Avis n° 83 (2006-2007) de M. Philippe GOUJON , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 novembre 2006

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N° 83

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2006

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

JUSTICE - ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Philippe GOUJON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3341 , 3363 à 3368 et T.A. 619

Sénat : 77 et 78 (annexe n° 15 ) (2006-2007)

Lois de finances .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu le mardi 21 novembre 2006, le garde des sceaux, ministre de la justice, M. Pascal Clément, la commission des lois, réunie le mardi 28 novembre 2006 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a procédé, sur le rapport pour avis de M. Philippe Goujon, à l' examen des crédits alloués à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 2007 .

Le rapporteur pour avis a d'abord relevé que les crédits prévus pour l'administration pénitentiaire augmenteraient de 5,4 % par rapport à la loi de finances pour 2006. Il a relevé en particulier :

- la création de 458 emplois parmi lesquels 300 emplois d'insertion et de probation ;

- l'augmentation plus modeste des crédits de fonctionnement (+ 7,4 millions d'euros pour 2007). Le rapporteur pour avis a regretté de nouveau que ces crédits soient chaque année la cible privilégiée des régulations budgétaires (31 millions d'euros en 2005) pesant gravement sur la gestion des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;

- la poursuite des programmes immobiliers, les opérations conduites directement par l'administration pénitentiaire permettant de dégager 1.900 places supplémentaires tandis que les opérations sous convention de mandat conduites par l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice concerneront notamment la rénovation des Baumettes et de Fleury-Mérogis et la construction de quatre établissements pénitentiaires pour majeurs, en conception-réalisation (soit 2.360 places). Enfin un premier lot de quatre établissements en maîtrise d'ouvrage privée (2.790 places) pourra être réalisé.

Le rapporteur pour avis a souligné le taux de réalisation très satisfaisant des objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 en relevant qu'avec la création de 13.200 places, la capacité du parc pénitentiaire aura été portée à près de 60.000 places à l'horizon 2008-2009, soit une augmentation de 20 %.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a par ailleurs rappelé plusieurs évolutions marquantes :

- l' augmentation des mesures d'aménagement de peine en raison de la progression des placements sous surveillance électronique -le rapporteur pour avis a indiqué que l'expérimentation du bracelet électronique mobile serait généralisée à partir de 2008 et que cette mesure devait être assortie d'un accompagnement social renforcé afin que la fin du placement ne déstabilise pas l'intéressé ;

- le projet d'instituer un contrôle extérieur des prisons dont les modalités devront être débattues ; le rapporteur pour avis a souhaité que le nombre de points d'accès au droit puisse être également fortement augmenté dans les prisons ;

- le renforcement des conditions de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux avec la mise en place des unités hospitalières spécialement aménagées au sein desquelles le rapporteur pour avis a souhaité que puissent être réalisées des chambres particulièrement sécurisées pour accueillir en long séjour des délinquants dangereux souffrant des pathologies les plus graves ;

- l'effort pour contenir le phénomène du prosélytisme à travers une action plus concertée de l'administration pénitentiaire et des services de police.

Ces observations ont conduit la commission des lois à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice - Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi pour 2006.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La situation des prisons a été, à plusieurs reprises, au coeur de l'actualité de l'année 2006 : le rapport de l'ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Alvaro Gil-Robles en février dernier, la tenue, en novembre, des états généraux de la condition pénitentiaire à l'initiative de plusieurs organisations parmi lesquelles l'Observatoire international des prisons, précédée d'une consultation inédite des détenus, ont nourri un débat souvent critique sur l'état des établissements pénitentiaires.

Par ailleurs, l'exercice budgétaire pour 2007 correspondra à la dernière année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 qui comporte un volet important consacré aux prisons.

L'examen du projet de budget de l'administration pénitentiaire apparaît donc comme un moment privilégié pour dresser un bilan de la politique pénitentiaire conduite dans la période récente.

*

L'administration pénitentiaire constitue l'un des cinq programmes de la mission justice 1 ( * ) . Il se décline lui-même en trois actions :

- l'action n° 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » ;

- l'action n° 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » -qui résulte de la fusion des anciennes actions n° 2 « Accueil des personnes en détention » et n° 3 « Accompagnement et réinsertion des personnes placées sous main de justice » ;

- l'action n° 4 « soutien et formation » qui résulte de la fusion des anciennes actions n° 4 « soutien » et n° 5 « formation ».

En outre ce programme comporte plusieurs objectifs assortis d'indicateurs de performance. Le tableau présenté dans les pages suivantes présente sous une forme synthétique la nouvelle articulation du budget de l'administration pénitentiaire telle qu'elle résulte de la loi organique relative aux lois de finances.

LE PROGRAMME ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Trois actions

Action 1

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

Action 2 2 ( * )

Accueil et accompagnement
des personnes placées
sous main de justice

Action 4 3 ( * )

Soutien et formation

65,5 %

23,4 %

11,1 %

Sept objectifs

Objectif n° 1
Renforcer la sécurité
des établissements pénitentiaires

Indicateurs


• Nombre d'évasions sous garde pénitentiaire directe (pour 10.000 détenus). En 2006 : 3,6. Cible 2010 : 3,4.
- de détenus particulièrement signalés :
En 2006 : 1,2. Cible 2010 : 1,1.
- de détenus autres.
En 2006 : 2,4. Cible 2010 : 2,3.
- nombre d'évasion hors établissements pénitentiaires en aménagement de peine.
En 2006 : 35,8. Cible 2010 : 35,8.
- nombre d'évasions hors établissement pénitentiaire en sorties sous escortes pénitentiaires.
En 2006 : 1,2. Cible 2010 : 1.


• Nombre d'incidents (pour 10.000 détenus), agressions contre le personnel.
En 2006 : 161. Cible 2010 : 148.
Observations : Cet objectif a été précisé pour 2007 afin de distinguer plus clairement les évasions qui mettent en cause directement la responsabilité de l'administration pénitentiaire des évasions hors de l'établissement pénitentiaire. De même, les sous-indicateurs relatifs aux évasions hors établissements pénitentiaires sont rédigés de manière à limiter leur périmètre aux seules activités de l'administration pénitentiaire.
Le second indicateur relatif aux incidents a été simplifié et ne retient plus que le nombre d'agressions contre un personnel (le deuxième sous indicateur retenu en 2006 relatif au nombre d'incidents causés par les détenus ne pouvant être correctement). évalué).

Objectif n° 2
Adapter le parc immobilier aux catégories de populations accueillies

Indicateur


• Coût de la journée de détention
au regard du taux d'occupation par structure.
- Coût en maison d'arrêt en gestion publique.
Réalisé en 2005 : 12,31 €.
Prévu en 2006 : 13,59 €.
- Coût en établissement pour peine en gestion publique.
Réalisé en 2005 : 15,25 €.
Prévu en 2006 : 14,26 €.
- Coût en maison centrale.
Réalisé en 2005 : 23,9 €.
Prévu en 2006 : 24,6 €.
Observations : Les prévisions pour 2007 n'ont pas été préparées. En outre, l'indicateur n'intègre pas encore le coût en maison d'arrêt et en établissement pour peine en gestion mixte . Ce coût est actuellement évalué à 24,34€ (hors dépenses de personnel public).

- ... -

Objectif n° 3
Développer
les aménagements de peine

Indicateur


• % des personnes placées sous main de justice et bénéficiant
d'un aménagement de peine.
En 2006 : 6,4 %.
Prévision 2007 : 8,6 %.
Observations : Cet indicateur, utile, ne dépend qu'en partie de l'administration pénitentiaire
(qui, depuis la loi Perben 2, peut proposer des mesures d'aménagement), la décision relevant en principe du juge
de l'application des peines.

Sept objectifs (suite)

Objectif n° 4
Permettre le maintien
des liens familiaux

Indicateurs


• % d'établissements dotés de locaux d'accueil des familles
2005 : 72 %
Prévision 2007 : 80 %
Cible 2010 : 92%

• % d'établissements dotés d'espaces aménagés pour les enfants dans le cadre des parloirs
2005 : 58 %
Prévision 2006 : 62 %
Cible 2010 : 90 %

Objectif n° 5
Accès aux soins

Indicateur


• Nombre d'extractions médicales à l'extérieur
Observations : l'indicateur devait être élaboré en 2006. Il est toujours « en cours de construction ».

Objectif n° 6
Favoriser les conditions d'insertion professionnelles
des détenus

Indicateurs


• % de détenus bénéficiant
d'une formation
2006 : 27,4 %
Prévision 2007 : 30 %

• % de détenus bénéficiant
d'une activité rémunérée
2006 : 38,8 %
Prévision 2007 : 39,7 %

• % des détenus bénéficiant d'un projet de préparation à la sortie
En 2006 : 22 %
Prévision 2007 : 22 %

Objectif n° 7
Améliorer le délai
de mise en oeuvre
du suivi du condamné
en milieu ouvert

Indicateur

- ... -


• Pourcentage de personnes condamnées avec un sursis avec mise à l'épreuve de 36 mois ayant respecté leurs obligations


Observations : la première mesure de l'indicateur sera faite en 2007 et servira de référence à la prévision 2008.

