B. LA LOLF, FACTEUR DE PROGRÈS POUR L'INSTITUTION JUDICIAIRE

1. Des frais de justice maîtrisés, une révolution culturelle en marche

? Un poste budgétaire désormais contenu...

Evolution de la dépense des frais de justice
2000-2007

Source : Ministère de la justice

Entre 2002 et 2005, la dépense au titre des frais de justice a considérablement progressé (+ 68 %), en particulier s'agissant des frais de justice pénale (+ 82 %).

L' année 2006 , première année de mise en oeuvre de la LOLF, marque une rupture avec cette tendance structurelle à la hausse. Pour la première fois, ces dépenses -dont le caractère évaluatif est devenu limitatif 28 ( * ) - ont décru significativement (22 %) , passant de 487 à 379,4 millions d'euros. Cette évolution est remarquable au regard des trois exercices budgétaires précédents, caractérisés par une inflation de 20 % chaque année .

Les frais de justice en matière pénale 29 ( * ) constituent le volume de dépenses le plus important ( 70 % des frais de justice en 2006, soit un peu plus de 262 millions d'euros). Ces crédits passés de 367 à 262 millions d'euros ont accusé la baisse la plus spectaculaire -près de 29 % .

Le deuxième poste de dépenses est constitué par les frais inscrits dans l'action soutien (près de 71 millions d'euros) 30 ( * ) .

Les frais de justice en matière civile et commerciale s'élèvent à un peu plus de 46 millions d'euros. En matière commerciale, on observe une forte diminution du montant des dépenses (23,2 millions d'euros) qui compense la forte hausse observée en 2004 et en 2005 (+ 24 %). Cette évolution s'explique par une raison conjoncturelle liée au fait que les cours d'appel, avant l'entrée en vigueur de la LOLF, avaient sollicité les greffes des tribunaux de commerce pour obtenir la présentation de toutes les demandes de remboursements, provoquant ainsi un surcroît de dépenses au cours d'un même exercice.

L'enveloppe allouée pour l'année 2007 atteint près de 393 millions d'euros . Selon le ministère de la justice, la dépense réelle devrait se situer à un niveau proche de la dotation budgétisée, à savoir 390 millions d'euros. Le taux de consommation des crédits s'élevait en effet, au 30 juin 2007, à 49,4 % (soit 192,5 millions d'euros).

Pour 2008, la dotation budgétaire des frais de justice, fixée à 405 millions d'euros , se répartit comme suit :

- 278 millions d'euros destinés aux frais de justice en matière pénale ; deux raisons expliquent l'augmentation de ce poste de dépenses par rapport à 2007 31 ( * ) .

D'une part, doit être financée la prochaine revalorisation de certains tarifs définis par le code de procédure pénale 32 ( * ) . Il s'agit notamment du tarif des interprètes et des traducteurs, des administrateurs ad hoc désignés pour assurer la protection des intérêts des mineurs, des huissiers audienciers et des experts psychiatres.

A cet égard, votre rapporteur pour avis note avec satisfaction que les difficultés liées au retard de paiement des jurés, experts et interprètes semblent désormais résolues. Le ministère de la justice a indiqué que l'allongement du délai de paiement des mémoires de frais de justice constaté au cours du premier semestre 2006 s'expliquait par le contexte exceptionnel de la mise en oeuvre des règles budgétaires nouvelles. Cette situation ne s'est pas reproduite cette année et le traitement des mémoires de frais de justice s'est normalisé, le ministère de la justice ayant veillé à ce que la mise en paiement de ces dépenses s'accélère.

D'autre part, l'adoption de réformes récentes engendre des frais de justice supplémentaires . Tel est en particulier le cas des obligations et mesures nouvelles susceptibles d'être prononcées dans le cadre des modes alternatifs aux poursuites ou du contrôle judicaire imposées par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs . Ce texte induit également des frais de justice supplémentaires une fois la personne condamnée. Son coût est estimé à près de 2 millions d'euros.

Une mesure nouvelle d'un montant de 1,8 million d'euros est par ailleurs inscrite au projet de budget pour tenir compte de l'augmentation du nombre de compositions pénales prononcées (50.430 en 2006 contre 6.755 en 2002).

