Avis n° 96 (2007-2008) de MM. Yves DÉTRAIGNE et Simon SUTOUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 novembre 2007

Disponible au format Acrobat (492 Koctets)

N° 96

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

JUSTICE ET ACCÈS AU DROIT

Par MM. Yves DÉTRAIGNE et Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 16 ) (2007-2008)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu, le mardi 13 novembre 2007, la garde des sceaux, Mme Rachida Dati, la commission des lois, réunie le mercredi 21 novembre 2007, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a procédé, sur le rapport pour avis de MM. Simon Sutour et Yves Détraigne, à l'examen des crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2008 à la justice administrative et judiciaire, ainsi qu'à l'accès au droit.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des programmes justice judiciaire, accès au droit et à la justice, conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés à la mission Justice et des dotations inscrites dans la mission Pouvoirs publics consacrées au Conseil constitutionnel, à la Cour de justice de la République et à la Haute cour de justice , a regretté que le Conseil supérieur de la magistrature comme la Commission nationale informatique et libertés , simples actions rattachées à la mission « Justice », ne disposent pas d'une place plus conforme à leur statut dans la nomenclature budgétaire.

Evoquant les points forts du projet de budget pour 2008 , il s'est félicité de la priorité accordée à la justice dont les crédits progressent de 4,5 %, des créations d'emplois (400) qui concernent -à un rythme équivalent- tant les magistrats que les fonctionnaires des greffes, de la maîtrise des frais de justice , obtenue grâce à la mobilisation de tous les acteurs de l'institution judiciaire et sans dégradation de la qualité des enquêtes. Il a souligné l'implication du ministère de la justice dans une gestion plus dynamique des ressources humaines , tant s'agissant des modes de recrutement des magistrats -en voie de diversification, conformément aux souhaits maintes fois exprimés de la commission des lois- que de la formation des auditeurs de justice ou des chefs de juridiction.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis , a noté l'important effort consenti en faveur de la sécurité des juridictions , mettant en avant que dans les tribunaux d'instance, les besoins restent importants. Le projet de budget prévoit une modeste dotation pour la mise en oeuvre de la refonte de la carte judiciaire (1,5 million d'euros) -souhaitée depuis plusieurs années par la commission des lois-, après avoir précisé que cette réforme programmée sur trois ans, connaîtrait sa véritable montée en puissance à partir de 2009.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis , a enfin souligné quelques domaines dans lesquels des progrès pourraient être accomplis. Il a noté la très faible marge de manoeuvre des tribunaux de grande instance dans la gestion des crédits, qui relèvent, depuis la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), des cours d'appel. Il a en outre fait valoir que la notion d'emploi équivalent temps plein travaillé (ETPT) était complexe à appliquer aux juridictions. Il a souligné que les délais de jugement en matière civile tendaient à s'améliorer, suivant des rythmes de progression différents. En revanche, en matière pénale, les délais de jugement sont encore trop lents, même si le taux de réponse pénale (plus de 80 %) est très satisfaisant.

Il a conclu en appelant de ses voeux une réforme en profondeur de l'aide juridictionnelle , qu'il a qualifié de « système à bout de souffle ».

M. Simon Sutour, rapporteur pour avis chargé de l'examen du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives , a noté que nonobstant le rattachement de la justice administrative à une mission « Conseil et contrôle de l'État », des liens fonctionnels demeuraient entre les juridictions administratives et le ministère de la justice. Cette année encore, la commission des lois a regretté que la nomenclature retrace les budgets de la justice administrative et des juridictions judiciaires dans des missions distinctes.

Le rapporteur pour avis s'est félicité de la progression significative du budget alloué à la justice administrative (6,2 %), expliquant que cet effort est destiné principalement à financer des créations d'emplois (29 magistrats et 27 agents de greffe) et des mesures statutaires -attendues- pour permettre aux juridictions de fonctionner dans de meilleures conditions et à couvrir les dépenses d'investissement et de fonctionnement d'un nouveau tribunal administratif à Toulon .

Il a relevé qu'en dépit de la forte pression des affaires nouvelles à laquelle étaient soumises les juridictions administratives, ces dernières, grâce à des efforts remarquables de productivité, parvenaient progressivement à s'approcher de l'objectif de ramener à un an les délais de jugement. Il s'est inquiété de la situation fragile de la justice administrative, contrainte d'absorber toujours plus de contentieux générés par des procédures nouvelles, (contentieux du permis de conduire ou des étrangers).

Il a appelé de ses voeux la généralisation des recours gracieux préalables obligatoires devant l'administration , après avoir mis en avant l'impact positif de la commission des recours des militaires et de la commission du contentieux des visas dont l'intervention en amont avaient significativement allégé le volume des affaires enregistrées dans ces domaines.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice judiciaire et administrative et à l'accès au droit inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008 .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme chaque année, votre commission des lois vous présente un avis sur les crédits affectés par le projet de loi de finances pour 2008 à la justice et à l'accès au droit .

Le présent avis ne reprend pas le découpage retenu par la nomenclature budgétaire définie par la loi organique n° 2001-592 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) mais traite de toutes les actions régaliennes de l'État dans le domaine de la justice, appréhendée dans sa globalité.

Y sont ainsi analysés trois programmes - justice judiciaire, accès au droit et à la justice et conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés - de la mission justice , placée sous la responsabilité du garde des sceaux, ainsi que le programme Conseil d'État et autres juridictions administratives , inscrit, singulièrement, au sein d'une mission distincte -Conseil et contrôle de l'État- placée sous la responsabilité du Premier ministre.

L'entrée en vigueur de la LOLF a en outre été l'occasion pour votre commission d'élargir son analyse à trois juridictions d'exception -le Conseil constitutionnel, la Haute cour de justice et la Cour de justice de la République - qui, nonobstant leur rattachement à la mission pouvoirs publics, concourent au service public de la justice.

Pour l'élaboration du présent avis, votre commission a confié à M. Simon Sutour l'examen du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives au sein de la mission Conseil et contrôle de l'État et à M. Yves Détraigne l'analyse des autres programmes présentés ci-dessus 1 ( * ) .

*

* *

* Ce programme est traité dans l'avis de M. Nicolas Alfonsi.

** Ce programme est traité dans l'avis de M. Jean-René Lecerf.

L'action en italique signifie que son libellé a changé. Figurent entre crochets les actions qui ne sont plus rattachées à la mission justice.

.

Le projet de loi de finances pour 2008 démontre, pour la sixième année consécutive, l'importance qu'attache le gouvernement à la justice. Les crédits du budget de la mission justice atteignent un niveau inégalé de 6,5 milliards d'euros. Ils progressent ainsi trois fois plus (+ 4,5 %) 2 ( * ) que celui de l'État (+1,6 %). La part du budget de la justice dans le budget de l'État reste cependant modeste, même s'il s'agit du niveau relatif le élevé (2,4 % contre 1,7 % en 2002).

Cet effort budgétaire remarquable permet de répondre aux attentes fortes des acteurs de l'institution judiciaire et des justiciables, tout particulièrement en ce qui concerne le renforcement des effectifs des juridictions. Alors que l'État supprime 22.900 emplois, la justice bénéficie de 1.615 créations d'emplois, dont un quart (400) pour les tribunaux, notamment en vue d'assurer un rééquilibrage -indispensable- entre les postes de magistrats et ceux de fonctionnaires des greffes. Dans le souci de préserver la sérénité dans laquelle la justice doit être rendue, la sécurité des juridictions bénéficie en outre d'une enveloppe budgétaire significative.

Le projet de budget pour 2008 s'inscrit en outre dans un vaste mouvement de modernisation de l'institution judiciaire qui se traduit par la concrétisation de réformes d'organisation ambitieuses parmi lesquels figure, au premier chef, la nécessaire refonte de la carte judiciaire.

Pour la troisième année consécutive, le projet de budget poursuit la mise en oeuvre, depuis le 1 er janvier 2006, de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1 er août 2001. Il prend acte des économies réalisées, notamment s'agissant de la consommation des frais de justice, et procède à de nécessaires ajustements, par exemple au regard de la définition des indicateurs de performance.

Les échanges fructueux avec les personnels judiciaires nés à l'occasion des déplacements de votre rapporteur pour avis ont démontré que tous les acteurs de l'institution judiciaire s'étaient pleinement investis dans la réforme budgétaire d'ampleur imposée par la LOLF. Chacun s'accorde désormais sur la nécessité d'optimiser l'emploi de la ressource publique dans le secteur de la justice. Les premières inquiétudes liées à l'apprentissage des nouvelles règles financières s'apaisent peu à peu, même si certaines interrogations, légitimes, naissent à l'épreuve de leur mise en oeuvre, ainsi qu'en témoignent les questions soulevées par l'application à l'institution judiciaire de la notion d'emploi équivalent temps plein travaillé (ETPT).

Après avoir analysé l'impact de la LOLF sur la justice judiciaire (I), le présent avis présentera les réformes nouvelles financées par le projet de budget alloué aux tribunaux, telles que le renforcement des effectifs des juridictions ou encore la réforme de la carte judiciaire (II), avant d'évoquer les problèmes persistants qui affectent leur fonctionnement, notamment au regard des délais de jugement et des limites du dispositif actuel de l'aide juridictionnelle (III) et, enfin, d'examiner les grandes lignes du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives (IV).

I. LA JUSTICE À L'ÉPREUVE DE LA LOLF, D'INCONTESTABLES PROGRÈS, DE LÉGITIMES INQUIÉTUDES

L 'institution judicaire, comme les autres acteurs publics, est entrée dans l'ère de la modernisation de ses méthodes de gestion depuis le 1 er janvier 2006. Le premier bilan qui peut en être tiré se révèle positif, même si de légitimes inquiétudes se font jour.

A. LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE STABILISÉE, LA CULTURE DE LA PERFORMANCE S'AFFIRME PROGRESSIVEMENT

1. L'architecture de la mission justice, des modifications marginales

Le projet de budget pour 2008 conserve l'architecture de la mission justice globalement inchangée depuis sa création, en 2006. Totalisant 3.326 millions d'euros, le budget des trois programmes -justice judiciaire, accès au droit et à la justice et conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés- examinés dans le présent avis regroupe 51 % de l'enveloppe globale de cette mission.

? La justice judiciaire, premier poste budgétaire de la mission justice

Support des fonctions juridictionnelles, le programme justice judiciaire - en augmentation en 2008 (+ 5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2007)- représente la masse financière la plus importante (2.730 millions d'euros) de la mission justice.

Ces crédits concentrent près de 42 % des dépenses du ministère , pesant davantage que le budget de l'administration pénitentiaire (2.383 millions d'euros). Le plafond des emplois représente en outre 41 % des équivalents temps plein travaillés, soit 29.349 ETPT.

Ce programme finance principalement les dépenses de personnel (68 %) et les frais de fonctionnement des juridictions judiciaires (32 %).

L'année prochaine, les priorités sont doubles pour le gouvernement : améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens , notamment en renforçant la lutte contre la récidive et la protection des victimes, d'une part, et moderniser l'institution judiciaire en développant les technologies nouvelles et la sûreté des tribunaux et en redessinant les contours de la carte judiciaire, d'autre part.

Conformément à la position défendue par votre commission depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, l'unité de ce programme se confirme.

Comme l'a fait valoir le ministère de la justice dans ses réponses au questionnaire budgétaire, « s'il est incontestable qu'au regard des principes fondamentaux de l'organisation judiciaire, la distinction siège-parquet est évidemment essentielle, il n'en demeure pas moins qu'elle a peu de pertinence en matière de politique publique, les services judiciaires étant, dans leur ensemble, chargés de rendre la justice, action qui comprend à la fois celle de poursuivre et de juger, et ayant pour finalité d'intérêt général, d'assurer le fonctionnement du service public de la justice. »

Au surplus, la distinction de deux programmes respectivement consacrés aux activités du siège et du parquet ne permettrait pas la constitution de budgets opérationnels de programme (BOP) d'une taille critique suffisante pour permettre une gestion globalisée des crédits, sauf à remettre en cause le périmètre pertinent (la cour d'appel) dans lequel elle s'exerce.

Bien que la conférence nationale des premiers présidents de cours d'appel, depuis juin 2005, plaide avec constance pour un dédoublement de ce programme en deux programmes distincts (siège-parquet), la co-gestion des crédits budgétaires par les chefs de cour d'appel -premier président et procureur général- s'est déroulée dans un climat serein , ainsi que l'a fait valoir le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis.

Afin d'éviter des lourdeurs inhérentes à la dyarchie dans l'exécution des tâches de gestion, les chefs de cours d'appel, dans le cadre de leurs nouvelles responsabilités budgétaires, ont bénéficié de larges possibilités de déléguer leur signature au profit des directeurs délégués à l'administration régionale (anciennement dénommés coordonnateurs de service administratif régional).

Depuis l'année dernière, le programme justice judiciaire regroupe huit actions 3 ( * ) .

Crédits alloués au programme justice judiciaire
par le projet de loi de finances pour 2008

(en millions d'euros)

Actions

Crédits
ouverts en loi de finances initiale pour 2007

Crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2008

Evolution en pourcentage

01 Traitement et jugement
des contentieux civils

735

857

+ 16,5 %

02 Conduite de la politique pénale
et jugement des affaires pénales

936

921

- 2 %

03 Cassation

57

61

+ 7 %

04 Conseil supérieur de la magistrature

1,2

6,4

+ 433 %

05 Enregistrement des décisions judiciaires

13

13

-

06 Soutien

740

753

+ 2 %

07 Formation

85

90

+ 6 %

08 Support à l'accès au droit et à la justice

27

27

-

Programme 166

Justice judiciaire

2.597

2.730

+ 5 %

Source : Annexe Justice au projet de loi de finances pour 2008 - page 10.

Les crédits affectés à ces actions progressent ou se maintiennent à un niveau proche de l'année dernière, à l'exception de l'action 2 (conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales). Le ministère de la justice a expliqué la diminution de l'enveloppe allouée au traitement des affaires pénales par un « réajustement de la répartition des ETPT affectés aux actions 1 et 2 », la ventilation des effectifs au sein du programme justice judiciaire ayant été plus finement évaluée à l'issue d'une année de mise en oeuvre de la LOLF.

En dépit des recommandations de votre commission pour avis formulées l'année dernière 4 ( * ) , il est permis de regretter que le projet de loi de finances pour 2008, dans la continuité des exercices budgétaires précédents, ne confère pas au Conseil supérieur de la magistrature un statut lui assurant une véritable autonomie budgétaire. Ses crédits demeurent en effet retracés dans une simple action (action 4) au sein du programme justice judiciaire. Or, ce rattachement n'est pas satisfaisant au regard de l'importance de ses missions.

Un effort de transparence du gouvernement mérite toutefois d'être relevé, les rémunérations versées aux agents mis à sa disposition par les cours d'appel figurant désormais dans cette action . Ce transfert de crédits explique que le budget alloué en 2007 (1,2 million d'euros) soit multiplié par 5 en 2008 pour s'élever à 6,4 millions d'euros.

Les dépenses de personnel (rémunération des fonctionnaires 5 ( * ) qui y sont affectés et vacations de ses membres) fixées en 2008 à 5,9 millions d'euros sont le poste le plus important du budget du Conseil.

Les crédits de fonctionnement courant d'un montant de 530.000 euros l'année prochaine couvrent les dépenses liées à l'activité du Conseil (fournitures de bureau, affranchissement, télécommunications, frais de déplacements, frais de réception), les dépenses d'équipement (achat de mobilier, entretien de véhicules...) et les dépenses informatiques (estimées à un peu plus de 2.000 euros par agent).

Le gouvernement ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur le sort réservé au Conseil supérieur de la magistrature par la nomenclature budgétaire compte tenu des récents travaux du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par M. Edouard Balladur.

Le Conseil supérieur de la magistrature,
un statut à rénover selon le comité de réforme des institutions

? Proposition n° 70 (composition du CSM)

Le comité suggère que :

- le président de la République et le garde des sceaux, actuellement membres de droit et respectivement président et vice-président, ne siègent plus au sein du Conseil supérieur de la magistrature ;

- le Conseil soit présidé par une personnalité indépendante du corps judiciaire et nommée par des représentants du Parlement ;

- la composition de cette instance s'ouvre davantage sur la société, recommandant d'y faire siéger aux côtés des six membres du corps judiciaire élus par leurs pairs, deux conseillers d'État (au lieu d'un actuellement), un avocat, un professeur d'université et deux personnalités qualifiées extérieures au corps des magistrats, désignées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

? Proposition n° 71 (attributions du CSM)

Le comité recommande que la formation du Conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet se prononce par avis simple sur les nominations aux emplois de procureurs généraux aujourd'hui pourvus en Conseil des ministres, à l'instar de ce qui prévaut pour les nominations aux emplois de procureur de la République et de substitut.

? Proposition n° 72 (saisine du CSM en matière disciplinaire)

Le comité propose d'ouvrir aux justiciables la saisine du Conseil en matière disciplinaire, actuellement réservée au garde des sceaux et aux chefs de cours d'appel (premier président, procureur général).

Deux actions bénéficient en outre d'un traitement budgétaire privilégié :

- l'action 1 (traitement et jugement des contentieux civils ), dont les crédits augmentent d'un peu plus de 16 %. Outre le réajustement des effectifs sous-estimés l'année dernière, cette évolution favorable s'explique par l'extension en année pleine des créations de postes intervenues en 2007 6 ( * ) et par les créations d'emplois prévues en 2008 7 ( * ) .

Cette action rassemble les moyens humains et budgétaires alloués au traitement des contentieux civils, commerciaux et prud'homaux. En 2006, un peu plus de 3 millions de jugements et arrêts ont été rendus en matière civile en première instance et en appel toutes juridictions confondues grâce au concours de 3.762 ETPT magistrats et 8.578 ETPT fonctionnaires ;

- l'action 7 ( formation ) qui progresse de 6 %, afin de financer la formation initiale de 247 greffiers 8 ( * ) et 19 greffiers en chef 9 ( * ) dispensée par l'Ecole nationale des greffes.

Enfin, votre commission regrette cette année encore que le budget de la justice administrative ne figure pas dans la mission justice alors même que ces juridictions contribuent, au même titre que l'institution judiciaire, à cette politique publique 10 ( * ) .

? Le programme accès au droit et à la justice, un poste budgétaire stable et modeste

Ce programme regroupe un peu plus de 5 % de l'enveloppe globale consacrée à la mission justice. Cette année, ce poste budgétaire marque une stabilisation.

D'un montant de 335 millions d'euros, ses crédits diminuent d'un peu moins de 2 %. Cette évolution devrait néanmoins être compensée par un rétablissement de crédits au titre du recouvrement de l'aide juridictionnelle sur les frais avancés par l'État d'un montant de près de 9 millions d'euros 11 ( * ) , ce qui porterait l'enveloppe allouée à près de 344 millions d'euros, soit un seuil équivalent à celui inscrit en loi de finances pour 2007 (près de 342 millions d'euros).

Outre trois actions consacrées à l'aide juridictionnelle, au développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité et à l'aide aux victimes, le projet de budget pour 2008 prévoit un ajustement ponctuel consistant à modifier le libellé de l'action 4 consacrée à la médiation familiale et aux espaces de rencontre et non plus à la médiation familiale et aux lieux neutres de rencontre. Le gouvernement a justifié cette modification par le souci de « mieux transcrire la réalité de l'activité prise en charge ».

Aucun emploi n'est rattaché à ce programme qui finance principalement des dépenses d'intervention (99 %).

? Le programme conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés, des contours légèrement modifiés, un poids toujours relatif dans le budget de la mission de la justice

Le périmètre de ce programme subit une modification qui n'en affecte cependant pas les contours principaux.

Les actions 7 et 8 respectivement dédiées à l'ordre de la légion d'honneur et à l'ordre de la libération ont été rattachées à la mission direction de l'action du gouvernement, à la demande de ces organes.

Malgré ce transfert, le montant des crédits de ce poste budgétaire (262 millions d'euros) progresse de 3 %. Ainsi, il représente, comme l'année dernière, 4 % du budget de la mission justice et un peu plus de 2 % (soit 1.579) de l'ensemble des ETPT.

Le gouvernement aurait pu pousser plus loin cette démarche en inscrivant également dans la mission direction de l'action du gouvernement les crédits de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), dont le rattachement actuel à la mission justice, artificiel, n'est pas satisfaisant.

Le budget de cette autorité administrative indépendante est en effet retracé à l'action 5 qui lui est consacrée.

Or, comme l'a fait valoir cette institution auprès de votre rapporteur pour avis, « celle-ci ne saurait être assimilée à un simple démembrement d'un ministère, sauf à nier son indépendance réelle et sa spécificité d'action ».

Les conditions dans lesquelles le budget de la CNIL est négocié prennent pourtant acte de ce statut spécifique. Ainsi, son président, notre collègue M. Alex Turk, présente et négocie le projet de budget de cette instance directement avec les services du ministère chargé du budget, en coordination avec le responsable du programme.

La loi n° 2004-801 du 6 août 2004 12 ( * ) a, au surplus, étendu le champ d'intervention de cette autorité à l'ensemble des administrations publiques (ministères de l'intérieur, de la santé ou de l'économie et des finances, collectivités locales, monde de l'entreprise), ce qui relativise la spécificité de son lien avec le ministère de la justice.

Enfin, le rattachement récent aux services du Premier ministre d'autres autorités administratives indépendantes comme la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), aux côtés du médiateur de la République ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel, rend plus singulière encore le positionnement de la CNIL dans la nomenclature budgétaire.

Force est néanmoins de constater que le projet de loi de finances pour 2008 réalise un effort financier significatif en faveur de cette autorité, en prévoyant la création de 8 ETPT et un abondement de sa dotation de 400.000 euros.

Evolution du budget de la CNIL
-2006 à 2008-

( en millions d'euros )

2006

2007 (2006/2007)

2008 (2007/2008)

Budget voté

9

9,88 (+ 10 %)

11,33 (+ 15 %)

Budget délégué

9,17

9,683 (+ 6 %)

11,08 (+ 14 %)

- Dépenses personnel

5,33

6,116 (+ 15 %)

7,13 (+ 17%)

- Dépenses de fonctionnement

3,83

3,568 (- 7 %)

3,94 (+ 11%)

Source : Commission nationale informatique et libertés

Cependant, au regard des missions dévolues et des comparaisons internationales, ce mouvement devra s'amplifier au cours des prochains exercices budgétaires.

La Commission nationale informatique et libertés,
une activité qui s'intensifie, des moyens modestes à l'échelle de l'Union européenne

L'activité de la CNIL s'est fortement accrue ces dernières années (+570 % entre 2000 et 2006), sous l'effet conjugué du développement de la mise en oeuvre des fichiers (plus de 70.000 fichiers déclarés chaque année) et de l'extension des missions qui lui ont été assignées par le législateur.

Outre sa mission traditionnelle qui consiste à rendre des avis sur les projets de loi ou de décret, elle s'est vu attribuer des compétences nouvelles en 2004 : contrôles sur place, mise en place d'une formation contentieuse, création et animation du réseau des correspondants « informatique et libertés », missions de conseil et d'information, autorisation des fichiers les plus sensibles mis en oeuvre par le secteur public comme par le secteur privé.

Le nombre de délibérations adoptées par la CNIL (68 en 2003 contre 300 en 2006) a ainsi considérablement augmenté. Son activité devrait encore s'intensifier compte tenu de l'entrée en vigueur du décret du 25 mars 2007 qui impose aux entreprises qui envisagent de procéder à des transferts de données vers des États n'appartenant pas à l'Union européenne de demander l'autorisation expresse de la CNIL. Ainsi, près de 400 dossiers de demandes de transferts de données sont actuellement en cours d'instruction.

Le nombre de plaintes dénonçant le non-respect de loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 a cru de 50 % au cours du premier trimestre 2007 (360 plaintes reçues chaque mois durant cette période contre 240 au cours du dernier trimestre 2006). Les contrôles s'intensifient (127 organismes contrôlés en 2006, soit + 35 % par rapport à 2005-, et 135 déplacements effectués dans ce cadre soit + 40% par rapport à 2005). Toutefois, la CNIL est encore loin de la fréquence des contrôles pratiqués par l'autorité de protection des données espagnole qui en effectue plus de 600 par an.

Depuis 2004, son activité contentieuse se développe, ce qui s'est traduit par une progression de 200 % des procédures examinées dans ce cadre en 2006 (93 procédures contre 31 en 2005). Pour le premier semestre 2007, cette tendance se confirme, puisqu'on dénombre 50 procédures engagées.

En 2007, la CNIL dispose de 113 ETPT répartis en 68 personnels d'encadrement de haut niveau (juristes spécialisés, ingénieurs informaticiens et experts en technologie), 24 personnels administratifs et techniques de catégorie B et 21 personnels de catégorie C.

Le nombre d'agents pour un million d'habitants s'élève pour la CNIL à 1,6 contre 11,5 agents pour son homologue tchèque. Pour 10 millions d'habitants seulement, l'autorité tchèque bénéficie ainsi d'autant d'agents que la CNIL. Sur la base de ce ratio, l'autorité française se situe au dernier rang de l'Union européenne. Son homologue britannique comprend 260 agents, contre près de 400 en ce qui concerne l'autorité homologue allemande. Hors de l'Union européenne, l'autorité de contrôle canadienne compte 300 agents.

2. La culture de la performance, des outils encore perfectibles qui s'affinent néanmoins

? Les objectifs et indicateurs de performance de la mission justice : des outils encore imparfaits qui progressent néanmoins

Il est permis de se réjouir de ce que le gouvernement ait approfondi la définition des objectifs et des indicateurs de performance déclinés pour la mission justice , ainsi que l'y avait invité votre commission pour avis l'année dernière.

Certains indicateurs du programme justice judiciaire ont été améliorés 13 ( * ) , un objectif supprimé 14 ( * ) et un nouvel objectif 15 ( * ), associé à un indicateur, introduit .

Au sein de l'objectif n° 1 « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile » et de l'indicateur 1.1 « délai moyen de traitement des procédures, par type de juridiction », le sous-indicateur « dont divorce » a été supprimé, tant pour les cours d'appel que pour les tribunaux de grande instance. En effet, le ministère de la justice a considéré que le délai de réflexion laissé aux parties prévu par la procédure de divorce ne pouvait être imputable au fonctionnement de l'institution judiciaire.

La manière dont sont renseignés les 22 indicateurs de performance du programme n'est pas encore pleinement satisfaisante.

Ainsi que l'a noté la Cour des comptes dans son dernier rapport d'exécution budgétaire, la signification de certains d'entre eux doit être relativisée en raison de plusieurs défauts d'enregistrement ou d'imperfections dans les catégories statistiques retenues. Ces difficultés devraient néanmoins progressivement disparaître, le ministère de la justice étant conscient de la nécessité d'améliorer ses outils de mesure statistique.

De plus, un représentant du syndicat des greffiers de France a fait constater par votre rapporteur pour avis, que les chiffres de l'indicateur relatif au nombre d'affaires (civiles) traitées par magistrat (1.7) et par fonctionnaire (1.8), ne sont pas connus pour les tribunaux d'instance. Cet interlocuteur a jugé cette situation particulièrement choquante, faisant valoir l'intérêt de ces données dans le contexte actuel de la refonte de la carte judicaire 16 ( * ) .

En ce qui concerne le programme accès au droit et à la justice , un nouvel objectif tourné vers l'amélioration du taux de recouvrement des frais avancés par l'État au titre de l'aide juridictionnelle (objectif n° 3) s'ajoute aux quatre déjà inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 17 ( * ) . L'introduction de cet objectif traduit le souci du gouvernement de mieux maîtriser ses dépenses.

Cette cible se combine avec la mise en place d'un nouvel indicateur de performance qui porte sur le taux de mise en recouvrement des frais avancés au titre de l'aide juridictionnelle. Cet indicateur tend à mesurer les sommes récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès lorsqu'elle n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ou auprès du bénéficiaire de l'aide lorsqu'elle lui a été retirée par décision du bureau d'aide juridictionnelle.

Le ministère de la justice a rencontré quelques difficultés pour alimenter certains indicateurs du programme .