Les critères d'analyse retenus par la LOLF confortent la démarche adoptée par votre commission des lois au titre de l'avis sur le budget de l'administration pénitentiaire fondée sur une évaluation des orientations de la politique pénitentiaire et de ses résultats, étayée par un travail d'information conduit tout au long de l'année à travers des visites de prisons et des rencontres avec les acteurs concernés. Dans le cadre de ces déplacements ouverts à l'ensemble des membres de votre commission, votre rapporteur pour avis s'est ainsi rendu, au cours de cette année dans les établissements de Reims, de Toulon, de Draguignan, de Rennes, de Meaux-Chauconin et de Paris-La Santé 4 ( * ) .

I. LE PROJET DE BUDGET POUR 2007 : LE RESPECT DES ENGAGEMENTS FINANCIERS EN FAVEUR DES PRISONS

Le programme « administration pénitentiaire » représente 35,7 % de la mission justice (soit une enveloppe de 2.246 millions d'euros en progression de 5,4 % par rapport aux crédits ouverts pour 2006).

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

ouvertes en LFI pour 2006

demandées pour 2007

ouvertes
en LFI

demandés pour 2007

Titre 2 Dépenses de personnel

1.356,8

1.414,4

1.356,8

1.414,4

Titre 3 Dépenses de fonctionnement

1.054,9

551,1 1

492,9

521,9

Titre 5 Dépenses d'investissement

366,8

888,7

241,3

295,4

Titre 6 Dépenses d'intervention

40,3

14,9

39,5

14,1 2

Totaux (y compris fonds de concours)

2.819

2.869,6

2.130,7

2.246,4

1 La baisse des autorisations d'engagement en matière de fonctionnement entre 2006 et 2007 s'explique par un changement de paramètre lié au transfert des crédits en maîtrise d'ouvrage privée du titre III vers le titre V. A structure constante, l'enveloppe des autorisations d'engagement pour 2006 doit être ramenée à 493 millions d'euros. L'écart entre 2006 et 2007 s'explique pour l'essentiel par la budgétisation d'autorisations d'engagement supérieures aux crédits de paiement pour notifier plusieurs marchés pluriannuels (notamment les nouveaux marchés de fonctionnement des nouveaux établissements pour mineurs).

2 La réduction des autorisations d'engagement comme des crédits de paiement en matière d'intervention s'explique par un changement de périmètre du titre VI avec le transfert vers le titre III des crédits consacrés au service général, soit un montant de 25,4 millions d'euros.

A. UNE PROGRESSION DE 5,4 % DES CRÉDITS DÉVOLUS À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 2007

La progression du budget sera principalement consacrée au renforcement des effectifs et à la poursuite du programme immobilier. En revanche, l'effort engagé pour le fonctionnement apparaît encore limité.

Le renforcement des effectifs

Les effectifs de l'administration pénitentiaire devraient être portés à 31.297 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Ainsi, le projet de loi de finances pour 2007 permettrait le recrutement de 458 emplois (contre 220 en 2006).

Ces recrutements sont destinés à faire face à trois priorités :

- doter en personnel les quatre établissements pénitentiaires pour mineurs (180 places) mis en service au cours de l'année 2007 (Quiévrechain, Lyon-Meyzieux, Lavaur et Marseille) ; ces recrutements permettront aussi d'anticiper les ouvertures de quatre nouveaux établissements pour mineurs en 2008 et d'achever la mise en oeuvre du dispositif d'accroissement des capacités des établissements pénitentiaires ;

- poursuivre le renforcement, indispensable, de la politique d'insertion avec le recrutement de près de 300 conseillers d'insertion et de probation ;

- renforcer les effectifs des personnels administratifs dans les différents services et établissements de l'administration pénitentiaire avec la création de 80 emplois . En outre, 3,4 millions d'euros seront affectés à la poursuite de la réforme statutaire du personnel de surveillance.

Un effort plus limité en matière de fonctionnement

Dotés de 445 millions d'euros -soit 7,4 millions d'euros supplémentaires- les crédits de fonctionnement permettront de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires, d'équiper les premiers établissements pour mineurs inaugurés en 2007 et enfin de développer les mesures d'aménagement de peines ou d'alternatives à l'incarcération avec l'augmentation du nombre de placements sous bracelets électroniques fixes (3.000 en 2007 selon l'objectif visé) et mobiles (extension de l'expérimentation en cours).

Il faut regretter de nouveau que les crédits de fonctionnement soient la cible privilégiée des mesures de régulation budgétaires. Celles-ci ont ainsi porté en 2005 sur près de 31 millions d'euros . Les services déconcentrés ont été tenus de faire des économies sur l'entretien des installations voire sur celui des détenus. La situation des crédits de dépenses de santé est particulièrement préoccupante et dans ce domaine près de 7,2 millions d'euros d'impayés ont été constatés sur l'année 2005 pour l'ensemble des directions régionales.

La poursuite du programme immobilier

Le programme immobilier de l'administration pénitentiaire se poursuit sous trois formes :

- les opérations conduites directement par l'administration pénitentiaire (66 millions d'euros en autorisation d'engagement et 36,7 millions d'euros en crédits de paiement) en particulier le dispositif d' accroissement des capacités existantes afin de dégager environ 1.900 places supplémentaires ; la réalisation de parloirs sans surveillance directe, en priorité dans les établissements pour longues peines dans un premier temps ; les opérations permettant le maintien des liens familiaux en détention ; la mise en oeuvre des régimes différenciés dans les établissements pour peines ;

- les opérations sous convention de mandat conduites par l' Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ) et les études préalables liées à ces opérations (40 millions d'euros en autorisations d'engagement et 215,7 millions d'euros en crédits de paiement). Elles concernent notamment la réhabilitation de grands établissements pénitentiaires (Les Baumettes à Marseille et Fleury-Mérogis) ainsi que, dans le cadre de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la construction de quatre établissements pour détenus majeurs en conception-réalisation (2.360 places), l'achèvement des sept établissements pénitentiaires pour mineurs et la réalisation de la maison d'arrêt de la Réunion ;

- la construction, également dans le cadre de la LOPJ, d'établissements pénitentiaires en maîtrise d'ouvrage privée (729 millions d'euros d'autorisation d'engagement) 5 ( * ) .

B. LE BILAN TRÈS SATISFAISANT POUR LA PÉNITENTIAIRE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE (LOPJ)

L'exercice budgétaire de 2007 correspond à la dernière année d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Les emplois

Ainsi que le montre le tableau suivant, l'administration pénitentiaire aura bénéficié sur cinq ans de 3.745 emplois supplémentaires soit taux de réalisation de près de 100 % de la loi de programmation.

Tableau de réalisation des objectifs de la LOPJ

LFI 2003

LFI 2004

LFI 2005

LFI 2006

LFI 2007

TOTAL

Objectifs LOPJ

890

1.128

536

520

698

3.772

Créations d'emplois

870

1.111

533

520

698

3.732

ENAP

20

17

3

-

-

40

Emplois effectivement réalisés

870

1.127

530

520

698

3.745

Les infrastructures

Au titre des investissements, la loi d'orientation et de programmation pour la justice comporte trois volets : la création de places ; la mise aux normes et la création de places dans les quartiers pour mineurs et, enfin, la sécurisation des établissements pénitentiaires.

- Premier volet : le programme de construction

La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu, à la suite du programme « 4.000 places » engagé en 1997, la création de 13.200 places : 10.800 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires (9.200 en métropole dont deux maisons centrales et 1.600 outre-mer) ; 2.400 places destinées à l'application des nouveaux concepts pénitentiaires adaptés à la diversité de la population pénale (2.000 pour les détenus majeurs et 400 dans les établissements pour mineurs -quartier courtes peines-).

Au terme du nouveau programme de construction (en 2008-2009), la capacité du parc pénitentiaire aura été portée à près de 60.000 places , soit une augmentation de près de 20 % (plus de la moitié des places ayant alors moins de 20 ans d'existence).

La réalisation de 13 établissements pour majeurs en métropole (9.200 places).

La procédure de réalisation a été engagée en quatre lots : le premier lot, réalisé en maîtrise d'ouvrage publique selon la procédure de conception réalisation comprend trois centres pénitentiaires de 690 places (Bourg-en-Bresse, Rennes et Mont-de-Marsan). Les travaux ont débuté en mai 2006 à Mont-de-Marsan. Ils devraient commencer en décembre 2006 à Bourg-en-Bresse et en mars 2007 à Rennes.

Les trois lots suivant seront réalisés en maîtrise d'ouvrage privée.

L'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice a passé le 23 février 2006 un contrat avec la société Eiffage pour la réalisation et l'entretien, pour une durée de 27 ans, d'un lot de 2.790 places réparties sur quatre établissements pour détenus majeurs :

- un centre de détention de 600 places à Roanne ;

- une maison d'arrêt de 690 places à Lyon (sur la commune de Corbas) ;

- un centre pénitentiaire de 690 places à Nancy ;

- un centre pénitentiaire de 810 places à Béziers.

Le premier de ces établissements devrait être livré au troisième trimestre 2008. La livraison des trois suivants est prévue au premier semestre 2009.

Deux autres lots (respectivement 1.690 places sur trois établissements -Poitiers, Le Havre, Le Mans- 6 ( * ) et 1990 places sur trois établissements -en Ile de France, sur un site encore non localisé, Lille, Nantes) sont prévus, avec pour le dernier un contrat permettant d'intégrer, outre l'exploitation et la maintenance immobilière du bâtiment, les services à la personne qui font actuellement l'objet des marchés de fonctionnement des établissements des programmes « 13.000 » et « 4.000 ».

