PREMIERS ÉTABLISSEMENTS DU PROGRAMME « 13.200 »

La France dispose aujourd'hui de 195 établissements pénitentiaires (114 maisons d'arrêt, 60 établissements pour peine, 4 maisons centrales, 13 centres de semi-liberté, 1 centre pour peine aménagée) soit 50.610 places « opérationnelles » (nombre de places de détention disponibles). Parmi ces établissements, 111 ont été construits avant 1911 et sont pour plusieurs d'entre eux, faute d'entretien, dans un grand état de vétusté.

Aussi, au cours des trois dernières années, les gouvernements successifs ont-ils engagé trois programmes immobiliers 7 ( * ) . Le dernier d'entre eux, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, prévoit la création de 13.200 places avec la construction d'une quinzaine d'établissements pénitentiaires et de sept établissements pour mineurs. Ces derniers ont été les premiers à ouvrir dès 2007. La livraison des établissements pour majeurs a débuté cet automne.

Le solde des ouvertures-fermetures de places pour 2007-2008 est de 1.497 places .

Ouvertures

Fermetures

2007

Etablissements pénitentiaires pour mineurs de Quiévrechain (60), Meyzieu (60), Marseille (60), Lavaur (60)

Centre pénitentiaire de Ducos (80)

2008

Centre pénitentiaire de Mont de Marsan (690), établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville (60) et d'Orvault (60), centre pénitentiaire de La Réunion (574)

Maison d'arrêt de Saint Denis (123) et de Mont de Marsan (84)

Total

1.704 places

207 places

Par ailleurs, les établissements suivants seront réceptionnés en 2008, mais n'accueilleront des détenus qu'en 2009 :

- l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Meaux (60 places)

- le centre de détention de Roanne (600 places)

- la maison d'arrêt de Lyon Corbas (690 places)

Ouvertures prévues pour 2009

Rennes - Vezin-Le-Coquet (centre pénitentiaire)

690 places

Octobre 2009

Bourg-en-Bresse
(centre pénitentiaire)

690 places

Juin 2009

Le Havre
(centre de détention)

690 places

décembre 2009

Béziers
(centre pénitentiaire)

810 places

Septembre 2009

Le Mans - Coulaines
(maison d'arrêt)

400 places

Septembre 2009

Poitiers-Vivonne
(centre pénitentiaire)

560 places

Juin 2009

Seysses
(quartier courte peine)

60 places

Février 2009

Nancy-Maréville
(centre pénitentiaire)

690 places

Février 2009

En 2009, le nombre d' ouvertures nettes de places s'élèvera, compte tenu de la fermeture de 1646 places d'établissements vétustes et de la poursuite du programme d'accroissement des capacités, à 4.588 places .

Le programme « 13.200 » en métropole

En métropole, la réalisation des établissements pour majeurs se déroule selon des procédures distinctes :

- les opérations conduites directement par l'administration pénitentiaire en maîtrise d'ouvrage public concernent la construction de deux maisons centrales (Vendin-le-Vieil -220 places- et Condé-sur-Sarthe -200 places. La livraison du premier site est prévue pour le premier semestre 2012) ;

- la maîtrise d'ouvrage public en conception réalisation (confiée à l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice -AMOTMJ) a été retenue pour la réalisation de trois établissements de 690 places chacun (Mont-de-Marsan -livré en septembre 2008-, Bourg-en-Bresse et Rennes dont les livraisons sont prévues respectivement en juin et septembre 2009) pour un coût estimé à 202,7 millions d'euros ;

- la maîtrise d'ouvrage privée a été choisie selon la procédure AOT - LOA (autorisation d'occupation temporaire - location avec option d'achat) 8 ( * ) pour deux lots de construction- d'une part, les centres pénitentiaires de Béziers et Nancy, le centre de détention de Roanne et la maison d'arrêt de Lyon-Corbas ; d'autre part, les centres pénitentiaires de Poitiers, le Havre et Le Mans ;

- la maîtrise d'ouvrage privée en partenariat public-privé 9 ( * ) a concerné un 3 ème lot : les établissements pénitentiaires de Lille-Annoeulin (688 places) et de Réau - Ile-de-France (798 places), la maison d'arrêt de Nantes (578 places) dont les livraisons devraient intervenir en septembre 2011.

Outre-mer

La situation, souvent désastreuse des infrastructures pénitentiaires outre-mer, devrait progressivement s'améliorer d'abord avec l'ouverture en octobre dernier du nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion (554 places), réalisé en conception réalisation (89,1 millions d'euros). En outre, quatre autres projets validés ont fait l'objet d'études préalables : construction d'un centre pénitentiaire d'environ 350 places en Guadeloupe et extension sur les domaines existants des établissements de Mayotte (125 places), de Martinique (200 places) et de Guyane (150 places). Enfin, comme l'a annoncé le garde des sceaux lors de son audition par votre commission, le ministère de la justice a décidé de construire 150 places supplémentaires à Tahiti en tirant parti de la cession d'un terrain par la Marine nationale, afin de répondre aux conditions de détention déplorables de la maison d'arrêt de Faa-Nuutania liées à un taux d'occupation supérieur à 300 %.