Ainsi, les résultats révélés par l'indicateur 5.2 « coût par victime appelante, écoutée et orientée au « 08 victimes » », géré par l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) ont été difficiles à interpréter, faute de base identique de comparaison 18 ( * ) .

De même, le calcul de l'indicateur 2.1 « coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle » est apparu malaisé. Ce coût est obtenu en divisant le montant total des dépenses de personnel (masse salariale, fonctionnement du bureau d'aide juridictionnelle, vacations des magistrats honoraires, etc.) et de fonctionnement (structure, activité, équipement mobilier, immobilier et informatique) des bureaux d'aide juridictionnelle par le nombre de décisions rendues dans l'année.

Les données afférentes aux dépenses de personnel sont fiables, mais d'une précision relative. Quant aux dépenses de fonctionnement, les données sont hétérogènes car recensées selon des degrés de finesse différents dans les juridictions 19 ( * ) .

Il a donc été décidé que la mesure de cet indicateur serait déterminée à partir des seules dépenses de personnels recensées sur un panel représentatif de cours d'appel. Aussi l'indicateur a-t-il été renseigné pour 2006 à partir de la masse salariale des personnels des bureaux d'aide juridictionnelle et de la rémunération des vacations des magistrats honoraires (qui président les bureaux de l'aide juridictionnelle) identifiée au sein d'un échantillon de 11 cours d'appel (sur 35) qui représentent 42 % de l'ensemble des demandes d'aide juridictionnelle.

S'agissant du programme conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés , le projet annuel de performance a évolué dans le bon sens également, sous une réserve .

Ainsi, l'annexe justice du projet de budget pour 2008 souligne que certains indicateurs retenus dans le cadre de l'exercice précédent ont été révisés et un nouvel objectif, assorti d'un indicateur, concernant la CNIL, créé 20 ( * ) .

Un objectif « assurer une réduction maximale du délai moyen d'affectation sur les postes de l'administration centrale ouverts au recrutement dans les programmes » assorti de l'indicateur dédié au « délai moyen d'affectation d'un agent par type de recrutement » a été supprimé à la demande du ministère chargé de l'économie et des finances, au motif qu'ils ne présentaient pas d'intérêt particulier en termes de mesure de la performance du programme.

Votre rapporteur pour avis, s'associe aux observations de M. René Couanau, rapporteur spécial des crédits de la mission justice au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le caractère inopportun de cette suppression 21 ( * ) .

En effet, le délai de nomination des personnels des juridictions judiciaires (magistrats 22 ( * ) et fonctionnaires) constitue un problème récurrent qui perturbe le bon fonctionnement des juridictions.

Au surplus, les vacances de postes sont d'autant plus problématiques que, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, lorsqu'elles se prolongent durant un an, elles conduisent à la suppression de l'ETPT concerné, comme a pu le souligner avec regret le président du tribunal de grande instance de Dijon, M. Jean-Paul Roughol. Il paraît donc essentiel que l'administration centrale fasse un effort plus tangible pour accélérer les mouvements de personnel. Le rétablissement de cet indicateur constituerait à cet égard un gage de bonne volonté .

Le gouvernement aurait en revanche pu supprimer l'indicateur 6.2 « pourcentage de dépassement du coût contractuel pour les projets d'un montant supérieur à 3 millions d'euros » qui n'est plus renseigné depuis 2005, aucun projet de ce montant n'ayant été livré. Le ministère de la justice partage d'ailleurs cette analyse, estimant au surplus que le mode de calcul retenu (montant du projet livré/montant du projet initial) a peu de sens compte tenu des modifications susceptibles d'intervenir au fur et à mesure de la réalisation d'un projet.

Votre rapporteur pour avis a pu constater , à l'occasion de ses déplacements, que les objectifs et indicateurs de performance suscitaient de nombreuses réactions dans les juridictions .

La mesure de la performance relève en effet désormais des chefs de cour d'appel, de leurs secrétaires généraux ou du directeur délégué à l'administration régionale judiciaire. Chaque année, dans le cadre de la préparation des dialogues de gestion relatifs aux demandes budgétaires, l'administration centrale demande aux cours d'appel de renseigner certains des indicateurs du programme justice judiciaire. Dans ce cadre, des enquêtes trimestrielles sont adressées aux juridictions et remplies manuellement par ces dernières d'après des tableaux de bord et de suivi issus de logiciels de gestion de procédure.

Certains ressorts comme celui de la cour d'appel de Lyon bénéficient du concours d'un statisticien, ce qui permet de fiabiliser et d'homogénéiser les données recueillies localement. La cour d'appel de Chambéry envisage également de recourir aux services d'un statisticien.

Pour les autres juridictions, le recueil des informations destinées à alimenter les indicateurs de performance a engendré un net surcroît de travail difficile à absorber pour les fonctionnaires des greffes déjà en sous-effectifs ainsi que l'a souligné le procureur général près la cour d'appel de Lyon, M. Jean-Olivier Viout.

Se pose également la question de la pertinence des indicateurs retenus , identiques pour toutes les juridictions . Comme l'a fait valoir le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre, M. Philippe Courroye, « un dossier n'en vaut pas un autre ».

Après avoir mis en avant que sa juridiction traitait un important volume d'affaires de stupéfiants mettant en cause des réseaux complexes, ce haut magistrat a jugé nécessaire de pondérer les indicateurs, selon le contexte de chaque ressort (difficulté des dossiers, existence de services de traitement d'urgence, fractionnement des sites 23 ( * ) et nature de l'affaire).

Une meilleure prise en compte des spécificités locales serait donc souhaitable et permettrait de retracer plus fidèlement le degré de performance des juridictions en fonction des contraintes particulières qui s'imposent à elles.

En outre, il serait souhaitable que les magistrats en fonction dans les juridictions de première instance soient davantage impliqués dans la construction des indicateurs de performance par les chefs de cour d'appel.

Un représentant du syndicat des greffiers de France entendu par votre rapporteur pour avis a regretté l'absence d'indicateur portant sur le nombre d'affaires pénales traitées par fonctionnaire alors qu'il existe un tel indicateur pour les magistrats du siège ou conseillers rapporteurs, interprétant cette carence comme le signe d'une absence de considération à l'égard du travail des greffes dans le traitement des affaires pénales.

En outre, les personnes du SAR de Lyon ont souligné le caractère partiel de la mesure de la performance, centrée sur les activités judiciaires des tribunaux sans prise en compte des activités administratives des juridictions pourtant de plus en plus nombreuses.

? Les juridictions d'exception, le souci d'une bonne gestion des deniers publics

Les juridictions d'exception rattachées à la mission pouvoirs publics 24 ( * ) ont un statut budgétaire privilégié . L'enveloppe budgétaire qui leur est allouée se décline en dotation budgétaire , présentée par nature de dépenses -et non en programme-, affranchie de tout objectif de performance 25 ( * ) .

Elles sont en outre exclues des modalités de gestion applicables aux programmes (transferts, gels et virements de crédits), par dérogation aux règles de droit commun définies par la nouvelle nomenclature budgétaire. Seules compétentes pour élaborer et exécuter leur budget, ces dotations budgétaires disposent d'une large autonomie administrative et financière.

Votre rapporteur pour avis s'associe aux observations de notre collègue M. Jean Arthuis, rapporteur spécial sur cette mission au nom de la commission des finances, au regard du caractère très parcellaire des réponses au questionnaire budgétaire adressé au Conseil constitutionnel .

Nonobstant la rareté des informations fournies par cette institution comme par la Cour de justice de la République, il convient néanmoins de noter le souci de ces organes d'optimiser l'utilisation de la dépense publique et de gérer avec rigueur les crédits qui leur sont affectés 26 ( * ) .

- En 2008, il est prévu que la dotation budgétaire allouée au Conseil constitutionnel -7,75 millions d'euros- s'accroisse de 7 % par rapport à 2007 (7,24 millions d'euros).

Le montant des opérations exceptionnelles (937.000 euros) diminue presque de moitié par rapport à 2007, qui était une année d'élection présidentielle. Ces crédits devront financer une étude préalable en vue de réaliser des travaux dans les locaux du Conseil, notamment pour résoudre des problèmes de sécurité. Il s'agit d'une provision qui anticipe des projets qui doivent être réalisés en 2009.

Les dépenses courantes progressent de près de 23 %, principalement en raison de la prise en charge en année pleine et à taux plein d'un second membre de droit et d'un membre nommé en mars 2007 27 ( * ) , ainsi que de la contribution employeur aux charges de pension des fonctionnaires imposée par la réforme des retraites de 2003 qui entre en application pour la première année.

Une enveloppe nouvelle de près de 500.000 euros liée à la facturation par le ministère de la défense des services de la garde statique de la gendarmerie nationale mis à disposition du Conseil, à compter du 1 er janvier 2008 est également prévue au titre des dépenses courantes. Cette prise en charge va dans le sens d'une plus grande transparence de la gestion de l'État, conforme à l'esprit de la LOLF.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur les initiatives prises dans le domaine de la gestion budgétaire pour satisfaire aux principes de la LOLF, le Conseil constitutionnel a mis en avant l'effort de transparence accompli ces dernières années, soulignant que :

- les demandes de crédits sont systématiquement accompagnées d'un rapport explicatif ;

- le budget -notamment les dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement- est désormais présenté par action (contrôle des normes, élections, relations extérieures formation, entretien travaux et frais généraux).

De plus, depuis 2004, le Conseil, à l'instar de nombreuses administrations publiques, poursuit sa politique de non remplacement des départs à la retraite. Ainsi, en 2006, un cuisinier n'a pas été remplacé. Au 1 er juillet 2007, le Conseil constitutionnel rémunérait 55 collaborateurs à titre principal correspondant à 52 ETPT. Aucune création de postes n'est envisagée pour 2008.

Par ailleurs, dans un souci d'économie, le Conseil ne possède plus de véhicule, préférant conclure des contrats de location de longue durée. Cette politique a permis d'économiser le coût de deux véhicules.

Enfin, le Conseil -exempté de tout contrôle externe en vertu de son statut budgétaire particulier- recourt, depuis sa création, à l'expertise d'un conseiller, membre de la Cour des comptes, pour l'assister dans les phases d'élaboration et d'exécution du budget ; « cette présence souligne la volonté (...) de gérer scrupuleusement ses finances (et) (...) de mettre en place un contrôle interne conforme au positionnement de l'institution . »

Enfin, même si des objectifs formalisés n'ont pas été définis, il convient de relever que le Conseil évalue les délais dans lesquels ses décisions sont rendues. Une telle démarche témoigne d'un souci de mesurer la performance de cette institution.

Délais de jugement du Conseil constitutionnel
-1 er janvier 2000 au 15 juillet 2007-

Type de décisions

Délai moyen en jours

Contrôle de constitutionnalité -Délai moyen-

Traités
Réglements
Lois organiques
Lois ordinaires
lois de pays

14

19
9
13
14
17

Autres décisions - Délai moyen

Elections législatives
Elections sénatoriales
Déclassements
Incompatibilités
Déchéances

33
80
44
11

30

18

Source : Conseil constitutionnel

Le délai moyen des décisions liées au contrôle de constitutionnalité s'élève à 14 jours , soit une durée bien inférieure au délai d'un mois prévu par le troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution, ce qui témoigne d'un effort notable pour statuer rapidement. Le délai moyen de l'ensemble des décisions rendues, plus élevé mais inférieur à un mois, atteint 25 jours.

- En 2008, il est prévu une diminution de près de 1,4 % du budget de la Cour de justice de la République (874.443 euros), ce qui traduit un souci de modération des dépenses .

Les crédits mis à sa disposition sont destinés à couvrir quatre catégories de dépenses : les locations immobilières, poste budgétaire le plus lourd (466.045 euros), les dépenses de fonctionnement (164.600 euros) qui financent les frais postaux et de télécommunications, les matières et fournitures consommables et les frais d'entretien, les indemnités des magistrats (142.300 euros) et les frais de justice (100.000 euros). La diminution de l'enveloppe allouée aux frais de justice par rapport à 2007 (150.000 euros) explique la réduction des crédits de la dotation budgétaire.

Il convient de souligner la rigueur de la gestion de la Cour de justice de la République qui, depuis plusieurs années, restitue un excédent de crédits avant la clôture de l'exercice financier . En 2006, une enveloppe d'un peu plus de 28.000 euros a ainsi été rendue au ministère chargé du budget.

La baisse du montant de la somme allouée au titre des frais de justice traduit également un souci de bonne gestion budgétaire qui mérite d'être noté. Cette juridiction a en effet tiré les conséquences de la non consommation de la dotation allouée à ce titre en 2006 (6.440 euros dépensés sur une somme disponible de près de 216.000 euros) et en 2007 (au 30 juin 2007, aucun crédit n'a été engagé pour un solde de crédits disponibles de 150.000 euros).

Votre rapporteur pour avis remarque avec satisfaction que la Cour de justice de la République, en dépit de son statut budgétaire dérogatoire, partage le souci des juridictions de droit commun (judiciaires et administratives) de réduire le poids de ces dépenses sur les finances publiques.

Comme l'année dernière, votre rapporteur pour avis regrette que la Cour de justice de la République n'ait pas répondu à ses interrogations sur l'impact de la LOLF sur sa gestion et sa performance alors même que des progrès sont perceptibles dans ces domaines.

B. LA LOLF, FACTEUR DE PROGRÈS POUR L'INSTITUTION JUDICIAIRE

1. Des frais de justice maîtrisés, une révolution culturelle en marche

? Un poste budgétaire désormais contenu...

Evolution de la dépense des frais de justice
2000-2007

Source : Ministère de la justice

Entre 2002 et 2005, la dépense au titre des frais de justice a considérablement progressé (+ 68 %), en particulier s'agissant des frais de justice pénale (+ 82 %).

L' année 2006 , première année de mise en oeuvre de la LOLF, marque une rupture avec cette tendance structurelle à la hausse. Pour la première fois, ces dépenses -dont le caractère évaluatif est devenu limitatif 28 ( * ) - ont décru significativement (22 %) , passant de 487 à 379,4 millions d'euros. Cette évolution est remarquable au regard des trois exercices budgétaires précédents, caractérisés par une inflation de 20 % chaque année .

Les frais de justice en matière pénale 29 ( * ) constituent le volume de dépenses le plus important ( 70 % des frais de justice en 2006, soit un peu plus de 262 millions d'euros). Ces crédits passés de 367 à 262 millions d'euros ont accusé la baisse la plus spectaculaire -près de 29 % .

Le deuxième poste de dépenses est constitué par les frais inscrits dans l'action soutien (près de 71 millions d'euros) 30 ( * ) .

Les frais de justice en matière civile et commerciale s'élèvent à un peu plus de 46 millions d'euros. En matière commerciale, on observe une forte diminution du montant des dépenses (23,2 millions d'euros) qui compense la forte hausse observée en 2004 et en 2005 (+ 24 %). Cette évolution s'explique par une raison conjoncturelle liée au fait que les cours d'appel, avant l'entrée en vigueur de la LOLF, avaient sollicité les greffes des tribunaux de commerce pour obtenir la présentation de toutes les demandes de remboursements, provoquant ainsi un surcroît de dépenses au cours d'un même exercice.

L'enveloppe allouée pour l'année 2007 atteint près de 393 millions d'euros . Selon le ministère de la justice, la dépense réelle devrait se situer à un niveau proche de la dotation budgétisée, à savoir 390 millions d'euros. Le taux de consommation des crédits s'élevait en effet, au 30 juin 2007, à 49,4 % (soit 192,5 millions d'euros).

Pour 2008, la dotation budgétaire des frais de justice, fixée à 405 millions d'euros , se répartit comme suit :

- 278 millions d'euros destinés aux frais de justice en matière pénale ; deux raisons expliquent l'augmentation de ce poste de dépenses par rapport à 2007 31 ( * ) .

D'une part, doit être financée la prochaine revalorisation de certains tarifs définis par le code de procédure pénale 32 ( * ) . Il s'agit notamment du tarif des interprètes et des traducteurs, des administrateurs ad hoc désignés pour assurer la protection des intérêts des mineurs, des huissiers audienciers et des experts psychiatres.

A cet égard, votre rapporteur pour avis note avec satisfaction que les difficultés liées au retard de paiement des jurés, experts et interprètes semblent désormais résolues. Le ministère de la justice a indiqué que l'allongement du délai de paiement des mémoires de frais de justice constaté au cours du premier semestre 2006 s'expliquait par le contexte exceptionnel de la mise en oeuvre des règles budgétaires nouvelles. Cette situation ne s'est pas reproduite cette année et le traitement des mémoires de frais de justice s'est normalisé, le ministère de la justice ayant veillé à ce que la mise en paiement de ces dépenses s'accélère.

D'autre part, l'adoption de réformes récentes engendre des frais de justice supplémentaires . Tel est en particulier le cas des obligations et mesures nouvelles susceptibles d'être prononcées dans le cadre des modes alternatifs aux poursuites ou du contrôle judicaire imposées par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs . Ce texte induit également des frais de justice supplémentaires une fois la personne condamnée. Son coût est estimé à près de 2 millions d'euros.

Une mesure nouvelle d'un montant de 1,8 million d'euros est par ailleurs inscrite au projet de budget pour tenir compte de l'augmentation du nombre de compositions pénales prononcées (50.430 en 2006 contre 6.755 en 2002).

En revanche, comme le signale l'annexe justice au projet de loi de finances pour 2008, l'impact budgétaire de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, difficile à évaluer, n'est pas pris en compte.

Parallèlement, le ministère de la justice attend des économies estimées à 3 millions d'euros ;

- 49 millions d'euros sont alloués aux frais de justice en matière civile, commerciale et prud'homale 33 ( * ) .

En matière civile, un peu plus de 22 millions d'euros sont prévus pour couvrir principalement les frais occasionnés en matière de tutelle et de curatelle des majeurs et de sauvegarde de la justice, des frais ordonnés dans le cadre du contentieux de l'autorité parentale et de l'enfance en danger et des frais de procédure liés au rétablissement personnel.

Le projet de budget pour 2008 prévoit en particulier de financer le premier impact de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, dont une mesure transitoire a prévu la caducité des mesures de protection juridique ouvertes avant le 1 er janvier 2009 qui n'auraient pas été révisées avant le 7 mars 2012. Or, la procédure de révision nécessite l'établissement d'un certificat médical dont le coût est susceptible d'être avancé par l'État. Le ministère de la justice, estimant que le réexamen des ces mesures devrait représenter un stock de 700.000 dossiers, a décidé d'allouer une dotation spécifique dans l'hypothèse où les juges d'instance souhaiteraient dès 2008 procéder à une révision de ces mesures ;

- 300.000 euros sont prévus pour compenser les frais de justice de la Cour de cassation, répartis principalement entre des frais postaux, des honoraires liés aux expertises pénales et d'autres rémunérations intermédiaires et d'honoraires occasionnés par l'audition des témoins et les significations arrêts ;

- 2 millions d'euros sont consacrés aux frais de justice liés au fonctionnement du casier judiciaire (essentiellement des frais postaux) ;

- et enfin, 76 millions d'euros correspondent aux frais de justice de l'action soutien (frais postaux essentiellement).

L'estimation du gouvernement qui anticipe une légère hausse des frais de justice (+ 3 %) paraît réaliste. Elle devrait permettre aux juridictions de traiter les affaires dans des conditions satisfaisantes.

?... grâce à la mobilisation de tous les acteurs de l'institution judiciaire

Les efforts engagés depuis deux ans en faveur d'un meilleur contrôle de la dépense se sont intensifiés, permettant de substantielles économies.

Ainsi, les acteurs de l'institution judiciaire ont démontré leur capacité à s'adapter aux contraintes nouvelles engendrées par la LOLF en modernisant leurs méthodes de travail pour répondre à des exigences nouvelles, tournées vers une gestion plus responsable.

L'administration centrale a poursuivi ses initiatives en vue d'enrayer l'accroissement de ces frais .

Un travail de sensibilisation du personnel judiciaire a été mis en oeuvre. M. Marc Moinard, Secrétaire général du ministère de la justice, s'est rendu dans de nombreuses juridictions rencontrant plus de 1.000 magistrats et fonctionnaires des juridictions dans le cadre d'ateliers sur les frais de justice donnant lieu à de nombreux échanges.

Une concertation étroite a par ailleurs été engagée avec les services du ministère de l'intérieur et de la défense pour qu'ils diffusent une large information aux services enquêteurs sur la problématique des frais de justice.

Plusieurs outils de suivi et d'analyse ont été développés . Un site intranet consacré aux frais de justice créé par la direction des services judiciaires apporte aux juridictions des réponses concrètes et pratiques sur la tarification et la définition de la jurisprudence des chambres de l'instruction et de la Cour de cassation . Ce dispositif apporte une aide précieuse aux magistrats et fonctionnaires qui doivent en effet traiter des mémoires de frais de plus en plus techniques.

Un observatoire des frais de justice , institué au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces, mis en ligne depuis septembre dernier, permet aux juridictions d'isoler certains coûts importants et de les rapporter aux spécificités locales liées à la nature des contentieux traités, aux politiques pénales menées par les juridictions ou à des éléments conjoncturels.

Le ministère de la justice s'efforce d'adopter des textes réglementaires permettant de ralentir l'évolution des frais de justice . Ainsi, en matière civile, un décret procédant à une tarification des enquêtes sociales, par dérogation au principe de l'absence de tarif en matière civile, devrait être publié. De même, le décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 34 ( * ) a procédé à la révision du tarif des greffiers des tribunaux de commerce et forfaitisé les frais de greffe pour faciliter les contrôles et mieux maîtriser ces dépenses, tout en définissant le champ des frais susceptibles d'être avancés par l'État en dehors du cadre des procédures collectives (frais de copie, droit, redevances et émoluments ou frais liés à la tenue du registre du commerce des sociétés).

Les avancées les plus spectaculaires concernent le domaine des réquisitions téléphoniques dont le coût s'est réduit de près de la moitié (-44 %), passant de 70 à 38 millions d'euros (hors location de matériel d'interception) entre 2005 et 2006 35 ( * ) .

La publication de l'arrêté du 22 août 2006 (article R. 213-1 du code de procédure pénale) a fixé les tarifs applicables conformément au principe de « juste rémunération ». Ce texte a permis des économies budgétaires significatives.

Cette politique du ministère de la justice a été mal acceptée par les opérateurs de téléphonie mobile, qui ont été à l'origine de nombreuses contestations à l'encontre des ordonnances des juges qui ordonnent les mises sur écoutes téléphoniques. Ce contentieux a engorgé les chambres de l'instruction chargées de ce contentieux 36 ( * ) .

La jurisprudence a rapidement permis de préciser l'état du droit. Dans un arrêt du 23 janvier 2007, la Cour de cassation a confirmé que l'arrêté de tarification s'appliquait immédiatement aux procédures en cours, conformément à l'article 112-2 du code pénal. Le Conseil d'État, saisi de recours formés contre cet arrêté, dans une décision du 7 août 2007, a validé le texte, à l'exception du dispositif prévu pour deux prestations peu courantes pour lesquelles le recours à un devis était prévu 37 ( * ) .

Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur pour avis que, compte tenu de la jurisprudence récente, certains opérateurs avaient l'intention de se désister de leur recours.

Un nouveau type de réquisition -les réquisitions liées à l'internet- devrait également connaître une forte expansion. La définition d'un référentiel de prestations et d'une tarification inspirée de ce qui prévaut pour les réquisitions téléphoniques est en cours.

Parallèlement, une nouvelle architecture technique centrale dans le domaine des interceptions judiciaires a été mise en place, ce qui a également permis de réduire les dépenses en ce domaine. Ce chantier représente un coût total de 17,6 millions d'euros financés sur plusieurs années (2006 à 2010). Pour 2008, une enveloppe d'un montant de 1,2 million d'euros est prévue 38 ( * ) .

La mise en place de centrales d'écoutes au niveau local a remplacé les ouvertures de lignes téléphoniques provisoires opérées par France Telecom.

De plus, le décret n° 2007-1145 du 30 juillet 2007 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « système de transmission d'interceptions judiciaires » (STIJ) a permis l'installation d'un serveur unique permettant notamment de révéler le contenu des mini messages (SMS).

Deux marchés visant à la mise en place d'un système d'interceptions offrant des prestations plus nombreuses et diversifiées que le STIJ sont en cours.

Les initiatives du ministère de la justice dans le domaine des empreintes génétiques méritent également d'être signalées, ce poste de dépenses (20,5 millions d'euros en 2006) ayant diminué de 14 % en 2006 alors que le nombre d'expertises croît. La réduction du coût moyen de l'acte -passé de 300 à 50 euros- est à cet égard remarquable.

Des négociations tarifaires expliquent cette évolution encourageante. Elles ont en particulier permis de conclure un marché pour les prestations d'analyse de prélèvements biologiques effectués sur les individus, en vue de la saisie des empreintes génétiques dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Au niveau local, les juridictions judiciaires ont vigoureusement relayé les initiatives du ministère de la justice . A cet égard, magistrats et fonctionnaires n'ont pas hésité à renouveler leurs méthodes de travail , pour ralentir la hausse des frais de justice. Il est remarquable de constater que magistrats et fonctionnaires des greffes se sont pleinement investis dans ce chantier.

Pour le procureur de la République du tribunal de grande instance de Lyon, M. Xavier Richaud, rencontré par votre rapporteur pour avis, la prise de conscience de la nécessaire régulation de ces dépenses a cédé le pas aux résistances exprimées initialement.

Ce responsable a souligné la réelle sensibilisation des personnels au coût de leurs décisions , notant que la qualité des enquêtes ne s'était pas dégradée. Il a indiqué que la juridiction interrégionale spécialisée de Lyon et les services d'instruction - services principalement dépensiers en ce domaine- estimaient que la limitation des frais de justice n'avait pas entravé leur liberté d'action . Le représentant de FO- magistrats au cours de son audition a fait valoir un constat plus nuancé, estimant que le caractère limitatif des frais de justice permet d'exercer une forme de contrôle sur l'activité juridictionnelle. Il a fait valoir que la justice n'était pas une administration dont l'activité est prévisible, après avoir souligné que la LOLF n'offrait pas un cadre budgétaire adapté aux spécificités de l'institution judiciaire.

Toutes les cours d'appel et tribunaux de grande instance ont rapidement développé le réseau des référents frais de justice . Ce dispositif a permis des échanges très réguliers entre les magistrats prescripteurs et la cour d'appel. Ce dialogue constant a permis une diffusion rapide de l'information et des bonnes pratiques et une mobilisation constante de tous les acteurs de la chaîne de la dépense. Les personnels du service administratif régional de la cour d'appel de Lyon rencontrés par votre rapporteur pour avis ont confirmé l'impact positif de ce réseau, très actif.

Les procureurs de la République des tribunaux de grande instance de Lyon et de Dijon ont également indiqué que les magistrats exigeaient systématiquement des devis préalables avant d'autoriser le recours aux prestations financées au titre des frais de justice. En outre, les magistrats instructeurs exercent un contrôle plus strict sur les mémoires de frais présentés par les prestataires.

Le souci de maîtrise des frais de justice a également incité les magistrats du parquet à assurer un suivi plus étroit de l'activité des officiers de police judiciaire . D'ailleurs, M. Olivier Etienne, secrétaire général au parquet général de la cour d'appel de Lyon, a fait observer que si les magistrats n'avaient pas ressenti de contrainte excessive sur le déroulement des enquêtes, tel n'était pas le cas des officiers de police judiciaire, parfois conduits à restreindre leurs investigations. En outre, le parquet veille à ce que certaines charges indues ne soient plus comptabilisées dans cette catégorie de dépense.

L'approche du parquet en matière d'enquête devient plus pragmatique comme l'a expliqué le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre. Le ministère public est fréquemment conduit à s'interroger sur la valeur ajoutée des actes d'enquête dans chaque procédure. Ainsi, le coût d'une expertise est de plus en plus souvent rapporté à l'enjeu financier de l'affaire dans le cadre de laquelle cet acte sera ordonné. Des magistrats de ce tribunal ont néanmoins souligné que ces pratiques pouvaient donner le sentiment de ne plus approfondir certaines enquêtes.