Pour la réalisation des maisons centrales , les appels d'offres s'étant révélés infructueux, la procédure a été déclarée sans suite. Le programme a été révisé et la procédure de consultation des constructeurs a de nouveau été lancée l'été dernier.

Outre-mer , seule la procédure pour la réalisation d'une maison d'arrêt à la Réunion a été engagée. Les travaux commencés cette année devraient permettre une mise en service de cet établissement au quatrième trimestre 2008. Les quatre autres projets validés (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte) font encore l'objet d'études de faisabilité.

Les quartiers « courtes peines »

S'agissant des quartiers « courtes peines » , les trois premières opérations devraient êtres mises en service, pour deux d'entre elles (Seysses à Toulouse et Fleury-Mérogis) fin 2007 et, pour la troisième, début 2009 (Nantes). Des recherches foncières ou des études de faisabilité ont par ailleurs été engagées sur 14 sites dans la perspective de mettre en oeuvre de nouvelles opérations en 2007.

Les établissements pénitentiaires pour mineurs

L'ensemble des crédits prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la justice pour le financement des établissements pénitentiaires pour mineurs (90 millions d'euros) a été obtenue dès 2003. Cependant, le coût de réalisation de ces établissements a été revu à la hausse et atteindrait 109,5 millions d'euros. Le ministère de la justice a donc décidé de financer en partie ce surcoût par une partie des ressources initialement destinées à la création et l'extension des quartiers mineurs (abondement de 9,7 millions d'euros en 2004).

La livraison des EPM de Meyzieu dans la communauté urbaine de Lyon et de Quièvrechain dans le département du nord interviendra en mars 2007. Celle du site de Lavaur dans la région toulousaine et de Marseille, interviendront respectivement en mai et août 2007. Les établissements de Porcheville -dans les Yvelines- et d'Orvault -près de Nantes- seront achevés en novembre 2007. L'établissement de Chauconin-Neufmontiers à proximité de Meaux ne sera livré qu'en mai 2008.

- Deuxième volet : le développement des quartiers mineurs

Le programme de création ou d'extension de quartiers mineurs a permis de créer 275 places aux normes et d'en remettre 275 à niveau -la capacité actuelle d'accueil de mineurs étant au total de 1.133 places dont 851 aux normes sur 64 établissement pénitentiaires.

- Troisième volet : la sécurisation du parc pénitentiaire

La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu 43 millions d'euros d'autorisations de programme pour la modernisation des dispositifs de sécurité. La totalité de ces autorisations de programme était engagée fin 2005. Ce programme a notamment permis la mise aux normes des miradors, la sécurisation des maisons centrales, la mise en place de filins anti-hélicoptères, le brouillage des téléphones portables ou encore la mise en place de dispositifs de reconnaissance par biométrie.

II. LE SOUCI D'UNE POLITIQUE PÉNITENTIAIRE PLUS DIVERSIFIÉE

A. LA DIMINUTION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

Au 1 er janvier 2005, le nombre de personnes écrouées n'avait jamais été aussi élevé dans les prisons françaises avec un effectif de 59.522 détenus . A la suite du décret de grâce du 14 juillet, cependant, le nombre de détenus se réduit traditionnellement. Au 1 er novembre 2006, il s'élève à 57.612 personnes -en progression de 2,3 % par rapport au mois précédent.

L'augmentation de la population carcérale recouvre en fait deux évolutions opposées : d'une part, la croissance continue du nombre de personnes condamnées ; d'autre part, la réduction pour la troisième année du nombre de prévenus. Votre rapporteur pour avis se félicite du recours plus limité à la détention provisoire.

Les entrées en détention se sont élevées en 2005 à 85.540 en hausse de 1 % par rapport à l'année antérieure (84.710).

La durée moyenne de détention en 2005 s'élève à 8,3 mois -légèrement inférieure à la durée constatée en 2004 (8,4 mois) mais dans l'ensemble proche des niveaux constatés au cours des dix dernières années.

De même, les parts respectives des personnes condamnées à une peine inférieure à un an d'emprisonnement (31,2 %), comprise entre un et cinq ans (32,7 %) et supérieure à cinq ans (36 %) restent comparables à celles observées l'an passé.

Le nombre de personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité est passé de 538 au 1 er janvier 2005 à 508 au 1 er janvier 2006.

Au premier rang des infractions à l'origine de l'incarcération figurent les viols et autres agressions sexuelles (21 %), les violences (18,2 %), les infractions à la législation sur les stupéfiants (14,4 %), les vols qualifiés (9,6 %) et les crimes de sang (8,8 %).

Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est resté stable par rapport à l'an passé (59.522 personnes détenues pour 51.142 places soit un taux d'occupation moyen des établissements de l'ordre de 116,3 %).

Cette moyenne marque cependant de fortes disparités entre des maisons d'arrêt 7 ( * ) surpeuplées (avec un taux d'occupation moyenne de 130 %) et les autres catégories d'établissement (compris entre 90 % et 100 %) pour les centres de détention et les maisons centrales.

Sur 117 maisons d'arrêt (métropole et outre-mer) six affichent des taux d'occupation supérieurs à 200 % (Bonneville, Lyon-Saint Paul et Lyon Montluc dans la région pénitentiaire de Lyon ; la Roche-sur-Yon dans la région pénitentiaire de Rennes ; Béziers et Albi dans la région pénitentiaire de Toulouse) ; 19 maisons d'arrêt présentent un taux d'occupation compris entre 160 % et 200 %.

La situation des maisons d'arrêt : trois exemples

Les observations de votre rapporteur pour avis à la suite des visites de la maison d'arrêt de Reims (10 janvier 2006), du centre pénitentiaire de Draguignan (10 février 2006) et de la maison d'arrêt de Rennes (26 octobre 2006).

Malgré la diversité des infrastructures (deux maisons d'arrêt construites à la fin du XIXème siècle à Reims et Rennes - deux maisons d'arrêt pour hommes et pour femmes implantées au sein du centre pénitentiaire de Draguignan mis en service en 1984), les maisons d'arrêt sont confrontées à une difficulté largement partagée : la surpopulation carcérale . Au 1 er juillet 2006, le taux d'occupation dans ces établissements dépassait 135,7 % à Draguignan, 128,4 % à Reims et 148,6 % à Rennes.

A Rennes, la maison d'arrêt compte en théorie 330 places : en 2005, on a dénombré jusqu'à 560 détenus. Le directeur de l'établissement estime à 575 détenus le « seuil » de rupture.

Dans les maisons d'arrêt anciennes, la situation de suroccupation est rendue plus difficile encore par la vétusté et l'inadaptation des locaux. A Rennes, les cellules ne dépassent pas 9 m2 et l'on compte 5 douches pour 72 personnes. En outre, ces établissements anciens sont rarement équipés d'ateliers dotés d'une surface suffisante. A Reims, certains détenus travaillent dans leur cellule alors qu'une telle pratique doit désormais être écartée. Néanmoins, un atelier est en cours d'aménagement. La maison d'arrêt de Rennes offre 120 postes rémunérés (40 en ateliers, 55 au service général, 25 en formation professionnelle), ce qui reste en deçà des demandes.

Dans ces conditions, il apparaît très difficile pour les responsables des établissements de réaliser une différenciation effective des conditions de détention en particulier pour séparer prévenus et condamnés. Cependant, les personnes incarcérées pour affaires de moeurs sont généralement regroupées afin d'éviter qu'elles ne soient victimes de violences de la part des autres détenus.

Dans la maison d'arrêt des hommes de Draguignan, la capacité de l'unité d'hébergement réservée à cette partie de la population pénale s'est rapidement révélée insuffisante et le taux d'occupation y est supérieur à la moyenne annuelle, soit 290 %.

A Reims, le directeur de l'établissement a cherché à mettre en place des cellules fumeurs et on fumeurs. A Draguignan, le dispositif d'observation mis en place au quartier arrivant (constitué de 6 cellules) afin de repérer les difficultés éventuelles des détenus (troubles comportementaux, état suicidaire, etc) a vite été débordé par le flux massif des entrants. Il a donc fallu procéder à une affectation très rapide aux étages de la détention.

Il faut saluer toutefois l'effort des responsables de ces établissements pour assurer, dans un contexte très contraignant, l'entretien de ces locaux et leur rénovation régulière afin d'améliorer les conditions de détention.

La situation française n'est pas exceptionnelle en Europe. Le taux de détention est même généralement supérieur dans les pays voisins avec un dépassement des capacités pénitentiaires comme le montre le tableau suivant fondé sur des données de 2004.

Pays

Nombre d'habitants
(en millions)

Nombre
de détenus

Taux de détention
(pour 100 000 habitants)

Capacité pénitentiaire

France

62,2

56 271

90,5

49 595

Allemagne

82,5

79 676

96,5

79 204

Italie

57,8

56 090

96,9

42 656

Portugal

10,5

13 563

129,0

12 435

Espagne

42,2

59 244

140,3

45 733

Angleterre

53

74 488

140,4

77 927

Source : ministère de la justice .

La population carcérale est très majoritairement masculine (96 %). Votre rapporteur pour avis a souhaité néanmoins s'intéresser aux conditions de détention des femmes en se rendant au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes.

