IV. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE AFFIRMÉE DANS UN CONTEXTE TENDU DE FORTE PRESSION DES AFFAIRES CONTENTIEUSES, UNE GESTION BUDGÉTAIRE RIGOUREUSE, CONFORME À L'ESPRIT DE LA LOLF

La maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2008 n'a pas été modifiée par rapport à l'année dernière. La justice administrative, bien que difficilement détachable de la justice dans son ensemble, demeure ainsi rattachée à la mission Conseil et contrôle de l'État.

Pourtant, votre commission pour avis constate que des liens fonctionnels et financiers entre le garde des sceaux et les juridictions administratives subsistent .

Il revient en effet au ministère de la justice de piloter les projets de loi et les textes réglementaires qui régissent la justice administrative, notamment s'agissant du statut des magistrats et des réformes liées à la procédure administrative contentieuse. Les crédits alloués au titre de l'aide juridictionnelle accordée dans le cadre du contentieux administratif inscrits au projet de loi de finances pour 2008 sont en outre retracés dans la mission justice.

Au demeurant, on peut regretter que le membre du gouvernement chargé de défendre le budget de la justice administrative en séance publique -le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement- ne soit pas l'interlocuteur le plus informé en ce domaine.

Le responsable du programme est M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État. A la différence de la justice judiciaire qui compte au moins autant de budgets opérationnels de programme (BOP) que de cours d'appel, ce programme ne comprend qu'un BOP qui regroupe les 50 juridictions administratives françaises (le Conseil d'État, 8 cours administratives d'appel et 41 tribunaux administratifs) 111 ( * ) .

A. LE PROGRAMME « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES », UN POSTE BUDGÉTAIRE TOUJOURS PRIVILÉGIÉ

1. La justice administrative, des crédits en hausse continue

Comme en 2007, les crédits du programme Conseil d'État et autres juridictions administratives représentent en 2008 la part la plus importante (53,5 %) de l'enveloppe allouée à la mission Conseil et contrôle de l'État 112 ( * ) .

Y compris les fonds de concours et attributions de produits 113 ( * ) , ce poste budgétaire -en hausse de près de 6,2 % - progresse nettement plus que le budget général de l'État (+ 1,6 %) et même légèrement plus que le budget de la mission Conseil et contrôle de l'État (+ 6,1 %). La justice administrative devrait ainsi bénéficier en 2008 de près de 266 millions d'euros de crédits de paiement et 267 millions d'euros d'autorisations d'engagement .

Toutefois, à périmètre constant par rapport à 2007, cette augmentation est plus modeste (+ 4,1 %), même si l'effort budgétaire reste significatif . Pour 2008, le projet de loi de finances inscrit en effet deux nouvelles dotations dans ce programme : l'une au titre de la contribution au compte d'affectation spécial de la caisse des pensions (un peu plus de 5 millions d'euros) et l'autre qui correspond à la prise en charge de loyers (un peu plus de 2 millions d'euros).

Mission Conseil et contrôle de l'État

(en millions d'euros)

Programme

Autorisations d'engagement
2007
(2006)

Crédits
de paiement
2007
(2006)

Crédits de paiement/total

Conseil d'État et autres juridictions administratives

267

(253)

266

(251)

53,5 %

TOTAL MISSION

491

497

100 %

Source : projet de loi finances pour 2008 - annexe Conseil et contrôle de l'État - page 7

La priorité à l'égard des juridictions administratives en 2008 est double : financer les créations d'emplois nouveaux et des mesures statutaires pour permettre aux juridictions de fonctionner dans de meilleures conditions et couvrir les dépenses d'investissement et de fonctionnement destinées à l'installation d'un nouveau tribunal administratif à Toulon.

Après ventilation des crédits de l'action soutien, les activités juridictionnelles déclinées au sein de trois actions 114 ( * ) concentrent la plus grande part de la dotation allouée au programme , soit un peu moins de 90 %. Le montant des crédits dédiés au contentieux atteint en 2008 239 millions d'euros. L'activité des tribunaux administratifs représente la plus lourde charge budgétaire (65 % des crédits après ventilation de l'action soutien).