En revanche, comme le signale l'annexe justice au projet de loi de finances pour 2008, l'impact budgétaire de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, difficile à évaluer, n'est pas pris en compte.

Parallèlement, le ministère de la justice attend des économies estimées à 3 millions d'euros ;

- 49 millions d'euros sont alloués aux frais de justice en matière civile, commerciale et prud'homale 33 ( * ) .

En matière civile, un peu plus de 22 millions d'euros sont prévus pour couvrir principalement les frais occasionnés en matière de tutelle et de curatelle des majeurs et de sauvegarde de la justice, des frais ordonnés dans le cadre du contentieux de l'autorité parentale et de l'enfance en danger et des frais de procédure liés au rétablissement personnel.

Le projet de budget pour 2008 prévoit en particulier de financer le premier impact de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, dont une mesure transitoire a prévu la caducité des mesures de protection juridique ouvertes avant le 1 er janvier 2009 qui n'auraient pas été révisées avant le 7 mars 2012. Or, la procédure de révision nécessite l'établissement d'un certificat médical dont le coût est susceptible d'être avancé par l'État. Le ministère de la justice, estimant que le réexamen des ces mesures devrait représenter un stock de 700.000 dossiers, a décidé d'allouer une dotation spécifique dans l'hypothèse où les juges d'instance souhaiteraient dès 2008 procéder à une révision de ces mesures ;

- 300.000 euros sont prévus pour compenser les frais de justice de la Cour de cassation, répartis principalement entre des frais postaux, des honoraires liés aux expertises pénales et d'autres rémunérations intermédiaires et d'honoraires occasionnés par l'audition des témoins et les significations arrêts ;

- 2 millions d'euros sont consacrés aux frais de justice liés au fonctionnement du casier judiciaire (essentiellement des frais postaux) ;

- et enfin, 76 millions d'euros correspondent aux frais de justice de l'action soutien (frais postaux essentiellement).

L'estimation du gouvernement qui anticipe une légère hausse des frais de justice (+ 3 %) paraît réaliste. Elle devrait permettre aux juridictions de traiter les affaires dans des conditions satisfaisantes.

?... grâce à la mobilisation de tous les acteurs de l'institution judiciaire

Les efforts engagés depuis deux ans en faveur d'un meilleur contrôle de la dépense se sont intensifiés, permettant de substantielles économies.

Ainsi, les acteurs de l'institution judiciaire ont démontré leur capacité à s'adapter aux contraintes nouvelles engendrées par la LOLF en modernisant leurs méthodes de travail pour répondre à des exigences nouvelles, tournées vers une gestion plus responsable.

L'administration centrale a poursuivi ses initiatives en vue d'enrayer l'accroissement de ces frais .

Un travail de sensibilisation du personnel judiciaire a été mis en oeuvre. M. Marc Moinard, Secrétaire général du ministère de la justice, s'est rendu dans de nombreuses juridictions rencontrant plus de 1.000 magistrats et fonctionnaires des juridictions dans le cadre d'ateliers sur les frais de justice donnant lieu à de nombreux échanges.

Une concertation étroite a par ailleurs été engagée avec les services du ministère de l'intérieur et de la défense pour qu'ils diffusent une large information aux services enquêteurs sur la problématique des frais de justice.

Plusieurs outils de suivi et d'analyse ont été développés . Un site intranet consacré aux frais de justice créé par la direction des services judiciaires apporte aux juridictions des réponses concrètes et pratiques sur la tarification et la définition de la jurisprudence des chambres de l'instruction et de la Cour de cassation . Ce dispositif apporte une aide précieuse aux magistrats et fonctionnaires qui doivent en effet traiter des mémoires de frais de plus en plus techniques.

Un observatoire des frais de justice , institué au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces, mis en ligne depuis septembre dernier, permet aux juridictions d'isoler certains coûts importants et de les rapporter aux spécificités locales liées à la nature des contentieux traités, aux politiques pénales menées par les juridictions ou à des éléments conjoncturels.