Enfin, des initiatives ont été entreprises pour réduire les frais de scellés. Les mises sous scellés sont désormais cantonnées aux seuls objets indispensables à la procédure. Ces efforts expliquent une grande partie de la baisse de ces dépenses en 2006 (-32 %).

2. La remise à plat de l'indemnisation des conseillers de prud'hommes, un chantier en cours

L'indemnisation des conseillers de prud'hommes a été fixée en 1982 par des textes législatifs et réglementaires, dont l'interprétation a conduit au fil des années à la mise en place de pratiques disparates sur le territoire national et à une maîtrise de plus en plus difficile des dépenses occasionnées à ce titre.

Le régime d'indemnisation des conseillers prud'homaux

L'indemnisation des conseillers prud'homaux s'effectue sur la base des déclarations effectuées par les intéressés. Ils sont indemnisés de leurs activités par le versement de vacations ou, s'il s'agit de conseillers salariés exerçant leur activité pendant leur temps de travail, par le maintien de leur salaire.

Le versement des vacations versées aux conseillers salariés, hors de leur temps de travail, et aux conseillers employeurs, pendant et hors de leur temps de travail, est effectué sur la base d'un état établi par le greffier en chef à l'aide des renseignements portés sur le registre nominatif. En cas de difficulté sur l'appréciation des temps de présence au conseil, il appartient au président et au greffier en chef de trouver un compromis en concertation avec le conseiller concerné.

En pratique, le coût moyen par affaire donne lieu à des écarts significatifs selon les conseils prud'homaux. Ainsi, le temps consacré à l'étude de dossier préalable à l'audience varie considérablement d'un collège à l'autre dans une même juridiction (1.615 heures d'études de dossier pour le collège employeur contre 8.279 heures pour le collège salarié). De même, le nombre de dossiers examinés par séance varie fortement d'une juridiction à l'autre (au sein de la cour d'appel de Lyon, ce nombre oscille entre moins d'une affaire (conseil prud'homal de Firminy) et 8,2 affaires (conseil prud'homal de Saint-Etienne).

Les dépenses consacrées aux vacations des conseillers prud'homaux et aux remboursements des salaires maintenus ont augmenté de 25 % entre 1999 et 2004. Cette évolution contraste avec l'activité des juridictions prud'homales -en légère baisse entre 1999 et 2003 et en légère progression en 2004. La Cour des comptes a dénoncé cette situation dans deux référés du 13 février 1998 et du 10 janvier 2000.

De plus, les frais de déplacement -dont le régime juridique n'est pas suffisamment précis- ont explosé, augmentant de près de 137 % entre 1986 et 2004.

La nécessaire optimisation de l'utilisation des dépenses publiques induite par la LOLF a incité le ministère de la justice à réformer ce système peu transparent. A l'instar des frais de justice, ces crédits évaluatifs ont en effet revêtu un caractère limitatif qui impose d'en contrôler l'évolution. Il est ainsi apparu nécessaire de définir les dépenses selon des critères rationnels et uniformes.

Cette démarche fait suite à des initiatives locales, menées à titre expérimental, pour identifier les facteurs d'inflation de ces dépenses et instaurer un dialogue avec les conseillers prud'homaux.

Constatant à l'échelle du ressort de la cour d'appel de Lyon la diversité des modalités d'indemnisation des conseillers prud'homaux d'une juridiction à l'autre, le service administratif régional a décidé de mesurer plus précisément leur activité.

Ainsi que l'a expliqué à votre rapporteur pour avis M. Michel Cramet, directeur délégué de l'administration régionale judiciaire de la cour d'appel de Lyon, des contrats de procédure avec les juridictions prud'homales ont été mis en place depuis 2004. De même, des informations sur le nombre d'heures consacrées par affaires terminées par les différents conseils du ressort ont été diffusées à l'ensemble du ressort. Cette démarche a eu un impact significatif sur le nombre d'heures déclarées donnant lieu à indemnisation, passées de 20 à 18 heures en trois ans.

Un rapport élaboré en octobre 2005 par M. Henri Desclaux, procureur général honoraire, a proposé des pistes de réforme pour moderniser le régime d'indemnisation des conseillers prud'hommes. Parmi les principales suggestions figurent notamment :

- une nouvelle définition des activités prud'homales indemnisables ;

- la mise en place d'un système déclaratif encadré et la revalorisation du taux de vacation horaire ;

- la prise en charge, dans une certaine limite, des frais de déplacement, sur le modèle de ce qui prévaut pour les magistrats et fonctionnaires.

Sur la base de ce rapport bien accueilli par les organisations syndicales, une réforme a donc été engagée .

Introduit par un amendement présenté par M. Jean-Jacques Hyest et les membres du groupe de l'UMP 39 ( * ) , l'article 51 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social a posé le principe d'une indemnisation fondée sur l'activité réelle des conseillers, notamment en ce qui concerne le temps de rédaction des décisions. Les modalités du dispositif ont été renvoyées au pouvoir réglementaire.

L'application de cette loi est suspendue à la publication des textes nécessaires à son application, actuellement en cours d'élaboration.

Le gouvernement envisage de conserver le mécanisme du maintien du salaire pour les fonctions juridictionnelles exercées pendant les heures de travail. S'agissant de l'indemnisation du temps de rédaction des décisions, un dispositif est à l'étude qui combine un mode déclaratif, qui dépend du seul conseiller rédacteur jusqu'à un certain seuil, et un mode délibératif faisant intervenir la formation de jugement au-delà de ce seuil 40 ( * ) .

En cas de dépassement du nombre d'heures « indemnisables » ou en cas de conflit, il reviendrait au président du conseil de prud'hommes ou au président de section -dans les juridictions les plus importantes- d'évaluer le temps susceptible d'être rétribué.

Au surplus, un plus grand nombre d'activités serait indemnisé, le taux de vacation augmenté et les frais de déplacement mieux pris en charge. Le contrôle du bien-fondé des demandes de versement des vacations serait renforcé.

Cette réforme fait actuellement l'objet d'une concertation avec l'ensemble des syndicats.

Votre rapporteur pour avis souhaite que la refonte de l'indemnisation des conseillers prud'homaux se concrétise rapidement. Cette réforme sera de nature à faciliter la gestion budgétaire des cours d'appel. Elle favorisera au demeurant une plus grande transparence des rémunérations, lesquelles doivent nécessairement refléter le service véritablement rendu à la justice.

Anticipant les effets bénéfiques de cette réforme, le ministère de la justice prévoit pour 2008 une stabilisation des dépenses d'indemnisation des conseillers de prud'hommes , évaluées à 24 millions d'euros, comme en 2007 41 ( * ) .

3. La revalorisation du statut des services administratifs régionaux enfin concrétisée

Depuis 2006, les services administratifs régionaux (SAR) sont devenus des acteurs essentiels de la gestion publique .

Placés sous l'autorité directe des chefs de cour d'appel dont ils sont le « bras armé », ils exercent de nombreuses missions indispensables au bon fonctionnement de l'institution judiciaire .

Depuis leur création en 1996 42 ( * ) , leur vocation traditionnelle consiste à assister les chefs de cour d'appel dans la politique de gestion du ressort (gestion administrative de l'ensemble des personnels, gestion des moyens, gestion de la formation et des concours, gestion du patrimoine immobilier et suivi des opérations d'investissement).

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, ils assument les opérations nouvelles liées à l'ordonnancement secondaire des dépenses gérées par les chefs de cour d'appel 43 ( * ) . Se sont également ajoutées des tâches supplémentaires liées au transfert de la compétence aux chefs de cour d'appel de la responsabilité des marchés publics (fournitures des juridictions, nettoyage ou encore gardiennage) 44 ( * ) . Ils sont enfin chargés du suivi des engagements des frais de justice .

Depuis 2000, 159 emplois ont été créés dans ces services 45 ( * ) . Le renforcement des moyens humains a été constant jusqu'en 2005 puis s'est interrompu à partir de 2006, année au cours de laquelle la charge de travail s'est pourtant considérablement accrue.

Créations d'emplois dans les services administratifs régionaux
-depuis 2000 (situation au 1 er août 2007)-

Année

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

TOTAL

2000

-

33

-

33

2001

-

1

-

1

2003

13

-

-

13

2004

-

35

-

35

2005

-

33

42

75

2006

-

-

-

-

2007

-

-

2

2

Total

13

102

-

44

Source : Ministère de la justice

Depuis deux ans, votre rapporteur pour avis, n'a cessé de souligner le paradoxe selon lequel le transfert de charges nouvelles ne s'est accompagné d'aucun transfert des emplois correspondants alors même que selon le logiciel informatique OUTILGREF 46 ( * ) , les besoins humains supplémentaires induits par la mise en oeuvre de la LOLF ont été évalués à 280 ETPT. En 2007, la loi de finances initiale a autorisé le recrutement de 15 contractuels seulement (8 techniciens informatiques, 6 techniciens en équipement et 1 contrôleur de gestion).

Il est donc permis de se réjouir de ce que le projet de budget pour 2008 prévoit d'étoffer les effectifs des SAR et propose, à cet effet, en y localisant 45 des 175 postes de secrétaires administratifs à pourvoir en 2008.

Un autre motif de satisfaction mérite d'être mis en exergue : le décret relatif aux services administratifs régionaux judiciaires n° 2007-352 a enfin été publié le 14 mars 2007. Votre commission pour avis se réjouit particulièrement de cette avancée qui concrétise une recommandation formulée il y a plusieurs années déjà dans le cadre de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice qu'elle avait constituée en son sein 47 ( * ) .

Ainsi, ce texte revalorise le statut juridique des SAR en consacrant leur existence dans le code de l'organisation judiciaire.

Ce texte érige le coordonnateur du SAR en directeur délégué à l'administration régionale judiciaire (DDARJ). Ses attributions y sont précisément décrites 48 ( * ) . Ce service, désormais distinct de la cour d'appel, bénéficie d'une véritable autonomie budgétaire, tout en disposant d'un personnel dédié (greffiers en chef, agents de catégories B et C, agents placés (A, B et C) et contractuels), placé sous l'autorité du directeur délégué.

Le fonctionnement du SAR repose sur une logique d'équipe, composée du directeur délégué et des responsables de la gestion budgétaire, informatique, des ressources humaines, de la formation et du patrimoine immobilier, qui sont des experts dans chacun de ces domaines de gestion.

M. Michel Cramet, directeur délégué à l'administration régionale judiciaire de la cour d'appel de Lyon s'est félicité de cette avancée, qui offre une reconnaissance statutaire à un service pivot des juridictions judiciaires.

C. LES EFFETS PERVERS DE LA LOLF, UN MODE DE GESTION PARFOIS EXCESSIVEMENT COMPLEXE ET RIGIDE

1. L'arrondissement judiciaire, acteur oublié de la gestion déconcentrée des crédits

La mise en oeuvre de la LOLF s'est traduite par une redistribution des rôles entre l'administration centrale, les cours d'appel et les arrondissements judiciaires.

Depuis le 1 er janvier 2006, les chefs de cour d'appel assument, dans le cadre d'un budget opérationnel de programme (BOP), la gestion de l'intégralité des moyens alloués aux juridictions situées dans le ressort de leur cour dans le cadre d'une enveloppe globale 49 ( * ) . Le décret n° 2006-806 du 6 juillet 2006 50 ( * ) , complété par un arrêté du 10 octobre 2007, a étendu le champ de leurs prérogatives aux très petites opérations immobilières ainsi qu'à toutes les dépenses d'investissement et d'études se rapportant aux opérations mobilières .

La préparation du budget se déroule en plusieurs étapes. Les projets de budget sont établis à l'issue d'un cycle de conférences budgétaires régionales organisées dans les différentes juridictions du ressort. Ces conférences consistent à discuter les demandes budgétaires et à vérifier leur justification. Ainsi, dans le ressort de Lyon, 7 conférences budgétaires se sont tenues entre avril et juin 2007, comme l'ont expliqué à votre rapporteur pour avis le premier président et le procureur général de cette cour.

Puis, les chefs de cour d'appel sont reçus par le directeur des services judiciaires dans le cadre des dialogues de gestion, à l'issue desquels les arbitrages sont rendus et l'enveloppe budgétaire notifiée aux responsables de BOP. Ces responsables organisent ensuite la répartition des crédits entre les juridictions du ressort. A l'exception des crédits de personnel gérés au niveau du service administratif régional, les juridictions disposent en théorie d'une certaine autonomie de gestion.

Votre rapporteur pour avis a pu constater que la mise en oeuvre de ces règles donnait lieu à un bilan contrasté.

Les conditions d'exécution budgétaire entre l'administration et les cours d'appel se sont notablement améliorées par rapport à l'année dernière .

L'administration centrale qui avait fait preuve d'une excessive prudence en 2006 a accordé une plus grande confiance aux cours d'appel en leur délégant rapidement leurs crédits. Ainsi, une majorité de cours d'appel s'est vu notifier 90 % de la masse salariale, 100 % des crédits de fonctionnement et 90 % de l'enveloppe allouée au titre des frais de justice dès le 1 er février, et au plus tard au 1 er mars.

Le « fléchage » des crédits s'est amoindri, comme ont pu le confirmer les représentants du SAR de Lyon rencontrés par votre rapporteur pour avis.

Une ombre au tableau demeure toutefois, la fongibilité des crédits ayant été cette année encore quasi-inexistante 51 ( * ) . En 2006, le programme justice judiciaire n'avait en effet pu donner lieu à la fongibilité en raison de la « modicité des crédits » alloués aux dépenses de personnel non utilisés en fin d'année. Selon le ministère de la justice, la situation ne devrait pas être sensiblement différente en 2007.

Il n'a donc pas été possible de redistribuer les crédits de rémunération des personnels sur d'autres postes de dépenses, ce qui a réduit les marges de manoeuvre des gestionnaires et toute possibilité de piloter véritablement les BOP. Le premier président de la cour d'appel de Lyon, M. Pierre Vittaz, a confirmé cet état de fait, après avoir expliqué qu'à l'exception de l'affectation des personnels placés et des crédits de vacations, la cour d'appel n'avait disposé d'aucune souplesse en matière budgétaire .

Le directeur délégué du SAR de la cour d'appel de Lyon, M. Michel Cramet, a au surplus ajouté que depuis 2006, le budget particulièrement contraint alloué à ce ressort apparaissait comme une régression au regard des conditions favorables dont la cour avait bénéficié lors de l'expérimentation de la LOLF menée entre 2004 et 2006.

Le mécontentement des tribunaux de grande instance est encore plus patent que dans les cours d'appel. Ces juridictions ont en effet le sentiment de ne pas avoir retiré les bénéfices qu'il était possible d'attendre de la LOLF .

Les chefs des tribunaux de grande instance de Lyon et de Nanterre rencontrés par votre rapporteur pour avis ont souligné que l'entrée en vigueur de la LOLF avait conduit à leur retirer toute capacité de peser sur les choix de la cour d'appel et à les réduire à une simple force de proposition. La gestion des crédits ne relève en effet plus que très marginalement des juridictions de première instance.

Ainsi, Mme Francine Levon-Guérin, présidente par interim du tribunal de grande instance de Nanterre, a indiqué à votre rapporteur pour avis que la cellule de gestion située dans l'arrondissement judiciaire dépend désormais principalement de la cour d'appel et du SAR. Ce service gestionnaire qui ne gère pas la masse salariale n'a plus qu'une maîtrise très partielle du budget des tribunaux de grande instance (environ 20 % des crédits). Le président et le procureur de la République du tribunal de grande instance de Dijon ont dressé le même constat.

En outre, les juridictions de première instance estiment que les progrès tangibles dans le domaine des frais de justice, n'ont pas été récompensés. Ainsi, le tribunal de grande instance de Nanterre a réalisé une économie de 1,4 million d'euros sur le poste des frais de justice mais n'a pour autant pas obtenu un abondement équivalent sur un autre poste de dépenses, contrairement à ce que la fongibilité des crédits rendue possible par la LOLF pouvait laisser espérer.

Comme l'a souligné le procureur de la République de Nanterre, M. Philippe Courroye, les juridictions de première instance n'ont aucun retour de la part de la cour d'appel sur les efforts accomplis. Cet interlocuteur a suggéré que des rapports d'exécution soient élaborés par le SAR pour prendre acte des économies réalisées par les juridictions du ressort, ce qui favoriserait une meilleure reconnaissance du travail des personnels judiciaires.

Enfin, les conditions dans lesquelles les crédits ont été délégués aux tribunaux de grande instance par les cours d'appel ne sont pas satisfaisantes. Il semble en effet que, comme l'administration centrale l'année dernière, les cours d'appel fassent preuve de frilosité et hésitent à donner une certaine marge de manoeuvre aux juridictions de première instance.

Ainsi que l'a expliqué la présidente par interim du tribunal de grande instance de Nanterre, les autorisations de crédits ont été accordées de manière parcellaire, entraînant un manque de visibilité dans la disponibilité de la dépense. Ces pratiques ont conduit à reproduire le schéma ancien selon lequel les crédits sont débloqués en fin d'année avant la fin de la clôture de l'exercice budgétaire, obligeant les juridictions de première instance à dépenser dans la précipitation la masse de crédits restante, contrairement au principe de responsabilisation des gestionnaires posé par la LOLF.

Votre rapporteur pour avis a constaté que la mise en oeuvre de la LOLF avait indiscutablement créé une distance entre l'arrondissement et la cour d'appel qui pourrait se révéler contre-productive .

Il importe donc que les chefs de cour d'appel accordent une plus grande marge de manoeuvre aux juridictions de première instance et soient davantage à leur écoute. A défaut, une démobilisation des personnels des juridictions qui ont pourtant démontré leur capacité à se responsabiliser est à craindre. Comme l'a souligné M. Pierre Garbit, président du tribunal de grande instance de Lyon, les personnels ont le sentiment d'avoir fourni des « efforts à sens unique ».

M. Léonard Bernard de la Gâtinais, directeur des services judiciaires, a indiqué, au cours de son audition par votre rapporteur, que la LOLF avait placé les cours d'appel au coeur de la gestion des juridictions et amoindri ainsi le rôle des juridictions de première instance dans ce domaine. Il lui a semblé néanmoins que les dialogues de gestion entre la cour d'appel et les juridictions de première instance situées dans son ressort, pourraient permettre de valoriser encore davantage l'arrondissement judiciaire.

2. L'ETPT, une notion encore floue pourtant lourde de conséquences pour le fonctionnement des juridictions

Le passage de la notion d'effectif budgétaire à celle de plafond d'emplois exprimé en équivalent temps plein travaillé (ETPT) s'est révélé particulièrement délicat.

L'ETPT correspond aux effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents, leur position administrative et la date d'entrée et sortie des personnels au cours de l'année. Ce concept constitue un enjeu essentiel pour les juridictions car il détermine les ressources humaines disponibles des tribunaux. Cette notion présente l'avantage de donner une image fidèle des effectifs effectivement présents dans les juridictions. Elle soulève cependant de nombreuses difficultés dans son application.

La définition d'un ETPT se révèle complexe et génère un sentiment de confusion dans les juridictions .

Comme l'ont indiqué les représentants du SAR de Lyon rencontrés par votre rapporteur pour avis, cette notion, mouvante, évolue régulièrement au gré des instructions de l'administration centrale. A Lyon, le responsable de la gestion des ressources humaines a indiqué que la définition retenue par la trésorerie générale était différente de celle retenue par le ministère de la justice.

Le ministère de la justice, pour sa part, a indiqué que le décompte des ETPT était difficile à établir pour les juridictions, faute d'outils appropriés et d'une bonne compréhension de ce concept nouveau. M. Michel Cramet, directeur délégué du SAR de Lyon, a confirmé que le changement du mode de comptage des emplois avait entraîné une perte de repères dans les juridictions. En outre, le directeur des services judiciaire a précisé que la tenue d'une comptabilité des entrées et sorties des personnels avait été un exercice délicat pour les SAR peu familiers de ce mode de gestion. Celui-ci a cependant ajouté que ces services semblaient désormais avoir bien intégré ce concept.

S'agissant du mode de calcul retenu, des problèmes méthodologiques ont été signalés. Le ministère de la justice évalue en effet les besoins des juridictions en ETPT à la fin du premier semestre à un moment où les effectifs sont au niveau le plus bas du fait des mouvements de mutation. Le secrétaire général du parquet général près la cour d'appel de Lyon, M. Olivier Etienne, a indiqué qu'il existait un décalage grandissant entre l'analyse de l'administration centrale et les juridictions sur les besoins en effectifs de fonctionnaires des juridictions . En outre, les besoins en ETPT sont calculés à un niveau inférieur aux indications fournis par l'application informatique OUTILGREF -qui ne prend pourtant en compte que l'activité judiciaire.

Les juridictions ont en outre le sentiment qu'une « évaporation » des effectifs s'est produite lors de la mise en oeuvre de la LOLF. Comme l'a expliqué le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, il semble que le gouvernement lors de la détermination des plafonds d'emplois n'ait pas pris en compte la particularité du corps des fonctionnaires des services judiciaires.

En effet, l'institution judiciaire, fortement féminisée, compte de nombreux postes à temps partiel toutes catégories de fonctionnaires confondues 52 ( * ) (près de 23 % pour l'année 2005). Or, la mise en oeuvre de la LOLF a conduit à une stricte correspondance entre les effectifs et la quotité de travail effectivement travaillé, sans aucune pondération.

Cette situation a suscité une grande incompréhension dans les juridictions, accentuée par un manque d'explication de la part de l'administration centrale.

Cette perception est au surplus amplifiée par le projet de loi de finances pour 2008 qui fixe un plafond d'emplois en diminution (- 952 ETPT) par rapport à 2007, en raison de « correctifs techniques » opérés par le ministère chargé du budget. Les représentants de l'union syndicale autonome justice (USAJ) entendus ont dénoncé cet état de fait, qui apparaît en décalage avec les annonces du garde des sceaux relatives aux créations d'emplois. Lors de son audition, le conseiller budgétaire du garde des sceaux a expliqué que le gouvernement avait décidé de retirer du plafond d'emplois les postes vacants qui n'étaient plus financés.

Enfin, pour certains acteurs de l'institution judiciaire, la notion d'ETPT porte en germe des effets pervers en banalisant la possibilité de recourir au recrutement de vacataires 53 ( * ) pour pallier la pénurie chronique de fonctionnaires .

Ce problème a été particulièrement mis en lumière par la présidente par intérim du tribunal de grande instance de Nanterre, Mme Francine Levon-Guérin. Cette interlocutrice s'est inquiétée de ce que la justice recourt de plus en plus souvent à des non professionnels non assermentés. Elle a souligné les limites d'un système où à peine formés, ces personnels temporaires quittaient les juridictions. Ce haut magistrat a en outre souligné que cette évolution était contradictoire avec la volonté récemment affirmée par le garde des sceaux de spécialiser la justice.

Dans le même sens, le responsable de FO magistrats a souligné que la LOLF conduisait à méconnaître les spécificités du métier de magistrat, après avoir fait valoir que les assistants de justice, rémunérés sur les crédits alloués aux vacataires 54 ( * ) , étaient de plus en plus sollicités pour accomplir des tâches quasi-juridictionnelles (traitement du contentieux économique et financier dans les JIRS). Votre rapporteur pour avis a en effet pu constater que certains assistants de justice, au tribunal de grande instance de Dijon, assuraient le contrôle des comptes des tutelles en renfort des juges des tutelles, débordés.

Il est regrettable que l'annexe justice du projet de loi de finances ne présente aucune information sur les emplois de vacataires et le montant des dépenses de rémunération de ces personnels.

II. LA CONCRÉTISATION DE RÉFORMES DESTINÉES À MODERNISER L'INSTITUTION JUDICIAIRE

Le projet de budget pour 2008 concrétise des réformes d'ampleur qui étaient attendues -parfois depuis plusieurs années- par nos concitoyens comme par les acteurs de l'institution judiciaire. A cet égard, il mérite d'être approuvé.

A. UN RENFORCEMENT DES EFFECTIFS DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES APPRÉCIABLE, UN MOUVEMENT À AMPLIFIER

1. Un nécessaire rééquilibrage des effectifs des juridictions judiciaires au profit des fonctionnaires des greffes

La loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (LOPJ) avait fixé l'objectif ambitieux d'une remise à niveau des effectifs des juridictions judiciaires, toutes catégories confondues à l'horizon 2007 .

Comme l'avait noté votre commission pour avis l'année dernière, si le taux de réalisation global des créations d'emplois pour l'ensemble du ministère de la justice s'est révélé satisfaisant (63 %), pour les juridictions judiciaires, le bilan est plus mitigé -ce taux dépassant légèrement 47 %.

Les créations de postes de magistrats effectives (722) ont été conformes aux engagements du programme quinquennal (950 annoncés), soit un taux de réalisation de 76 %.

En revanche, l'effort consenti en faveur des fonctionnaires des greffes a été plus modeste que les prévisions du gouvernement (1.413 postes financés sur 3.500 prévus, soit un taux de réalisation de moins de 40 %).

Évolution des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des greffes

.

* Greffiers en chef, greffiers et agents de catégorie C chargés de fonctions administratives,
à l'exclusion des agents de catégorie C-technique.

Source : Ministère de la justice

Le décalage constaté entre les créations d'emplois de magistrats et celles de fonctionnaires des greffes , qui s'est accentué en 2005 55 ( * ) , a profondément perturbé le fonctionnement des juridictions judiciaires ainsi qu'en ont témoigné de nombreux magistrats et fonctionnaires rencontrés par votre rapporteur pour avis.

Une représentante du greffe du tribunal de grande instance de Dijon a indiqué que la pénurie dans les greffes créait des difficultés pour l'organisation des audiences des juges de la liberté et de la détention ou le fonctionnement des cabinets d'instruction 56 ( * ) . De plus, les fonctionnaires accumulent des heures supplémentaires en raison de la longueur de ces audiences qu'ils ne peuvent récupérer, sauf à paralyser le cours de la justice.

L'évolution défavorable du ratio magistrat-fonctionnaire des greffes (2,57 en 2007 inférieur au niveau observé avant 2000 57 ( * ) ) contribue en outre à nourrir un climat de tension entre les magistrats et les fonctionnaires des greffes, peu propice à la sérénité qui doit régner dans les tribunaux.

Pour l'ensemble des acteurs de l'institution judiciaire, un rattrapage des créations de postes de fonctionnaires des greffes s'impose . A contrario , tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur pour avis ont estimé que l'augmentation du nombre de magistrats avait réellement amélioré leurs conditions de travail. Le corps judiciaire semble désormais en capacité de traiter les affaires et d'absorber les réformes nouvelles dans des conditions satisfaisantes.

Le projet de loi de finances pour 2008 réalise un pas en avant en prévoyant d'étoffer les effectifs à un rythme équivalent pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes .

Au cours de son audition devant votre commission des lois le 13 novembre dernier, la garde des sceaux a jugé essentiel d'assurer une stricte parité entre les créations de postes de magistrats et celles de greffiers . Elle a martelé que sans greffier, une décision de justice rendue par un magistrat n'est pas notifiée et ne peut donc être appliquée.

400 emplois nouveaux (magistrats et fonctionnaires) seraient ainsi créés , qui correspondent à 101 ETPT 58 ( * ) . Le plafond d'emplois du programme justice judiciaire s'élèverait à 29.349 ETPT dont 7.918 ETPT magistrats (siège et parquet confondus), 2.206 ETPT de catégorie A, 8.206 ETPT de catégorie B -dont 98 % de greffiers- et 11.019 ETPT de catégorie C 59 ( * ) .

187 postes de magistrats supplémentaires sont donc annoncés. Ils devraient permettre la mise en oeuvre de certaines priorités du gouvernement, notamment la mise en place des pôles de l'instruction, la réforme de la carte judiciaire et la création d'un juge délégué aux victimes.

La mise en place des pôles de l'instruction

En réponse aux dysfonctionnements révélés par l'affaire d'Outreau, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 renforçant l'équilibre de la procédure pénale a prévu, pour remédier à la solitude du juge d'instruction, la création des pôles de l'instruction et une amélioration du mécanisme de la co-saisine des juges d'instruction. Cette réforme doit entrer en vigueur au 1 er mars 2008.