Les rémunérations des personnels constituent le premier poste de dépenses liées aux activités juridictionnelles afin de financer 2.186 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit près de 74 % des ETPT du programme . L'enveloppe restante couvre les dépenses de fonctionnement courant des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs (achat, entretien et location de matériel, télécommunications, abonnement et documentation), les locations immobilières de ces juridictions et les opérations immobilières.

Les moyens alloués à la fonction consultative exercée par l'ensemble des juridictions administratives retracée dans une action distincte s'élèvent à un peu plus de 11 millions d'euros (après ventilation des crédits de l'action soutien).

Cette enveloppe significative -destinée à couvrir les rémunérations des personnels uniquement- finance l 'activité des sections administratives du Conseil d'État 115 ( * ) de plus en plus dense.

Le nombre d'avis rendus sur des projets de loi, d'ordonnances, de décrets ou d'actes communautaires ou sur toute question d'ordre juridique et administratif augmente (1.411 en 2006 contre 1.390 en 2005) 116 ( * ) . 70 ETPT sont affectés à cette fonction dont 45 membres du Conseil d'État. La part du travail consultatif des magistrats des autres juridictions administratives est en revanche plus modeste avec 88 avis en réponse aux demandes de préfets pour la même période.

Le projet annuel de performance pour 2008 fait ressortir un net écart entre les délais d'examen selon la nature des textes. Ainsi, en 2006, près de 65 % des projets de loi ou d'ordonnances ont été examinés dans un délai inférieur à deux mois, contre 44 % seulement s'agissant des projets de décrets. La cible prévue pour 2008 est fixée respectivement à 80 et 60 %.

Une action retrace les crédits consacrés aux missions d'études exercées par la section du rapport et des études du Conseil d'État, aux missions d'expertises réalisées par les membres du Conseil d'État et les magistrats administratifs mis à la disposition d'autres administrations et organisations et aux services rendus aux administrations de l'État et aux collectivités (participation à des commissions administratives). Son budget exclusivement consacré à la rémunération des personnels s'établit à un peu plus de 15 millions d'euros (après ventilation des crédits de l'action soutien).

Une dernière action retrace les activités qui concourent à celles des autres actions de politiques publiques en leur fournissant un soutien ou un encadrement . Les crédits de cette action -près de 52 millions d'euros- sont transversaux et communs aux autres actions du programme . Y figurent, outre des crédits de rémunération, des personnels (près de 54 % de l'enveloppe), les frais de justice (16 % de la dotation), les dépenses informatiques (fourniture et maintenance des logiciels, coûts des réseaux) à hauteur de 9 %, les dépenses d'investissement communes aux trois niveaux de juridictions relatives aux acquisitions de biens d'équipement (véhicules, mobiliers) qui représentent une part marginale de cette action (6 %) et les dépenses de fonctionnement courant (crédits d'action sociale des trois catégories de juridictions administratives).

Les crédits de cette action sont ventilés dans chaque action à laquelle ils sont destinés. Si aucune identification n'est possible, ils sont répartis sur toutes les actions en fonction des effectifs de chaque action.

2. Un effort budgétaire notable en faveur des personnels

? Un renforcement des effectifs indispensable

Lors du précédent exercice budgétaire, votre rapporteur pour avis avait dressé un bilan mitigé de la mise en oeuvre de la programmation quinquennale fixée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002. Entre 2002-2007, les objectifs prévus en termes de créations d'emplois n'ont en effet été que très partiellement atteints, compte tenu du ralentissement du rythme des créations de postes observé depuis 2005.

Créations d'emplois dans les juridictions administratives
au titre de la programmation quinquennale

Source : Conseil d'État

A ce jour, 335 emplois ont donc effectivement été créés, soit un seuil largement inférieur aux 480 annoncés, ce qui se traduit par un taux de réalisation d'un peu moins de 70 %. Ce taux est sensiblement le même pour les effectifs de magistrats (70,4 %) et ceux d'agents de greffe (69,2 %).