Le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes
Compte rendu de la visite du 26 septembre 2006

Construite en 1865, la prison des femmes de Rennes est aujourd'hui un centre pénitentiaire composé de :

- un centre de détention de 233 places qui se compose de douze divisions dont un quartier réservé à la période d'accueil des détenues transférées (quartier accueil de 15 places) qui peut perdre sa fonction initiale en cas de nécessité. Chaque division est dotée de 16 à 19 cellules, d'un espace commun, d'une cuisine et d'un espace buanderie-séchoir. Les détenues peuvent circuler librement au sein de cette division du matin jusqu'au soir ;

- d'une maison d'arrêt comportant 22 cellules à deux lits -six cellules étant réservées aux mineures le cas échéant ;

- un quartier nursery doté de cinq cellules, occupées indifféremment par des femmes des quartiers maison d'arrêt et centre de détention -au cours de l'année 2005, ce quartier a été occupé en permanence ;

- un quartier de semi-liberté disposant de quatre places dont la configuration actuelle ne permet pas toutefois une utilisation optimale de cet aménagement de peine.

L'établissement compte un quartier disciplinaire (cinq places) mais aucun quartier d'isolement. Lors de la visite de votre rapporteur pour avis, l'aménagement d'une salle de visioconférence s'achevait afin de permettre la tenue d'audiences à distance et de limiter les extractions judiciaires 8 ( * ) .

Le centre de détention reçoit des femmes en provenance de l'ensemble du territoire national y compris de départements d'outre-mer. Au 20 septembre 2006, 236 détenues étaient écrouées au centre de détention (dont trois en placement extérieur) : 43 condamnées à des peines correctionnelles, 42 détenues concernées par des procédures criminelles et condamnées à des peines d'emprisonnement de un à dix ans, 151 condamnées à la réclusion criminelle (dont sept à perpétuité).

Les caractéristiques de cette population -longueur des peines conjuguée à la diversité des origines sur le territoire national- expliquent que la première unité de vie familiale ait été installée au sein de ce centre pénitentiaire. Un développement spécifique sera consacré à cette structure dans les pages qui suivent.

La maison d'arrêt, couvrant les ressorts des cours d'appel de Rennes et d'Angers, reçoit les justiciables du tribunal de grande instance de Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc, le Mans, Angers, Laval et Saumur auxquelles s'ajoutent désormais depuis la fermeture en 2004 du quartier femmes de la maison d'arrêt de Vannes, les détenues relevant du tribunal de grande instance de Vannes et Lorient.

Atypique, cette maison d'arrêt dont la capacité théorique est de 65 places n'accueillait au 20 septembre 2006 que 29 détenues.

70 % des détenues travaillent (principalement dans des ateliers de confection d'uniformes pour le personnel pénitentiaire mais aussi dans un atelier de restauration de films anciens de l'institut national audiovisuel) ou bénéficient d'une formation.

Le personnel pénitentiaire compte un effectif de 176 agents.

Les observations de votre rapporteur pour avis

- les conditions de détention apparaissent dans l'ensemble satisfaisantes : les espaces communs de travail ou de loisir sont remarquablement équipés et entretenus. Les détenues semblent particulièrement attentives à préserver la qualité de cet environnement ;

- cependant, au sein du centre de détention, comme l'on fait remarquer certaines détenues rencontrées par votre rapporteur pour avis, des femmes condamnées à des peines de longueurs très différentes peuvent cohabiter au sein de la même unité, ce qui peut être source de tensions ; le directeur de l'établissement compte cependant instaurer des régimes de détention différenciés qu'il conviendra d'intégrer dans un cadre architectural contraignant ;

- le vieillissement de la population pénale constitue un fait marquant ; sur 265 détenues, 138 ont plus de quarante ans ; cette évolution conduit à réfléchir sur l'amélioration de l'accessibilité de certaines cellules.

B. LA PROGRESSION SIGNIFICATIVE DES PLACEMENTS SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE

Les mesures d'aménagement de peine progressent pour la deuxième année consécutive (+ 6 % avec 19.141 aménagements de peine) en 2005 après la hausse de 16 % constatée entre 2003 et 2004.

Comme le montre le tableau suivant, cette évolution s'explique pour une large part par l'augmentation des placements sous surveillance électronique (PSE).

Années

Réductions de peines

dont réduction
de peine supplémentaire
(721.1 du CPP)

Permissions
de sorties

Placements à l'extérieur

Placements en semi liberté

Placements sous surveillance électronique

Libération conditionnelle accordée
par le JAP

2000

93 572

22 946

35 674

3 339

6 757

13

5 361

2001

86 771

20 249

33 113

2 682

6 481

130

5 680

2002

94 223

19 460

31 777

2 550

6 527

359

4 876

2003

99 829

20 512

33 786

2 733

6 261

948

5 286

2004

91 631

17 610

35 589

2 230

6 842

2 911

5 866

2005

***

***

35 411

2 478

6 619

4 128

5 671

Le bracelet fixe

Le placement sous surveillance électronique représente désormais 22 % de l'ensemble des aménagements de peine. Au 1 er septembre 2006 et depuis le début de la mise en place du dispositif en octobre 2000 12.449 condamnés avaient fait l'objet d'un PSE. En 2005, 4.128 placements sous surveillance électronique ont été accordés contre 2.911 en 2004.

Malgré ces résultats positifs, la possibilité d'utiliser le placement sous surveillance électronique dans le cadre d'un contrôle judiciaire apparaît encore trop peu utilisée. Deux éléments peuvent expliquer cette situation : d'une part, les délais -brefs- de placement sous contrôle judiciaire ne laissent pas toujours le temps nécessaire pour l'enquête de faisabilité préalable au placement sous surveillance électronique ; d'autre part, le temps passé sous surveillance électronique pendant le temps de l'information judiciaire n'est pas décompté du quantum de peine éventuellement prononcé.

En outre, quel que soit le cadre procédural dans lequel la mesure est décidée, elle ne concerne qu'un public limité doté d'un logement et d'une ligne téléphonique. Une partie de la population pénale en grande précarité socio-professionnelle se trouve donc exclue.

Aussi, afin d'atteindre l'objectif de 3.000 placements simultanés sous surveillance électronique en 2007, l'administration pénitentiaire s'efforce plus particulièrement de :

- mettre à disposition des bracelets GSM permettant le placement sous surveillance électronique à des condamnés ne pouvant, pour des raisons financières, disposer d'une ligne téléphonique ;

- développer des conventions avec des organismes partenaires comme les HLM pour proposer des hébergements équipés d'une ligne téléphonique fixe aux personnes condamnées sans domicile fixe.


Le bracelet mobile : le point sur l'expérimentation en cours

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a institué le placement sous surveillance électronique mobile. Ce nouveau dispositif peut être appliqué dans trois cadres juridiques distincts :

- dans le cadre d'une libération conditionnelle pour les personnes condamnées pour un crime ou un délit pour lequel la mesure de suivi socio-judiciaire est encourue ;

- dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire à l'encontre de personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans ;

- dans le cadre, enfin, de la surveillance judiciaire , nouveau régime juridique institué par la loi du 12 décembre 2005 applicable pendant la durée correspondant aux crédits de réductions de peine ou aux réductions de peine supplémentaires obtenues par le condamné ; dans ce cadre, le placement sous surveillance électronique mobile ne pourrait être décidé que pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans et pour des faits pour lesquels la mesure de suivi socio-judiciaire n'est pas prévue.

Le placement sous surveillance électronique mobile est subordonné à un examen destiné à évaluer la dangerosité de l'intéressé et le risque de commission d'une nouvelle infraction.

En outre, comme l'avait prévu le Sénat, le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'après avoir recueilli le consentement de l'intéressé. Enfin, la durée de placement est de deux ans renouvelable une fois pour les délits et deux fois pour les crimes dans la limite de la durée de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire et de la surveillance judiciaire.

Votre rapporteur pour avis a pu s'entretenir avec les responsables du pôle placement sous surveillance électronique mobile créé au sein de la direction de l'administration pénitentiaire.

En premier lieu, le placement sous surveillance électronique mobile fait l'objet -selon la méthode déjà employée lors de la mise en oeuvre du bracelet fixe en 2000- d'une expérimentation avant sa généralisation sur le territoire national. A cette fin, le Gouvernement a adopté l'arrêté du 24 juillet 2006 portant création à titre expérimental d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux personnes condamnées placées sous surveillance électronique mobile. Ce texte prévoit notamment que la durée de conservation des informations est de deux ans à compter de leur enregistrement et autorise l'expérimentation pour une année au terme de laquelle une évaluation devra être conduite.

Le calendrier de mise en oeuvre s'articule autour de trois étapes :

- une première phase d'une durée de six mois à compter de juin 2006 sur deux sites pilotes : les directions régionales des services pénitentiaires de Rennes et de Lille pour les établissements pénitentiaires se trouvant dans le ressort des cours d'appel de Caen et de Douai. Quarante bracelets ont été répartis entre les deux sites pilotes. Cette première phase ne concerne que les mesures de libération conditionnelle. Trois personnes sont concernées. Une quinzaine pourrait l'être avant la fin de l'année ;

- une deuxième phase d'une durée de 18 mois (de décembre 2006 à mai 2008) sur quatre sites pilotes : les directions régionales des services pénitentiaires de Lille, Rennes, Paris et Marseille. La mesure s'appliquera dans les trois cadres juridiques prévus par la loi dès la parution du décret en Conseil d'Etat. 150 bracelets seront répartis entre ces quatre sites.