Les pôles de l'instruction, composés d'au moins deux cabinets de juge d'instruction, seront exclusivement compétents pour les affaires criminelles, et en cas de co-saisine, pour les affaires délictuelles. Les juridictions qui ne sont pas érigées en pôle resteront compétentes pour les autres dossiers (affaires délictuelles simples pour lesquelles la co-saisine n'a pas été décidée lors de l'ouverture de l'information judiciaire).

La création de ces pôles devrait favoriser le travail en équipe et la mise en oeuvre d'un contrôle interne au cours de l'instruction. Par ailleurs, ces nouvelles structures permettront de confier les affaires les plus complexes à des juges expérimentés et de faire bénéficier les juges d'instruction qui débutent de l'expérience des plus anciens.

Ces juridictions spécialisées favoriseront une meilleure allocation des moyens matériels (visioconférence et enregistrement audiovisuel des auditions).

La liste et la compétence territoriale de ces pôles seront déterminées par décret, (article 6 de la loi de mars 2007). Le choix des sites, étroitement lié à la réforme de la carte judiciaire, fait actuellement l'objet d'une large concertation. Leur nombre devrait ainsi être compris entre 80 et 100. La garde des sceaux a déjà annoncé la constitution de plusieurs de ces pôles, la cour d'appel de Versailles devrait ainsi en compter quatre, implantés aux tribunaux de grande instance de Chartres, Nanterre, Pontoise et Versailles. Celle de Paris devrait en regrouper sept (Auxerre, Bobigny, Créteil, Evry, Meaux, Melun et Paris).

L'impact budgétaire global de cette réforme est estimé entre 20 et 25 millions d'euros. Son financement sera échelonné entre 2008 et 2010. Cette somme doit financer les coûts immobiliers des locaux destinés à accueillir ces pôles et le recrutement de fonctionnaires de greffe supplémentaires.

Ainsi que l'a indiqué le ministère de la justice, les concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) continueront d'être la principale voie d'accès à ces emplois nouveaux.

Postes offerts aux concours d'entrée à l'ENM et recrutements sur titre
2002-2007

Année du concours (promotion)

Premier concours

Deuxième concours

Troisième concours

Total

Recrutement à l'auditorat sur titre

2002 (2003)

192

45

13

250

32

2003(2004)

192

45

13

250

30

2004 (2005)

192

45

13

250

30

2005 (2006)

224

19

7

250

36

2006 (2006)

161

38

11

210

37

2007 (2008)

123

29

8

160

40

TOTAL

1.084

221

65

1.370

205

Source : Ministère de la Justice

Au cours de son audition devant votre commission des lois le 13 novembre dernier, la garde des sceaux, en réponse à une interrogation de M. Patrice Gélard, a jugé difficile d'annoncer à l'avance la proportion de postes offerts au titre du concours étudiant, faisant valoir que les recrutements correspondent à des besoins difficiles à prévoir sur le long terme.

La dotation allouée à l'ENM 60 ( * ) en 2008 qui s'élève à 44,5 millions d'euros devrait diminuer (45,7 millions d'euros en 2007). Cette évolution résulte du transfert des charges liées au remboursement des frais de déplacement des magistrats en formation continue (1,5 million d'euros) vers les SAR des cours d'appel. Cet effort de transparence fait suite à une observation formulée par la Cour des comptes. En outre, il est pris acte de la diminution du nombre d'auditeurs de justice, ce qui permet une économie de plus de 1,3 million d'euros.

Votre rapporteur pour avis s'est inquiété de la baisse du nombre d'auditeurs de justice constatée depuis l'année dernière, qui peut surprendre au regard des perspectives de départs à la retraite des magistrats qui doivent s'accélérer à compter de 2011 (passant de 130 en 2007 à 245 en 2011 pour culminer à 320 en 2017).

Le ministère de la justice, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, a affirmé sa volonté « de poursuivre l'action entreprise ces dix dernières années au cours desquelles le nombre de postes offerts aux trois concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, qui s'élevait à moins de 150 jusqu'à 1997, a été progressivement porté à plus de 200, jusqu'en 2006 ».

En outre, le gouvernement souhaite, conformément à la volonté du législateur depuis l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 61 ( * ) , utiliser plus activement les modes de recrutements parallèles notamment l'intégration directe aux différents niveaux hiérarchiques du corps judiciaire. L'augmentation des recrutements sur titres explique donc la relative diminution du nombre de postes ouverts dans le cadre des concours d'entrée à l'ENM.

Votre commission pour avis se réjouit de cette perspective qui rejoint les souhaits exprimés par la mission d'information sur la formation et le recrutement des magistrats constituée en son sein 62 ( * ) qui a souhaité favoriser l'ouverture du corps judiciaire à des profils plus variés.

En tout état de cause, le ministère a indiqué son intention d'anticiper les futurs départs à la retraite prévus pour 2010 (191), ajoutant que les sorties d'école rapportées au nombre de départs à la retraite présenteraient un solde positif en 2008 comme en 2009 (qui devrait s'établir respectivement à 70 et 101 postes de magistrats).

187 emplois nouveaux de greffiers (catégorie B) sont également prévus, pour un coût évalué à 6,2 millions d'euros (hors pension).

Recrutements des fonctionnaires des greffes annoncés pour 2008

Année 2008

Recrutements

Départs à la retraite

Créations de postes

Greffiers en chef

50

50

-

Greffiers

417

230

187

Secrétaires administratifs

175

-

175*

Agents de catégorie C

203

315

-112

Sur ces 175 postes, 26 seulement comptent pour des créations au sens strict, les autres 149 postes résultant de la requalification d'emplois de catégorie C en catégorie B.

Source : Ministère de la justice

Deux concours (greffiers 63 ( * ) et greffiers en chef 64 ( * ) ) sont actuellement programmés. Les nouvelles recrues rejoindront les tribunaux à l'issue de leur scolarité (18 mois) à l'Ecole nationale des greffes (ENG).

Comme l'a indiqué son directeur, M. Claude Engelhard, à votre rapporteur pour avis, cet établissement sera donc fortement sollicité l'année prochaine. Aussi sa dotation fixée à 20 millions d'euros doit-elle croître de 22 % pour financer 609 ETPT au nombre desquels figurent les effectifs permanents de cet établissement 65 ( * ) (2 ETPT magistrats et 118 ETPT fonctionnaires) et le paiement des indemnités de stage et des frais de déplacement des stagiaires.

Le directeur de l'ENG rencontré par votre rapporteur pour avis a regretté le rythme irrégulier des recrutements observés ces dernières années. L'arrivée aléatoire des élèves ne permet pas d'organiser leur scolarité dans de bonnes conditions. Ce magistrat a plaidé pour la mise en place d'un concours à date fixe, à l'instar de ce qui prévaut pour le concours d'entrée dans la magistrature.

Au cours de leur audition, les représentants du ministère de la justice ont indiqué qu'un concours de greffier et de greffier en chef serait ouvert chaque année, précisant que le nombre de postes ouverts seraient au moins égal aux départs à la retraite de l'année suivante.

Une telle mesure mérite d'être approuvée, compte tenu du rythme prévisible des départs à la retraite qui doit s'accélérer au cours des prochaines années 66 ( * ) .

Outre l'organisation traditionnelle des concours d'accès aux fonctions de greffiers et de fonctionnaires de catégorie C, le ministère de la justice a utilisé en 2006 et 2007 des voies originales d'accès au corps de fonctionnaires des greffes . Ainsi, pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans sans qualification professionnelle, l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 a institué un nouveau mode de recrutement sans concours dans les corps de catégorie C 67 ( * ) . 50 agents recrutés à ce titre ont pris leur fonction en septembre dernier dans les cours d'appel de Paris et de Versailles.

Le ministère de la justice a également utilisé la possibilité prévue par le décret n° 2004-738 du 26 juillet 2004 pris en application de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. Ce dispositif permet aux agents de France Telecom d'intégrer à leur demande les corps des fonctionnaires de l'État. Par cette voie doivent entrer en fonction 13 greffiers (au 1 er avril prochain) et 3 greffiers en chef (au 1 er mai prochain).

Le projet de budget prévoit enfin la création de 26 postes de secrétaires administratifs (catégorie C).

Votre commission pour avis se réjouit particulièrement de ce que le présent projet de budget concrétise enfin la mise à la disposition de la justice d'un corps de secrétaire administratif de catégorie B.

La création du corps des secrétaires administratifs,
second corps de catégorie B, un statut attendu

Les greffiers ont pour vocation principale d'assister le juge dans le cadre de missions juridictionnelles. Certains de ces fonctionnaires exercent également des attributions exclusivement administratives (responsable de gestion dans les SAR, secrétariat dans les juridictions importantes et gestion dans les tribunaux de grande instance). Dans le souci d'une meilleure gestion de ce corps et conformément aux attentes des fonctionnaires de catégorie C parfois conduits à exercer des fonctions supérieures à celles qui relèvent de leur cadre, le ministère de la justice a annoncé son intention de créer un nouveau corps de secrétaire administratif, de catégorie B, à la fin de l'année 2002.

Après plusieurs années d'attente, le décret n° 2007-1106 du 16 juillet 2007 a enfin permis de concrétiser ce projet . Ce texte prévoit que les secrétaires administratifs assument des fonctions administratives jusqu'à présent dévolues aux greffiers : régisseur, responsable de la gestion budgétaire adjoint, responsable de la gestion des ressources humaines adjoint, secrétaire, personnels administratifs de l'ENM ou de l'ENG.

L'accès à ce corps est ouvert par la voie d'un examen professionnel réservé aux adjoints administratifs (de catégorie C) justifiant de quatre années de services effectifs dans un corps de catégorie C des services judiciaires. Les nominations interviendront en mai prochain. A terme, ce nouveau corps doit être commun aux quatre directions du ministère de la justice. Son effectif total a été évalué à 979 emplois. En 2008, 175 postes seront pourvus à ce titre (dont 149 par transformations d'emplois et 26 créations d'emplois).

Les représentants des syndicats de fonctionnaires des greffes ont jugé les créations d'emplois inscrites au projet de budget très insuffisantes. Les représentants du syndicat des greffiers de France n'ont pas manqué de souligner que les annonces budgétaires des créations, en ce qui concerne l'arrivée des fonctionnaires dans les juridictions, ne seraient effectives qu'avec retard compte tenu des délais de formation des futures recrues.

Le directeur des services judiciaires, au cours de son audition, a néanmoins fait valoir que le renforcement des effectifs de fonctionnaires des greffes devait s'apprécier au regard des efforts de modernisation considérables accomplis ces dernières années. Il a mis en avant les gains de productivité susceptibles d'être attendus de l'aboutissement de projets comme la généralisation de la chaîne pénale Cassiopée 68 ( * ) qui a pour objet de fournir un système d'information complet aux tribunaux de grande instance (exception faite du tribunal de grande instance de Paris). Dans le même sens, la garde des sceaux a fait valoir devant votre commission que la numérisation des procédures pénales -opérationnelle en 2008- et civiles -effective en 2009- permettrait aux personnels des greffes de gagner un temps précieux pour se consacrer à des travaux plus utiles que la reprographie des dossiers 69 ( * ) .

Ainsi, l'annexe justice du projet de loi de finances pour 2008 prévoit un gain de 50 agents avant la mise en oeuvre des échanges automatisés, puis de 162 agents une fois cette mise en oeuvre achevée.

2. Des moyens humains encore insuffisants compte tenu de la multiplication des réformes récentes

Les créations d'emplois de fonctionnaires des greffes annoncées pour 2008 ne sauraient être considérées comme suffisantes au regard des charges nouvelles qu'ils ont dû assumer ces dernières années . La multiplication des réformes tant en matière civile qu'en matière pénale a en effet alourdi le travail des fonctionnaires des greffes.

Au cours des déplacements de votre rapporteur pour avis, plusieurs exemples ont été mis en avant pour illustrer cette situation.

La loi n° d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 et le décret n° 2004-180 du 24 février 2004 a institué une procédure dite de rétablissement personnel permettant, sous certaines conditions, l'effacement des dettes non professionnelles du débiteur. Comme l'a souligné M. Pascal Le Luong, secrétaire général de la présidence du tribunal de grande instance de Nanterre, cette réforme s'est traduite par une charge de travail très importante pour le greffe, en l'absence de désignation d'un mandataire.

On peut néanmoins signaler que le Sénat, à l'initiative de plusieurs membres de votre commission, ont adopté un amendement à la proposition de loi relative à la simplification du droit en instance de deuxième lecture 70 ( * ) à l'Assemblée nationale pour permettre l'ouverture et la clôture de la procédure par un seul et même jugement lorsque le juge constate que les éléments d'actifs du débiteur ne permettront pas de désintéresser ses créanciers. Ce dispositif permettra, une fois n'est pas coutume, d'alléger le travail du greffe.

La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a également été lourde de conséquences pour les fonctionnaires des greffes.

Comme l'a relevé Mme Patricia Grandjean, secrétaire général de la présidence de ce tribunal, l'extension du champ des procédures collectives à l'ensemble des personnes physiques exerçant une activité à titre libéral a généré un surcroît d'activité 71 ( * ) . De même, l'instauration de délais de réexamen par le tribunal à différents stades de la procédure de redressement judiciaire a imposé d'organiser d'audiences supplémentaires. Enfin, la présence requise à l'audience des représentants des ordres professionnels des professions réglementées a créé de nouvelles obligations pour le greffe (envoi de convocations et notifications des décisions).

Plusieurs dispositions de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ont également eu un impact significatif sur l'activité du greffe, notamment :

- la création de juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ;

- l'obligation d'aviser les victimes d'infractions des suites données à leurs plaintes, le cas échéant des classements sans suite ;

- en cas d'échec des mesures alternatives aux poursuites, l'obligation pour le parquet de poursuivre l'auteur des faits ou de mettre en oeuvre une composition pénale ;

- l'obligation pour le juge d'instruction d'informer tous les 6 mois les parties civiles du déroulement de l'instruction ;

- la mise en place de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Comme l'a relevé une représentante du greffe du tribunal de grande instance de Dijon, quand une CRPC échoue, l'affaire retourne dans le circuit classique comme si elle n'avait fait l'objet d'aucun traitement judiciaire, ce qui double le travail du greffe ;

Comme l'a souligné une représentante du greffe du tribunal de grande instance de Lyon, cette procédure qui monte en puissance a entraîné un alourdissement des tâches lié à la préparation des audiences et à la délivrance de notifications en plus grand nombre ;

- la notification par le greffe de la cour d'assises de la liste des sessions et de la liste des jurés suppléants ;

- la création du tribunal de l'application des peines avec la présence au débat contradictoire et l'information préalable de la victime avant le prononcé d'une peine par le juge de l'application des peines ou le tribunal pour enfants, la délivrance de convocations au service de probation et d'insertion, la saisie du jugement à l'issue de l'audience.

La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 renforçant l'équilibre de la procédure pénale ne fait pas exception .

La mise en place des pôles de l'instruction à compter du 1 er mars prochain suppose en effet d'accompagner les créations d'emplois de magistrats par des créations de postes de greffiers, et de renforcer les effectifs de greffiers des chambres de l'instruction. De même, la publicité des débats devant le juge des libertés et de la détention (JLD) a entraîné un allongement de la durée de ces audiences qui pèse sur le fonctionnement du greffe.

La réforme de la protection juridique des majeurs introduite par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 produira également des effets sur l'activité des greffes. Ce texte doit s'appliquer aux mesures de protection ouvertes avant l'entrée en vigueur de cette loi à compter du 1 er janvier 2009. Son article 45 permet aux juges d'instance de commencer dès à présent la révision des mesures de protection juridique qui devra être achevée au plus tard avant mars 2012, soit cinq ans après la publication de la loi, à peine de caducité des mesures prononcées.

Lors de leur audition, les présidents de l'Association nationale des juges d'instance, M. Philippe Florès et Mme Anne Caron-Déglise ont appelé l'attention de votre rapporteur pour avis sur les nombreuses vacances de postes de fonctionnaires des greffes dans les tribunaux d'instance. Ils ont estimé que, dans ce contexte, ces juridictions ne seraient pas en mesure d'anticiper la révision des mesures de tutelles. Ils ont souhaité un renforcement substantiel des effectifs, y compris de magistrats, craignant qu'à défaut, de nombreuses mesures de protection non révisées deviennent caduques. Ils ont estimé qu'une telle évolution serait catastrophique pour les justiciables qui ne pourraient bénéficier d'aucune mesure de protection.

Il est regrettable qu'en dépit des recommandations formulées dans les précédents avis budgétaires, le ministère de la justice n'accompagne toujours pas ses projets de réforme d'une étude d'impact précise permettant au législateur de s'assurer que les moyens humains seront suffisants pour les mettre en oeuvre.

B. UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES PLUS DYNAMIQUE

1. Un recrutement de magistrats plus diversifié, une formation plus exigeante

Au cours de son audition devant votre commission, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, a tenu à souligner l'importance qu'elle attachait à la formation initiale, chantier essentiel de modernisation.

Plusieurs initiatives en faveur d'un recrutement plus diversifié et d'une formation des magistrats plus exigeante méritent d'être signalées.

Dans le prolongement de la loi organique du 5 mars 2007 qui a ouvert plus largement le corps judiciaire à des candidats d'expérience, le garde des sceaux a décidé d'ouvrir une classe préparatoire intégrée, placée sous la responsabilité de l'ENM en partenariat avec l'ENG, pour diversifier le profil des candidats recrutés par concours.

Comme l'a précisé Mme Rachida Dati au cours de son audition, le 13 novembre dernier, ce dispositif destiné à promouvoir l'égalité des chances s'adresse à de jeunes diplômés issus de milieux défavorisés. 15 candidats sélectionnés par une commission présidée par le directeur de l'ENM et trois autres membres 72 ( * ) seront accueillis dans les locaux parisiens de l'ENM dès janvier prochain. Outre les conditions requises pour présenter le concours de la magistrature 73 ( * ) , cinq critères de sélection ont été définis : la justification du diplôme exigé pour accéder à la magistrature, la motivation des candidats, les résultats obtenus dans le cadre des études accomplies antérieurement, l'origine géographique et les ressources du candidat et de sa famille. La scolarité dure 9 mois. Les élèves admis peuvent solliciter sous certaines conditions l'attribution d'une allocation de 2.000 euros.

La formation initiale des auditeurs de justice évolue également dans le sens d'une plus grande ouverture sur le monde qui se traduit par :

- la mise en place d'un enseignement spécifique dans le domaine de la psychologie , afin de sensibiliser les futurs magistrats aux réalités qu'ils devront affronter ; depuis le 1 er juin 2006, un docteur en psychologie dispense cette discipline ;

- une diversification du corps enseignant jusqu'à présent exclusivement composé de magistrats détachés pour une durée de 3 à 6 ans. Le décret n° 2007-591 du 24 avril 2007 74 ( * ) permet le recrutement de magistrats hors hiérarchie et de collaborateurs, issus du corps judiciaire ou non, qui peuvent intervenir régulièrement, tout en conservant leur activité professionnelle principale. Ce dispositif, appliqué depuis mai dernier, a permis le recrutement de trois magistrats en poste en juridictions qui interviennent dans le cadre de l'apprentissage de la fonction de juge des enfants. Le recrutement d'un professeur de médecine légale et d'un avocat est par ailleurs prévu ;

- le développement d'une culture commune entre les magistrats et les avocats ; cette évolution s'est traduite par l'accueil à l'ENM de 18 élèves avocats issus de sept centres régionaux de formation professionnelle des avocats, par l'instauration d'enseignements consacrés spécifiquement aux droits de la défense au cours de la scolarité à l'ENM et enfin, par l'allongement de la durée du stage d'immersion au sein de la profession d'avocat -porté de huit semaines à 6 mois- en application de l'article 3 de la loi organique de mars 2007 applicable à compter du 1 er janvier prochain. Une convention cadre entre l'ENM, le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers doit préciser les modalités et le contenu de ce stage.

En outre, le ministère de la justice a engagé une réflexion pour améliorer les conditions dans lesquelles les magistrats débutent leur carrière et choisissent leur première affectation .

Cette préoccupation rejoint l'analyse de votre commission pour avis. Dans le cadre de la mission constituée en son sein sur le recrutement et la formation initiale des magistrats, elle a en effet préconisé de doter les magistrats débutants d'un statut plus adapté à leur situation et mieux à même de répondre aux besoins des juridictions en :

- instaurant une période probatoire, soumise à une évaluation régulière menée conjointement par les chefs de juridiction et des représentants de l'Ecole nationale de la magistrature pendant au moins deux ans, voire trois en cas de difficulté, à l'issue de la formation (recommandation n° 19) ;

- définissant des modalités d'affectation propres aux magistrats débutants dénommés « magistrats référendaires » ; lors de l'examen de sortie de l'Ecole, les magistrats référendaires choisiraient leur juridiction d'affectation, à charge pour les chefs de la cour d'appel du ressort de les nommer prioritairement dans des fonctions du parquet ou, subsidiairement, en collégialité au siège (recommandation n° 20) 75 ( * ) .

2. Une gestion des carrières plus active

Il est intéressant de noter que certaines innovations prévues par la loi organique du 5 mars 2007 telles que l'instauration de la mobilité obligatoire 76 ( * ) ou le renforcement des règles déontologiques 77 ( * ) ont conduit à une réorganisation des services du ministère de la justice .

L'arrêté du 30 juillet 2007 78 ( * ) a procédé à une profonde réforme d'organisation qui a abouti à la création d'une sous-direction des ressources humaines.

Ce service se structure en trois départements chargés :

- de la mobilité interne, de l'évaluation et de la valorisation des compétences ; ce service assure la gestion des mouvements des magistrats affectés en juridiction ainsi que la préparation des nominations et affectations des juges de proximité. Il comprend également une section chargée du suivi des carrières et de la gestion des emplois  à laquelle il incombe de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du corps judiciaire (qui n'existait pas jusqu'alors) et de fournir aux magistrats une prestation de conseil et d'orientation tout au long de leur carrière ;

- de l'appui et du suivi des mobilités externes, des nominations à l'administration centrale et outre-mer ; ce département a notamment pour mission de « mettre en oeuvre la politique de mobilité externe vers les trois fonctions publiques, les entreprises publiques ou privées, les personnes morales de droit privé assurant des missions d'intérêt général et les organisations ou entités publiques internationales » ; comme l'a indiqué le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, la mobilité externe rendue obligatoire par le législateur suppose de développer une politique plus volontariste et prospective en matière de détachement, notamment en vue de valoriser les compétences susceptibles d'être acquises pendant cette sortie du corps judiciaire. Actuellement, le nombre de magistrats qui exercent en dehors de l'institution judiciaire se répartit entre 73 magistrats mis à disposition et 168 juges en détachement ;

- du statut, de la déontologie et des affaires générales.

Un second chantier de réflexion en cours concerne l'amélioration des conditions d'exercice des fonctions de chef de juridiction (président et procureur de la République).

L'accroissement des responsabilités administratives et l'introduction de nouvelles méthodes de gestion budgétaire, exercées dans un environnement social et institutionnel de plus en plus exigeant, ont en effet modifié la nature des missions dévolues aux chefs de juridiction.

Cette situation impose que les responsables des tribunaux soient dotés d'une vision globale et stratégique de l'institution judiciaire et d'une « culture du management ». Or, les règles de nomination et de formation des magistrats sont en décalage avec ces impératifs.

Un groupe de travail présidé par M. Guy Canivet, à l'époque premier président de la Cour de cassation, mis en place par M. Pascal Clément, alors ministre de la justice, a élaboré un rapport rendu public en février 2007 suggérant :

- de détecter les futurs chefs de juridiction et de parquet dès les premières années d'exercice professionnel ;

- d'identifier les magistrats aptes à exercer des fonctions d'administration judiciaire et de leur dispenser une formation préalable à l'accès à leurs responsabilités ; cette formation tendrait à ouvrir ces professionnels sur le monde économique et social, leur donner une vision stratégique de la justice et leur faire prendre conscience des enjeux liés à l'espace judiciaire européen ; elle prendrait la forme d'un cycle d'études stratégiques sur la justice qui serait réservé à un groupe de 80 personnes issues du milieu juridique et judiciaire dont les futurs chefs de juridiction représenteraient la moitié de l'effectif ;

- dans un troisième temps, immédiatement après leur nomination, ces responsables suivraient une nouvelle formation professionnelle dispensée à l'ENM qui serait centrée sur l'administration de la justice.

Au cours de son audition, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, a indiqué qu'elle avait chargé le directeur de l'ENM de réfléchir à la mise en place de cette réforme. En outre, il entre dans les missions de la nouvelle direction des ressources humaines de détecter les magistrats « à potentiel » susceptibles de devenir chefs de juridiction.

C. ASSURER LA SÉCURITÉ DES JURIDICTIONS, UN OBJECTIF PRIORITAIRE

1. La sécurité des juridictions, un problème de plus en plus préoccupant

Les premières initiatives en ce domaine remontent à la fin de l'année 2004 au cours de laquelle un bilan de la situation a été dressé par M. Philippe Ingall-Montagnier, procureur général près la cour d'appel de Rouen missionné par le garde des sceaux d'alors, M. Dominique Perben.

Il ressortait de cet état des lieux que la moitié des incidents qui s'étaient produits entre 2000 et 2005 étaient des faits d'une gravité limitée, majoritairement liés aux audiences ou aux auditions (altercations, outrages et menaces, intrusions, agressions physiques et vols). 15 mesures tendant à améliorer l'organisation et la gestion de la sécurité des juridictions ont été proposées.

Concrétisant un certain nombre d'entre elles, le ministère de la justice a mis en place une cellule dédiée à la sûreté à la direction des services judiciaires qui s'appuie sur un réseau de correspondants sûreté désignés dans le cadre du ressort de la cour d'appel et au niveau local dans les juridictions, et a développé le gardiennage et la présence des forces de l'ordre, en particulier lors des audiences.

A l'automne 2005, 77 portiques de détections de métaux destinés à l'équipement des postes de contrôle du public ont ainsi été installés ; 138 agents de sûreté, recrutés parmi les réservistes de l'administration pénitentiaire et 41 réservistes de la police nationale ont été mobilisés. En septembre 2005, un événement a particulièrement choqué, un fonctionnaire des greffes du tribunal de grande instance de Rouen a été violemment agressé (brûlé à l'essence).

L'actualité récente en 2006 et en 2007 a accentué le sentiment d'insécurité qui règne dans les juridictions . Plusieurs actes d'une particulière violence se sont en effet succédé. Parmi les plus significatifs, on peut citer en 2006, l'agression le 25 août d'un juge des enfants du tribunal de grande instance de Quimper 79 ( * ) . En juin dernier, deux événements tragiques se sont produits : un magistrat du tribunal pour enfant a reçu trois coups de couteau au palais de justice de Metz 80 ( * ) et un prévenu s'est suicidé à l'audience lors de l'énoncé du verdict au tribunal de grande instance de Laon.

Depuis 2006, les crédits alloués à la sécurité des juridictions n'ont cessé de croître, passant de 13,5 millions d'euros à 17 millions d'euros en 2007.

En juin dernier, à la suite des deux incidents précédemment évoqués, une enveloppe exceptionnelle d'un montant de 20 millions d'euros a été débloquée en urgence pour rendre plus efficace le contrôle de l'accès du public à l'entrée des tribunaux.

Ces crédits ont permis de financer les dépenses en personnel de gardiennage et les portiques de détection de métal dans l'ensemble des 35 cours d'appel et des 181 tribunaux de grande instance et dans 2 tribunaux supérieurs d'appel et 32 tribunaux d'instance ou sites judiciaires considérés comme les plus exposés en raison de leur isolement ou de la sensibilité de leur environnement. Au cours de son audition devant votre commission, la garde des sceaux a indiqué que la plupart des portiques avaient été effectivement installés et la mise à disposition d'équipes de surveillance était presque achevée. De plus, 27 opérations immobilières supplémentaires, de nature à améliorer la sécurisation des bâtiments judiciaires, ont pu être engagées.

2. Un effort budgétaire sans précédent en 2008

Pour 2008, la dotation consacrée aux opérations de sûreté atteint un montant inégalé de 39 millions d'euros .

Ces crédits permettront de rémunérer les agents de gardiennage en poste dans les juridictions depuis juin dernier. Des moyens supplémentaires seront affectés pour renforcer la présence des agents de sûreté et un programme de travaux destiné à améliorer la circulation du public doit être engagé.