L'Ecole nationale d'administration (ENA) a constitué la principale voie d'accès au Conseil d'État, tandis que, pour les magistrats administratifs des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, le concours de recrutement complémentaire a été principalement utilisé.

Voies de recrutement des magistrats administratifs depuis 2000

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Total

Conseil d'État

-Sortie de l'ENA

-Tour extérieur

-Tour extérieur TA et CAA

-Officier

5

3

1

1

5

6

2

0

6

3

0

1

6

3

1

1

6

2

3

1

5

6

0

1

5

3

1

0

5

6

0

0

43

32

8

5

Conseiller d'État en service extraordinaire

3

3

3

2

5

5

2

3

26

Total (hors conseiller en service extraordinaire)

10

13

10

11

12

12

9

11

88

Tribunaux administratifs
et cours administratives d'appel

- Sortie de l'ENA

- Tour extérieur

- Concours (recrutement complémentaire)

- Détachement

- Officier

11

7

17

14

2

11

10

23

18

2

11

9

26

10

3

9

10

40

13

2

16

9

46

16

1

18

8

37

10

1

13

9

32

11

1

11

8

30

11

2

100

70

251

103

14

Total

51

64

59

74

88

74

66

62

538

Source : Conseil d'État

Ces renforts ont tout d'abord permis d'étoffer les personnels des cours administratives d'appel 117 ( * ) , en application des contrats d'objectifs conclus entre ces juridictions et le Conseil d'État 118 ( * ) .

Les tribunaux administratifs ont également bénéficié de cet effort . Ainsi, sur les 62 magistrats supplémentaires nommés dans ces tribunaux, 15 ont été affectés au tribunal administratif de Nîmes, créé en septembre 2007. De même, les tribunaux de la région parisienne, soumis à une très forte pression des affaires nouvelles 119 ( * ) , ont également profité de ce mouvement.

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (créé en 2000) -en situation difficile au regard des stocks de dossiers en instance 120 ( * ) et de la croissance structurelle du contentieux des étrangers 121 ( * ) - a connu la plus forte augmentation de ses effectifs, tant s'agissant des agents de greffe (passés de 28 ETPT en 2008 à 44,5 en 2007) que des magistrats (17 créations d'emplois). Pourtant, les représentants du syndicat de la justice administrative lors de leur audition, ont souligné que ce tribunal administratif, qui comporte désormais dix chambres, demeure dans une situation très tendue.

Pour alléger la charge de travail très lourde des juridictions administratives de la région parisienne, ces interlocuteurs jugent nécessaire de créer un nouveau tribunal administratif qui pourrait opportunément se situer en Seine-Saint-Denis. Le secrétaire général du Conseil d'État entendu par votre rapporteur pour avis a souligné le bien-fondé de cette demande, précisant toutefois qu'aucune décision n'avait encore été prise sur le principe.

Le projet de loi de finances pour 2008 permet, avec une année de retard, de s'approcher de la cible quinquennale . Les dépenses de personnel progresseraient donc de 6 % pour financer au total 60 emplois équivalents temps plein (ETPT).

Les représentants du syndicat de la juridiction administrative ont pris acte de cette avancée qui traduit une réelle prise en compte de la situation des juridictions administratives. Ils ont souhaité la poursuite de ce mouvement dans les années à venir, dans le contexte actuel de la forte pression des affaires nouvelles.

Pour 2008, est prévue la création de :

- 29 emplois de magistrats administratifs ; ainsi le nombre de postes créés depuis 2002 atteindra 177, portant à 84 % le taux de réalisation de la programmation initiale. Ces postes correspondent en pratique à 15 ETPT 122 ( * ) , auxquels s'ajoutent 15 ETPT qui correspondent à l'extension en année pleine des emplois créés l'année dernière.

Ces emplois supplémentaires devraient être localisés dans plusieurs tribunaux administratifs, notamment celui de Toulon , qui doit être installé en 2008  -3 chambres comprenant 13 magistrats devraient être créées- et ceux de la région Ile-de-France , toujours confrontés à l'explosion du contentieux des étrangers ;

- 27 emplois d'agents de greffe 123 ( * ) (correspondant à 15 ETPT au titre de 2008 et 15 autres au titre de l'extension en année pleine des créations décidées en 2007) ; au terme de six années d'exécution de la programmation quinquennale, le nombre total de ces créations d'emplois devrait donc s'élever à 215, ce qui aboutit à un taux de réalisation de près de 80 %.