Une enveloppe de 240.000 euros a été allouée pour le marché correspondant à la phase de 6 mois et de 1.944.000 euros pour le marché correspondant à la phase de 18 mois.

- Enfin, la mesure sera généralisée à partir de mai 2008 .

La mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile est pour partie assurée par l'administration pénitentiaire, pour partie externalisée. Le personnel de l'administration pénitentiaire procède à la saisie des dispositions des décisions judiciaires concernant la surveillance électronique mobile et, en particulier, des interdictions de se rendre à proximité de tel ou tel lieu. Il assure aussi la pose et la dépose des émetteurs ; il reçoit et traite les alarmes de violation des interdictions et obligations liées aux déplacements de la personne soumise au placement sous surveillance électronique mobile. En revanche, la mise à disposition du matériel de suivi et de surveillance à distance, son exploitation et sa maintenance sont entièrement externalisées.

Le matériel lui-même est doté de trois éléments : un bracelet émetteur à porter à la cheville ou au poignet (doté d'une batterie non rechargeable d'une durée de 36 mois) émet en permanence un signal radio capté par le boîtier récepteur portable qui se porte à la ceinture et comporte un GPS intégré. Le bracelet dispose d'une fonctionnalité permettant au centre de surveillance de communiquer des messages que le porteur peut lire sur l'écran du récepteur. Enfin un récepteur statique , placé au domicile de la personne, complète la surveillance mobile et prend éventuellement le relais du récepteur portable. Ce matériel est fourni par la société Elmotech (qui fabrique aussi le bracelet fixe).

Le logiciel de surveillance électronique mobile, géré par un pôle centralisateur, permet de programmer des zones d'inclusion et d'exclusion, des « zones tampons » ainsi que des horaires d'assignation en un lieu déterminé selon le schéma suivant 9 ( * ) .

Pôle centralisateur

L'agent saisit les données

Décision
du Jap

Modalités d'exécution

du PSEM

Zone d'inclusion

Lieux d'assignation

Zones d'exclusion
Lieux interdits

Zones tampons

Zones autour des lieux interdits (alarme avant que le placé ne pénètre en zone d'exclusion )

Horaires d'assignation

En un lieu déterminé

Logiciel

Logiciel de surveillance électronique mobile

L'administration a privilégié un mode semi-actif de surveillance qui permet de fournir un rapport quotidien du déplacement des personnes placées (transmis au juge de l'application des peines) et d'émettre des alarmes en cas de manquement aux obligations. Lorsque cette alarme est émise il devient alors possible de suivre presque en temps réel les déplacements de la personne.

Les observations de votre rapporteur pour avis

- votre rapporteur pour avis s'est étonné que l'expérimentation n'ait d'abord concerné qu'une seule personne ; cependant une décision de placement implique une longue préparation : décision du juge, intervention des experts pour évaluer la dangerosité de la personne, accompagnement social du placé -en particulier s'agissant de l'hébergement etc ; l'attention accordée à la mise en oeuvre du placement apparaît pleinement justifiée mais souligne aussi que ce dispositif requiert une forte mobilisation des ressources humaines ;

- le premier cas d'application apparaît intéressant à plusieurs titres : il concerne unauteur de viol en état de récidive condamné à 12 ans d'emprisonnement. Celui-ci a accepté le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle alors même qu'il était à un mois de sa libération définitive ; selon les explications apportées à votre rapporteur pour avis, ce choix s'explique par la volonté de l'intéressé de rester sous un contrôle extérieur pour le protéger contre lui-même -cette dimension semble avoir également été déterminante dans le consentement des deux autres personnes auxquelles a été étendue l'expérimentation en novembre dernier. Par ailleurs, le placement actuel est en cours depuis trois mois et paraît très bien supporté. Il apparaît une fois encore essentiel que cette mesure soit assortie d'un accompagnement social afin que la fin du placement ne déstabilise pas l'intéressé.

C. LE PROSÉLYTISME EN PRISON : UN PHÉNOMÈNE PRÉOCCUPANT MAIS CONTENU

Votre rapporteur pour avis a pu s'entretenir avec plusieurs responsables de l'administration pénitentiaire chargés de suivre la question du prosélytisme dans les prisons.

Dans ce domaine, l'administration pénitentiaire s'est fixée pour ligne de conduite de garantir la liberté de culte tout en veillant au respect du principe de laïcité qui, comme dans toute autre institution publique, doit prévaloir au sein des prisons -à ce titre les manifestations du sentiment religieux à visée prosélyte doivent être strictement prohibées.

Les incidents liés au prosélytisme ont eu tendance à augmenter dans la période récente : une quarantaine en 2004, quelque 150 en 2005 (même si cette évolution est aussi pour une grande partie liée à une attention statistique plus grande des pouvoirs publics sur ces affaires). Ils peuvent présenter un caractère collectif (prières collectives, agression ou menace sur des codétenus, refus de plateaux etc..) ou une forme individuelle (refus de prendre une douche en même temps que des « mécréants ».

Ces comportements ne sont pas systématiquement le fait de détenus condamnés pour acte de terrorisme 10 ( * ) même si depuis quelques années ces derniers se distinguent par une formation religieuse plus solide et un professionnalisme acquis à la faveur d'un passage dans des camps d'entraînement à l'étranger.

En effet, une nouvelle « génération » de prosélytes paraît émerger parmi des détenus incarcérés pour des délits de droit commun. Leur audience s'élargit auprès de leurs jeunes codétenus pour lesquels la conversion et la pratique de la religion musulmane permettent de s'insérer dans un réseau de solidarité et d'affirmer leur appartenance à une communauté structurée.

Or, si les actions prosélytes des détenus terroristes peuvent être plus aisément endiguées dans la mesure où les intervenants sont bien identifiés, il apparaît plus difficile en revanche de prendre la juste mesure de cette nouvelle mouvance aux actions plus diffuses.

Quelques 110 détenus seraient identifiés comme prosélytes, en sus des terroristes, 350 autres personnes incarcérées étant en voie de radicalisation.

Cependant, l'administration pénitentiaire a pris plusieurs initiatives destinées à contenir ces phénomènes.

En premier lieu, les autorités s'efforcent de permettre une pratique encadrée du culte musulman en développant la présence des aumôniers des prisons. Or, à cet égard force est de constater que l'islam demeure sous-représenté puisque sur 951 aumôniers -dont 332 rémunérés par l'administration pénitentiaire- on ne compte que 91 musulmans (contre 505 catholiques) alors même que selon certaines estimations, 40 à 50 % de la population carcérale se rattacherait à la religion musulmane. L'administration souhaite favoriser le recrutement d'aumôniers supplémentaires notamment à travers une revalorisation de la rémunération des aumôniers nationaux et régionaux. La désignation l'an passé du premier aumônier national musulman pour les prisons, M. el Aloui Talibi par le conseil français du culte musulman, constitue un progrès incontestable.

Ensuite, l'administration pénitentiaire a cherché à mieux structurer son action en matière de lutte contre le prosélytisme par la création d'un bureau du renseignement.

Par ailleurs, elle a renforcé les échanges avec les services spécialisés de la police et de la gendarmerie pour assurer un suivi très attentif et individualisé des comportements prosélytes. Le croisement des informations permet d'une part aux services de police de communiquer à l'administration pénitentiaire l'identité, le profil, les antécédents et les relations intérieures et extérieures des responsables des groupes terroristes incarcérés, d'autre part, à l'administration pénitentiaire de faire connaître les activités en détention des différents protagonistes ainsi que leurs nouvelles relations. Ces données permettent notamment d'assurer une surveillance plus rigoureuse de l'activité prosélyte à l'issue de la détention.

En outre, une formation spécifique pour lutter contre le prosélytisme est désormais dispensée aux surveillants et au personnel d'encadrement dans le cadre des formations initiales et continues.

L'administration pénitentiaire a également mis en place une cartographie de l'islamisme radical , synthèse actualisée des éléments marquants sur l'islam (revendications, incitation à la prière, refus de réintégration, etc) au sein des prisons. Ce dispositif, actualisé à chaque incident, a vocation à constituer l'instrument d'une véritable politique de prévention . Sur cette base, l'administration peut en effet décider des mesures correctives à prendre tant dans la gestion individuelle des détenus que dans l'organisation générale des structures.

Enfin, l'administration pénitentiaire devrait disposer prochainement des moyens légaux de mieux contrôler le comportement de certains détenus grâce à la possibilité d'écouter leurs communications téléphoniques (à l'exception de celles avec leur avocat) comme le prévoit un amendement au projet de loi relatif à la prévention de la délinquance adopté en première lecture par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur pour avis.

III. PLUSIEURS FACTEURS DE PROGRÈS POUR L'AMÉLIORATION, NÉCESSAIRE, DES CONDITIONS DE DÉTENTION

La situation des prisons françaises a donné lieu à une appréciation souvent sévère de M. Alvaro Gil-Robles, ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dans le cadre du rapport sur le respect effectif des droits de l'homme en France, présenté en février 2006 au terme d'une mission conduite du 5 au 21 septembre 2005. Si votre rapporteur pour avis ne peut que rejoindre le constat dressé sur la surpopulation carcérale et la vétusté de certains établissements pénitentiaires, il estime en revanche que ce bilan ne tient pas suffisamment compte des évolutions engagées au cours des dernières années dans plusieurs domaines pour améliorer les conditions de détention en particulier à travers la modernisation des infrastructures pénitentiaires ou l'amélioration de la prise en charge médicale.