Sont également prévues des dépenses d'investissement destinées à la poursuite des opérations immobilières de sécurisation des bâtiments (7,9 millions d'euros) 81 ( * ) .

Il est permis de se réjouir de ces avancées compte tenu des besoins patents dans le domaine de la sécurité. En effet, votre rapporteur pour avis a pu constater lors de ses déplacements que certains portiques de sécurité installés à l'entrée des tribunaux n'étaient pas opérationnels, le tribunal ne disposant pas de personnels chargés d'assurer le contrôle du public à l'entrée.

Le secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats, M. Laurent Bédouet entendu par votre rapporteur pour avis, a souligné que le recours aux réservistes retraités de l'administration pénitentiaire paraissait préférable à l'intervention des personnels de société de gardiennage.

Le directeur des services judiciaires, M. Léonard Bernard de la Gatinais a exprimé un point de vue convergent, faisant valoir que l'expérience professionnelle passée des retraités de l'administration pénitentiaire leur permettait de gérer plus facilement les populations difficiles susceptibles de se présenter dans les tribunaux. Il a expliqué cependant que la généralisation de ce dispositif se heurtait à un problème de nomenclature budgétaire, ces personnels étant rémunérés sur les crédits de personnel (titre 2) et entrant dans le décompte -très contraint- des plafonds d'emplois, alors que les prestations des sociétés de gardiennage s'imputaient sur les crédits de fonctionnement (titre 3).

Le ministère de la justice envisage de résoudre cette difficulté en s'inspirant des règles d'imputation -différentes- retenues dans d'autres administrations.

Les magistrats du tribunal de grande instance de Nanterre ont en outre indiqué à votre rapporteur pour avis que les services juridictionnels civils (tutelle ou affaires familiales) étaient de plus en plus exposés à la violence des justiciables alors même que ces services ne font l'objet d'aucune protection particulière. Il serait donc souhaitable que le ministère de la justice ne concentre pas les moyens nouveaux sur les seules juridictions pénales .

En outre, comme l'ont fait remarquer les présidents de l'Association nationale des juges d'instance entendus, la sécurisation des tribunaux d'instance demeure lacunaire , alors même qu'ils sont quotidiennement confrontés à des populations fragilisées (tutelles, personnes surendettées) susceptibles de se révéler agressives. Il importe donc que les efforts budgétaires portent également sur cet échelon judiciaire particulièrement au contact des justiciables.

L'institution judiciaire doit au surplus répondre sans attendre aux actes d'agression dont elle est l'objet. A cet égard, la réponse pénale apportée en mai dernier par le parquet du tribunal de grande instance de Nanterre à un acte d'agression commis par un couple à l'encontre d'un greffier et d'une juge aux affaires familiales apparaît exemplaire.

Les auteurs du délit ont en effet été immédiatement interpellés, placés en garde à vue et jugés dans le cadre de la procédure de comparution immédiate 82 ( * ) . Comme l'a mis en avant le procureur de ce tribunal, M. Philippe Courroye, la rapidité de la sanction est un gage de pédagogie vis-à-vis des agresseurs et a permis de rassurer les personnels de la juridiction.

D. LA REFONTE DE LA CARTE JUDICIAIRE, UNE RÉFORME COURAGEUSE, UNE CONCERTATION NÉCESSAIRE

1. Une réforme demeurée ponctuelle

Depuis 1958, le paysage judiciaire qui se compose de 1.200 juridictions, réparties sur 800 sites, est resté le même. La France compte actuellement 35 cours d'appel, 181 tribunaux de grande instance, 475 tribunaux d'instance, 271 conseils de prud'hommes et 191 tribunaux de commerce.

Depuis plusieurs années, votre commission pour avis plaide avec constance pour une réforme ambitieuse de la carte judiciaire . A cet égard, en 1996 déjà, la mission d'information sur les moyens de la justice constituée en son sein et présidée par notre ancien collègue M. Charles Jolibois 83 ( * ) , ne croyait pas « possible d'éluder le problème de la carte judiciaire », constatant que l'implantation des juridictions correspondait « plus aux données du XIXème siècle qu'à celles de la fin du XXème siècle ».

Depuis lors, les avancées en la matière ont été modestes avec notamment :

- la réduction du nombre de tribunaux de commerce ; une première vague de suppression, en application du décret n° 99-659 du 30 juillet 1999 entré en vigueur le 1er janvier 2000, a concerné 36 tribunaux de commerce. Sept juridictions consulaires ont ensuite été supprimées en juin 2005 dans le cadre de la réforme de la modernisation du droit des procédures collectives (décret n° 2005-624 du 27 mai 2005). Afin de prolonger ce mouvement, une commission spéciale été créée en septembre 2005 au sein du Conseil national des tribunaux de commerce 84 ( * ) ;

- le transfert de la cour d'assises du Vaucluse de Carpentras à Avignon, à l'occasion de la création d'un palais de justice moderne situé au chef-lieu du département (décret n° 2001-742 du 23 août 2001) ;

- la création de 15 tribunaux pour enfants en application du décret n° 2002-576 du 23 avril 2002, complété par le décret n° 2006-118 du 31 janvier 2006 qui a créé le tribunal pour enfants de Bonneville et le décret n° 2006-979 du 1er août 2006 portant création du tribunal pour enfants de Soissons qui fonctionne depuis le 1 er septembre dernier.

2. La refonte de l'implantation des juridictions proposée

Le 27 juin dernier, Mme Rachida Dati, garde de sceaux, a annoncé son intention de moderniser en profondeur la carte judiciaire, mettant en avant que la réorganisation des juridictions « est une nécessité pour garantir au justiciable une justice de qualité et aux magistrats, fonctionnaires et professions judiciaires des conditions dignes de travail » 85 ( * ) .

Deux principes animent la réforme en cours :

- renforcer la qualité de la justice, en remédiant à l'isolement des juges, en favorisant l'encadrement des magistrats débutants, en évitant une dispersion des moyens, en évitant que des magistrats multiplient les fonctions lorsqu'ils exercent dans une très petite juridiction 86 ( * ) et en permettant une spécialisation plus poussée des magistrats qui traitent des contentieux de plus en plus techniques ;

- prendre en compte les contraintes d'aménagement du territoire et les mutations démographiques, sociales et économiques qui ont affecté notre pays, étant précisé qu'il a été décidé de conserver au moins un tribunal de grande instance par département et de tenir compte de certaines spécificités locales -notamment s'agissant du droit local d'Alsace-Moselle et des équilibres locaux, par exemple en ce qui concerne la région de Franche-Comté.

Ainsi, le gouvernement a expliqué avoir élaboré sa réforme en fonction de l'activité judiciaire des juridictions, mais également en considération de données administratives et avec le souci de maintenir une justice proche du justiciable.

Au cours de son audition devant votre commission le 13 novembre, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, s'est défendue d'avoir décidé un schéma national pré-établi. La ministre a choisi de présenter sa réforme dans chaque cour d'appel, région par région. A la date du 5 novembre dernier, les projets de schéma d'organisation avaient été présentés dans 16 cours d'appel, le premier déplacement ayant eu lieu à Lille, le 12 octobre. Ces ressorts représentent 53 % de la population. Ils comptent (hors conseils de prud'hommes) 465 juridictions.

Les propositions du gouvernement conduisent à cette date et dans ces ressorts au regroupement de 138 juridictions dont 7 tribunaux de grande instance sur 79 (9%), 98 tribunaux d'instance sur 267 (37 %), 33 tribunaux de commerce sur 98 (34 %), à la création d'un tribunal d'instance et d'un tribunal de commerce. A ce stade, un peu moins de 3 % de magistrats professionnels (125), 5,5 % de fonctionnaires (628), 156 avocats (moins de 1 % des professionnels) seraient concernés. Au total, le ministère de la justice évalue entre 1.000 et 1.500 le nombre de fonctionnaires des greffes susceptibles d'être affectés par cette réforme.

Trois étapes sont prévues . L'installation des pôles de l'instruction et le regroupement des conseils prud'homaux doit intervenir en 2008 , la nouvelle répartition des tribunaux d'instance et des tribunaux de commerce est programmée pour 2009 et enfin les contours de la nouvelle carte des tribunaux de grande instance doivent être redessinés en 2010.

Par ailleurs, actuellement, on dénombre 123 maisons de justice implantées dans 27 cours d'appel. Ces structures sont prioritairement localisées dans les zones urbaines sensibles ou à proximité de ces zones. La création de nouvelles maisons de justice et du droit s'inscrit également dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire qui implique de repenser les circuits d'accès à la justice et de permettre à tout citoyen de disposer d'un service d'information de qualité et de proximité.

Comme l'a précisé la garde des sceaux le 13 novembre dernier, en réponse aux interrogations de plusieurs membres de votre commission des lois, la refonte de la carte ne remet pas en cause la réforme de la justice de proximité, qui sera poursuivie. Ainsi, les juridictions de proximité créées par la loi de programmation quinquennale de septembre 2002 seront maintenues. D'ailleurs, 188 personnes sont en passe d'être recrutées en tant que juges de proximité 87 ( * ) .

Le projet de budget pour 2008 prévoit une provision d'1,5 million d'euros pour financer la première étape de la réforme .

Tous les représentants des organisations syndicales entendus par votre rapporteur pour avis ont jugé ces crédits très insuffisants. Les représentants de l'USAJ ont en particulier regretté que le projet de budget n'anticipe pas le financement des mesures d'accompagnement pour les personnels, ce qui aurait pu permettre d'apaiser le climat d'anxiété qui règne dans les juridictions depuis l'annonce de la réforme de la carte judiciaire.

Les représentants du syndicat des greffiers de France se sont déclaré dubitatifs sur les économies susceptibles d'être attendues, faisant valoir que les aménagements immobiliers induits par cette réforme seraient a contrario coûteux. La ministre de la justice a en effet précisé, au cours de son audition, que la majorité des juridictions regroupées -principalement des tribunaux d'instance- sont hébergées dans des bâtiments mis à disposition par les collectivités territoriales, départements ou communes. Elle a fait valoir que la valeur ajoutée de la refonte de la carte était moins à rechercher dans les économies budgétaires attendues que dans les gains d'efficacité qu'elle peut laisser espérer.

En outre, la ministre a précisé que les véritables changements n'interviendraient pas avant la fin de l'année prochaine, le premier semestre devant encore être consacré aux négociations. Les dépenses prévues l'année prochaine seront essentiellement liées aux coûts d'aménagement des locaux liés à la mise en place des pôles de l'instruction.

Le montant de la provision pour 2008 est calqué sur les modalités financières retenues en 2003 par le ministère de la défense, dans le cadre de sa réforme de la carte des régiments militaires. Le principal poste de dépenses de cette réforme sera lié aux mouvements de mutations des personnels. Une montée en puissance est donc à prévoir à partir de 2009 et 2010.

Le schéma d'organisation de toutes les cours d'appel n'étant pas encore définitivement arrêté, le coût de la réforme n'est pas encore connu.

Comme l'a indiqué la garde des sceaux, Mme Rachida Dati, à votre commission pour avis, une série de mesures sociales et statutaires -ayant trait au relogement, aux mutations et au déroulement de carrière des personnels concernés- sera en outre prévue. Elle a précisé que chaque fonctionnaire ferait l'objet d'un suivi individualisé. Des possibilités de détachement dans d'autres administrations pourraient leur être offertes pour leur permettre de rester dans leur région.

3. Une méthode critiquée, une concertation jugée insuffisante

La garde des sceaux a souhaité engager une vaste concertation avec les principaux représentants des professions concernées par la refonte de la carte judiciaire (magistrats, fonctionnaires et avocats).

Pourtant, de nombreux acteurs de l'institution judiciaire considèrent le dialogue et la concertation insuffisants.

Les organisations représentatives des magistrats (Union syndicale de la magistrature, syndicat de la magistrature et FO-magistrats) ont estimé que la garde des sceaux avait mené une concertation de « pur affichage » et engagé cette réforme dans la précipitation . Elles ont en particulier regretté l'absence d'une réflexion de fond visant à moderniser la justice. Elles ont jugé choquant que la réforme ait été mise en oeuvre avant même que le comité national consultatif sur la réforme de la carte judiciaire chargé de formuler des propositions, pourtant mis en place par la ministre, n'ait rendu ses conclusions.

Les représentants de l'Association nationale des juges d'instance ont exprimé un sentiment plus nuancé , soulignant que le dialogue avec le ministère de la justice était permanent et que certains arguments étaient entendus et conduisaient le gouvernement à revoir certains choix . Ainsi, il semble que le ministère de la justice n'envisage plus systématiquement de regrouper les petits tribunaux d'instance au tribunal d'instance implanté dans le ressort du tribunal de grande instance.

Ces interlocuteurs ont fait valoir à votre rapporteur pour avis la nécessité de maintenir des juridictions de taille moyenne, soulignant l'intérêt des juridictions à taille humaine qui permettent aux magistrats d'avoir une vision globale de la situation personnelle des justiciables et de connaître tous les contentieux qui les concernent. Ils ont par exemple regretté la suppression du tribunal d'instance de Charolles, situé à 55 kilomètres de Macon -dont l'activité (600 à 650 dossiers) n'est pas négligeable- qui assure une présence de proximité auprès des justiciables. Ils ont jugé capital de conserver un maillage important des tribunaux d'instance au sein d'un même département.

La plupart des interlocuteurs entendus par votre rapporteur pour avis a critiqué les modalités de cette réforme, estimant qu'elle est essentiellement basée sur ces critères quantitatifs, sans qu'il ne soit tenu compte de la continuité du service public de la justice et du maintien de la justice de proximité.

La présentation région par région a été interprétée par de nombreux acteurs de l'institution judiciaire comme une méthode destinée à troubler la cohérence d'ensemble de la réforme.

La contestation la plus vive émane des avocats , en particulier de la Conférence des bâtonniers . Cet organe chargé de représenter les barreaux de province considère en effet que toute suppression d'un tribunal de grande instance constitue une mesure négative humainement, judiciairement, économiquement et sociologiquement.

Les barreaux des tribunaux de grande instance qui doivent être regroupés sont très inquiets des conséquences de la réforme et souhaiteraient obtenir des compensations. La garde des sceaux s'est récemment engagée auprès du Conseil national des barreaux et de la Conférence des bâtonniers sur la mise en place d' un mécanisme d'indemnisation individuelle pour les cabinets d'avocats implantés dans le ressort des tribunaux regroupés . Au cours de son audition devant votre commission, elle a évoqué trois pistes actuellement envisagées : la création d'un poste de vice-bâtonnier, un plus large accès à la magistrature et la possibilité de postuler dans le ressort de plusieurs tribunaux de grande instance.

La réforme de la carte judiciaire est nécessaire, chacun s'accorde à le dire depuis des années. C'est une réforme difficile qui ne peut se faire à la satisfaction de tous.

Néanmoins, un effort de pédagogie du ministère de la justice et un dialogue permanent, peut-être plus soutenu, avec les principaux intéressés sont nécessaires pour permettre à ce chantier de s'engager dans les meilleures conditions .

Les parlementaires qui connaissent bien ces dossiers peuvent y contribuer car, bien que de simples décrets suffisent pour la mettre en oeuvre, une telle réforme a besoin d'être partagée pour pouvoir être acceptée.

La justice est une production humaine qui s'adresse à des êtres humains. La machine ne peut pas tout compenser. Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication ne compensera en effet jamais totalement l'éloignement de certaines juridictions dû à la réforme de la carte judiciaire, notamment pour les tribunaux d'instance qui traitent les contentieux du quotidien qui affectent souvent les personnes n'ayant pas accès à ces technologies et pour qui il sera difficile de se déplacer loin de leur domicile.

III. DES PROBLÈMES PERSISTANTS

Les changements prometteurs qui s'annoncent en 2008 ne doivent pas pour autant faire oublier certaines difficultés structurelles qui affectent le fonctionnement de l'institution judiciaire.

A. DES DÉLAIS DE JUGEMENT RAISONNABLES, UNE CIBLE ENCORE INÉGALEMENT ATTEINTE

Des délais de jugement excessifs difficilement acceptables pour les justiciables sont coûteux pour l'État. La France est en effet régulièrement condamnée pour ce motif par la Cour européenne des droits de l'Homme comme par les juridictions nationales.

La réduction des délais de jugement figurait parmi les axes prioritaires de la loi de programmation quinquennale de 2002 , l'objectif fixé étant de ramener respectivement à 12, 6 et 3 mois le délai de traitement des affaires des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance.

Le projet annuel de performance de la mission justice reprend cette cible dans l'une de ses orientations stratégiques. Ainsi, deux des sept objectifs du programme justice judiciaire visent à assurer un traitement des affaires dans un délai raisonnable 88 ( * ) .

Des contrats d'objectifs de résorption des stocks entre les cours d'appel et le ministère ont été mis en place pour permettre à l'institution judiciaire de juger les affaires plus rapidement. Ce dispositif consiste à allouer des moyens supplémentaires, en contrepartie d'engagements pris à l'égard d'objectifs clairement identifiés et concertés. Une fois l'objectif atteint, les renforts sont affectés dans d'autres services.

Depuis 2002, un peu moins de 200 personnes supplémentaires, dont une centaine de fonctionnaires des greffes et 80 magistrats, ont été affectées dans les juridictions pour assurer la mise en oeuvre de ce dispositif.

Les premiers contrats d'objectifs, aujourd'hui achevés, visaient à réduire les délais de traitement et le stock d'affaires en instance dans les cours d'appel de Douai, Aix-en-Provence, Lyon, Versailles et Pau. Le bilan se révèle positif. Les délais de traitement de ces juridictions sont en effet proches de la cible prévue par la loi de programmation quinquennale.

Actuellement, plusieurs contrats sont en cours d'exécution.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a sollicité, en février 2006, un avenant au contrat d'objectifs conclu en 2002 pour faire face à l'augmentation significative du nombre des affaires nouvelles enregistrées en 2005 (près de 9 %). L'objectif affiché est une réduction des stocks (de 25.000 dossiers) et des délais de traitement ; au 30 juin 2007, la diminution du stock d'affaires civiles, sociales et commerciales était très sensible. La durée moyenne des affaires terminées constatée à 18,3 mois en juin 2006 a été ramenée en un an à 16,3 mois tandis que l'ancienneté moyenne des stocks baisse de 12,3 mois à 11,2 mois. Le traitement des affaires pénales s'est également amélioré, ave une réduction notable du stock d'affaires en instance.

Avec la cour d'appel de Bastia , le ministère de la justice a conclu en 2004 un contrat portant sur plusieurs objectifs dont la baisse des délais de jugement. Des moyens importants ont été accordés à ce ressort (création d'un poste de magistrat et de 16 postes de fonctionnaires). Le délai moyen de traitement des procédures s'est notablement amélioré, passant de 16,1 mois à 11,1 mois à la fin de l'année 2006.

Dans le ressort de la cour d'appel de Montpellier qui a conclu un contrat d'objectifs effectif depuis le 1 er avril 2006, la situation s'est nettement assainie. Ce dispositif ambitieux concerne non seulement la cour d'appel mais également trois tribunaux de grande instance du ressort lesquels ont bénéficié d'un renfort de 22 magistrats et 8 fonctionnaires.

Il a permis la création d'une audience supplémentaire à la chambre de l'instruction de la cour d'appel. La chambre sociale a dépassé ses objectifs en termes de délai moyen d'écoulement du stock et ce, en dépit de l'augmentation des affaires nouvelles. Toutefois, le tribunal de grande instance de Montpellier n'a pu atteindre ses cibles, notamment s'agissant du traitement des affaires correctionnelles, en raison de la nomination tardive des magistrats affectés en surnombre.

Un contrat d'objectifs signé le 7 avril dernier est en cours avec la cour d'appel de Reims . Il tend à améliorer le délai de traitement des affaires sociales et correctionnelles de la cour et à réduire les stocks d'affaires en attente de jugement. A cet effet, 2 emplois de magistrats et 3 de fonctionnaires et une enveloppe de 21.000 euros ont été mis à la disposition de cette juridiction.

1. En matière civile, des progrès lents mais perceptibles

La maîtrise progressive des délais de jugement s'observe dans toutes les juridictions. La situation des cours d'appel et de la Cour de cassation s'améliore rapidement et notablement, tandis que celle des juridictions de première instance est plus lente à évoluer 89 ( * ) .

En 2006, la durée moyenne de traitement des cours d'appel -qui enregistre une baisse d'activité (- 3,2 %)- diminue significativement , passant de 14,4 à 13,3 mois . Toutefois, la situation est contrastée d'un ressort à l'autre, la cour d'appel de Poitiers affichant une durée moyenne de traitement supérieure à 18 mois contre 7,2 mois pour celle de Bourges.

La Cour de cassation connaît également une évolution favorable, la durée de traitement des affaires passant de 20,5 mois en 2005 à un peu moins de 19 mois en 2006, alors même que le volume d'affaires nouvelles est en légère hausse (+1,1 %).

Les juridictions du premier degré se caractérisent par des progrès moins évidents, même si les résultats approchent de la cible fixée en 2002.

La durée de traitement des affaires par les tribunaux de grande instance -dont le flux des entrées stagne- progresse lentement, passant de 6,7 mois en 2005 à 6,6 mois en 2006.

La situation des tribunaux d'instance est assez comparable . Ils enregistrent une baisse des flux contentieux (un peu moins de - 2 %) mais ne connaissent pas d'amélioration significative du délai moyen de jugement des affaires (4,7 mois) stable depuis 2003.

Comme le souligne le projet annuel de performance, « l'évolution de la durée moyenne des affaires terminées doit s'interpréter en parallèle avec l'évolution du stock. Une durée moyenne en baisse alors que le stock augmente pourrait signifier que la juridiction s'attache à évacuer les affaires simples au détriment des affaires complexes. Inversement, une hausse de la durée (pendant un an ou deux) alors que le stock diminue peut signifier que la juridiction assainit la situation en terminant des affaires très anciennes . ».

A cet égard, la situation est encourageante.

En 2006, le délai d'écoulement des stocks d'affaires 90 ( * ) s'améliore significativement pour les cours d'appel (11,5 mois contre 13,2 mois en 2005) 91 ( * ) , plus lentement pour les tribunaux de grande instance (7,5 mois comme en 2005). En revanche, ce chiffre est inconnu pour les tribunaux d'instance comme pour la Cour de cassation.

Comme pour les délais de jugement, la situation diffère d'un ressort à l'autre. La diminution du stock d'affaires en instance s'observe, selon des rythmes différents, dans 28 sur 33 cours d'appel, avec un effort significatif de la part de deux d'entre elles, qui réalisent la moitié de la diminution du stock d'affaires (Aix-en-Provence et Metz).

2. En matière pénale, une justice encore trop lente

De nombreux magistrats rencontrés par votre rapporteur pour avis ont estimé capital que les sanctions pénales soient rapidement prononcées. Un jugement rendu dans des délais excessifs présente en effet de nombreux inconvénients : la sanction perd sa vertu pédagogique et l'autorité de la justice s'amoindrit.

Depuis dix ans, la durée moyenne de traitement des procédures pénales délictuelles se caractérise par une grande stabilité , oscillant entre 10,3 mois et 11,5 mois. En 2005, en progrès, elle s'élève à 10,6 mois (contre 11,4 mois en 2004). Pour 2006, le projet annuel de programme annexé au projet de budget ne mentionne pas cette donnée.

En 2006, l'activité des tribunaux correctionnels a été intense, le nombre de décisions rendues s'étant accru d'un peu plus de 7 %.

Le nombre de jugements rendus par les tribunaux correctionnels recule sensiblement par rapport à 2005 (380.323 contre 389.209). Cette évolution est largement compensée par la montée en puissance des ordonnances pénales (+ 35 %) et la croissance exponentielle des ordonnances d'homologation des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) (+ 72 %).

Pour les tribunaux de grande instance, le taux de réponse pénale -qui correspond à la part des affaires faisant l'objet d'une poursuite, d'une procédure alternative aux poursuites réussie ou d'une composition pénale sur l'ensemble des affaires « poursuivables »- dépasse 80 % (contre 72 %).

En matière criminelle , le délai imputable à l'institution judiciaire en 2005 ( 36,2 mois, dont 24,8 mois sont imputables au déroulement de l'instruction et 11,4 mois liés au délai d'audiencement ) semble en voie de stabilisation par rapport à 2004 (36,4 mois).

En 2006, l'activité des cours d'assises a légèrement baissé par rapport à 2005. Ces juridictions ont jugé -en premier ressort et en appel- un peu plus de 4.300 personnes contre près de 4.430 en 2005. Le nombre d'arrêts prononcés en premier ressort accuse une baisse (3.740) par rapport à 2005 tout comme le nombre d'arrêts frappés d'appel (600 contre 642 en 2005). Le taux d'appel en 2006 (23,8 %) recule d'un point par rapport à celui de 2005.

Dans ce contexte favorable, le stock d'affaires en instance d'audiencement a pu diminuer significativement (-10 % par rapport à 2005).

B. L'AIDE JURIDICTIONNELLE, UN DISPOSITIF À REMETTRE À PLAT

L'aide juridictionnelle n'est pas versée aux justiciables. Elle consiste, pour l'État, à prendre en charge directement la totalité ou une partie des frais liés aux prestations des auxiliaires de justice (avocats, huissiers, avoués ou autres experts...), susceptibles d'être engagés dans le cadre d'une procédure . En pratique, les sommes allouées à ce titre sont principalement versées aux avocats , pour lesquels ce dispositif est un enjeu économique véritable , voire pour certains d'entre eux une source exclusive de revenus .

Mis en place dans ses modalités actuelles par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ce dispositif bénéficie principalement aux justiciables les plus démunis mais aussi depuis 2002, aux victimes des crimes les plus graves.

1. Les dépenses d'aide juridictionnelle, une charge croissante mal maîtrisée

Entre 1997 et 2007, la dotation budgétaire affectée à l'aide juridictionnelle a fortement progressé, passant de 185 à 327 millions d'euros en 2007 92 ( * ) (+ 77 %).

Evolution des dotations budgétaires au titre de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

Pour 2007 et 2008, il s'agit d'une prévision.

Source : Ministère de la justice

Parmi les principaux facteurs expliquant la croissance forte enregistrée depuis 2000, on relève :

- la hausse des admissions au bénéfice de l'aide juridictionnelle (le plus souvent totale) ; le nombre d'admissions n'a cessé de croître de façon continue jusqu'en 2006, passant de 688.637 en 2002 à 904.961. Depuis 2005, le rythme de l'évolution s'infléchit 93 ( * ) , ce ralentissement semblant se confirmer pour le premier trimestre 2007 ;

- l'incidence des réformes législatives ou réglementaires intervenues depuis 2003 qui ont créé de nouvelles procédures augmentant mécaniquement le nombre de demandeurs éligibles au dispositif.

La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 précitée a ainsi institué une procédure nouvelle -le rétablissement personnel - qui a entraîné une augmentation corrélative de respectivement 19 % et 15 % des admissions pour des procédures engagées devant le juge de l'exécution en 2004 et en 2005.

Le transfert aux cours administratives d'appel 94 ( * ) -devant lesquelles le recours au ministère d'avocat est obligatoire- des procédures d'appel des reconduites à la frontière opéré par le décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004 devrait se traduire par un surcroît de demandes d'aide juridictionnelle.

La loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique a étendu le champ de l'aide juridictionnelle au contentieux du titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français 95 ( * ) ainsi qu'aux décisions d'isolement d'office d'un détenu ou de prolongation d'une telle décision 96 ( * ) ;

- l'augmentation mécanique résultant de la revalorisation annuelle des plafonds de ressources indexée sur l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu, en application de l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les plafonds de l'aide totale et de l'aide partielle 97 ( * ) , en progression de 30 % depuis 1992 s'élèvent actuellement en 2007 à 874 et 1.311 euros 98 ( * ) ;

- la revalorisation arrêtée en loi de finances initiale pour 2007 de 8 % de l'unité de valeur de référence (passée de 20,84 euros à 22,50 euros), qui sert de base de calcul pour la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéfice de l'aide juridictionnelle 99 ( * ) .