Le ministère de la justice s'efforce d'adopter des textes réglementaires permettant de ralentir l'évolution des frais de justice . Ainsi, en matière civile, un décret procédant à une tarification des enquêtes sociales, par dérogation au principe de l'absence de tarif en matière civile, devrait être publié. De même, le décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 34 ( * ) a procédé à la révision du tarif des greffiers des tribunaux de commerce et forfaitisé les frais de greffe pour faciliter les contrôles et mieux maîtriser ces dépenses, tout en définissant le champ des frais susceptibles d'être avancés par l'État en dehors du cadre des procédures collectives (frais de copie, droit, redevances et émoluments ou frais liés à la tenue du registre du commerce des sociétés).

Les avancées les plus spectaculaires concernent le domaine des réquisitions téléphoniques dont le coût s'est réduit de près de la moitié (-44 %), passant de 70 à 38 millions d'euros (hors location de matériel d'interception) entre 2005 et 2006 35 ( * ) .

La publication de l'arrêté du 22 août 2006 (article R. 213-1 du code de procédure pénale) a fixé les tarifs applicables conformément au principe de « juste rémunération ». Ce texte a permis des économies budgétaires significatives.

Cette politique du ministère de la justice a été mal acceptée par les opérateurs de téléphonie mobile, qui ont été à l'origine de nombreuses contestations à l'encontre des ordonnances des juges qui ordonnent les mises sur écoutes téléphoniques. Ce contentieux a engorgé les chambres de l'instruction chargées de ce contentieux 36 ( * ) .

La jurisprudence a rapidement permis de préciser l'état du droit. Dans un arrêt du 23 janvier 2007, la Cour de cassation a confirmé que l'arrêté de tarification s'appliquait immédiatement aux procédures en cours, conformément à l'article 112-2 du code pénal. Le Conseil d'État, saisi de recours formés contre cet arrêté, dans une décision du 7 août 2007, a validé le texte, à l'exception du dispositif prévu pour deux prestations peu courantes pour lesquelles le recours à un devis était prévu 37 ( * ) .

Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur pour avis que, compte tenu de la jurisprudence récente, certains opérateurs avaient l'intention de se désister de leur recours.

Un nouveau type de réquisition -les réquisitions liées à l'internet- devrait également connaître une forte expansion. La définition d'un référentiel de prestations et d'une tarification inspirée de ce qui prévaut pour les réquisitions téléphoniques est en cours.

Parallèlement, une nouvelle architecture technique centrale dans le domaine des interceptions judiciaires a été mise en place, ce qui a également permis de réduire les dépenses en ce domaine. Ce chantier représente un coût total de 17,6 millions d'euros financés sur plusieurs années (2006 à 2010). Pour 2008, une enveloppe d'un montant de 1,2 million d'euros est prévue 38 ( * ) .

La mise en place de centrales d'écoutes au niveau local a remplacé les ouvertures de lignes téléphoniques provisoires opérées par France Telecom.

De plus, le décret n° 2007-1145 du 30 juillet 2007 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « système de transmission d'interceptions judiciaires » (STIJ) a permis l'installation d'un serveur unique permettant notamment de révéler le contenu des mini messages (SMS).

Deux marchés visant à la mise en place d'un système d'interceptions offrant des prestations plus nombreuses et diversifiées que le STIJ sont en cours.

Les initiatives du ministère de la justice dans le domaine des empreintes génétiques méritent également d'être signalées, ce poste de dépenses (20,5 millions d'euros en 2006) ayant diminué de 14 % en 2006 alors que le nombre d'expertises croît. La réduction du coût moyen de l'acte -passé de 300 à 50 euros- est à cet égard remarquable.

Des négociations tarifaires expliquent cette évolution encourageante. Elles ont en particulier permis de conclure un marché pour les prestations d'analyse de prélèvements biologiques effectués sur les individus, en vue de la saisie des empreintes génétiques dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Au niveau local, les juridictions judiciaires ont vigoureusement relayé les initiatives du ministère de la justice . A cet égard, magistrats et fonctionnaires n'ont pas hésité à renouveler leurs méthodes de travail , pour ralentir la hausse des frais de justice. Il est remarquable de constater que magistrats et fonctionnaires des greffes se sont pleinement investis dans ce chantier.