Les représentants du syndicat de la justice administrative entendus ont estimé indispensable que les créations de postes de magistrats soient accompagnées de créations d'emplois d'agents de greffe, faisant valoir que l'aide à la décision juridictionnelle apportée par ces personnels est précieuse.

L'achèvement du programme quinquennal est annoncé pour 2009, tant s'agissant des magistrats que des agents de greffe 124 ( * ) .

Par ailleurs, la loi de programmation pour la justice de 2002 prévoyait le recrutement de 230 assistants de justice. Le projet de budget finance 6 postes d'assistants de justice, ce qui porte à 216 le nombre total d'assistants recrutés au titre de la LOPJ 125 ( * ) .

Des perspectives inquiétantes liées au vieillissement de la pyramide des âges des magistrats administratifs

Il convient de souligner que, dans les années à venir, l'effort de recrutement de magistrats administratifs devra être amplifié au regard des départs à la retraite qui s'annoncent.

Le Conseil d'État est dans une situation particulière dans la mesure où les départs à la retraite correspondent le plus souvent à des fins de maintien d'activité au-delà de la limite d'âge (65 ans) 126 ( * ) . Actuellement, 18 membres sont maintenus en surnombre (dont 4 pour l'année 2007).

Ainsi, le Conseil d'État sera confronté à une accélération du nombre de départs à la retraite, qui concernent actuellement entre 5 et 7 personnes (7 membres en 2008) pour atteindre le seuil d'une dizaine chaque année, à partir de 2014 seulement.

L'évolution des effectifs apparaît en revanche plus préoccupante s'agissant des tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel. En 2008, une trentaine de départs à la retraite sont attendus, contrairement aux membres du Conseil d'État, les magistrats administratifs demandant à partir à la retraite dès lors qu'ils sont atteints par la limite d'âge. La possibilité d'être maintenu en surnombre prévue par l'article L. 233-7 du code de justice administrative est rarement utilisée ; seulement 4 magistrats administratifs exercent sous ce statut en 2007.

Après 2011, le rythme des départs à la retraite devrait approcher la quarantaine. Près de 30 % des magistrats actuellement en poste devraient ainsi être admis à faire valoir leurs droits à la retraite entre 2007 et 2015.

Il importe donc, pour assurer le bon fonctionnement des juridictions administratives, que des recrutements soient programmés pour les années à venir non seulement pour remplacer les départs à la retraite mais également pourvoir les créations de poste. La pression des flux d'affaires nouvelles, en particulier l'explosion du contentieux des étrangers, renforce cette exigence.

Le secrétaire général du Conseil d'État a assuré à votre rapporteur pour avis que toutes les sorties du corps des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel seraient remplacées.

A cette fin, toutes les voies d'accès aux corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel seront utilisées. Le tour extérieur sera plus largement ouvert grâce aux récentes modifications apportées par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique qui a augmenté la proportion de postes ouverts à ce titre au grade de conseiller et élargi le vivier des candidats pour l'accès au grade de premier conseiller. Cette réforme a également assoupli les conditions requises pour être détaché dans le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, ce qui accroît les possibilités de recrutement 127 ( * ) . Enfin, des recrutements par concours complémentaires seront organisés, conformément à la loi de programmation quinquennale adoptée en 2002 qui permet de recourir à ce dispositif jusqu'en 2015.

Des revalorisations indemnitaires significatives pour les personnels des juridictions

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une enveloppe de 1,5 million d'euros pour revaloriser le taux moyen indemnitaire des magistrats administratifs de 51 à 55,3 % du traitement brut. Il s'agit d'une rémunération au mérite, qui comporte une part fixe 128 ( * ) et une part variable 129 ( * ) qui s'élèvent pour 2007 respectivement à 38 et 13 %.

Cette mesure poursuit un double objectif.