En 2008 , selon le ministère de la justice, l'inflation des dépenses d'aide juridictionnelle devrait être contenue , ce poste budgétaire enregistrant une stabilisation à son niveau le plus haut . En effet, la somme allouée aux crédits d'aide juridictionnelle devrait atteindre, comme en 2007, 327 millions d'euros dont 318 au titre de la dotation budgétaire inscrite au présent projet de budget et près de 9 millions d'euros au titre d'un rétablissement de crédits.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur la fiabilité de l'estimation du montant du rétablissement de crédit, la responsable du programme accès au droit et à la justice, Mme Mireille Thuau, a attesté de son caractère réaliste, faisant valoir que le montant des bordereaux de recouvrement émis par les juridictions s'élevait déjà à 8,7 millions d'euros alors même que les opérations avaient débuté tardivement cette année.

Cette enveloppe correspond à la rétribution de 790.000 missions et tient compte de la stabilité des admissions enregistrées depuis l'année dernière (905.000). Votre rapporteur pour avis observe que, à la lumière des exercices budgétaires précédents, l'anticipation de l'évolution des admissions du ministère de la justice apparaît fiable.

La représentante de la profession d'avocat entendue par votre rapporteur pour avis, Mme Brigitte Marsigny, a dénoncé l'insuffisance des crédits d'aide juridictionnelle pour 2008, l'interprétant comme le signe d'un « système exsangue ».

2. De récentes initiatives pour rationaliser la dépense

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, à l'instar d'autres postes de dépenses (frais de justice ou indemnisation des conseillers prud'homaux), les crédits d'aide juridictionnelle, limitatifs, ont perdu leur caractère évaluatif.

Le ministère de la justice a donc pris des initiatives en faveur d'une meilleure maîtrise de ce poste de dépenses qui méritent d'être soulignées. Toutefois, en dépit des économies budgétaires qu'elles peuvent laisser espérer, ces mesures, ciblées, n'auront qu'un effet limité.

En 2005 , comme l'a indiqué votre rapporteur pour avis dans son précédent avis, deux circulaires ayant recentré le dispositif de l'aide juridictionnelle sur les demandeurs les plus défavorisés 100 ( * ) ont été publiées.

Il est difficile d'attribuer aux seules instructions données par ces deux textes les variations constatées dans l'évolution des admissions. Néanmoins, les données statistiques 2005 et 2006 laissent apparaître un infléchissement des admissions en matière de divorce et un accroissement du nombre de décisions de rejet ou de retrait de l'aide juridictionnelle 101 ( * ) .

Une ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005 modifiant la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ratifiée par l'article 10 de la loi du 19 février 2007 précitée, a assoupli la procédure de renonciation par l'avocat à la rétribution de sa mission au titre de l'aide juridictionnelle lorsque le juge a condamné l'adversaire du bénéficiaire à lui payer une indemnité 102 ( * ) .

L'impact de cette réforme sur la maîtrise des dépenses d'aide juridictionnelle n'est pas encore perceptible, le décret d'application et la circulaire d'application n'ayant été publiés que récemment 103 ( * ) . Le ministère de la justice a indiqué qu'un outil de suivi statistique de l'application de ce mécanisme est en cours de construction afin de mesurer son effectivité. Un premier bilan devrait être réalisé entre 2009 et 2010.

La loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique précitée a prévu la subsidiarité de l'aide juridictionnelle lorsque les frais sont par ailleurs pris en charge par un contrat d'assurance de protection juridique ou un système de protection équivalent. Suivant les informations communiquées par l'assureur, le bureau d'aide juridictionnelle pourra, selon le cas, rejeter la demande d'aide si l'assurance garantit l'ensemble des frais de procès ou prononcer l'admission à l'aide partielle si l'assurance ne couvre que partiellement le procès.

Ce système n'est pas encore effectif, un projet de décret étant en cours de préparation. Comme l'a confirmé la représentante de la profession d'avocat entendue par votre rapporteur pour avis, Mme Brigitte Marsigny, bâtonnier du barreau de Bobigny, ses bénéfices devraient toutefois être modestes dans la mesure où les domaines couverts par l'aide juridictionnelle et par les contrats d'assurance de protection juridique se recoupent encore assez peu 104 ( * ) .

Par ailleurs, le ministère de la justice a engagé une politique plus volontariste en matière de recouvrement de l'aide juridictionnelle . En effet, la loi du 10 juillet 1991 précitée 105 ( * ) prévoit que les frais avancés par l'État sont recouvrables contre l'adversaire du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle condamné aux dépens et qui n'est pas lui-même éligible à une telle aide. Ce dernier est tenu de rembourser au Trésor public, à hauteur des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'État.

En pratique, de nombreuses juridictions (un tiers) n'appliquent pas cette obligation légale, d'autres ne l'appliquent que partiellement. Face à l'insuffisance des sommes recouvrées (11 millions d'euros en 2004 et 2005), le gouvernement a conduit un audit de modernisation 106 ( * ) sur ce problème. Le rapport publié dans ce cadre en février 2007 a évalué à 10 millions d'euros la masse des recettes échappant au Trésor public. Certaines des solutions esquissées à cette occasion sont en voie de concrétisation.

Ainsi, le ministère de la justice envisage d'élaborer une circulaire à l'attention des juridictions et des paieries du Trésor public pour assurer un recouvrement des créances plus efficace. En outre, une expérimentation est en cours dans trois cours d'appel qui offrent des perspectives de recettes importantes. Un guide pratique du recouvrement doit être diffusé prochainement. De même, il est envisagé de forfaitiser les sommes à recouvrer.

Il a été décidé pour 2008, conformément aux recommandations de l'audit de modernisation, de mettre en oeuvre un mécanisme d'incitation budgétaire lié aux résultats du recouvrement des créances par le biais d'un rétablissement de crédits. Ainsi, les juridictions bénéficieront d'une contrepartie proportionnée aux tâches supplémentaires occasionnées par le recouvrement.

3. Un dispositif critiqué par les professionnels chargés de le mettre en oeuvre

Le dispositif de l'aide juridictionnelle fait l'objet de nombreuses critiques, qui portent progressivement atteinte à son bon fonctionnement et affaiblissent sa légitimité.

Le niveau de rétribution des professionnels qui effectuent des missions au titre de l'aide juridictionnelle constitue le principal motif d'insatisfaction .

A l'exception des expertises et des enquêtes en matière familiale, la majorité des frais de l'instance pris en charge à ce titre obéit à un tarif. En 2006, le montant moyen perçu par avocat atteint 307 euros par mission achevée tandis que 774.721 missions ont donné lieu à rétribution de l'avocat désigné par la Caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) 107 ( * ) . En 2007, le coût prévisionnel moyen par admission de la rétribution des avocats s'élève à 332 euros contre 67 euros s'agissant des autres auxiliaires de justice.

La profession d'avocat, principalement concernée par le système d'aide juridictionnelle estime que la rétribution allouée au titre de l'aide juridictionnelle n'offre pas les conditions d'une rémunération décente. Dans une décision d'assemblée générale adoptée le 20 octobre dernier, le Conseil national des barreaux a insisté sur les carences du droit en vigueur qui fait supporter à la seule profession d'avocat « l'insuffisance notoire de l'engagement de l'État dans le financement de l'accès à la justice des plus démunis ».

Calculé sur la base d'un forfait pour chaque type de procédure obtenu à partir d'un coefficient d'unités de valeurs - une unité de valeur (UV) de référence correspondant à 22,50 euros (depuis 2007)- la rétribution, fixe, ne prend en compte ni la difficulté des affaires, ni la qualité de la prestation fournie .

Cette rémunération n'a fait l'objet que d'une revalorisation limitée depuis 1992, de sorte qu'elle ne reflète pas la réalité du travail accompli par les avocats. De nombreux professionnels considèrent de ce fait qu'ils assument la charge de ce dispositif, sans contrepartie financière. Mme Brigitte Marsigny au cours de son audition, a salué le volontarisme de la profession, sans lequel la mise en oeuvre de ce dispositif serait compromise.

Dans le cadre des assises de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle organisées en janvier dernier par les principaux représentants de la profession, les avocats ont demandé une remise à plat du tarif afin de le faire davantage correspondre à la réalité du travail accompli. Ces professionnels souhaitent que leur rémunération soit déterminée en considération de deux paramètres : le coût horaire qui doit couvrir la rémunération de la prestation intellectuelle et les frais fixes des cabinets d'avocats, d'une part, et l'appréciation du temps passé selon chaque mission, d'autre part. Ces pistes de réforme ne font que reprendre celles suggérées en 2000 par la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice (commission Bouchet).

En outre, comme le notait déjà le rapport Bouchet en 2000, la charge de l'aide juridictionnelle est très inégalement répartie. Selon notre collègue M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission justice, sur près de 47.800 avocats inscrits à un barreau français, moins de la moitié ont exercé une mission d'aide juridictionnelle en 2005, précisant qu'une « concentration probablement excessive est même en cours, dès lors que 9,4 % des avocats (soit 4.492 avocats) assument 64 % des missions » d'aide juridictionnelle 108 ( * ) . Mme Brigitte Marsigny, bâtonnier de Bobigny, lors de son audition, a estimé à 200 environ le nombre d'avocats rémunérés exclusivement au titre de l'aide juridictionnelle. La situation économique de ces professionnels du fait du niveau très modeste de rétribution est actuellement précaire.

Outre la réévaluation -modeste- des barèmes intervenue depuis dix ans, il convient néanmoins de prendre acte des ajustements ponctuels mis en oeuvre par le gouvernement pour revaloriser la rémunération des avocats :

- la mise en place de protocoles d'accord d'amélioration de la qualité de la défense, dont le régime juridique devrait être précisé par voie réglementaire 109 ( * ) . Ce dispositif permet en effet de majorer la rétribution versée aux avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle (+ 20 % de la dotation allouée aux barreaux). Toutefois, son application demeure encore limitée, 40 protocoles ayant été conclus à ce jour (pour 181 barreaux) ;

- la rétribution de certaines missions accomplies au titre de l'aide juridictionnelle, qui ne l'étaient pas, depuis la publication du décret n° 2007-1151 du 30 juillet 2007 qui instaure une rétribution pour l'avocat qui assiste un mineur devant le tribunal de police ou le juge de proximité pour les contraventions des quatre premières classes 110 ( * ) ; un décret est également en cours de préparation pour permettre la rétribution de l'avocat assistant un majeur protégé poursuivi pour les mêmes contraventions.

En revanche, le ministère de la justice est assez réticent s'agissant de la généralisation de l'honoraire de résultat en matière d'aide juridictionnelle, faisant valoir que cette pratique apparaît mal cernée et qu'il est difficile d'évaluer l'effectivité et les modalités de ce mode de calcul de l'honoraire. La profession d'avocat souhaiterait pourtant pouvoir pratiquer l'honoraire de résultat en matière d'aide juridictionnelle dans un souci de revaloriser ses prestations. Ainsi, lors des assises de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle, certains professionnels ont suggéré de responsabiliser les bénéficiaires de l'aide totale ou partielle en systématisant la conclusion d'une telle convention qui serait mise en oeuvre en cas de retour à meilleure fortune à l'issue du procès.

La position du ministère de la justice est compréhensible mais la revendication des avocats apparaît légitime.

Ce débat ne fait que mettre en lumière l'urgente nécessité de remettre à plat un dispositif qui s'essouffle.

Ce constat est d'ailleurs partagé par notre collègue M. Roland du Luart, rapporteur spécial des crédits de la mission justice qui, dans son rapport d'information sur l'aide juridictionnelle, conclut, à l'instar de votre commission pour avis depuis de nombreuses années, à la nécessaire modernisation du dispositif d'aide juridictionnelle.

Ce rapport suggère des pistes de réforme inédites comme l'instauration d'un « ticket modérateur justice » à la charge du justiciable bénéficiaire de l'aide ou encore la participation, en temps ou en argent, de la profession d'avocat au financement de l'aide juridictionnelle qui méritent d'être débattues parmi d'autres.

Ces deux propositions suscitent des réticences chez les avocats, le Conseil National des Barreaux, représentant la profession d'avocat, réuni en assemblée générale le 20 octobre dernier s'interroge sur l'opportunité de mettre en place un ticket modérateur à la charge des justiciables les plus pauvres et s'étonne plus encore de la suggestion visant à faire supporter par la profession elle-même, au nom d'un « prétendu mécanisme de solidarité, le système de l'aide juridictionnelle, idée aussi incongrue que de faire financer par les parlementaires, le déficit de l'État ».

D'autres recommandations telles que l'instauration d'un nouveau barème de rémunération plus juste recueillent un plus large consensus.

Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur pour avis son intention d'expertiser ce rapport en vue de proposer une réforme pour stabiliser la dépense. Votre commission pour avis ne peut que se réjouir de cette annonce, étant précisé que toute réforme devra être préparée avec les professionnels sur lesquels s'appuie le dispositif et au premier chef les avocats, le Parlement, toujours attentif au bon fonctionnement de l'institution judicaire, ayant à se prononcer sur toute modification législative si elle apparaissait nécessaire.

IV. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE AFFIRMÉE DANS UN CONTEXTE TENDU DE FORTE PRESSION DES AFFAIRES CONTENTIEUSES, UNE GESTION BUDGÉTAIRE RIGOUREUSE, CONFORME À L'ESPRIT DE LA LOLF

La maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2008 n'a pas été modifiée par rapport à l'année dernière. La justice administrative, bien que difficilement détachable de la justice dans son ensemble, demeure ainsi rattachée à la mission Conseil et contrôle de l'État.

Pourtant, votre commission pour avis constate que des liens fonctionnels et financiers entre le garde des sceaux et les juridictions administratives subsistent .

Il revient en effet au ministère de la justice de piloter les projets de loi et les textes réglementaires qui régissent la justice administrative, notamment s'agissant du statut des magistrats et des réformes liées à la procédure administrative contentieuse. Les crédits alloués au titre de l'aide juridictionnelle accordée dans le cadre du contentieux administratif inscrits au projet de loi de finances pour 2008 sont en outre retracés dans la mission justice.

Au demeurant, on peut regretter que le membre du gouvernement chargé de défendre le budget de la justice administrative en séance publique -le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement- ne soit pas l'interlocuteur le plus informé en ce domaine.

Le responsable du programme est M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État. A la différence de la justice judiciaire qui compte au moins autant de budgets opérationnels de programme (BOP) que de cours d'appel, ce programme ne comprend qu'un BOP qui regroupe les 50 juridictions administratives françaises (le Conseil d'État, 8 cours administratives d'appel et 41 tribunaux administratifs) 111 ( * ) .

A. LE PROGRAMME « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES », UN POSTE BUDGÉTAIRE TOUJOURS PRIVILÉGIÉ

1. La justice administrative, des crédits en hausse continue

Comme en 2007, les crédits du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives représentent en 2008 la part la plus importante (53,5 %) de l'enveloppe allouée à la mission Conseil et contrôle de l'État 112 ( * ) .

Y compris les fonds de concours et attributions de produits 113 ( * ) , ce poste budgétaire -en hausse de près de 6,2 % - progresse nettement plus que le budget général de l'État (+ 1,6 %) et même légèrement plus que le budget de la mission Conseil et contrôle de l'État (+ 6,1 %). La justice administrative devrait ainsi bénéficier en 2008 de près de 266 millions d'euros de crédits de paiement et 267 millions d'euros d'autorisations d'engagement .

Toutefois, à périmètre constant par rapport à 2007, cette augmentation est plus modeste (+ 4,1 %), même si l'effort budgétaire reste significatif . Pour 2008, le projet de loi de finances inscrit en effet deux nouvelles dotations dans ce programme : l'une au titre de la contribution au compte d'affectation spécial de la caisse des pensions (un peu plus de 5 millions d'euros) et l'autre qui correspond à la prise en charge de loyers (un peu plus de 2 millions d'euros).

Mission Conseil et contrôle de l'État

(en millions d'euros)

Programme

Autorisations d'engagement
2007
(2006)

Crédits
de paiement
2007
(2006)

Crédits de paiement/total

Conseil d'État et autres juridictions administratives

267

(253)

266

(251)

53,5 %

TOTAL MISSION

491

497

100 %

Source : projet de loi finances pour 2008 - annexe Conseil et contrôle de l'État - page 7

La priorité à l'égard des juridictions administratives en 2008 est double : financer les créations d'emplois nouveaux et des mesures statutaires pour permettre aux juridictions de fonctionner dans de meilleures conditions et couvrir les dépenses d'investissement et de fonctionnement destinées à l'installation d'un nouveau tribunal administratif à Toulon.

Après ventilation des crédits de l'action soutien, les activités juridictionnelles déclinées au sein de trois actions 114 ( * ) concentrent la plus grande part de la dotation allouée au programme , soit un peu moins de 90 %. Le montant des crédits dédiés au contentieux atteint en 2008 239 millions d'euros. L'activité des tribunaux administratifs représente la plus lourde charge budgétaire (65 % des crédits après ventilation de l'action soutien).

Les rémunérations des personnels constituent le premier poste de dépenses liées aux activités juridictionnelles afin de financer 2.186 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit près de 74 % des ETPT du programme . L'enveloppe restante couvre les dépenses de fonctionnement courant des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs (achat, entretien et location de matériel, télécommunications, abonnement et documentation), les locations immobilières de ces juridictions et les opérations immobilières.

Les moyens alloués à la fonction consultative exercée par l'ensemble des juridictions administratives retracée dans une action distincte s'élèvent à un peu plus de 11 millions d'euros (après ventilation des crédits de l'action soutien).

Cette enveloppe significative -destinée à couvrir les rémunérations des personnels uniquement- finance l 'activité des sections administratives du Conseil d'État 115 ( * ) de plus en plus dense.

Le nombre d'avis rendus sur des projets de loi, d'ordonnances, de décrets ou d'actes communautaires ou sur toute question d'ordre juridique et administratif augmente (1.411 en 2006 contre 1.390 en 2005) 116 ( * ) . 70 ETPT sont affectés à cette fonction dont 45 membres du Conseil d'État. La part du travail consultatif des magistrats des autres juridictions administratives est en revanche plus modeste avec 88 avis en réponse aux demandes de préfets pour la même période.

Le projet annuel de performance pour 2008 fait ressortir un net écart entre les délais d'examen selon la nature des textes. Ainsi, en 2006, près de 65 % des projets de loi ou d'ordonnances ont été examinés dans un délai inférieur à deux mois, contre 44 % seulement s'agissant des projets de décrets. La cible prévue pour 2008 est fixée respectivement à 80 et 60 %.

Une action retrace les crédits consacrés aux missions d'études exercées par la section du rapport et des études du Conseil d'État, aux missions d'expertises réalisées par les membres du Conseil d'État et les magistrats administratifs mis à la disposition d'autres administrations et organisations et aux services rendus aux administrations de l'État et aux collectivités (participation à des commissions administratives). Son budget exclusivement consacré à la rémunération des personnels s'établit à un peu plus de 15 millions d'euros (après ventilation des crédits de l'action soutien).

Une dernière action retrace les activités qui concourent à celles des autres actions de politiques publiques en leur fournissant un soutien ou un encadrement . Les crédits de cette action -près de 52 millions d'euros- sont transversaux et communs aux autres actions du programme . Y figurent, outre des crédits de rémunération, des personnels (près de 54 % de l'enveloppe), les frais de justice (16 % de la dotation), les dépenses informatiques (fourniture et maintenance des logiciels, coûts des réseaux) à hauteur de 9 %, les dépenses d'investissement communes aux trois niveaux de juridictions relatives aux acquisitions de biens d'équipement (véhicules, mobiliers) qui représentent une part marginale de cette action (6 %) et les dépenses de fonctionnement courant (crédits d'action sociale des trois catégories de juridictions administratives).

Les crédits de cette action sont ventilés dans chaque action à laquelle ils sont destinés. Si aucune identification n'est possible, ils sont répartis sur toutes les actions en fonction des effectifs de chaque action.

2. Un effort budgétaire notable en faveur des personnels

? Un renforcement des effectifs indispensable

Lors du précédent exercice budgétaire, votre rapporteur pour avis avait dressé un bilan mitigé de la mise en oeuvre de la programmation quinquennale fixée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002. Entre 2002-2007, les objectifs prévus en termes de créations d'emplois n'ont en effet été que très partiellement atteints, compte tenu du ralentissement du rythme des créations de postes observé depuis 2005.

Créations d'emplois dans les juridictions administratives
au titre de la programmation quinquennale

Source : Conseil d'État

A ce jour, 335 emplois ont donc effectivement été créés, soit un seuil largement inférieur aux 480 annoncés, ce qui se traduit par un taux de réalisation d'un peu moins de 70 %. Ce taux est sensiblement le même pour les effectifs de magistrats (70,4 %) et ceux d'agents de greffe (69,2 %).

L'Ecole nationale d'administration (ENA) a constitué la principale voie d'accès au Conseil d'État, tandis que, pour les magistrats administratifs des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, le concours de recrutement complémentaire a été principalement utilisé.

Voies de recrutement des magistrats administratifs depuis 2000

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Total

Conseil d'État

-Sortie de l'ENA

-Tour extérieur

-Tour extérieur TA et CAA

-Officier

5

3

1

1

5

6

2

0

6

3

0

1

6

3

1

1

6

2

3

1

5

6

0

1

5

3

1

0

5

6

0

0

43

32

8

5

Conseiller d'État en service extraordinaire

3

3

3

2

5

5

2

3

26

Total (hors conseiller en service extraordinaire)

10

13

10

11

12

12

9

11

88

Tribunaux administratifs
et cours administratives d'appel

- Sortie de l'ENA

- Tour extérieur

- Concours (recrutement complémentaire)

- Détachement

- Officier

11

7

17

14

2

11

10

23

18

2

11

9

26

10

3

9

10

40

13

2

16

9

46

16

1

18

8

37

10

1

13

9

32

11

1

11

8

30

11

2

100

70

251

103

14

Total

51

64

59

74

88

74

66

62

538

Source : Conseil d'État

Ces renforts ont tout d'abord permis d'étoffer les personnels des cours administratives d'appel 117 ( * ) , en application des contrats d'objectifs conclus entre ces juridictions et le Conseil d'État 118 ( * ) .

Les tribunaux administratifs ont également bénéficié de cet effort . Ainsi, sur les 62 magistrats supplémentaires nommés dans ces tribunaux, 15 ont été affectés au tribunal administratif de Nîmes, créé en septembre 2007. De même, les tribunaux de la région parisienne, soumis à une très forte pression des affaires nouvelles 119 ( * ) , ont également profité de ce mouvement.

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (créé en 2000) -en situation difficile au regard des stocks de dossiers en instance 120 ( * ) et de la croissance structurelle du contentieux des étrangers 121 ( * ) - a connu la plus forte augmentation de ses effectifs, tant s'agissant des agents de greffe (passés de 28 ETPT en 2008 à 44,5 en 2007) que des magistrats (17 créations d'emplois). Pourtant, les représentants du syndicat de la justice administrative lors de leur audition, ont souligné que ce tribunal administratif, qui comporte désormais dix chambres, demeure dans une situation très tendue.

Pour alléger la charge de travail très lourde des juridictions administratives de la région parisienne, ces interlocuteurs jugent nécessaire de créer un nouveau tribunal administratif qui pourrait opportunément se situer en Seine-Saint-Denis. Le secrétaire général du Conseil d'État entendu par votre rapporteur pour avis a souligné le bien-fondé de cette demande, précisant toutefois qu'aucune décision n'avait encore été prise sur le principe.

Le projet de loi de finances pour 2008 permet, avec une année de retard, de s'approcher de la cible quinquennale . Les dépenses de personnel progresseraient donc de 6 % pour financer au total 60 emplois équivalents temps plein (ETPT).

Les représentants du syndicat de la juridiction administrative ont pris acte de cette avancée qui traduit une réelle prise en compte de la situation des juridictions administratives. Ils ont souhaité la poursuite de ce mouvement dans les années à venir, dans le contexte actuel de la forte pression des affaires nouvelles.

Pour 2008, est prévue la création de :

- 29 emplois de magistrats administratifs ; ainsi le nombre de postes créés depuis 2002 atteindra 177, portant à 84 % le taux de réalisation de la programmation initiale. Ces postes correspondent en pratique à 15 ETPT 122 ( * ) , auxquels s'ajoutent 15 ETPT qui correspondent à l'extension en année pleine des emplois créés l'année dernière.

Ces emplois supplémentaires devraient être localisés dans plusieurs tribunaux administratifs, notamment celui de Toulon , qui doit être installé en 2008  -3 chambres comprenant 13 magistrats devraient être créées- et ceux de la région Ile-de-France , toujours confrontés à l'explosion du contentieux des étrangers ;

- 27 emplois d'agents de greffe 123 ( * ) (correspondant à 15 ETPT au titre de 2008 et 15 autres au titre de l'extension en année pleine des créations décidées en 2007) ; au terme de six années d'exécution de la programmation quinquennale, le nombre total de ces créations d'emplois devrait donc s'élever à 215, ce qui aboutit à un taux de réalisation de près de 80 %.

Les représentants du syndicat de la justice administrative entendus ont estimé indispensable que les créations de postes de magistrats soient accompagnées de créations d'emplois d'agents de greffe, faisant valoir que l'aide à la décision juridictionnelle apportée par ces personnels est précieuse.

L'achèvement du programme quinquennal est annoncé pour 2009, tant s'agissant des magistrats que des agents de greffe 124 ( * ) .

Par ailleurs, la loi de programmation pour la justice de 2002 prévoyait le recrutement de 230 assistants de justice. Le projet de budget finance 6 postes d'assistants de justice, ce qui porte à 216 le nombre total d'assistants recrutés au titre de la LOPJ 125 ( * ) .

Des perspectives inquiétantes liées au vieillissement de la pyramide des âges des magistrats administratifs

Il convient de souligner que, dans les années à venir, l'effort de recrutement de magistrats administratifs devra être amplifié au regard des départs à la retraite qui s'annoncent.

Le Conseil d'État est dans une situation particulière dans la mesure où les départs à la retraite correspondent le plus souvent à des fins de maintien d'activité au-delà de la limite d'âge (65 ans) 126 ( * ) . Actuellement, 18 membres sont maintenus en surnombre (dont 4 pour l'année 2007).

Ainsi, le Conseil d'État sera confronté à une accélération du nombre de départs à la retraite, qui concernent actuellement entre 5 et 7 personnes (7 membres en 2008) pour atteindre le seuil d'une dizaine chaque année, à partir de 2014 seulement.

L'évolution des effectifs apparaît en revanche plus préoccupante s'agissant des tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel. En 2008, une trentaine de départs à la retraite sont attendus, contrairement aux membres du Conseil d'État, les magistrats administratifs demandant à partir à la retraite dès lors qu'ils sont atteints par la limite d'âge. La possibilité d'être maintenu en surnombre prévue par l'article L. 233-7 du code de justice administrative est rarement utilisée ; seulement 4 magistrats administratifs exercent sous ce statut en 2007.

Après 2011, le rythme des départs à la retraite devrait approcher la quarantaine. Près de 30 % des magistrats actuellement en poste devraient ainsi être admis à faire valoir leurs droits à la retraite entre 2007 et 2015.

Il importe donc, pour assurer le bon fonctionnement des juridictions administratives, que des recrutements soient programmés pour les années à venir non seulement pour remplacer les départs à la retraite mais également pourvoir les créations de poste. La pression des flux d'affaires nouvelles, en particulier l'explosion du contentieux des étrangers, renforce cette exigence.

Le secrétaire général du Conseil d'État a assuré à votre rapporteur pour avis que toutes les sorties du corps des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel seraient remplacées.

A cette fin, toutes les voies d'accès aux corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel seront utilisées. Le tour extérieur sera plus largement ouvert grâce aux récentes modifications apportées par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique qui a augmenté la proportion de postes ouverts à ce titre au grade de conseiller et élargi le vivier des candidats pour l'accès au grade de premier conseiller. Cette réforme a également assoupli les conditions requises pour être détaché dans le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, ce qui accroît les possibilités de recrutement 127 ( * ) . Enfin, des recrutements par concours complémentaires seront organisés, conformément à la loi de programmation quinquennale adoptée en 2002 qui permet de recourir à ce dispositif jusqu'en 2015.