Pour le procureur de la République du tribunal de grande instance de Lyon, M. Xavier Richaud, rencontré par votre rapporteur pour avis, la prise de conscience de la nécessaire régulation de ces dépenses a cédé le pas aux résistances exprimées initialement.

Ce responsable a souligné la réelle sensibilisation des personnels au coût de leurs décisions , notant que la qualité des enquêtes ne s'était pas dégradée. Il a indiqué que la juridiction interrégionale spécialisée de Lyon et les services d'instruction - services principalement dépensiers en ce domaine- estimaient que la limitation des frais de justice n'avait pas entravé leur liberté d'action . Le représentant de FO- magistrats au cours de son audition a fait valoir un constat plus nuancé, estimant que le caractère limitatif des frais de justice permet d'exercer une forme de contrôle sur l'activité juridictionnelle. Il a fait valoir que la justice n'était pas une administration dont l'activité est prévisible, après avoir souligné que la LOLF n'offrait pas un cadre budgétaire adapté aux spécificités de l'institution judiciaire.

Toutes les cours d'appel et tribunaux de grande instance ont rapidement développé le réseau des référents frais de justice . Ce dispositif a permis des échanges très réguliers entre les magistrats prescripteurs et la cour d'appel. Ce dialogue constant a permis une diffusion rapide de l'information et des bonnes pratiques et une mobilisation constante de tous les acteurs de la chaîne de la dépense. Les personnels du service administratif régional de la cour d'appel de Lyon rencontrés par votre rapporteur pour avis ont confirmé l'impact positif de ce réseau, très actif.

Les procureurs de la République des tribunaux de grande instance de Lyon et de Dijon ont également indiqué que les magistrats exigeaient systématiquement des devis préalables avant d'autoriser le recours aux prestations financées au titre des frais de justice. En outre, les magistrats instructeurs exercent un contrôle plus strict sur les mémoires de frais présentés par les prestataires.

Le souci de maîtrise des frais de justice a également incité les magistrats du parquet à assurer un suivi plus étroit de l'activité des officiers de police judiciaire . D'ailleurs, M. Olivier Etienne, secrétaire général au parquet général de la cour d'appel de Lyon, a fait observer que si les magistrats n'avaient pas ressenti de contrainte excessive sur le déroulement des enquêtes, tel n'était pas le cas des officiers de police judiciaire, parfois conduits à restreindre leurs investigations. En outre, le parquet veille à ce que certaines charges indues ne soient plus comptabilisées dans cette catégorie de dépense.

L'approche du parquet en matière d'enquête devient plus pragmatique comme l'a expliqué le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nanterre. Le ministère public est fréquemment conduit à s'interroger sur la valeur ajoutée des actes d'enquête dans chaque procédure. Ainsi, le coût d'une expertise est de plus en plus souvent rapporté à l'enjeu financier de l'affaire dans le cadre de laquelle cet acte sera ordonné. Des magistrats de ce tribunal ont néanmoins souligné que ces pratiques pouvaient donner le sentiment de ne plus approfondir certaines enquêtes.

Enfin, des initiatives ont été entreprises pour réduire les frais de scellés. Les mises sous scellés sont désormais cantonnées aux seuls objets indispensables à la procédure. Ces efforts expliquent une grande partie de la baisse de ces dépenses en 2006 (-32 %).

2. La remise à plat de l'indemnisation des conseillers de prud'hommes, un chantier en cours

L'indemnisation des conseillers de prud'hommes a été fixée en 1982 par des textes législatifs et réglementaires, dont l'interprétation a conduit au fil des années à la mise en place de pratiques disparates sur le territoire national et à une maîtrise de plus en plus difficile des dépenses occasionnées à ce titre.

Le régime d'indemnisation des conseillers prud'homaux

L'indemnisation des conseillers prud'homaux s'effectue sur la base des déclarations effectuées par les intéressés. Ils sont indemnisés de leurs activités par le versement de vacations ou, s'il s'agit de conseillers salariés exerçant leur activité pendant leur temps de travail, par le maintien de leur salaire.