Elle tend, d'une part, à récompenser les efforts de productivité accomplis ces dernières années par ces magistrats , comme en atteste le projet annuel de performance. Ainsi, l'indicateur n° 3.1 relatif au nombre d'affaires réglées par magistrat des cours administratives d'appel, qui passe entre 2005 et 2006 de 98 à 104 affaires progresse significativement. Le nombre d'affaires jugées par les magistrats des tribunaux administratifs s'est accru de façon quasi-continue de 1994 à 2006, augmentant de 37 % entre 2000 et 2006.

Les représentants du syndicat de la juridiction administrative entendus estiment que la productivité des magistrats a atteint un palier, considérant que celle-ci ne pourra désormais augmenter qu'au détriment de la qualité des décisions rendues.

Elle vise, d'autre part, à renforcer l'attractivité de ce corps . En dépit des revalorisations statutaires substantielles intervenues en 1997, d'autres corps de même niveau accessibles par la voie de l'Ecole nationale d'administration (administrateurs civils, conseillers de chambre régionale des comptes) ont bénéficié de revalorisations indemnitaires rendant le début de carrière plus attractif que celui des magistrats administratifs.

L'augmentation indemnitaire prévue pour 2008 constitue la première tranche d'une revalorisation qui doit s'étaler sur trois ans. Une deuxième revalorisation doit intervenir en 2009 portant le taux indemnitaire à 57,9 % (pour un coût estimé à 1,2 million d'euros) et une dernière revalorisation est prévue en 2010, afin d'atteindre 61 % (pour un coût estimé à 1,4 million d'euros).

Cette revalorisation devrait ainsi aligner la situation des magistrats administratifs en début et en milieu de carrière sur celle des corps de niveau équivalent, notamment les magistrats de chambres régionales des comptes.

Les représentants du syndicat de la justice administrative entendus ont pris acte de cette avancée.

Ils ont néanmoins considéré que l'effort budgétaire pour 2008 ne serait pas suffisant pour compenser le manque d'attractivité du corps des magistrats administratifs. Ils ont fait valoir que cette situation avait entraîné une baisse du nombre de candidats aux derniers concours complémentaires. Le secrétaire général du Conseil d'État entendu a confirmé cette tendance, précisant qu'au dernier concours, un poste n'avait pu être pourvu faute d'un vivier de candidats suffisant.

Pour remédier à ce constat, les représentants du syndicat de la justice administrative souhaitent qu'une réforme statutaire portant plus particulièrement sur les grades de premier conseiller et de président soit engagée en s'inspirant du statut, plus attractif, des inspecteurs généraux des affaires sociales.

Aucune mesure n'est en revanche proposée en faveur des membres du Conseil d'État, dont le taux moyen des primes s'élève à 63,8 %.

Les agents de greffe , dans le cadre de la parité avec les autres agents des corps de l'intérieur et de l'outre-mer, devraient également bénéficier d'une légère hausse de leurs indemnités. Cette mesure représente un coût de 0,3 million d'euros.

3. La poursuite du programme d'investissement

Depuis plus de dix ans, la carte des juridictions administratives n'a cessé de s'étoffer.

Entre 1995 et 2000, 4 nouvelles juridictions ont été créées : le tribunal administratif de Melun (1996), la cour administrative d'appel de Marseille (1997), la cour administrative d'appel de Douai (1999) et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (2000).

Poursuivant ce mouvement, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 a mis à la disposition de la justice administrative 92 millions d'euros d'engagement et 53,5 millions d'euros de crédits de paiement.

Le bilan de la mise en oeuvre de la programmation quinquennale, à la différence des créations d'emplois, est satisfaisant en ce qui concerne le domaine immobilier. En effet, à la fin de l'année 2007, le taux de réalisation s'élève, pour les crédits de paiement et les autorisations d'engagement, respectivement à 66 % et 82 % des enveloppes initialement prévues.

Cette enveloppe a permis de réaliser de nombreuses opérations immobilières (restructuration et climatisation des locaux de la cour administrative d'appel de Bordeaux, création d'une salle à la cour administrative d'appel de Lyon...).