Les quartiers courte peine (2.000 places)

Trois premiers quartiers courte peine seront mis en service dans les domaines pénitentiaires de Seysses à Toulouse en février 2009, de Fleury-Mérogis en janvier 2010 et à Nantes en janvier 2011.

En outre, des recherches foncières ou des études de faisabilité ont été engagées sur dix-neuf sites dans la perspective d'opérations en plusieurs tranches successives entre 2010 et 2012.

Les établissements pénitentiaires pour mineurs

Sur les sept sites retenus six sont d'ores et déjà ouverts : Meyzieu, dans la communauté urbaine de Lyon, Lavaur, Quiévrechain dans le département du Nord, et Marseille en 2007 ; Orvault, commune proche de Nantes, Porcheville dans les Yvelines en 2008. La mise en service de l'EPM de Meaux-Chauconin est prévue pour mars 2009. L'ensemble du programme représente un coût de 110 millions d'euros.

Votre rapporteur a visité les quatre premiers de ces établissements 10 ( * ) .

L'EPM de Quiévrechain

(Visite du 25 septembre 2008)

L'EPM a ouvert le 17 septembre 2007, il a depuis lors reçu 194 mineurs. Comme tous les autres EPM, il comporte cinq unités de dix places chacune pour les garçons, une unité de quatre places pour les filles ainsi qu'une unité « arrivants » de six places. La capacité d'accueil est donc de 54 places si on souhaite garder à l'unité « arrivants » sa fonction d'accueil.

La direction de l'établissement a fait le choix de mutualiser le quartier « arrivants » avec une unité de vie afin de permettre l'accueil d'une dizaine d'arrivants.

Le directeur a souligné que l'importance des moyens dévolus à l'établissement donnait aux personnels le sentiment, sinon d'une obligation de résultats, du moins d'une très forte exigence.

Les mineurs délinquants sont accompagnés par un binôme associant un membre du personnel pénitentiaire et un membre du personnel de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ces mineurs sont généralement fortement désocialisés et l'une des fonctions importantes de l'EPM est de favoriser les temps de socialisation. La journée commence à 7 h 30 et de 9 h à midi ainsi que de 14 h à 17 h les mineurs sont à l'école.

A partir de 17 h et jusqu'à 19 h, le temps est occupé par des activités plus ludiques. Tous les mineurs sont scolarisés (sur les 194 mineurs reçus par l'établissement depuis son ouverture, on note un seul défaut de scolarisation).

Les personnels de l'administration pénitentiaire sont tous volontaires (un quart d'entre eux seulement a fait acte de candidature pour des raisons géographiques). Ils ont bénéficié d'une formation obligatoire et conjointe de 15 jours à l'école nationale de l'administration pénitentiaire suivie d'une validation par un jury. Par ailleurs, les cadres issus des trois ministères impliqués (justice -administration pénitentiaire et PJJ-, éducation nationale, santé) ont disposé de trois semaines de formation avant l'ouverture de l'EPM.

La cohésion des personnels est assurée de plusieurs manières : une réunion hebdomadaire des chefs de service ; la mise en place d'un logiciel de suivi comportemental qui permet un suivi individualisé et partagé par les différents services impliqués au sein de l'EPM ; une réunion des quatre partenaires une fois tous les 15 jours au sein des unités de vie pour veiller au parcours individualisé des mineurs (avec notamment la prise en compte du risque suicidaire).

Il n'existe pas, à ce jour, de mesure du taux de récidive à l'issue d'un placement en EPM. Cette structure ne semble pas pouvoir donner toute sa mesure lorsque les incarcérations sont trop brèves. En effet, 80 à 95 % des jeunes sont déscolarisés et le rôle de l'EPM est de permettre à ces jeunes de retrouver leurs repères. La durée moyenne de détention au sein des EPM est d'un mois et demi. Le directeur de l'établissement a estimé qu'une véritable prise en charge impliquerait une incarcération de six mois. Le représentant de la PJJ a estimé que si huit ou quinze jours apparaissaient en effet trop brefs, il était néanmoins possible en trois semaines de conduire auprès du mineur délinquant une action efficace. En tout état de cause, il a estimé que le délai variait d'un individu à l'autre. Une piste de réflexion est ouverte au sein de la direction de l'administration pénitentiaire pour faire des EPM un établissement pour peine, la décision de placement au sein de cette structure devant être déterminée avant tout par la gravité de l'acte.