Le versement des vacations versées aux conseillers salariés, hors de leur temps de travail, et aux conseillers employeurs, pendant et hors de leur temps de travail, est effectué sur la base d'un état établi par le greffier en chef à l'aide des renseignements portés sur le registre nominatif. En cas de difficulté sur l'appréciation des temps de présence au conseil, il appartient au président et au greffier en chef de trouver un compromis en concertation avec le conseiller concerné.

En pratique, le coût moyen par affaire donne lieu à des écarts significatifs selon les conseils prud'homaux. Ainsi, le temps consacré à l'étude de dossier préalable à l'audience varie considérablement d'un collège à l'autre dans une même juridiction (1.615 heures d'études de dossier pour le collège employeur contre 8.279 heures pour le collège salarié). De même, le nombre de dossiers examinés par séance varie fortement d'une juridiction à l'autre (au sein de la cour d'appel de Lyon, ce nombre oscille entre moins d'une affaire (conseil prud'homal de Firminy) et 8,2 affaires (conseil prud'homal de Saint-Etienne).

Les dépenses consacrées aux vacations des conseillers prud'homaux et aux remboursements des salaires maintenus ont augmenté de 25 % entre 1999 et 2004. Cette évolution contraste avec l'activité des juridictions prud'homales -en légère baisse entre 1999 et 2003 et en légère progression en 2004. La Cour des comptes a dénoncé cette situation dans deux référés du 13 février 1998 et du 10 janvier 2000.

De plus, les frais de déplacement -dont le régime juridique n'est pas suffisamment précis- ont explosé, augmentant de près de 137 % entre 1986 et 2004.

La nécessaire optimisation de l'utilisation des dépenses publiques induite par la LOLF a incité le ministère de la justice à réformer ce système peu transparent. A l'instar des frais de justice, ces crédits évaluatifs ont en effet revêtu un caractère limitatif qui impose d'en contrôler l'évolution. Il est ainsi apparu nécessaire de définir les dépenses selon des critères rationnels et uniformes.

Cette démarche fait suite à des initiatives locales, menées à titre expérimental, pour identifier les facteurs d'inflation de ces dépenses et instaurer un dialogue avec les conseillers prud'homaux.

Constatant à l'échelle du ressort de la cour d'appel de Lyon la diversité des modalités d'indemnisation des conseillers prud'homaux d'une juridiction à l'autre, le service administratif régional a décidé de mesurer plus précisément leur activité.

Ainsi que l'a expliqué à votre rapporteur pour avis M. Michel Cramet, directeur délégué de l'administration régionale judiciaire de la cour d'appel de Lyon, des contrats de procédure avec les juridictions prud'homales ont été mis en place depuis 2004. De même, des informations sur le nombre d'heures consacrées par affaires terminées par les différents conseils du ressort ont été diffusées à l'ensemble du ressort. Cette démarche a eu un impact significatif sur le nombre d'heures déclarées donnant lieu à indemnisation, passées de 20 à 18 heures en trois ans.

Un rapport élaboré en octobre 2005 par M. Henri Desclaux, procureur général honoraire, a proposé des pistes de réforme pour moderniser le régime d'indemnisation des conseillers prud'hommes. Parmi les principales suggestions figurent notamment :

- une nouvelle définition des activités prud'homales indemnisables ;

- la mise en place d'un système déclaratif encadré et la revalorisation du taux de vacation horaire ;

- la prise en charge, dans une certaine limite, des frais de déplacement, sur le modèle de ce qui prévaut pour les magistrats et fonctionnaires.

Sur la base de ce rapport bien accueilli par les organisations syndicales, une réforme a donc été engagée .

Introduit par un amendement présenté par M. Jean-Jacques Hyest et les membres du groupe de l'UMP 39 ( * ) , l'article 51 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social a posé le principe d'une indemnisation fondée sur l'activité réelle des conseillers, notamment en ce qui concerne le temps de rédaction des décisions. Les modalités du dispositif ont été renvoyées au pouvoir réglementaire.

L'application de cette loi est suspendue à la publication des textes nécessaires à son application, actuellement en cours d'élaboration.

Le gouvernement envisage de conserver le mécanisme du maintien du salaire pour les fonctions juridictionnelles exercées pendant les heures de travail. S'agissant de l'indemnisation du temps de rédaction des décisions, un dispositif est à l'étude qui combine un mode déclaratif, qui dépend du seul conseiller rédacteur jusqu'à un certain seuil, et un mode délibératif faisant intervenir la formation de jugement au-delà de ce seuil 40 ( * ) .

