B. UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES PLUS DYNAMIQUE

1. Un recrutement de magistrats plus diversifié, une formation plus exigeante

Au cours de son audition devant votre commission, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, a tenu à souligner l'importance qu'elle attachait à la formation initiale, chantier essentiel de modernisation.

Plusieurs initiatives en faveur d'un recrutement plus diversifié et d'une formation des magistrats plus exigeante méritent d'être signalées.

Dans le prolongement de la loi organique du 5 mars 2007 qui a ouvert plus largement le corps judiciaire à des candidats d'expérience, le garde des sceaux a décidé d'ouvrir une classe préparatoire intégrée, placée sous la responsabilité de l'ENM en partenariat avec l'ENG, pour diversifier le profil des candidats recrutés par concours.

Comme l'a précisé Mme Rachida Dati au cours de son audition, le 13 novembre dernier, ce dispositif destiné à promouvoir l'égalité des chances s'adresse à de jeunes diplômés issus de milieux défavorisés. 15 candidats sélectionnés par une commission présidée par le directeur de l'ENM et trois autres membres 72 ( * ) seront accueillis dans les locaux parisiens de l'ENM dès janvier prochain. Outre les conditions requises pour présenter le concours de la magistrature 73 ( * ) , cinq critères de sélection ont été définis : la justification du diplôme exigé pour accéder à la magistrature, la motivation des candidats, les résultats obtenus dans le cadre des études accomplies antérieurement, l'origine géographique et les ressources du candidat et de sa famille. La scolarité dure 9 mois. Les élèves admis peuvent solliciter sous certaines conditions l'attribution d'une allocation de 2.000 euros.

La formation initiale des auditeurs de justice évolue également dans le sens d'une plus grande ouverture sur le monde qui se traduit par :

- la mise en place d'un enseignement spécifique dans le domaine de la psychologie , afin de sensibiliser les futurs magistrats aux réalités qu'ils devront affronter ; depuis le 1 er juin 2006, un docteur en psychologie dispense cette discipline ;

- une diversification du corps enseignant jusqu'à présent exclusivement composé de magistrats détachés pour une durée de 3 à 6 ans. Le décret n° 2007-591 du 24 avril 2007 74 ( * ) permet le recrutement de magistrats hors hiérarchie et de collaborateurs, issus du corps judiciaire ou non, qui peuvent intervenir régulièrement, tout en conservant leur activité professionnelle principale. Ce dispositif, appliqué depuis mai dernier, a permis le recrutement de trois magistrats en poste en juridictions qui interviennent dans le cadre de l'apprentissage de la fonction de juge des enfants. Le recrutement d'un professeur de médecine légale et d'un avocat est par ailleurs prévu ;

- le développement d'une culture commune entre les magistrats et les avocats ; cette évolution s'est traduite par l'accueil à l'ENM de 18 élèves avocats issus de sept centres régionaux de formation professionnelle des avocats, par l'instauration d'enseignements consacrés spécifiquement aux droits de la défense au cours de la scolarité à l'ENM et enfin, par l'allongement de la durée du stage d'immersion au sein de la profession d'avocat -porté de huit semaines à 6 mois- en application de l'article 3 de la loi organique de mars 2007 applicable à compter du 1 er janvier prochain. Une convention cadre entre l'ENM, le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers doit préciser les modalités et le contenu de ce stage.

En outre, le ministère de la justice a engagé une réflexion pour améliorer les conditions dans lesquelles les magistrats débutent leur carrière et choisissent leur première affectation .

Cette préoccupation rejoint l'analyse de votre commission pour avis. Dans le cadre de la mission constituée en son sein sur le recrutement et la formation initiale des magistrats, elle a en effet préconisé de doter les magistrats débutants d'un statut plus adapté à leur situation et mieux à même de répondre aux besoins des juridictions en :

- instaurant une période probatoire, soumise à une évaluation régulière menée conjointement par les chefs de juridiction et des représentants de l'Ecole nationale de la magistrature pendant au moins deux ans, voire trois en cas de difficulté, à l'issue de la formation (recommandation n° 19) ;

- définissant des modalités d'affectation propres aux magistrats débutants dénommés « magistrats référendaires » ; lors de l'examen de sortie de l'Ecole, les magistrats référendaires choisiraient leur juridiction d'affectation, à charge pour les chefs de la cour d'appel du ressort de les nommer prioritairement dans des fonctions du parquet ou, subsidiairement, en collégialité au siège (recommandation n° 20) 75 ( * ) .