Des revalorisations indemnitaires significatives pour les personnels des juridictions

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une enveloppe de 1,5 million d'euros pour revaloriser le taux moyen indemnitaire des magistrats administratifs de 51 à 55,3 % du traitement brut. Il s'agit d'une rémunération au mérite, qui comporte une part fixe 128 ( * ) et une part variable 129 ( * ) qui s'élèvent pour 2007 respectivement à 38 et 13 %.

Cette mesure poursuit un double objectif.

Elle tend, d'une part, à récompenser les efforts de productivité accomplis ces dernières années par ces magistrats , comme en atteste le projet annuel de performance. Ainsi, l'indicateur n° 3.1 relatif au nombre d'affaires réglées par magistrat des cours administratives d'appel, qui passe entre 2005 et 2006 de 98 à 104 affaires progresse significativement. Le nombre d'affaires jugées par les magistrats des tribunaux administratifs s'est accru de façon quasi-continue de 1994 à 2006, augmentant de 37 % entre 2000 et 2006.

Les représentants du syndicat de la juridiction administrative entendus estiment que la productivité des magistrats a atteint un palier, considérant que celle-ci ne pourra désormais augmenter qu'au détriment de la qualité des décisions rendues.

Elle vise, d'autre part, à renforcer l'attractivité de ce corps . En dépit des revalorisations statutaires substantielles intervenues en 1997, d'autres corps de même niveau accessibles par la voie de l'Ecole nationale d'administration (administrateurs civils, conseillers de chambre régionale des comptes) ont bénéficié de revalorisations indemnitaires rendant le début de carrière plus attractif que celui des magistrats administratifs.

L'augmentation indemnitaire prévue pour 2008 constitue la première tranche d'une revalorisation qui doit s'étaler sur trois ans. Une deuxième revalorisation doit intervenir en 2009 portant le taux indemnitaire à 57,9 % (pour un coût estimé à 1,2 million d'euros) et une dernière revalorisation est prévue en 2010, afin d'atteindre 61 % (pour un coût estimé à 1,4 million d'euros).

Cette revalorisation devrait ainsi aligner la situation des magistrats administratifs en début et en milieu de carrière sur celle des corps de niveau équivalent, notamment les magistrats de chambres régionales des comptes.

Les représentants du syndicat de la justice administrative entendus ont pris acte de cette avancée.

Ils ont néanmoins considéré que l'effort budgétaire pour 2008 ne serait pas suffisant pour compenser le manque d'attractivité du corps des magistrats administratifs. Ils ont fait valoir que cette situation avait entraîné une baisse du nombre de candidats aux derniers concours complémentaires. Le secrétaire général du Conseil d'État entendu a confirmé cette tendance, précisant qu'au dernier concours, un poste n'avait pu être pourvu faute d'un vivier de candidats suffisant.

Pour remédier à ce constat, les représentants du syndicat de la justice administrative souhaitent qu'une réforme statutaire portant plus particulièrement sur les grades de premier conseiller et de président soit engagée en s'inspirant du statut, plus attractif, des inspecteurs généraux des affaires sociales.

Aucune mesure n'est en revanche proposée en faveur des membres du Conseil d'État, dont le taux moyen des primes s'élève à 63,8 %.

Les agents de greffe , dans le cadre de la parité avec les autres agents des corps de l'intérieur et de l'outre-mer, devraient également bénéficier d'une légère hausse de leurs indemnités. Cette mesure représente un coût de 0,3 million d'euros.

3. La poursuite du programme d'investissement

Depuis plus de dix ans, la carte des juridictions administratives n'a cessé de s'étoffer.

Entre 1995 et 2000, 4 nouvelles juridictions ont été créées : le tribunal administratif de Melun (1996), la cour administrative d'appel de Marseille (1997), la cour administrative d'appel de Douai (1999) et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (2000).

Poursuivant ce mouvement, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 a mis à la disposition de la justice administrative 92 millions d'euros d'engagement et 53,5 millions d'euros de crédits de paiement.

Le bilan de la mise en oeuvre de la programmation quinquennale, à la différence des créations d'emplois, est satisfaisant en ce qui concerne le domaine immobilier. En effet, à la fin de l'année 2007, le taux de réalisation s'élève, pour les crédits de paiement et les autorisations d'engagement, respectivement à 66 % et 82 % des enveloppes initialement prévues.

Cette enveloppe a permis de réaliser de nombreuses opérations immobilières (restructuration et climatisation des locaux de la cour administrative d'appel de Bordeaux, création d'une salle à la cour administrative d'appel de Lyon...).

Certains travaux -la rénovation des locaux du Conseil d'État et la création de surfaces supplémentaires, la réfection de la couverture de la cour administrative d'appel de Douai, des travaux d'extension à la cour administrative d'appel de Marseille et la poursuite de la rénovation du tribunal administratif de Melun- ont cependant été retardés en 2003 et en 2004, à la suite de gels budgétaires intervenus ces mêmes années, n'ayant pu être engagés qu'en 2005.

Trois chantiers d'envergure ont été réalisés dans ce cadre : deux sont achevés et l'un est en cours.

? La création de la cour administrative d'appel de Versailles (2004)

La cour administrative d'appel de Versailles -qui fonctionne depuis le 1er mars 2004 - a représenté une dépense de 600.000 euros 130 ( * ) , à laquelle se sont ajoutés des frais (un peu plus d'un million d'euros) liés à l'achat du mobilier, de véhicules, et surtout à des charges locatives (à hauteur de 670.000 euros). Cette juridiction a en effet été installée dans un immeuble -pris à bail- d'une surface de 3.200 mètres carrés. Ses effectifs s'élèvent actuellement à 51 personnes dont 24 magistrats et 27 agents de greffe. Il est prévu qu'à terme, elle comprenne cinq chambres pour un effectif total de 76 personnes.

La création du tribunal administratif de Nîmes (2006)

Le tribunal administratif de Nîmes est opérationnel depuis le 1er septembre 2006 . Sa création a été justifiée par le souci d'alléger l'activité des tribunaux voisins de Marseille et de Montpellier.

Des travaux de rénovation et d'extension d'un bâtiment qui appartenait au ministère de l'intérieur 131 ( * ) ont été réalisés à cette fin pour un coût total d'un peu plus de 7 millions d'euros.

La création du tribunal administratif de Nîmes
-bilan des opérations immobilières-

(en euros)

Achat du bâtiment

1.445.000

Montant de l'acquisition du bâtiment

1.445.000

Prestations préliminaires

90.000

Prestations intellectuelles

630.000

Travaux

4.280.000

Aléas

200.000

Divers

380.000

Montant des travaux

5.580.000

Total

7.025.000

Source : Conseil d'État

L'installation du tribunal administratif de Nîmes a induit des dépenses de premiers équipements (mobiliers, bibliothèque, véhicules, fournitures...) à hauteur de 160.000 euros. En ce qui concerne le fonctionnement, une dotation de 320.000 euros a été allouée à cette juridiction pour 2007 qui pourrait être réajustée, selon les besoins, en 2008. Ses effectifs -33- s'élèvent à 15 magistrats et 18 agents de greffe.

L'impact de la création de cette juridiction se mesure déjà si l'on compare l'activité juridictionnelle aux premiers semestres 2006 et 2007. On constate ainsi une diminution de 9 % du nombre des affaires enregistrées au tribunal de Marseille et près de 30 % s'agissant du tribunal de Montpellier. Le renfort apporté par le tribunal de Nîmes a permis à celui de Montpellier de réduire son stock d'affaires en instance de près de 30 %, soit 3.101 affaires. Le délai prévisible moyen de jugement s'est réduit notablement, passant de 1 an, 5 mois et 10 jours en 2005 à 11 mois et 29 jours en 2006.

Le tribunal administratif de Marseille a résorbé 35 % de son stock et affiche un délai prévisible moyen de jugement qui s'améliore -11 mois et 6 jours en 2006 contre 1 an, 4 mois et 1 jour en 2005.

La création du tribunal administratif de Toulon, un projet en voie de concrétisation (2008)

En complément de l'installation du tribunal administratif de Nîmes en 2006, un nouveau tribunal à Toulon doit être créé à compter du 1 er septembre 2008, pour répondre aux difficultés rencontrées par les tribunaux administratifs de Nice et de Marseille soumis à une pression forte des affaires nouvelles. Cette opération immobilière annoncée pour 2007 a été reportée d'un an compte tenu de la priorité accordée aux travaux de plusieurs juridictions de la région parisienne.

L'installation de cette juridiction induit une redistribution des ressorts des juridictions situées dans le pourtour méditerranéen .

Ressort des juridictions du pourtour méditerranéen
à compter de septembre 2008

Tribunal administratif

2005

2006

2008

Marseille

Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône, Hautes-Alpes et Vaucluse

Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône et Hautes-Alpes

Bouches-du-Rhône

Montpellier

Aude, Gard, Hérault, Lozère et Pyrénées-Orientales

Aude, Hérault et Pyrénées-Orientales

Aude, Hérault et Pyrénées-Orientales

Nice

Alpes-Maritimes et Var

Alpes-Maritimes et Var

Alpes-Maritimes

Nîmes

Gard, Lozère et Vaucluse

Gard, Lozère et Vaucluse

Toulon

Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes et Var

Source : Conseil d'État

En vue de réaliser ce chantier, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit d'allouer 560.000 euros de crédits de paiement au titre des dépenses d'investissement 132 ( * ) pour financer l'opération immobilière d'installation de la juridiction. Ainsi que l'a précisé le secrétaire général du Conseil d'État entendu, le choix du site destiné à accueillir ce tribunal n'est pas encore définitivement arrêté.

Par ailleurs, une dotation de près de 440.000 euros a été allouée au titre des dépenses de fonctionnement, étant précisé que les dépenses de premier équipement (véhicules, mobilier et équipement informatique) seront autofinancées par le Conseil d'État.

Cette juridiction devrait comprendre 3 chambres. Ses effectifs s'élèveront à 13 magistrats, 17 agents de greffe et 3 assistants de justice.

4. Les frais de justice, une dépense en voie d'être maîtrisée

Au cours des deux précédents exercices budgétaires , votre rapporteur pour avis n'avait pas manqué d'exprimer ses inquiétudes face à l'accélération des frais de justice 133 ( * ) (+ 17 % entre 2004 et 2005 et + 12 % entre 2005 et 2006) et l'insuffisance de la dotation budgétaire inscrite en loi de finances initiale et destinée à couvrir ce poste de dépenses 134 ( * ) .

Les progrès accomplis dans ce domaine par les juridictions administratives sont significatifs , conformément à la logique induite par la LOLF. L'enveloppe allouée pour 2008 -8,56 millions d'euros- affiche une stabilisation par rapport à ceux affectés en 2007, compte tenu des efforts réalisés pour maîtriser l'emploi de ces crédits. En effet, on peut se réjouir de ce qu'en 2006, la consommation des frais de justice -qui s'élève à 7,26 millions d'euros- enregistre, pour la première fois depuis plusieurs années, une baisse par rapport à 2005 (- 11 %).

Deux mesures ont en effet permis de réaliser de substantielles économies en matière d'affranchissement :

- le décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative permet désormais aux juridictions, dans un certain nombre de procédures, de substituer à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception des lettres remises contre signature ;

- certaines juridictions ont en outre organisé un portage du courrier aux administrations voisines, lorsque ces dernières sont parties à des instances contentieuses.

Par ailleurs, le recours aux « téléprocédures » qui permet d'échanger les mémoires, les actes de procédure et, si les parties l'acceptent, les jugements, par voie dématérialisée , pourrait à terme générer de nouvelles économies en matière de frais d'affranchissement. Ce projet fait actuellement l'objet d'une expérimentation afin d'en mesurer la faisabilité technique.

Une première expérimentation, qui porte sur le contentieux fiscal de l'assiette traité par le Conseil d'État en cassation, en liaison avec le bureau chargé du contentieux de la direction générale des impôts et huit cabinets d'avocats, est en cours depuis juin 2005.

Après deux années de recul, le bilan se révèle positif. Les utilisateurs du télérecours (cabinets d'avocats, direction des services fiscaux) en sont très satisfaits. Ainsi, ce dispositif a été utilisé dans près de 90 % des affaires dans ce type de contentieux géré par les cabinets volontaires pour mener cette expérience. Une diminution globale des coûts (frais d'affranchissement et papier) de l'ordre de 45 % a pu par ailleurs être constatée.

D'ici la fin de cette année, huit autres cabinets d'avocats devraient participer à cette première expérimentation, ainsi que les services fiscaux du recouvrement. La possibilité de former des recours dématérialisés sera également ouverte à l'administration fiscale. La majeure partie du contentieux fiscal du Conseil d'État sera donc bientôt traité sous forme dématérialisée. Le périmètre de cette expérimentation sera par ailleurs élargi au contentieux de la fonction publique militaire en partenariat avec le ministère de la Défense.

Une deuxième expérimentation a été lancée en juin dernier au tribunal administratif et à la cour administrative d'appel de Paris qui concerne la dématérialisation des dossiers du contentieux fiscal . Un premier bilan de cette expérimentation sera dressé avant la fin de cette année.

Comme l'ont cependant expliqué les représentants du Conseil d'État entendus par votre rapporteur pour avis, l'évolution favorable du rythme des dépenses relève d'un équilibre fragile dans la mesure où le niveau de dépenses est étroitement corrélé aux flux contentieux.

B. LA MAÎTRISE DES DÉLAIS DE JUGEMENT, UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE POUR DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DANS UNE SITUATION TRÈS TENDUE

1. Une amélioration progressive des délais de jugement dans toutes les juridictions administratives en dépit de la pression des affaires nouvelles

L'objectif de réduction à un an des délais de jugement fixé dans la loi de programmation quinquennale du 9 septembre 2002 est presque atteint .

En 2006, à l'exception du Conseil d'État, toutes les juridictions administratives ont subi une pression des affaires nouvelles. Pour autant, en 2006, elles n'en ont pas moins réussi à réduire leur délai de jugement, conformément aux objectifs stratégiques du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives.

Le rythme des flux nets enregistrés devant le Conseil d'État a reculé de 8 % en 2006 (un peu moins de 10.000 affaires). Cette évolution favorable se conjugue néanmoins avec un recentrage du rôle du Conseil d'État sur les pourvois en cassation (64 % des entrées contre 30 % en 2001), plus difficiles à juger. Même si le taux de pourvoi en cassation est faible, la poursuite de l'application des contrats d'objectifs avec les cours administratives d'appel se traduit par un accroissement du nombre d'arrêts, entraînant une augmentation corrélative du nombre de pourvois en cassation (+ 21% en données brutes en 2006).

Deux matières sont particulièrement inflationnistes en termes de flux contentieux : les litiges liés à la fonction publique en augmentation de 72 % entre 2002 et 2006 et le contentieux fiscal en raison de l'augmentation du nombre d'affaires jugées par les cours administratives d'appel et de la possibilité, depuis 2003, de former un pourvoi directement contre les jugements des tribunaux administratifs. Par ailleurs, même s'il représente un volume moins important d'affaires, le contentieux de l'urbanisme connaît une forte progression en 2006 (+ 32 %).

En dépit de la complexité accrue du contentieux à traiter, le nombre d'affaires jugées par membre du Conseil d'État qui s'élève à 80 en 2006 (contre 69 en 2004) ne cesse de progresser 135 ( * ) . Cette évolution favorable témoigne de l'implication des membres du Conseil d'État dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

Dans ce contexte favorable, le nombre d'affaires en stock baisse significativement, passant de 10.089 en 2005 à 8.567 dossiers en 2006, tandis que le délai moyen de jugement dépasse même la cible fixée en 2002 pour s'établir à 9 mois (contre 12 l'année dernière) 136 ( * ) .

La part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans -stabilisée en 2004 et 2005- augmente légèrement (+ 1,5 %). Le Conseil d'État justifie cette situation par la progression des pourvois en cassation qui présentent des difficultés supérieures à la moyenne. Toutefois, le Conseil d'État a assuré votre rapporteur de l'attention portée à essayer de réduire le stock d'affaires anciennes.

En 2006, la situation des cours administratives d'appel s'est notablement améliorée . Après le très fort accroissement enregistré l'année dernière en raison du transfert -du Conseil d'État vers ces juridictions- du contentieux des appels dans le domaine des reconduites à la frontière depuis le 1 er janvier 2005 (+ 41 %), elles enregistrent une croissance beaucoup plus modeste par rapport à l'année dernière. Cette inflation est surtout liée au contentieux fiscal et au contentieux des étrangers.

En 2006, le nombre d'affaires jugées par ces juridictions a doublé par rapport au volume d'affaires jugées enregistrées en 2000 (25.890 contre 12.906) et le délai de jugement baisse de trois mois par rapport à 2005 pour s'établir à 1 an et 1 mois .

Un double facteur explique ce résultat très encourageant : le renforcement des moyens, avec notamment la création de la cour administrative d'appel de Versailles en 2004, d'une part, et les efforts des magistrats et agents de greffe pour juger un plus grand nombre de dossiers, d'autre part. Ainsi, le nombre d'affaires réglées par magistrat et par agent de greffe progresse, passant respectivement de 98 et 77 en 2005 à 106 et 81 en 2007 137 ( * ) .

Une telle évolution n'aurait pas été possible sans la généralisation des contrats d'objectifs signés entre les cours administratives d'appel et le Conseil d'État le 9 décembre 2002 138 ( * ) . Le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées s'établit à 123 %, soit un taux supérieur de 5 points à celui initialement prévu dans le contrat d'objectifs.

A l'exception des cours administratives d'appel de Lyon -du fait de vacances prolongées de postes de magistrats- et de Versailles -confrontée à une forte pression des flux d'affaires nouvelles-, toutes les cours administratives d'appel ont réalisé des performances supérieures aux engagements inscrits dans leur contrat. L'année 2007 marque la dernière année d'application de ces contrats. Le vice-président du Conseil d'État a créé un groupe de travail chargé de réfléchir aux suites à donner à ce dispositif.

Les contrats d'objectifs, des résultats prometteurs

Cour administrative d'appel

Délai prévisible moyen
de jugement fixé
par les contrats d'objectifs

Délai moyen de jugement
des affaires en stock constaté en 2005

Ecart par rapport
aux prévisions des contrats d'objectifs

Bordeaux

1 an, 2 mois et 29 jours

1 an, 2mois et 10 jours

- 19 jours

Douai

9 mois et 28 jours

8 mois et 8 jours

-1 mois et 20 jours

Lyon

1 an et 5 mois et 2 jours

1 an, 9 mois et 2 jours

+ 23 jours

Marseille

1 an, 9 mois et 14 jours

1 an, 8 mois et 25 jours

- 2 mois et 9 jours

Nancy

1 an, 11 mois et 18 jours

1 an, 5 mois et 1 jour

- 10 mois et 2 jours

Nantes

9 mois et 19 jours

9 mois et 23 jours

- 2 mois et 13 jours

Paris

1 an, 2 mois et 6 jours

1 an, 2 mois et 24 jours

- 4 mois et 16 jours

Versailles

10 mois et 9 jours

1 an, 2 mois et 27 jours

+ 1 mois et 8 jours

Source : Conseil d'État

Ces contrats n'ont pas été généralisés pour les tribunaux administratifs. Seuls deux contrats avec les tribunaux d'Orléans et de Montpellier ont été signés respectivement en juin 2003 et en juin 2006. Le bilan est satisfaisant pour celui de Montpellier 139 ( * ) qui a bénéficié du transfert d'une partie du contentieux vers le nouveau tribunal administratif de Nîmes. Les résultats sont plus mitigés pour celui d'Orléans qui, en raison d'une forte augmentation des entrées (+ 21 % en 2006), n'a pu engager une résorption de ses stocks.

Après une forte hausse des entrées en 2003 et 2004, les tribunaux administratifs connaissent une croissance plus modeste de ces flux depuis l'année dernière . En 2006, les affaires nouvelles enregistrées progressent de 6 % (contre 5 % en 2005). Au premier semestre 2007, le rythme de progression est sensiblement le même qu'en 2006. La légère baisse de productivité des magistrats constatée en 2006 140 ( * ) s'explique par l'augmentation des affaires complexes jugées en formation collégiale qui ont représenté 36 % des affaires jugées contre 35 % en 2005.

Ainsi, dans ce contexte, le délai moyen de jugement , qui s'élève en 2006 à 1 an et 3 mois (contre 1 an et 4 mois en 2005), ne s'améliore que modestement.

Pour l'année 2006, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock -en baisse d'un mois pour s'établir à 1 an et 3 mois- est encourageant, poursuivant ainsi l'évolution à la baisse observée depuis 2003. Toutefois, comme l'a reconnu le Conseil d'État, ces bons résultats sont en partie liés à l'importance prise, dans le volume global des sorties, par les affaires régies par des procédures particulières imposant un règlement rapide par le juge (référé par exemple). Ce délai atteint en fait 1 an et 9 mois pour les autres requêtes et dépasse même deux ans pour les requêtes en matière fiscale. Les représentants du syndicat de la juridiction administrative ont souligné l'un des effets pervers de l'explosion du contentieux des étrangers (contentieux des refus de titre de séjour accompagnés d'une obligation de quitter le territoire français) qui doit être traité en urgence et tend à reporter le traitement des dossiers plus complexes et ceux pour lesquels le jugement n'est pas soumis à des délais particuliers.

A cet égard, le Conseil d'État, conscient de cette difficulté et soucieux d'améliorer les indicateurs relatifs aux délais de jugement, réfléchit au moyen de distinguer les délais selon le type de contentieux. En effet, comme son secrétaire général l'a indiqué à votre rapporteur pour avis, « un délai moyen de jugement bas peut masquer des délais en réalité très élevés dans certaines matières (contentieux fiscal, marchés...). C'est aujourd'hui le cas dans certaines juridictions d'Ile-de-France qui doivent répondre à un afflux de requêtes d'étrangers et sont contraintes de repousser le délai de jugement des affaires « ordinaires » ».

2. Une pression des affaires nouvelles alimentée par la multiplication des procédures nouvelles

Comme l'a relevé le secrétaire général du Conseil d'État entendu par votre rapporteur pour avis, M. Christophe Devys, les juridictions administratives doivent absorber de nouveaux contentieux, générés par des procédures nouvelles, ce qui rend leur situation fragile .

Plusieurs exemples ont été cités à cet égard.

Le contentieux du permis de conduire à points devant les tribunaux administratifs , en constante progression depuis 2004, a explosé depuis 2005 (+ 146 % en deux ans) du fait notamment de l'augmentation des retraits de points à la suite de la mise en place de radars automatiques.

De même, la loi n° 2005-102 du 12 février 2005 141 ( * ) , en supprimant les commissions départementales des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés, a transféré aux tribunaux administratifs le contentieux de ces juridictions spécialisées, ce qui a représenté près de 3.600 affaires nouvelles en 2006.

Le contentieux des étrangers , à la faveur des réformes récentes, induit un volume d'affaires très conséquent. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006, pris en application de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, les tribunaux administratifs doivent faire face à un afflux d'affaires nouvelles.

D'une part, ils continuent à traiter les recours formés contre les titres de séjour intervenus avant le 1 er janvier 2007, ce qui a représenté pour le premier semestre, plus de 6.600 requêtes. D'autre part, sur la même période, plus de 7.700 requêtes ont été enregistrées contre les nouveaux refus d'autorisation de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français qui doivent être jugées dans un délai de trois mois.

Le secrétaire général du Conseil d'État a indiqué que ce contentieux très dynamique était concentré dans quelques juridictions, en particulier celles de la région parisienne. A contrario, ce contentieux représente une faible part des affaires enregistrées dans le ressort de la cour administrative d'appel de Caen.

L'impact de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale inquiète particulièrement les magistrats administratifs ainsi qu'ont pu le mettre en exergue, tant les représentants du syndicat de la juridiction administrative que le secrétaire général du Conseil d'État.

Outre que cette réforme crée un contentieux nouveau 142 ( * ) , elle risque de susciter un nombre très élevé de contestations . En effet, tous les interlocuteurs de la justice administrative entendus ont souligné le paradoxe selon lequel le droit au logement serait opposable par certaines catégories de demandeurs et pourrait donc faire l'objet d'un recours devant les juridictions administratives à compter de décembre 2008 alors même que la pénurie de logements sociaux est patente.

Lors de la discussion de ce texte au Parlement en janvier dernier, votre commission, dans son avis présenté par M. Pierre Jarlier sur cette loi 143 ( * ) , n'avait pas manqué d'appeler l'attention du gouvernement sur le risque de « saturation des juridictions administratives » et les conséquences susceptibles d'en découler s'agissant du délai et du traitement des autres recours. De même, avait été exprimée la crainte que « l'offre de logements demeure insuffisante pour satisfaire les demandes dès le 1 er décembre 2008 ».

Pour les représentants syndicaux, l'adoption de cette réforme, légitime dans son principe, démontre l'absence de prise en compte de l'impact contentieux des politiques publiques.

Ainsi, la situation des juridictions administratives, en voie d'assainissement grâce à une mobilisation très forte des personnels, risque de se dégrader.

A cet égard, votre commission souhaite que le gouvernement accompagne systématiquement les projets de loi qu'il soumet au Parlement d'une étude d'impact précise sur les moyens supplémentaires qu'ils impliquent. Le contexte de forte pression des affaires à laquelle sont soumises les juridictions administratives l'exige.

3. Quelles solutions pour désengorger les juridictions ?

Plusieurs initiatives ont été engagées pour désengorger les juridictions.

Le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 tend à rationaliser la procédure contentieuse administrative en vue de lutter contre les délais de jugement excessifs.

Ce texte a, d'une part, institué des règles particulières pour garantir le respect du délai de trois mois imposé par la loi du 24 juillet 2006 précitée pour l'examen des recours suspensifs dirigés contre les décisions de refus de titre de séjour assorties d'un obligation faite à l'étranger de quitter le territoire français 144 ( * ) .

Le champ d'application du filtrage des pourvois par le président d'une formation de jugement du tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel , a d'autre part, été élargi (articles R. 122-12 et 222-1 du code de justice administrative). Le rejet par ordonnance des requêtes manifestement insusceptibles de prospérer 145 ( * ) est désormais possible dans trois nouvelles hypothèses : lorsque les moyens de légalité externe d'une requête sont manifestement infondés, lorsque les moyens sont inopérants ou encore lorsqu'ils ne sont pas assortis des précisions, ce qui permet d'en apprécier le bien-fondé.

Les données statistiques du début de l'année 2007 ne permettent pas encore de mesurer l'usage de cette procédure simplifiée. Toutefois, le Conseil d'État a fait valoir qu'elle impose désormais aux avocats d'exposer, dès l'introduction de la requête ou du mémoire complémentaire, les éléments de droit et de fait précis et pertinents permettant d'accélérer l'instruction de l'affaire et donc le traitement des procédures.

Le recours au juge unique a enfin été étendu (article R. 222-13 du code de justice administrative). Le gouvernement a circonscrit ce dispositif à deux contentieux :

- les litiges en matière de permis à points (essentiellement liés aux retraits consécutifs à la perte de points), passés de 7.000 en 2003 à près de 20.000 en 2006 ;

- les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur à 10.000 euros.

A la satisfaction de votre rapporteur pour avis et des organisations syndicales de magistrats administratifs, le principe de l'examen collégial a donc été préservé pour les affaires qui, bien que relevant d'un contentieux de masse et pour lesquelles la jurisprudence est bien fixée, mettent en jeu des intérêts sensibles au regard des libertés ou des droits sociaux.

Une piste de réforme relative à l a généralisation des recours gracieux préalable obligatoires devant l'administration permettrait d'alléger significativement le volume très important des affaires enregistrées devant les juridictions administratives .

Les auditions ont démontré un consensus entre les représentants syndicaux des magistrats administratifs et le secrétariat général du Conseil d'État sur la nécessité d'une telle réforme .

Elle serait particulièrement opportune dans certains domaines : le contentieux du permis à points et le contentieux de la fonction publique -étant précisé que le droit en vigueur prévoit le recours préalable obligatoire mais que le texte réglementaire d'application n'a toujours pas été publié 146 ( * ) . A cet égard, il serait souhaitable que le décret prévu par le législateur pour améliorer le traitement du contentieux de la fonction publique soit publié dans les meilleurs délais.