Certains travaux -la rénovation des locaux du Conseil d'État et la création de surfaces supplémentaires, la réfection de la couverture de la cour administrative d'appel de Douai, des travaux d'extension à la cour administrative d'appel de Marseille et la poursuite de la rénovation du tribunal administratif de Melun- ont cependant été retardés en 2003 et en 2004, à la suite de gels budgétaires intervenus ces mêmes années, n'ayant pu être engagés qu'en 2005.

Trois chantiers d'envergure ont été réalisés dans ce cadre : deux sont achevés et l'un est en cours.

? La création de la cour administrative d'appel de Versailles (2004)

La cour administrative d'appel de Versailles -qui fonctionne depuis le 1er mars 2004 - a représenté une dépense de 600.000 euros 130 ( * ) , à laquelle se sont ajoutés des frais (un peu plus d'un million d'euros) liés à l'achat du mobilier, de véhicules, et surtout à des charges locatives (à hauteur de 670.000 euros). Cette juridiction a en effet été installée dans un immeuble -pris à bail- d'une surface de 3.200 mètres carrés. Ses effectifs s'élèvent actuellement à 51 personnes dont 24 magistrats et 27 agents de greffe. Il est prévu qu'à terme, elle comprenne cinq chambres pour un effectif total de 76 personnes.

La création du tribunal administratif de Nîmes (2006)

Le tribunal administratif de Nîmes est opérationnel depuis le 1er septembre 2006 . Sa création a été justifiée par le souci d'alléger l'activité des tribunaux voisins de Marseille et de Montpellier.

Des travaux de rénovation et d'extension d'un bâtiment qui appartenait au ministère de l'intérieur 131 ( * ) ont été réalisés à cette fin pour un coût total d'un peu plus de 7 millions d'euros.

La création du tribunal administratif de Nîmes
-bilan des opérations immobilières-

(en euros)

Achat du bâtiment

1.445.000

Montant de l'acquisition du bâtiment

1.445.000

Prestations préliminaires

90.000

Prestations intellectuelles

630.000

Travaux

4.280.000

Aléas

200.000

Divers

380.000

Montant des travaux

5.580.000

Total

7.025.000

Source : Conseil d'État

L'installation du tribunal administratif de Nîmes a induit des dépenses de premiers équipements (mobiliers, bibliothèque, véhicules, fournitures...) à hauteur de 160.000 euros. En ce qui concerne le fonctionnement, une dotation de 320.000 euros a été allouée à cette juridiction pour 2007 qui pourrait être réajustée, selon les besoins, en 2008. Ses effectifs -33- s'élèvent à 15 magistrats et 18 agents de greffe.

L'impact de la création de cette juridiction se mesure déjà si l'on compare l'activité juridictionnelle aux premiers semestres 2006 et 2007. On constate ainsi une diminution de 9 % du nombre des affaires enregistrées au tribunal de Marseille et près de 30 % s'agissant du tribunal de Montpellier. Le renfort apporté par le tribunal de Nîmes a permis à celui de Montpellier de réduire son stock d'affaires en instance de près de 30 %, soit 3.101 affaires. Le délai prévisible moyen de jugement s'est réduit notablement, passant de 1 an, 5 mois et 10 jours en 2005 à 11 mois et 29 jours en 2006.

Le tribunal administratif de Marseille a résorbé 35 % de son stock et affiche un délai prévisible moyen de jugement qui s'améliore -11 mois et 6 jours en 2006 contre 1 an, 4 mois et 1 jour en 2005.

La création du tribunal administratif de Toulon, un projet en voie de concrétisation (2008)

En complément de l'installation du tribunal administratif de Nîmes en 2006, un nouveau tribunal à Toulon doit être créé à compter du 1 er septembre 2008, pour répondre aux difficultés rencontrées par les tribunaux administratifs de Nice et de Marseille soumis à une pression forte des affaires nouvelles. Cette opération immobilière annoncée pour 2007 a été reportée d'un an compte tenu de la priorité accordée aux travaux de plusieurs juridictions de la région parisienne.