Parallèlement, sous l'égide de notre collègue, M. Robert Badinter, ont été créés, en mars 2006, à l'initiative d'une dizaine d'organisations 11 ( * ) , les états généraux de la condition pénitentiaire afin de favoriser la mise en oeuvre d'une profonde réforme du système carcéral. Sur la base d'une consultation individuelle des détenus organisée avec le soutien du Médiateur de la République et dont le principe a été accepté par le ministère de la justice 12 ( * ) , les états généraux ont adopté le 14 novembre dernier un « manifeste » recommandant en particulier l'adoption d'ici la fin 2008 d'une loi pénitentiaire .

Les principaux enseignements de la consultation des détenus

La consultation s'est faite sur la base d'un questionnaire le plus souvent remis en mains propres aux détenus par les délégués du Médiateur de la République dans 115 établissements. 15.530 questionnaires ont pu être exploités (soit un taux de retour de 25 %).

Parallèlement, les différents acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire ont été consultés en ligne. 5.397 personnes ont participé à cette consultation (le taux de retour pour les personnels de surveillance n'a pas dépassé 1 %) 13 ( * ) .

Les actions prioritaires souhaitées par les détenus visent à 14 ( * ) :

- rapprocher le lieu de détention du domicile ou de la famille (88,1 %) ;

- mettre en place des installations sanitaires préservant l'intimité (86,2 %) ;

- permettre un accès quotidien aux activités, à la formation et au travail (85,5 %) ;

- systématiser les sorties en cas de circonstances familiales graves (85,3 %) ;

- permettre les rencontres avec la famille et les proches dans le respect de l'intimité (85,3 %) ;

- augmenter la fréquence et la durée des parloirs (83,9 %) ;

- faciliter l'obtention des permis de visites pour la famille et les proches (82,5 %).

Selon votre rapporteur pour avis, les aspirations des détenus apparaissent dans l'ensemble mesurées et justifiées . Elles reflètent fidèlement les préoccupations exprimées par les personnes incarcérées avec lesquelles il s'entretient systématiquement à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires.

Votre rapporteur pour avis estime en outre que certains aménagements ponctuels dans les cellules, tels que l'installation de réfrigérateurs, contribueraient utilement et pour un coût limité 15 ( * ) , à l'amélioration de la situation des détenus. De même, conviendrait-il de réfléchir sur la possibilité d'étendre à l'ensemble des détenus le bénéfice de la gratuité de la télévision réservé aujourd'hui aux seuls indigents. Enfin, il serait souhaitable d'institutionnaliser une journée annuelle de rencontre entre les différents acteurs intéressés par les prisons (parlementaires, élus locaux, magistrats, avocats, associations...) qui permettrait de dresser régulièrement un état des lieux et de formuler des recommandations.

Votre rapporteur pour avis souhaiterait insister sur trois thèmes intéressant directement les conditions de détention : l'institution d'un contrôle extérieur des prisons, l'effort engagé pour maintenir les liens familiaux, les perspectives ouvertes pour la prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques.

A. VERS L'INSTITUTION D'UN CONTRÔLE EXTÉRIEUR DES PRISONS

Le Gouvernement a annoncé cette année l'institution d'un contrôle extérieur et indépendant des prisons qui serait confié au Médiateur de la République.

Une telle initiative répond à une préoccupation exprimée depuis plusieurs années en particulier par la voie de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons en France en 2000 16 ( * ) .

Celle-ci estimait « indispensable que la France se dote d'un organe de contrôle externe des établissements pénitentiaires ». Sans doute les prisons font-elles déjà l'objet de plusieurs contrôles. La loi fait d'abord obligation aux magistrats du parquet, aux juges de l'application des peines, aux juges d'instruction, aux juges des enfants et aux présidents des chambres de l'instruction de visiter régulièrement les établissements pénitentiaires afin de contrôler les conditions de détention des personnes dont ils ont la charge. En outre, dans chaque établissement, une commission de surveillance placée sous la présidence du préfet du département contrôle le fonctionnement de l'établissement et peut communiquer ses observations au ministre de la justice. Par ailleurs, les prisons sont soumises au contrôle de l'inspection des services pénitentiaires et, plus largement, à celui de l'inspection générale des services judiciaires. De même, depuis la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes, députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les établissements pénitentiaires de leur choix. Ils peuvent aussi saisir, sur la base de la dénonciation d'un fait précis, la commission nationale de déontologie de la sécurité . Celle-ci peut ensuite formuler des recommandations qui font l'objet d'une publication.

Ces modalités de contrôle présentent cependant certaines limites : elles apparaissent en effet soit trop ponctuels (s'agissant par exemple de la saisine de la commission nationale de déontologie de la sécurité), soit, en pratique, dépourvus d'effectivité (dans beaucoup d'établissements, la commission de surveillance s'apparente à un exercice formel) ou des garanties d'indépendance.

Cette situation n'est donc pas entièrement satisfaisante.

Le Gouvernement, soucieux de répondre aux critiques adressées au dispositif français ainsi qu'aux engagements souscrits dans le cadre du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé le 16 septembre 2005, a proposé d'instituer un contrôle extérieur des prisons que le garde des sceaux souhaiterait confier au Médiateur de la République : celui-ci pourra intervenir dans l'ensemble des établissements pénitentiaires et formuler des recommandations au ministère de la justice.

L'exercice d'une mission de contrôle constituerait une attribution inédite pour le Médiateur. Elle s' ajouterait à la mission de médiation qu'assume cette autorité à travers ses délégués dans les prisons.

En effet, depuis mars 2005, le ministre de la justice et le Médiateur de la République ont signé une convention permettant l'expérimentation de l'intervention des délégués du Médiateur dans dix établissements pénitentiaires 17 ( * ) .

En complément des points d'accès aux droits, présents dans de nombreux établissements, le délégué du Médiateur assure une permanence d'une demi-journée par semaine et intervient lorsque les détenus connaissent des difficultés avec l'administration y compris l'administration pénitentiaire. Au cours du premier semestre 2006, les délégués ont reçu 348 saisines dont 223 ont donné lieu à un entretien avec le détenu. Sur 279 affaires recevables, 100 concernaient l'administration pénitentiaire (parmi lesquels 8 seulement ont été transmises au Médiateur de la République -les autres ayant reçu une réponse localement). Ces éléments traduisent une forte progression du recours aux délégués du médiateur par rapport à 2005 (232 saisines).

L'administration pénitentiaire estime le nombre de recours annuels à quelque 700 -chiffre qui peut être rapproché du nombre de saisines du Médiateur de la République avant expérimentation de l'ordre d'une dizaine par an pour l'ensemble de la population pénale. Les réclamations concernent le plus souvent les affectations en établissements pour peines, des pertes d'objets au cours des transferts, des demandes de renseignements sur la procédure disciplinaire ou sur d'autres points du règlement intérieur.

Elles peuvent aussi porter sur des dysfonctionnements de certains services (comptabilité, cantine). De nombreuses saisines résultent de la méconnaissance par les détenus de leurs droits et obligations 18 ( * ) .

L'augmentation des saisines semble, dans l'ensemble, maîtrisée : on ne constate pas de retard dans le traitement des dossiers et les rendez-vous peuvent être honorés d'une semaine à l'autre.

Au regard des résultats positifs de cette initiative, le garde des sceaux et le Médiateur de la République ont souhaité généraliser ce dispositif à partir de 2007 -ainsi, dès l'année prochaine, 25 nouvelles permanences de délégués du Médiateur seront créées dans des établissements pénitentiaires de plus de 300 détenus parmi lesquelles figurera le plus important de France, la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (le nombre de détenus bénéficiant d'un accès direct à un délégué du médiateur passerait ainsi de 7.500 à 20.000 d'ici la fin de l'année prochaine). Dans les établissements de taille plus réduite, l'intervention de délégués sur demande des détenus sera expérimentée. Parallèlement, votre rapporteur pour avis souhaite que le nombre de points d'accès aux droits puisse être fortement augmenté .

Le garde des Sceaux a souligné devant votre commission des lois, le 21 novembre dernier, que la mission de contrôle qui pourrait être confiée au Médiateur serait totalement indépendante de l'activité de médiation exercée par les délégués du Médiateur. Il a ajouté que ce contrôle concernerait non seulement les prisons mais l'ensemble des lieux privatifs de liberté (hôpitaux psychiatriques, locaux de garde à vue, centres de rétention...). Il a indiqué que, en tout état de cause, l' intervention du législateur serait nécessaire pour permettre au Médiateur d'assumer cette nouvelle mission.

Un projet de loi serait ainsi déposé par le Gouvernement en 2007, assorti d'une étude d'impact qui évaluerait les moyens supplémentaires dont serait doté le Médiateur.

Le Médiateur de la République, pour sa part, a indiqué à votre rapporteur pour avis que les fonctions de contrôle et de médiation n'étaient pas compatibles mais complémentaires. Il a suggéré que lui soit reconnue la possibilité de désigner directement un contrôleur extérieur, placé sous son autorité, qui exercerait le contrôle des prisons avec le soutien d'une vingtaine de personnes. Il a estimé que le projet de loi devrait définir le périmètre des interventions de ce contrôleur ainsi que les pouvoirs dont il serait doté (droit de visite, droit d'entretien individuel avec les détenus, etc.).