Le Conseil d'État plaide pour la mise en place d'une procédure de règlement pré-contentieux des litiges dans l'ensemble de la fonction publique civile. Ce recours administratif préalable pourrait être formé auprès de l'auteur même de la décision. Cette obligation pourrait être assortie de la possibilité de saisir un médiateur ou interlocuteur du personnel avant que la nouvelle décision n'intervienne.

Les représentants du syndicat de la juridiction administrative ont à cet égard souligné l'impact très positif en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique militaire. Le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 a en effet créé une commission des recours des militaires , qui doit être obligatoirement saisie par les militaires qui contestent des actes relatifs à leur situation personnelle avant de saisir le juge administratif.

La mise en oeuvre de ce dispositif de prévention du contentieux a permis une diminution des litiges concernant la fonction publique militaire de 20 % devant les tribunaux administratifs et de 43 % devant le Conseil d'État (compétent en premier et dernier ressort pour les fonctionnaires nommés par décret du Président de la République).

L'intervention de la commission du contentieux des visas créée en 2000 147 ( * ) a permis de dégonfler les litiges en ce domaine. Sa saisine est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux à peine d'irrecevabilité de ce dernier. Son efficacité, en termes de réduction du contentieux administratif, a été remarquable : le nombre d'affaires enregistrées en la matière au Conseil d'État est passé de 1.383 en 2000 à 577 en 2001 pour s'établir en 2007 à 502.

En outre, le secrétaire général du Conseil d'État, M. Christophe Devys, a fait valoir que les contentieux naissaient bien souvent faute d'une écoute suffisante des administrés, estimant que la généralisation des commissions de recours préalable est une bonne solution pour remédier à cette situation.

ANNEXE 1 - AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE M. YVES DÉTRAIGNE, RAPPORTEUR POUR AVIS

Personnes entendues par le rapporteur pour avis (8 novembre 2007)

Organisations professionnelles représentant les magistrats judiciaires

- Union syndicale des magistrats

- FO magistrats

- Association nationale des juges d'instance

Organisations professionnelles représentant les avocats

- Conseil national des barreaux

- Barreau de Paris

- Conférence des bâtonniers

Représentants des syndicats de fonctionnaires des services judiciaires

- Syndicat des greffiers de France

- Union syndicale autonome justice

Ministère de la justice

- Cabinet de la Ministre

- Direction des services judiciaires

- Service de l'accès au droit

Déplacement à Dijon (27 mars 2007)

Visite à l'Ecole nationale des greffes de Dijon

- Réunion de travail avec le directeur de l'Ecole, M. Claude Engelhard, et des membres de l'équipe de direction

- Réunion de travail sur le thème de la formation (formation initiale, formation continue, enseignement de la LOLF)

- Réunion de travail sur le thème de la gestion de l'Ecole : le BOP ENG

- Entretien avec les participants à la session de formation continue « pilotage de la masse salariale »

Tribunal de grande instance de Dijon

- Entretien avec les chefs de juridiction, MM. Jean-Paul Roughol, président et Jean-Pierre Alacchi, procureur de la République

- Réunion de travail sur le rôle des assistants de justice

- Réunion de travail sur le dialogue social

- Table ronde sur la mise en oeuvre de la LOLF

- Table ronde sur l'impact des lois nouvelles sur la charge de travail et l'organisation des juridictions

Déplacement à Lyon (24 avril 2007)

Service administratif régional

- Réunion de travail sur le décret SAR - analyse et critiques

- Réunion de travail sur la préparation du budget et le dialogue de gestion

- Réunion de travail sur la gestion des frais de justice

- Réunion de travail sur l'indemnisation des conseillers prud'hommes

- Réunion de travail sur la gestion des ressources humaines

- Entretien avec les chefs de cour, MM. Pierre Vittaz, premier président et Jean-Olivier Viout, procureur général

Tribunal de grande instance

- Entretien avec les chefs de juridiction avec MM. Pierre Garbit, président et Xavier Richaud, procureur de la République

- Réunion de travail sur la mise en oeuvre de la LOLF

- Réunion de travail sur l'impact des lois nouvelles sur la charge de travail des personnels et l'organisation des juridictions

- Réunion de travail sur les effectifs de fonctionnaires dans les juridictions

- Réunion de travail sur le dialogue social

Déplacement au tribunal de grande instance de Nanterre (30 octobre 2007)

- Réunion de travail sur la mise en oeuvre de la LOLF

- Réunion de travail sur le dialogue social dans la juridiction

- Réunion de travail sur l'impact des lois nouvelles sur la charge de travail des personnels et l'organisation de la juridiction

- Réunion de travail sur le rôle des assistants de justice

ANNEXE 2 - AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE M. SIMON SUTOUR, RAPPORTEUR POUR AVIS

(15 novembre 2007)

Syndicat de la juridiction administrative

- Mme Pascale Bailly, secrétaire générale

- M. Pierre Le Garzic, membre du conseil syndical

Conseil d'État

- M. Christophe Devys, secrétaire général

- M. Jean-Noël Bruschini, directeur financier

ANNEXE 3 - EVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS CIVILES DE PREMIÈRE INSTANCE

_______

Activité civile des tribunaux de grande instance

Source : Répertoire général civil jusqu'en 2003, tableaux de bord civils à partir de 2004.

* jusqu'en 2003, en l'absence d'information sur le nombre de référés nouveaux et compte tenu de la durée courte de cette procédure, le nombre de référés nouveaux a été assimilé au nombre de référés terminés.

Principales familles de contentieux des tribunaux de grande instance

Activité civile des tribunaux d'instance
(y compris juridictions de proximité)

Principales familles de contentieux

* 1 Les programmes consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse et à l'administration pénitentiaire de la mission justice restent traités dans deux avis distincts, respectivement présentés par MM. Nicolas Alfonsi et Jean-René Lecerf.

* 2 A périmètre constant.

* 3 Pour mémoire, une huitième action (support à l'accès au droit et à la justice) a été ajoutée l'année dernière. Elle rassemble les crédits de rémunération des personnels du service de l'accès au droit, à la justice et à la politique de la ville rattaché à l'administration centrale et des personnels des juridictions qui concourent à l'accès au droit (bureaux d'aide juridictionnelle, maisons de justice et du droit...).

* 4 Voir avis n° 83 - Tome III (session 2006-2007). Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, votre commission des Lois préconise d'inscrire ces crédits au sein d'un programme autonome -distinct du programme justice judiciaire- rattaché à la mission pouvoirs publics.

* 5 Cet organe bénéficie de 3 ETPT magistrats détachés auprès du CSM pour assurer son secrétariat administratif et de 10 ETPT fonctionnaires de catégories A, B et C.

* 6 Pour mémoire, ces créations d'emplois s'élèvent à 288 ETPT.

* 7 187 emplois de magistrats, 187 emplois de greffiers et 26 emplois de secrétaires administratifs. Voir infra II - A - 1.

* 8 Ces recrutements sont destinés à pourvoir des créations de postes et à remplacer des départs à la retraite.

* 9 Ces recrutements remplacent des départs à la retraite.

* 10 Voir avis n° 104 de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour (session, 2005-2006) - Tome III - pages 11 à 13.

* 11 Voir infra III - B - 1.

* 12 Relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette loi a transposé une directive de 1995 (95/46).

* 13 Les indicateurs 1.6 « taux de cassation des affaires civiles » et 2.4 « taux de cassation des affaires pénales » ont ainsi été retravaillés pour permettre la prise en compte de tous les flux contentieux.

* 14 L'indicateur 2.7 « nombre d'affaires pénales traitées par magistrat à l'instruction » a été supprimé, la hausse ou la baisse du volume d'affaires traitées n'étant pas apparue in fine comme un critère pertinent de la qualité ou de l'efficacité d'une instruction.

* 15 Un nouvel objectif (n° 7) intitulé « développer les modes de communication électronique modernes » figure dans le projet annuel de performance. Lui a été associé l'indicateur n° 7.1 consacré au « taux d'équipement des services judiciaires en visioconférence.

* 16 Voir infra II-D.

* 17 Améliorer les délais de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, maîtriser les coûts de gestion d'un dossier d'aide juridictionnelle, développer une réponse de qualité aux besoins d'information juridique des citoyens dans les maisons de justice et du droit et développer l'efficacité des dispositifs permettant l'accompagnement et l'indemnisation des victimes.

* 18 En effet, le dispositif « 08 victimes » n'a pris le relais du numéro national qu'à compter d'avril 2005.

* 19 Une même nature de dépenses peut être appréhendée au niveau de la cour d'appel ou au niveau de chaque tribunal ou encore au niveau d'un groupe de juridictions.

* 20 Il s'agit de l'objectif n° 7 relatif à l'amélioration de la communication sur les principes de la loi informatique et libertés à l'égard des citoyens. Un indicateur mesurant le degré d'information des citoyens sur leurs droits en matière de protection des informations personnelles lui a été associé.

* 21 Rapport n° 276 - Annexe n° 25 - XIIIe législature.

* 22 La procédure de transparence qui retrace l'ensemble des postes de magistrats mis en mouvement s'étale généralement sur six mois.

* 23 Le tribunal de grande instance de Nanterre est réparti sur deux sites distincts, ce qui rend plus complexe l'organisation du travail.

* 24 Qui regroupe huit dotations budgétaires. Outre les crédits de la Cour de justice de la République, de la Haute cour de justice et du Conseil constitutionnel, cette mission retrace le budget de la Présidence de la République, du Sénat, de l'Assemblée nationale, de la Chaîne parlementaire et des indemnités des représentants français au Parlement européen.

* 25 Article 7 de la loi organique n° 2001-692 (LOLF) précitée.

* 26 La Haute cour de justice de la République compétente pour juger les crimes et délits commis par le Président de la République n'a à ce jour jamais fonctionné. Comme les années précédentes, aucun crédit n'est donc inscrit au présent projet de budget. Toutefois, le maintien de cette dotation dans la nomenclature budgétaire se justifie dans l'hypothèse où cette cour pourrait être appelée à se réunir.

* 27 Auparavant, le précédent membre du Conseil constitutionnel qui avait conservé ses fonctions de professeur d'université était rémunéré à demi- taux.

* 28 Article 10 de la LOLF.

* 29 Qui couvrent les dépenses diverses ordonnées sur réquisition ou ordonnance d'expertise délivrées par l'autorité judiciaire pour procéder au traitement des affaires pénales.

* 30 Ces frais regroupent les frais postaux et certaines indemnisations résultant de décisions judiciaires, les frais de justice du casier judiciaire ainsi que certains frais payés par l'administration centrale.

* 31 Le ministère de la justice évalue à près de 250 millions d'euros le montant de la dépense prévisionnelle pour 2007.

* 32 Un projet de décret devrait être prochainement soumis au Conseil d'Etat. Ainsi, s'agissant des experts interprètes, il est envisagé une simplification des règles de tarification en tenant compte des normes professionnelles en vigueur et des sujétions particulières liées aux missions qui leur sont confiées (majoration de l'heure de traduction effectuée la nuit, le samedi, le dimanche et les jours fériés) et des outils informatiques utilisés.

* 33 Qui ne représentent qu'une part minime de la dépense (moins de 145.000 euros).

* 34 Relatif au tarif des greffiers des tribunaux de commerce et modifiant le code de commerce.

* 35 Pour mémoire, cette dépense a cru de manière spectaculaire entre 1999 et 2004 (+242 %).

* 36 Ainsi, on dénombre près de 22.000 recours pendants devant la cour d'appel de Paris et 250 en instance devant celle de Lyon.

* 37 Pour ces deux prestations, la délégation aux interceptions judiciaires, créée en 2006, prépare un texte modificatif prévoyant un tarif fixe.

* 38 Ces crédits figurent au sein du programme conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés.

* 39 En première lecture du texte au Sénat.

* 40 Ainsi, le conseiller rédacteur pourrait déclarer une durée de travail allant jusqu'à cinq heures, avec la possibilité -lorsque la complexité du dossier, le nombre de parties ou la multiplicité des motifs de la demande l'exigent- de déclarer plus d'heures sur autorisation de la formation de jugement saisie du dossier.

* 41 Pour 2007, il s'agit d'une prévision.

* 42 Opérée par la circulaire du 9 octobre 1995.

* 43 Auparavant, les préfectures exerçaient ces attributions.

* 44 Article R. 213-30 du code de l'organisation judiciaire.

* 45 Les services administratifs des cours d'appel les plus importantes (Paris, Versailles, Aix-en-Provence et Douai) ont été les principaux bénéficiaires de ces créations d'emplois.

* 46 Outil de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires qui évalue la charge de travail des personnels des greffes.

* 47 « Quels métiers pour quelle justice ? » - Rapport n° 342 de M. Christian Cointat (session 2001-2002) au nom de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice présidée par M. Jean-Jacques Hyest, voir la recommandation n° 17.

* 48 Ce directeur prépare, met en oeuvre et contrôle les actes et décisions de nature administrative nécessaires à la bonne administration des juridictions du ressort.

* 49 Qui finance les dépenses de fonctionnement, les dépenses de rémunération des personnels (titulaires, contractuels, intervenant rémunéré à l'acte), ainsi que les frais de justice.

* 50 Relatif aux compétences dévolues en qualité d'ordonnateurs secondaires aux premiers présidents et procureurs généraux de cour d'appel.

* 51 Ce qui signifie que les dépenses allouées aux BOP peuvent être redéployées, sous réserve du caractère asymétrique de la fongibilité des crédits de personnel. Si ces crédits peuvent être redéployés vers d'autres catégories de dépenses (fonctionnement, intervention ou investissement), l'inverse n'est pas possible, le montant des crédits de personnels fixés dans le cadre de l'enveloppe globale du BOP par le responsable de programme étant limitatif.

* 52 Alors que l'aménagement du temps de travail des agents publics ne concerne que 10 % des effectifs réels dans toute la fonction publique.

* 53 Le plafond des ETPT limitatif encadre l'emploi de tous les personnels rémunérés par la mission, y compris les vacataires et les contractuels. Avant 2006, les vacataires et les contractuels n'étaient pas comptabilisés parmi les effectifs des juridictions.

* 54 Au 1 er juillet 2007, on dénombrait près de 1.250 assistants de justice, recrutés par contrat pour deux ans, renouvelables deux fois. Ils exercent leur fonction à temps partiel.

* 55 Voir sur ce point, le tableau sur l'exécution du programme quinquennal retracé dans l'avis n°83 de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour - Tome III (session 2006-2007), page 44.

* 56 Article 81 du code de procédure pénale selon lequel le greffier doit certifier tous les actes de procédure établis par le juge d'instruction. Sa présence auprès du juge d'instruction est donc indispensable.

* 57 Entre 1992 et 1999, ce ratio a toujours été supérieur à 2,8.

* 58 De nouveaux magistrats devraient arriver dans les juridictions, pour la plupart en septembre prochain, à l'exception de ceux intégrés directement au corps judiciaire dont la nomination devrait intervenir dès janvier prochain (12).

* 59 Ce chiffre intègre le plafond d'autorisations d'emplois fixé réajusté au vu de la consommation estimée au titre de cet exercice (28.960), majoré des créations prévues pour 2008 (101) et des extensions en année pleine 2007 sur 2008 (288).

* 60 Etablissement public administratif, l'ENM est un opérateur principal de l'Etat qui bénéficie, à ce titre, d'une subvention pour charges de service public versée par le programme justice judiciaire.

* 61 Relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats. Cette réforme a accru la proportion de magistrats susceptibles d'être recrutés sur titres : l'accès à l'ENM est accessible sur titre pour un tiers de l'effectif des auditeurs de justice recrutés par concours et les possibilités d'intégration directe ont été élargies, celles-ci pouvant atteindre un quart des nominations au second grade de l'année précédente et un dixième des nominations au premier grade de l'année précédente.

* 62 « Un recrutement diversifié, une formation ambitieuse - les impératifs d'une justice de qualité » - rapport d'information n° 383 de MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier (session 2006-2007).

* 63 Ce concours doit avoir lieu en septembre.

* 64 Ce concours doit avoir lieu en janvier.

* 65 Les rémunérations des fonctionnaires formés en janvier à l'ENG s'imputent sur la masse salariale de cette école et sur le plafond d'emplois du BOP de l'ENG (et non sur les BOP des cours d'appel).

* 66 539 départs programmés en 2007 (toutes catégories confondues), 853 en 2010 contre 905 en 2015.

* 67 Dans le cadre du dispositif PACTE (parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l'Etat) qui donne droit à un contrat de droit public donnant vocation à être titularisé.

* 68 Dont le coût global s'élève à 45,8 millions d'euros échelonné entre 2001 et 2009. En 2008, 8,3 millions d'euros sont inscrits dans le projet de budget.

* 69 On peut signaler à cet égard la récente publication du décret n° 2007-1620 du 15 novembre 2007 modifiant le code de procédure pénale et relatif à l'utilisation des nouvelles technologies.

* 70 Adoptée en première lecture au Sénat le 25 octobre dernier.

* 71 Auparavant, aucun dispositif équivalent n'était prévu pour ces professions. Sur 70 procédures collectives ouvertes en 2006, 40 ont concerné des personnes physiques exerçant à titre libéral, contre 23 procédures collectives sur 40 ouvertes au cours du premier semestre 2007.

* 72 Un magistrat, magistrat honoraire ou professeur de droit, un magistrat de l'ordre judiciaire et un professeur de droit enseignant dans un institut d'études judiciaires.

* 73 Notamment être de nationalité française et titulaire d'un diplôme sanctionnant une formation d'au moins quatre années d'études supérieures après le baccalauréat.

* 74 Modifiant le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature.

* 75 Rapport d'information n° 383 de MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier (session 2006-2007) précité.

* 76 Article 27.

* 77 Article 18 (élaboration par le Conseil supérieur de la magistrature d'un recueil des obligations déontologiques des magistrats), article 19 (avis du Conseil supérieur de la magistrature en cas de départ dans le secteur privé).

* 78 Modifiant l'arrêté du 10 octobre 2001 relatif à l'organisation en bureaux des sous-directions de la direction des services judiciaires et de la mission modernisation.

* 79 Pour 2006, on recense 5 agressions physiques ayant conduit à des interruptions temporaires de travail sur 368 incidents.

* 80 L'instruction de cette affaire est en cours.

* 81 Le montant total des crédits de paiement affectés aux opérations immobilières s'élève à 121 millions d'euros dont 73,2 sont dédiés aux opérations suivies en mode déconcentré.

* 82 Ce couple a été condamné à 4 mois d'emprisonnement dont 2 fermes et 6 mois d'emprisonnement dont 3 fermes.

* 83 « Quels moyens pour quelle justice ? » - Rapport d'information n° 49 de M. Pierre Fauchon (session 1996-1997) sur les moyens de la justice.

* 84 Décret n° 2005-1201 du 23 septembre 2005.

* 85 Réponse à une question écrite de M. Simon Sutour publiée au Journal Officiel du 18 octobre 2007, page 1882.

* 86 Ceux-ci pouvant être appelés à exercer les fonctions de juge correctionnel, juge d'instruction, juge aux affaires familiales ou encore juge de l'exécution.

* 87 En juillet 2007, le nombre de juges de proximité en exercice s'élevait à 571 en fonction dans 323 juridictions de proximité.

* 88 Objectif n° 1 « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile » et objectif n° 2 « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale ».

* 89 Un tableau figurant en annexe retrace l'activité civile des juridictions de première instance et distingue pour les tribunaux de grande instance les grandes familles de contentieux.

* 90 Qui mesure la durée maximum, en mois, nécessaire pour traiter les affaires civiles en stock.

* 91 Ce délai est exprimé en mois et permet de mesurer le nombre de mois nécessaires pour écouler le stock.

* 92 Pour 2007, il s'agit d'une prévision de dépenses, le montant de la dotation ouverte en loi de finances initiale s'élevant à 323 millions d'euros.

* 93 + 2,1 % contre 6 % entre 2004 et 2005 et 10 % entre 2003 et 2004.

* 94 Intervenu depuis le 1er janvier 2005.

* 95 Cette obligation de quitter le territoire français a été introduite par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. Un projet de décret devrait fixer le barème de rétribution de l'avocat applicable.

* 96 Lorsqu'une décision d'isolement d'office ou de prolongation est envisagée, le détenu et, le cas échéant, son avocat peuvent présenter des observations.

* 97 Ces plafonds sont calculés à partir de la moyenne mensuelle des revenus perçus en 2006.

* 98 A ces montants s'ajoutent 155 euros pour chacune des deux premières personnes vivant au domicile du demandeur et 98 euros à partir de la troisième.

* 99 Article 27 de la loi de 1991.

* 100 Circulaire du 12 janvier 2005 ayant invité les juridictions à faire une application plus uniforme des critères d'admission à l'aide juridictionnelle dans le cadre des procédures familiales et circulaire du 25 février 2005 relative à l'enregistrement et à l'instruction des demandes d'aide juridictionnelle.

* 101 En 2005, 513 décisions de retrait de l'aide juridictionnelle ont été prononcées (+ 60 % par rapport à 2004). Sur la base d'un coût moyen d'une admission de 370 euros l'économie correspondante est d'environ 70.300 euros. En 2006, 679 décisions de retrait ont été prononcées, soit une progression de 32,4 % par rapport à 2005, ce qui a procuré une recette supplémentaire de 61.420 euros.

* 102 Ratifiée par la loi du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique.

* 103 Décret n° 2007-1151 du 30 juillet 2007 et circulaire du 12 septembre 2007.

* 104 Comme l'avait d'ailleurs souligné votre rapporteur pour avis dans son rapport n° 160 (session 2006-2007) sur la loi du 19 février 2007 : la couverture des contrats d'assurance ne s'étend généralement pas aux litiges de la vie quotidienne (affaires familiales, droit des successions et droit fiscal) qui sont les principaux domaines dans lesquels l'aide juridictionnelle est accordée.

* 105 Article 43.

* 106 Cet audit a été établi par l'inspection générale des services judiciaires et la mission de contrôle général économique et financier avec le concours du cabinet Deloitte.

* 107 La loi de 1991 a confié aux barreaux la gestion des fonds versés par l'Etat pour la rétribution des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle. Cette dotation est versée à la CARPA, qui assure le règlement des rétributions dues aux avocats.

* 108 « L'aide juridictionnelle - réformer un système à bout de souffle » - rapport d'information sur l'aide juridictionnelle n ° 23 (session 2007-2008), page 64.

* 109 Le régime de ces protocoles, défini aux articles 91 et 132-6 du décret du 10 décembre 1991 ne précise pas par exemple le contenu des engagements réciproques entre le barreau et les juridictions, les conditions d'homologation par le ministère de la justice ou encore les critères de fixation du taux de majoration.

* 110 2 unités de valeur majorées de 3 unités de valeur en présence d'une partie civile ou représentée par un avocat.

* 111 Dont 11 situées outre-mer.

* 112 Dont les crédits s'élèvent à un peu plus de 497 millions d'euros.

* 113 Ces fonds de concours d'un montant de 0,38 million d'euros proviennent principalement du produit de la vente d'arrêts et des conclusions des commissaires du gouvernement par le Conseil d'Etat ainsi que de la participation financière des collectivités locales à certaines opérations immobilières concernant les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

* 114 Respectivement consacrées au Conseil d'Etat, aux cours administratives d'appel et aux tribunaux administratifs.

* 115 Qui sont au nombre de quatre (section de l'intérieur, section des finances, section des travaux publics et section sociale).

* 116 Depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992.

* 117 86 magistrats ont été affectés dans ces cours entre 2003 et 2007, dont 28 à la cour de Versailles.

* 118 Voir infra pour le détail des contrats d'objectifs B - 1 de la présente partie.

* 119 Tels que le tribunal administratif de Melun, celui de Paris ou encore celui de Versailles.

* 120 19.577 au 31 décembre 2006. Après le tribunal administratif de Paris, il s'agit du stock le plus important.

* 121 + 26 % en 2006, + 23 % en 2005 et + 38 % en 2004.

* 122 Un ETPT correspond à deux emplois budgétaires, compte tenu du fait que les recrutements interviennent en milieu d'année.

* 123 Dont 11 de catégorie A, 10 de catégorie B et 10 de catégorie C.

* 124 33 postes de magistrats (soit 47,5 ETPT -si on prend en compte l'extension en année pleine des créations d'empois de 2008- restent à créer) et 55 postes (soit 69 ETPT si on prend en compte les extensions en année pleine des créations d'emplois 2008) restent ainsi à obtenir au titre de la LOPJ en 2009.

* 125 Dont 170 en 2003 contre 15 en 2004 et en 2005, 4 en 2006 et 6 en 2007.

* 126 Article 1 er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat.

* 127 Désormais ouvert aux directeurs d'hôpitaux.

* 128 Cette part fixe est forfaitaire, versée mensuellement, exprimée en pourcentage du traitement brut (calculée en fonction de l'indice réel du magistrat et non plus de l'indice moyen du grade comme auparavant).

* 129 Cette prime, mise en place depuis le 1er janvier 1998, est versée annuellement. Son attribution est décidée par le chef de juridiction, en fonction de la quantité et de la qualité du travail fourni par le magistrat.

* 130 Cette somme a financé des travaux d'aménagement destinés à rendre les locaux compatibles avec le fonctionnement d'une juridiction administrative.

* 131 Il s'agit de l'hôtel Silhol qui accueillait le commissariat de police de la ville de Nîmes.

* 132 Le montant total de crédits d'investissement pour 2008 s'élève à 8,4 millions d'euros.

* 133 Voir notamment avis n° 83 de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour, Tome III, session 2006-2007.

* 134 Depuis plusieurs années, la somme inscrite en loi de finances initiale est systématiquement abondée en fin d'année dans le cadre du collectif budgétaire pour couvrir les dépenses réelles.

* 135 Annexe Conseil et contrôle de l'Etat - page 26.

* 136 Ces statistiques ne prennent pas en compte les requêtes en appel à l'encontre des reconduites à la frontière pour tenir compte du transfert de ce contentieux aux cours administratives d'appel depuis le 1 er janvier 2005.

* 137 Le projet annuel de performance précise qu'il s'agit d'une précision.

* 138 Chaque contrat alloue des moyens supplémentaires (créations d'emplois, affectation d'assistants de justice, investissements immobiliers, crédits de fonctionnement, renforcement des moyens informatiques) à la cour signataire sur la période 2003-2007. En contrepartie, cette cour s'engage sur des objectifs précis en vue de moderniser ses méthodes de travail et réduire ses délais de jugement.

* 139 Dont le délai de jugement s'établit à 11 mois, ce qui va au-delà de l'objectif de la programmation quinquennale.

* 140 Le nombre d'affaires réglées par magistrat des tribunaux administratifs décroît de quelques unités passant de 261 à 258 entre 2005 et 2006.

* 141 Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 142 Cette loi a ouvert la possibilité d'introduire un recours juridictionnel à toute personne dont la demande de logement aura été reconnue comme prioritaire et comme devant être satisfaite d'urgence par la commission de médiation et qui n'aura pas reçu dans un certain délai une offre de logement, de relogement ou d'accueil dans une structure adaptée tenant compte de ses besoins et de ses capacités.

* 143 Avis n° 175 (session 2006-2007).

* 144 Notamment en instaurant un délai de quinze jours au-delà duquel il n'est plus possible de présenter un mémoire complémentaire annoncé par le requérant.

* 145 Seraient ainsi visées les requêtes à l'appui desquelles les moyens de légalité externe sont manifestement infondés, les moyens sont inopérants ou encore ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

* 146 L'article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives a prévu la mise en place d'un recours administratif préalable obligatoire en cas de litige entre l'administration et ses agents, sauf pour les actes relatifs au recrutement ou à l'exercice du pouvoir disciplinaire. Ce mécanisme n'existe que pour la fonction publique militaire.

* 147 Par le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000. Outre le président choisi parmi les personnes ayant exercé les fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire, cette instance comprend un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative, un représentant du ministre des affaires étrangères, un représentant du ministre chargé de la population et des migrations et un représentant du ministre de l'intérieur.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page