L'installation de cette juridiction induit une redistribution des ressorts des juridictions situées dans le pourtour méditerranéen .

Ressort des juridictions du pourtour méditerranéen
à compter de septembre 2008

Tribunal administratif

2005

2006

2008

Marseille

Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône, Hautes-Alpes et Vaucluse

Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône et Hautes-Alpes

Bouches-du-Rhône

Montpellier

Aude, Gard, Hérault, Lozère et Pyrénées-Orientales

Aude, Hérault et Pyrénées-Orientales

Aude, Hérault et Pyrénées-Orientales

Nice

Alpes-Maritimes et Var

Alpes-Maritimes et Var

Alpes-Maritimes

Nîmes

Gard, Lozère et Vaucluse

Gard, Lozère et Vaucluse

Toulon

Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes et Var

Source : Conseil d'État

En vue de réaliser ce chantier, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit d'allouer 560.000 euros de crédits de paiement au titre des dépenses d'investissement 132 ( * ) pour financer l'opération immobilière d'installation de la juridiction. Ainsi que l'a précisé le secrétaire général du Conseil d'État entendu, le choix du site destiné à accueillir ce tribunal n'est pas encore définitivement arrêté.

Par ailleurs, une dotation de près de 440.000 euros a été allouée au titre des dépenses de fonctionnement, étant précisé que les dépenses de premier équipement (véhicules, mobilier et équipement informatique) seront autofinancées par le Conseil d'État.

Cette juridiction devrait comprendre 3 chambres. Ses effectifs s'élèveront à 13 magistrats, 17 agents de greffe et 3 assistants de justice.

4. Les frais de justice, une dépense en voie d'être maîtrisée

Au cours des deux précédents exercices budgétaires , votre rapporteur pour avis n'avait pas manqué d'exprimer ses inquiétudes face à l'accélération des frais de justice 133 ( * ) (+ 17 % entre 2004 et 2005 et + 12 % entre 2005 et 2006) et l'insuffisance de la dotation budgétaire inscrite en loi de finances initiale et destinée à couvrir ce poste de dépenses 134 ( * ) .

Les progrès accomplis dans ce domaine par les juridictions administratives sont significatifs , conformément à la logique induite par la LOLF. L'enveloppe allouée pour 2008 -8,56 millions d'euros- affiche une stabilisation par rapport à ceux affectés en 2007, compte tenu des efforts réalisés pour maîtriser l'emploi de ces crédits. En effet, on peut se réjouir de ce qu'en 2006, la consommation des frais de justice -qui s'élève à 7,26 millions d'euros- enregistre, pour la première fois depuis plusieurs années, une baisse par rapport à 2005 (- 11 %).

Deux mesures ont en effet permis de réaliser de substantielles économies en matière d'affranchissement :

- le décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative permet désormais aux juridictions, dans un certain nombre de procédures, de substituer à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception des lettres remises contre signature ;

- certaines juridictions ont en outre organisé un portage du courrier aux administrations voisines, lorsque ces dernières sont parties à des instances contentieuses.

Par ailleurs, le recours aux « téléprocédures » qui permet d'échanger les mémoires, les actes de procédure et, si les parties l'acceptent, les jugements, par voie dématérialisée , pourrait à terme générer de nouvelles économies en matière de frais d'affranchissement. Ce projet fait actuellement l'objet d'une expérimentation afin d'en mesurer la faisabilité technique.

Une première expérimentation, qui porte sur le contentieux fiscal de l'assiette traité par le Conseil d'État en cassation, en liaison avec le bureau chargé du contentieux de la direction générale des impôts et huit cabinets d'avocats, est en cours depuis juin 2005.

Après deux années de recul, le bilan se révèle positif. Les utilisateurs du télérecours (cabinets d'avocats, direction des services fiscaux) en sont très satisfaits. Ainsi, ce dispositif a été utilisé dans près de 90 % des affaires dans ce type de contentieux géré par les cabinets volontaires pour mener cette expérience. Une diminution globale des coûts (frais d'affranchissement et papier) de l'ordre de 45 % a pu par ailleurs être constatée.