2. Une gestion des carrières plus active

Il est intéressant de noter que certaines innovations prévues par la loi organique du 5 mars 2007 telles que l'instauration de la mobilité obligatoire 76 ( * ) ou le renforcement des règles déontologiques 77 ( * ) ont conduit à une réorganisation des services du ministère de la justice .

L'arrêté du 30 juillet 2007 78 ( * ) a procédé à une profonde réforme d'organisation qui a abouti à la création d'une sous-direction des ressources humaines.

Ce service se structure en trois départements chargés :

- de la mobilité interne, de l'évaluation et de la valorisation des compétences ; ce service assure la gestion des mouvements des magistrats affectés en juridiction ainsi que la préparation des nominations et affectations des juges de proximité. Il comprend également une section chargée du suivi des carrières et de la gestion des emplois  à laquelle il incombe de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du corps judiciaire (qui n'existait pas jusqu'alors) et de fournir aux magistrats une prestation de conseil et d'orientation tout au long de leur carrière ;

- de l'appui et du suivi des mobilités externes, des nominations à l'administration centrale et outre-mer ; ce département a notamment pour mission de « mettre en oeuvre la politique de mobilité externe vers les trois fonctions publiques, les entreprises publiques ou privées, les personnes morales de droit privé assurant des missions d'intérêt général et les organisations ou entités publiques internationales » ; comme l'a indiqué le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, la mobilité externe rendue obligatoire par le législateur suppose de développer une politique plus volontariste et prospective en matière de détachement, notamment en vue de valoriser les compétences susceptibles d'être acquises pendant cette sortie du corps judiciaire. Actuellement, le nombre de magistrats qui exercent en dehors de l'institution judiciaire se répartit entre 73 magistrats mis à disposition et 168 juges en détachement ;

- du statut, de la déontologie et des affaires générales.

Un second chantier de réflexion en cours concerne l'amélioration des conditions d'exercice des fonctions de chef de juridiction (président et procureur de la République).

L'accroissement des responsabilités administratives et l'introduction de nouvelles méthodes de gestion budgétaire, exercées dans un environnement social et institutionnel de plus en plus exigeant, ont en effet modifié la nature des missions dévolues aux chefs de juridiction.

Cette situation impose que les responsables des tribunaux soient dotés d'une vision globale et stratégique de l'institution judiciaire et d'une « culture du management ». Or, les règles de nomination et de formation des magistrats sont en décalage avec ces impératifs.

Un groupe de travail présidé par M. Guy Canivet, à l'époque premier président de la Cour de cassation, mis en place par M. Pascal Clément, alors ministre de la justice, a élaboré un rapport rendu public en février 2007 suggérant :

- de détecter les futurs chefs de juridiction et de parquet dès les premières années d'exercice professionnel ;

- d'identifier les magistrats aptes à exercer des fonctions d'administration judiciaire et de leur dispenser une formation préalable à l'accès à leurs responsabilités ; cette formation tendrait à ouvrir ces professionnels sur le monde économique et social, leur donner une vision stratégique de la justice et leur faire prendre conscience des enjeux liés à l'espace judiciaire européen ; elle prendrait la forme d'un cycle d'études stratégiques sur la justice qui serait réservé à un groupe de 80 personnes issues du milieu juridique et judiciaire dont les futurs chefs de juridiction représenteraient la moitié de l'effectif ;

- dans un troisième temps, immédiatement après leur nomination, ces responsables suivraient une nouvelle formation professionnelle dispensée à l'ENM qui serait centrée sur l'administration de la justice.

Au cours de son audition, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, a indiqué qu'elle avait chargé le directeur de l'ENM de réfléchir à la mise en place de cette réforme. En outre, il entre dans les missions de la nouvelle direction des ressources humaines de détecter les magistrats « à potentiel » susceptibles de devenir chefs de juridiction.

* 72 Un magistrat, magistrat honoraire ou professeur de droit, un magistrat de l'ordre judiciaire et un professeur de droit enseignant dans un institut d'études judiciaires.

* 73 Notamment être de nationalité française et titulaire d'un diplôme sanctionnant une formation d'au moins quatre années d'études supérieures après le baccalauréat.

* 74 Modifiant le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature.

* 75 Rapport d'information n° 383 de MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier (session 2006-2007) précité.

* 76 Article 27.

* 77 Article 18 (élaboration par le Conseil supérieur de la magistrature d'un recueil des obligations déontologiques des magistrats), article 19 (avis du Conseil supérieur de la magistrature en cas de départ dans le secteur privé).

* 78 Modifiant l'arrêté du 10 octobre 2001 relatif à l'organisation en bureaux des sous-directions de la direction des services judiciaires et de la mission modernisation.

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