Pour votre rapporteur pour avis, l'institution d'un contrôleur des prisons est devenue indispensable. Elle est souhaitée par l'ensemble des acteurs, y-compris l'administration pénitentiaire. Il considère que le débat sur la forme que prendra ce contrôle doit rester ouvert et l'examen du projet de loi concernant le contrôle extérieur des prisons permettra précisément d'approfondir la réflexion sur ce point.

Le Gouvernement a pris au cours de cette année une autre initiative destinée à mieux garantir les droits des détenus.

En premier lieu, il a adopté une réforme importante de la procédure d'isolement . En effet, deux décrets 19 ( * ) ont permis de consacrer le principe d'une procédure contradictoire . Désormais, la personne détenue peut se faire assister ou représenter par un avocat ou un mandataire agréé et prendre connaissance de son dossier préalablement à toute décision de placement à l'isolement ou de prolongation prise par l'administration pénitentiaire.

Ces textes donnent également une définition du régime de détention en vigueur au quartier d'isolement et garantit au détenu l'exercice de ses droits fondamentaux (accès à l'information, aux parloirs, libre exercice du culte, accès aux activités en commun etc.). Par ailleurs, le placement doit respecter le principe d'une durée raisonnable .

Actuellement, les placements sont décidés par mesure de sécurité ou de protection, soit d'office, soit à la demande du détenu et concernent quelque 500 détenus dont 150 à leur demande.

La réforme de la procédure d'isolement, la mise en place d'un système de contrôle indépendant, autant d'évolutions qui répondent aux « bonnes pratiques » recommandées par le Conseil de l'Europe. Il convient à cet égard que les règles pénitentiaires européennes , révisées en 2006, fassent l'objet d'une diffusion, à l'initiative du ministère de la justice, auprès de tous les personnels de l'administration pénitentiaire.

Comme l'indique la notice du ministère de la justice accompagnant ce manuel « bien que ces recommandations ne présentent aucune valeur contraignante pour les Etats, elles constituent pour le ministère de la justice un outil de référence sur lequel l'administration pénitentiaire entend fonder son action ».

B. L'EXTENSION DES UNITÉS DE VIE FAMILIALE

Le maintien des liens familiaux pendant la période de détention représente un moyen de favoriser l'insertion du condamné après sa libération. Cependant, l'absence de permissions de sortie ou d'aménagements de peine pour les condamnés à de longues peines conjugués à l'affectation dans des établissements pénitentiaires éloignés du foyer familial conduit souvent au relâchement des liens avec les proches.

Ce constat a justifié l'ouverture à titre expérimental d'unités de visite familiale (UVF) dans trois sites pilotes : le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes (septembre 2003) 20 ( * ) , les maisons centrales pour hommes de Saint-Martin-de-Ré (avril 2004) et de Poissy (décembre 2005).

Les UVF permettent aux personnes condamnées à de longues peines ne bénéficiant ni de permissions de sortie ni d'autres mesures d' aménagement , de recevoir les membres de leurs familles 21 ( * ) de 6 à 48 heures une fois par trimestre (72 heures une fois par an) dans des conditions matérielles, de durée et d'intimité satisfaisantes.

En pratique, ces unités sont des appartements de type F3 entièrement meublés, situés dans l'enceinte du centre pénitentiaire mais en dehors de la détention proprement dite 22 ( * ) .

Les rencontres s'effectuent sans surveillance directe ni caméra. Cependant un règlement intérieur fixe certaines règles et limite, en particulier, à quatre le nombre de personnes pouvant être accueillies. Chaque appartement est en outre équipé d'un interphone et d'une alarme pour qu'une intervention rapide des personnels puisse être déclenchée en cas de problème. Les mineurs ne peuvent rester seuls avec le détenu et doivent toujours être accompagnés d'un autre adulte -le cas échéant, d'un travailleur social. Des rondes extérieures sont effectuées par les personnels pénitentiaires qui peuvent aussi effectuer des contrôles dans les unités après en avoir prévenu les occupants.

L'accueil des visiteurs est entièrement à la charge du détenu (qui doit notamment commander à l'établissement les produits destinés à la confection des repas -les personnes extérieures ne pouvant apporter des denrées alimentaires en prison).

Ces visites supposent une préparation tant du détenu que du visiteur. L'un comme l'autre doit donc s'entretenir au préalable avec les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Par ailleurs, les agents chargés de la surveillance des UVF, tous volontaires , reçoivent une formation orientée en particulier sur l'approche psychologique et sociologique du détenu et des liens parentaux.


Les observations de votre rapporteur pour avis

Lors de la visite qu'il a effectuée au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes le 26 octobre dernier, votre rapporteur pour avis a pu recueillir les éléments d'information concernant un premier bilan des UVF dans cet établissement, le premier à avoir expérimenté un tel dispositif.

- L'UVF ne bénéficie en pratique qu'à la moitié des femmes remplissant les conditions réglementaires pour recevoir ces visites (soit une cinquantaine de détenues sur 105 femmes parmi 220 femmes condamnées pour de longues peines). En 2005, 120 visites ont eu lieu (contre 86 en 2004) pour 57 détenues (contre 45 en 2005) 23 ( * ) .

L'autre moitié des femmes susceptibles de recevoir des visites ne demande pas à bénéficier du dispositif car les liens familiaux ont souvent déjà été rompus à l'occasion de l'infraction commise. En effet, les condamnations concernant la population pénale féminine ont souvent pour origine les faits perpétrés au sein de la famille.

- Cette caractéristique de la population pénale féminine explique aussi l'attention accordée à la préparation des visites notamment celle des enfants de la détenue et l'intervention d'un psychologue.

Les visites ont concerné pour plus de la moitié d'entre elles des enfants accompagnés de l'autre parent, d'un membre de la famille ou d'un travailleur social.

Les travailleurs sociaux de l'établissement prennent systématiquement contact avec les personnes extérieures qui sollicitent une visite pour la première fois. L'entretien a lieu soit par téléphone, soit lors d'un parloir.

- 91 % des demandes sont satisfaites. Selon le directeur de l'établissement, les refus sont opposés lorsque les dossiers ne sont pas mûris ou complets. En tout état de cause, la décision est prise par le directeur de l'établissement après avis d'une commission pluridisciplinaire associant notamment les travailleurs sociaux, l'aumônière et les psychologues. La décision administrative fait grief et peut donner lieu à un recours.

- Les visites se déroulent dans des conditions très satisfaisantes, aucun incident n'ayant jusqu'à présent été constaté. Par ailleurs, les détenues, entièrement responsables de la logistique, veillent scrupuleusement à laisser les locaux dans un parfait état.

- Les visites ont de manière générale un impact très favorable sur les relations familiales : la configuration des locaux et la durée de la rencontre permettent incontestablement de renforcer les relations conjugales ou filiales.

Le dispositif présente en outre une incontestable souplesse : il arrive ainsi que le visiteur soit le conjoint, lui aussi détenu et qui effectue sa permission dans le cadre de l'UVF.

En septembre dernier, il a été décidé d'ouvrir les UVF construites dans quatre établissements du programme 4000 places -Avignon, Le Pontet, Liancourt, Meaux-Chauconin et Toulon-La Farlède.

Votre rapporteur pour avis a pu constater lors de son déplacement dans l'établissement de Meaux-Chauconin que les premières visites faites dans le cadre des UVF permettaient de vérifier les appréciations positives faites à Rennes même s'il demeure encore, semble-t-il, chez les détenus une appréhension, injustifiée, sur la surveillance qui serait exercée à leur insu au sein de ces structures.

Sans doute ces craintes se dissiperont-elles progressivement à la faveur des témoignages des premiers bénéficiaires des visites 24 ( * ) .

C. LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX : LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LES UNITÉS HOSPITALIÈRES SPÉCIALEMENT AMÉNAGÉES

Actuellement, la prise en charge des détenus atteints de troubles mentaux se fait selon des modalités distinctes tenant compte, d'une part, de la gravité des pathologies et, d'autre part, du consentement ou non de la personne aux soins.

En premier lieu, le service public hospitalier assure dans tous les établissements pénitentiaires des soins ambulatoires en matière psychiatrique.

Ensuite, s'agissant des troubles plus sérieux et sous réserve de l' accord de l'intéressé , des soins ambulatoires renforcés voire une hospitalisation peuvent être assurés dans l'un des vingt-six services médico-psychologiques régionaux (SMPR) implantés dans les maisons d'arrêt les plus importantes et totalisant 375 lits.

Enfin, les hospitalisations sous contrainte sont assurées dans les établissements de santé habilités et les quatre unités pour malades difficiles 25 ( * ) .

Votre commission a conduit au cours de cette année une mission d'information sur les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux 26 ( * ) .

Cette réflexion faisait suite aux conclusions de la commission Santé-Justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la cour de cassation qui avait notamment préconisé en 2005, la mise en place de centres fermés de protection sociale pour accueillir, après l'exécution de leur peine, des personnes considérées comme toujours dangereuses.

Depuis la publication du rapport de votre commission en juin dernier, plusieurs éléments sont venus enrichir le débat sur la prise en charge des délinquants atteints de troubles mentaux.

D'abord, les principaux résultats de l' étude épidémiologique engagée par les ministères de la santé et de la justice afin d'estimer les prévalences des principaux troubles dans les établissements pénitentiaires français sont désormais connus. L'enquête porte sur un échantillon de 800 personnes détenues tirées au sort tenant compte des différents types d'établissements.