En cas de dépassement du nombre d'heures « indemnisables » ou en cas de conflit, il reviendrait au président du conseil de prud'hommes ou au président de section -dans les juridictions les plus importantes- d'évaluer le temps susceptible d'être rétribué.

Au surplus, un plus grand nombre d'activités serait indemnisé, le taux de vacation augmenté et les frais de déplacement mieux pris en charge. Le contrôle du bien-fondé des demandes de versement des vacations serait renforcé.

Cette réforme fait actuellement l'objet d'une concertation avec l'ensemble des syndicats.

Votre rapporteur pour avis souhaite que la refonte de l'indemnisation des conseillers prud'homaux se concrétise rapidement. Cette réforme sera de nature à faciliter la gestion budgétaire des cours d'appel. Elle favorisera au demeurant une plus grande transparence des rémunérations, lesquelles doivent nécessairement refléter le service véritablement rendu à la justice.

Anticipant les effets bénéfiques de cette réforme, le ministère de la justice prévoit pour 2008 une stabilisation des dépenses d'indemnisation des conseillers de prud'hommes , évaluées à 24 millions d'euros, comme en 2007 41 ( * ) .

3. La revalorisation du statut des services administratifs régionaux enfin concrétisée

Depuis 2006, les services administratifs régionaux (SAR) sont devenus des acteurs essentiels de la gestion publique .

Placés sous l'autorité directe des chefs de cour d'appel dont ils sont le « bras armé », ils exercent de nombreuses missions indispensables au bon fonctionnement de l'institution judiciaire .

Depuis leur création en 1996 42 ( * ) , leur vocation traditionnelle consiste à assister les chefs de cour d'appel dans la politique de gestion du ressort (gestion administrative de l'ensemble des personnels, gestion des moyens, gestion de la formation et des concours, gestion du patrimoine immobilier et suivi des opérations d'investissement).

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, ils assument les opérations nouvelles liées à l'ordonnancement secondaire des dépenses gérées par les chefs de cour d'appel 43 ( * ) . Se sont également ajoutées des tâches supplémentaires liées au transfert de la compétence aux chefs de cour d'appel de la responsabilité des marchés publics (fournitures des juridictions, nettoyage ou encore gardiennage) 44 ( * ) . Ils sont enfin chargés du suivi des engagements des frais de justice .

Depuis 2000, 159 emplois ont été créés dans ces services 45 ( * ) . Le renforcement des moyens humains a été constant jusqu'en 2005 puis s'est interrompu à partir de 2006, année au cours de laquelle la charge de travail s'est pourtant considérablement accrue.

Créations d'emplois dans les services administratifs régionaux
-depuis 2000 (situation au 1 er août 2007)-

Année

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

TOTAL

2000

-

33

-

33

2001

-

1

-

1

2003

13

-

-

13

2004

-

35

-

35

2005

-

33

42

75

2006

-

-

-

-

2007

-

-

2

2

Total

13

102

-

44

Source : Ministère de la justice

Depuis deux ans, votre rapporteur pour avis, n'a cessé de souligner le paradoxe selon lequel le transfert de charges nouvelles ne s'est accompagné d'aucun transfert des emplois correspondants alors même que selon le logiciel informatique OUTILGREF 46 ( * ) , les besoins humains supplémentaires induits par la mise en oeuvre de la LOLF ont été évalués à 280 ETPT. En 2007, la loi de finances initiale a autorisé le recrutement de 15 contractuels seulement (8 techniciens informatiques, 6 techniciens en équipement et 1 contrôleur de gestion).

Il est donc permis de se réjouir de ce que le projet de budget pour 2008 prévoit d'étoffer les effectifs des SAR et propose, à cet effet, en y localisant 45 des 175 postes de secrétaires administratifs à pourvoir en 2008.

Un autre motif de satisfaction mérite d'être mis en exergue : le décret relatif aux services administratifs régionaux judiciaires n° 2007-352 a enfin été publié le 14 mars 2007. Votre commission pour avis se réjouit particulièrement de cette avancée qui concrétise une recommandation formulée il y a plusieurs années déjà dans le cadre de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice qu'elle avait constituée en son sein 47 ( * ) .