D'ici la fin de cette année, huit autres cabinets d'avocats devraient participer à cette première expérimentation, ainsi que les services fiscaux du recouvrement. La possibilité de former des recours dématérialisés sera également ouverte à l'administration fiscale. La majeure partie du contentieux fiscal du Conseil d'État sera donc bientôt traité sous forme dématérialisée. Le périmètre de cette expérimentation sera par ailleurs élargi au contentieux de la fonction publique militaire en partenariat avec le ministère de la Défense.

Une deuxième expérimentation a été lancée en juin dernier au tribunal administratif et à la cour administrative d'appel de Paris qui concerne la dématérialisation des dossiers du contentieux fiscal . Un premier bilan de cette expérimentation sera dressé avant la fin de cette année.

Comme l'ont cependant expliqué les représentants du Conseil d'État entendus par votre rapporteur pour avis, l'évolution favorable du rythme des dépenses relève d'un équilibre fragile dans la mesure où le niveau de dépenses est étroitement corrélé aux flux contentieux.

* 111 Dont 11 situées outre-mer.

* 112 Dont les crédits s'élèvent à un peu plus de 497 millions d'euros.

* 113 Ces fonds de concours d'un montant de 0,38 million d'euros proviennent principalement du produit de la vente d'arrêts et des conclusions des commissaires du gouvernement par le Conseil d'Etat ainsi que de la participation financière des collectivités locales à certaines opérations immobilières concernant les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

* 114 Respectivement consacrées au Conseil d'Etat, aux cours administratives d'appel et aux tribunaux administratifs.

* 115 Qui sont au nombre de quatre (section de l'intérieur, section des finances, section des travaux publics et section sociale).

* 116 Depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992.

* 117 86 magistrats ont été affectés dans ces cours entre 2003 et 2007, dont 28 à la cour de Versailles.

* 118 Voir infra pour le détail des contrats d'objectifs B - 1 de la présente partie.

* 119 Tels que le tribunal administratif de Melun, celui de Paris ou encore celui de Versailles.

* 120 19.577 au 31 décembre 2006. Après le tribunal administratif de Paris, il s'agit du stock le plus important.

* 121 + 26 % en 2006, + 23 % en 2005 et + 38 % en 2004.

* 122 Un ETPT correspond à deux emplois budgétaires, compte tenu du fait que les recrutements interviennent en milieu d'année.

* 123 Dont 11 de catégorie A, 10 de catégorie B et 10 de catégorie C.

* 124 33 postes de magistrats (soit 47,5 ETPT -si on prend en compte l'extension en année pleine des créations d'empois de 2008- restent à créer) et 55 postes (soit 69 ETPT si on prend en compte les extensions en année pleine des créations d'emplois 2008) restent ainsi à obtenir au titre de la LOPJ en 2009.

* 125 Dont 170 en 2003 contre 15 en 2004 et en 2005, 4 en 2006 et 6 en 2007.

* 126 Article 1 er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat.

* 127 Désormais ouvert aux directeurs d'hôpitaux.

* 128 Cette part fixe est forfaitaire, versée mensuellement, exprimée en pourcentage du traitement brut (calculée en fonction de l'indice réel du magistrat et non plus de l'indice moyen du grade comme auparavant).

* 129 Cette prime, mise en place depuis le 1er janvier 1998, est versée annuellement. Son attribution est décidée par le chef de juridiction, en fonction de la quantité et de la qualité du travail fourni par le magistrat.

* 130 Cette somme a financé des travaux d'aménagement destinés à rendre les locaux compatibles avec le fonctionnement d'une juridiction administrative.

* 131 Il s'agit de l'hôtel Silhol qui accueillait le commissariat de police de la ville de Nîmes.

* 132 Le montant total de crédits d'investissement pour 2008 s'élève à 8,4 millions d'euros.

* 133 Voir notamment avis n° 83 de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour, Tome III, session 2006-2007.

* 134 Depuis plusieurs années, la somme inscrite en loi de finances initiale est systématiquement abondée en fin d'année dans le cadre du collectif budgétaire pour couvrir les dépenses réelles.

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