Chacun des partenaires est particulièrement impliqué dans la mission qui lui est confiée. Ainsi, le médecin a insisté sur la nécessité de prendre le temps d'une vraie prise en charge médicale. A titre d'exemple, les troubles du sommeil qui, dans les autres établissements, font l'objet immédiatement d'une prescription de somnifères, appellent, au sein de l'EPM, un véritable travail d'écoute et la recherche de solutions alternatives à la seule médication de sorte que les EPM sont de tous les établissements pénitentiaires, ceux pour lesquels le taux de prescription de somnifères est le plus faible.

Chacun des interlocuteurs de votre rapporteur s'est accordé pour reconnaître que le principal atout des EPM résidait dans la pluridisciplinarité. Tous reconnaissent aussi la nécessité d'une évaluation à la condition qu'elle prenne en compte la prise en charge globale du mineur au-delà du seul séjour au sein de l'EPM.

Cette évaluation est une condition pour progresser et aussi diffuser les bonnes pratiques.

Les éducateurs travaillent 41 semaines contre 36 semaines habituellement. Il reste 7 semaines estivales pendant lesquelles l'éducation nationale est absente. Il est très important, dans cet intervalle, d'occuper les jeunes par des activités centrées sur le sport ou des activités d'expression (peinture, musique, danse, informatique...). Ainsi, au cours de l'été 2008, neuf activités ont été proposées aux mineurs.

Seule la moitié des mineurs détenus bénéficient de visites familiales. Des visiteurs de prison supplémentaires sont recrutés afin de combler cette lacune. La moitié des aménagements de peine se soldent par un échec du fait de l'absence de respect par le mineur délinquant des obligations fixées par le juge. Ce résultat décevant a conduit le directeur à s'interroger sur les conditions de prise en charge au sein de l'EPM : l'encadrement ne doit pas en effet déresponsabiliser le mineur mais, au contraire, favoriser de manière progressive l'acquisition de l'autonomie.

Parallèlement à la mise en oeuvre du programme « 13.200 », un plan de rénovation des plus grands établissements pénitentiaires a été engagé en 1998.

A Fleury-Mérogis , les travaux de rénovation ont commencé en janvier 2006 pour une durée de l'ordre de neuf ans et un coût estimé à 400,5 millions d'euros. Ils sont réalisés par tranches successives pour permettre le maintien en activité de la structure. Le ministre de la justice a inauguré en 2002 le bâtiment D2 dont les aménagements devraient notamment permettre d'améliorer les conditions de détention (cellules comportant coin sanitaire séparé avec douche et toilettes ; quatre cellules adaptées pour personnes à mobilité réduite).

A Marseille , le programme de rénovation envisagé en 1999 a pris un tel retard qu'il a dû être entièrement réexaminé. Il est désormais envisagé de construire deux établissements dont l'un totalement neuf sur le site des Baumettes et l'autre sur un autre site. Les nouveaux aménagements prévus pour les Baumettes permettraient ainsi de « dé-densifier » ce site en augmentant les espaces réservés aux parloirs, aux familles et aux promenades.

A la Santé , à Paris, le projet de rénovation qui devait être notifié en 2008, a été suspendu à la suite des conclusions de la mission de révision générale des politiques publiques : le scénario désormais privilégié repose sur la construction d'un établissement de 1.000 places en région parisienne et le maintien de 200 à 250 places dans le « quartier bas » de la maison d'arrêt actuelle.

* 7 Le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements et le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de 6 établissements.

* 8 Alors que dans la conception-réalisation, l'Etat est propriétaire du bâtiment dès sa livraison, selon cette procédure, il doit s'acquitter de loyers pendant une période fixée de manière contractuelle -en l'espèce, 27 ans avant d'en devenir propriétaire. Le partenaire peut s'engager, en contrepartie, pendant cette période à assurer le nettoyage, l'entretien, la maintenance du lieu et, avant la livraison au terme des 27 ans, le renouvellement complet du matériel. L'intérêt de cette procédure tient à sa célérité puisque le délai entre la signature du contrat et la réception du bâtiment est de l'ordre de 2 ans à 30 mois.

* 9 Outre les prestations prévues dans le cadre du contrat AOT - LOA, elle inclut les services correspondant aux actuels marchés dits de « gestion déléguée » (restauration, buanderie, travail pénitentiaire, formation professionnelle, transport et cantine). La période contractuelle est de 27 ans. Cependant, les services à la personne sont remis en concurrence tous les 8 ans.

* 10 L'avis sur le projet de loi pour 2008 reproduit les comptes rendus de la visite des EPM de Meyzieu et Lavaur.

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