Ainsi, ce texte revalorise le statut juridique des SAR en consacrant leur existence dans le code de l'organisation judiciaire.

Ce texte érige le coordonnateur du SAR en directeur délégué à l'administration régionale judiciaire (DDARJ). Ses attributions y sont précisément décrites 48 ( * ) . Ce service, désormais distinct de la cour d'appel, bénéficie d'une véritable autonomie budgétaire, tout en disposant d'un personnel dédié (greffiers en chef, agents de catégories B et C, agents placés (A, B et C) et contractuels), placé sous l'autorité du directeur délégué.

Le fonctionnement du SAR repose sur une logique d'équipe, composée du directeur délégué et des responsables de la gestion budgétaire, informatique, des ressources humaines, de la formation et du patrimoine immobilier, qui sont des experts dans chacun de ces domaines de gestion.

M. Michel Cramet, directeur délégué à l'administration régionale judiciaire de la cour d'appel de Lyon s'est félicité de cette avancée, qui offre une reconnaissance statutaire à un service pivot des juridictions judiciaires.

* 28 Article 10 de la LOLF.

* 29 Qui couvrent les dépenses diverses ordonnées sur réquisition ou ordonnance d'expertise délivrées par l'autorité judiciaire pour procéder au traitement des affaires pénales.

* 30 Ces frais regroupent les frais postaux et certaines indemnisations résultant de décisions judiciaires, les frais de justice du casier judiciaire ainsi que certains frais payés par l'administration centrale.

* 31 Le ministère de la justice évalue à près de 250 millions d'euros le montant de la dépense prévisionnelle pour 2007.

* 32 Un projet de décret devrait être prochainement soumis au Conseil d'Etat. Ainsi, s'agissant des experts interprètes, il est envisagé une simplification des règles de tarification en tenant compte des normes professionnelles en vigueur et des sujétions particulières liées aux missions qui leur sont confiées (majoration de l'heure de traduction effectuée la nuit, le samedi, le dimanche et les jours fériés) et des outils informatiques utilisés.

* 33 Qui ne représentent qu'une part minime de la dépense (moins de 145.000 euros).

* 34 Relatif au tarif des greffiers des tribunaux de commerce et modifiant le code de commerce.

* 35 Pour mémoire, cette dépense a cru de manière spectaculaire entre 1999 et 2004 (+242 %).

* 36 Ainsi, on dénombre près de 22.000 recours pendants devant la cour d'appel de Paris et 250 en instance devant celle de Lyon.

* 37 Pour ces deux prestations, la délégation aux interceptions judiciaires, créée en 2006, prépare un texte modificatif prévoyant un tarif fixe.

* 38 Ces crédits figurent au sein du programme conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés.

* 39 En première lecture du texte au Sénat.

* 40 Ainsi, le conseiller rédacteur pourrait déclarer une durée de travail allant jusqu'à cinq heures, avec la possibilité -lorsque la complexité du dossier, le nombre de parties ou la multiplicité des motifs de la demande l'exigent- de déclarer plus d'heures sur autorisation de la formation de jugement saisie du dossier.

* 41 Pour 2007, il s'agit d'une prévision.

* 42 Opérée par la circulaire du 9 octobre 1995.

* 43 Auparavant, les préfectures exerçaient ces attributions.

* 44 Article R. 213-30 du code de l'organisation judiciaire.

* 45 Les services administratifs des cours d'appel les plus importantes (Paris, Versailles, Aix-en-Provence et Douai) ont été les principaux bénéficiaires de ces créations d'emplois.

* 46 Outil de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires qui évalue la charge de travail des personnels des greffes.

* 47 « Quels métiers pour quelle justice ? » - Rapport n° 342 de M. Christian Cointat (session 2001-2002) au nom de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice présidée par M. Jean-Jacques Hyest, voir la recommandation n° 17.

* 48 Ce directeur prépare, met en oeuvre et contrôle les actes et décisions de nature administrative nécessaires à la bonne administration des juridictions du ressort.

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