S'agissant des antécédents sociaux , judiciaires et médicaux , elle a permis d'établir que :

- avant l'âge de 18 ans, plus du quart (28 %) de la population étudiée a été suivi par un juge pour enfants et 22 % a fait l'objet d'une mesure de placement ;

- le quart des détenus déclare avoir subi des maltraitances de nature physique, psychologique ou sexuelle ;

- 16 % des détenus ont été hospitalisés pour raisons psychiatriques avant leur incarcération.

Quant aux troubles identifiés, deux constats particulièrement préoccupants ont été dressés :

- 3,8% des détenus souffrent d'une schizophrénie nécessitant un traitement, soit environ quatre fois plus que le taux pour la population dans son ensemble ;

- 18 % présentent un état dépressif majeur, soit 4 à 5 fois plus que le taux observé pour la population dans son ensemble. Ces dernières données doivent être interprétées avec précaution car ces troubles peuvent être à l'origine du fait générateur de la détention mais peuvent aussi résulter de la privation de liberté.

Par ailleurs, M. Jean-Paul Garraud, député, a présenté en octobre dernier les conclusions de la mission dont le Gouvernement l'avait chargé sur l'évaluation de la dangerosité des auteurs d'infractions pénales atteints de troubles mentaux.

Parmi les 21 propositions formulées, il a plus particulièrement préconisé, à l'instar du « rapport Burgelin », une mesure de « suivi de protection sociale » des auteurs d'infraction ayant purgé leur peine et « présentant une dangerosité criminologique persistante » (cette mesure serait prononcée par le juge des libertés et de la détention au vu d'une expertise de la dangerosité établie par une « commission pluridisciplinaire d'évaluation »). Comportant des obligations et des interdictions comparables à celles prévues dans le cadre du suivi socio-judiciaire, cette mesure ne serait pas, contrairement à celui-ci, limitée dans le temps -mais pourrait être renouvelée tous les deux ans. En outre, M. Jean-Paul Garraud reprend la proposition d'instituer « un centre fermé de protection sociale pour les criminels les plus dangereux ne bénéficiant d'aucune mesure de suivi en milieu ouvert ». Décidé par la juridiction de jugement ou par le tribunal de l'application des peines, le placement dans ce centre ferait l'objet d'une révision annuelle. Le nombre de personnes concernées par un tel placement est estimé à 200.

Votre commission des lois n'avait pas, pour sa part, dans le cadre de son rapport précité jugé souhaitable la mise en place de tels centres de protection sociale. Elle avait suggéré que les personnes condamnées atteintes de troubles mentaux graves soient accueillies pendant la durée de leur peine et au-delà, si leur état le nécessite, dans des structures hospitalières qui seraient « adossées » aux unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la justice et dont les premières devraient voir le jour en 2008.

La prise en charge serait donc sous responsabilité médicale, l'administration pénitentiaire assurant la surveillance périphérique des locaux. Dans l'hypothèse où l'état de santé de la personne s'améliorerait, celle-ci serait réaffectée dans son établissement pénitentiaire d'origine. Si en revanche, l'état de dangerosité devait persister après l'expiration de la peine, l'autorité judiciaire pourrait, après avis convergent de deux experts extérieurs, décider de maintenir l'intéressé dans cette structure pour une durée de deux ans éventuellement renouvelable.

Ce dispositif ne concernerait que les personnes ayant commis les infractions les plus graves. Selon votre commission, il permettrait d'éviter toute rupture dans le dispositif de soins.

Dans le prolongement de la réflexion engagée par votre commission, votre rapporteur pour avis a recueilli auprès des responsables du projet « UHSA » des précisions complémentaires sur la mise en oeuvre de ces structures.

Le point sur la mise en place des UHSA

La mise en place des UHSA permettra l'hospitalisation au sein de ces unités de toute personne détenue atteinte de troubles mentaux avec ou sans consentement.

Les UHSA constitueront des structures séparées implantées au sein de centres hospitaliers. Les soins seront assurés par le personnel hospitalier alors que la garde des personnes détenues et la protection du site incomberont à l'administration pénitentiaire.

Le programme d'implantation des UHSA prévoit une capacité de 705 lits et comportera deux tranches -la première de 2008 à 2010 (460 lits), la seconde à partir de 2010 (245 lits).

Direction régionale des services pénitentiaires

Ville

Capacité

DRSP Paris

Villejuif ou EPSNF

60

DRSP Marseille

Marseille

60

DRSP Lille

Lille

60

DRSP Paris

Orléans

60

DRSP Dijon/Lyon

Lyon

60

DRSP Toulouse

Toulouse ou Thuir

40

DRSP Strasbourg

Metz ou Nancy

40

DRSP Bordeaux

Bordeaux

40

DRSP Rennes

Rennes

40

Capacité totale de la 1 ère tranche

460 places

La deuxième tranche sera réalisée à partir de 2010/2011.

Les lieux d'implantation pressentis sont les suivants :

DRSP concernée

Ville

Capacité

DRSP Dijon

Dijon ?

40

DRSP Lille

Rouen ?

40

DRSP Paris

Établissement de santé à définir

40

DRSP Bordeaux

Bordeaux ou Poitiers ?

40

DRSP Marseille

Nice ?

40

Outre-mer

Guadeloupe, Martinique, Réunion

(UHSA de 15 places chacune)

45

Capacité totale de la 2 ème tranche

245 places

En premier lieu, la construction sera caractérisée par une sécurité renforcée : les façades en limite de périmètre seront infranchissables et répondront aux exigences de sûreté (protection contre les évasions, les intrusions et les actes de vandalisme) et fonctionnelles telles que l'impossibilité de communiquer avec l'extérieur par des moyens visuels (absence de vue) ou sonores. Le fonctionnement d'une UHSA devrait s'articuler autour de trois zones distinctes :

- une zone de soins constituée de deux ou trois unités de soins qui ne dépasseront pas une vingtaine de lits chacune ;

- une zone mixte , pénitentiaire et hospitalière, regroupant, d'une part, la « zone d'entrée et de contrôle » et d'autre part, la « zone commune » constituée de locaux spécifiques pénitentiaires (parloirs, greffe...) ainsi que de locaux communs réservés aux personnels médicaux et pénitentiaires (vestiaires, locaux de détente...) ;

- un périmètre de sécurité extérieur au bâtiment principal d'une largeur suffisante destiné à prévenir toute évasion, intrusion, communication ou projection depuis l'extérieur. Il fait partie de la zone d'implantation de l'UHSA et peut prendre la forme d'un grillage par exemple.

Le choix du lieu d'implantation d'une UHSA résulte du croisement de plusieurs critères : l'accessibilité par les transports, la réserve foncière de l'établissement hospitalier, la proximité d'un SMPR, et/ou d'une UHSI, la motivation de l'équipe médicale ainsi que les perspectives de la démographie médicale.

Pour une UHSA de 60 lits, l'effectif de personnel pénitentiaire devrait s'élever à 46. Ces personnels assureront en particulier le contrôle des entrées et des sorties, celui des visiteurs, la fouille des locaux. Ils pourront intervenir exceptionnellement dans la zone de soins à la demande du personnel médical ou en cas d'urgence. L'administration pénitentiaire sera en outre responsable des escortes selon des principes qui devraient être fixés par un décret en Conseil d'Etat au premier semestre 2007. Le concours des forces de l'ordre sera toujours possible pour les personnes considérées comme dangereuses.

Comme pour les UHSI, le personnel pénitentiaire sera spécifiquement affecté à chaque UHSA et un guide de bonne conduite sera élaboré avant l'ouverture de chacune des unités.

L' équipe médicale sera quant à elle rattachée au SMPR -le SMPR restant l'unité de consultation au sein de l'établissement pénitentiaire, l'UHSA devenant l'unité d'hospitalisation dans le centre hospitalier. Son effectif sera défini de manière déconcentrée par chaque établissement hospitalier.

Le coût (hors fonctionnement) pour une UHSA de 40 lits est actuellement évalué à un montant compris entre 9 et 13 millions d'euros.

Les observations de votre rapporteur pour avis :

- selon les informations communiquées par l'administration pénitentiaire, la mise en place des UHSA ne devrait pas conduire à remettre en cause -moyennant une modification législative proposée par le ministère de la Santé- l'hospitalisation d'office des détenus les plus dangereux au sein des unités pour malades difficiles (UMD -416 lits) 27 ( * ) qui présentent les garanties nécessaires au regard de la sécurité (les évasions sont exceptionnelles au sein des UMD -une en 2005). Pour votre rapporteur pour avis, cependant, la sécurisation des UHSA -comme le cahier des charges établi par les ministères de la santé et de la justice le laisse entendre- doit répondre aux mêmes critères de sécurité que ceux retenus pour les UMD.

- un élément de souplesse demeure nécessaire pour les mineurs afin de permettre leur hospitalisation dans un service de psychiatrie infanto-juvénile doté de spécialistes dont pourraient être dépourvues les UHSA.

- l'hospitalisation en UHSA est actuellement programmée pour des séjours de deux à trois mois. Les différents éléments recueillis par votre rapporteur pour avis sur la conception de ces structures et leur organisation ne peuvent que conforter, dans son esprit, le bien fondé de la proposition de la commission des lois tendant à la création d'UHSA de long séjour ou renforcée pour les personnes atteintes des troubles les plus graves. Il lui paraît nécessaire que le principe de l' installation d'une ou de deux chambres particulièrement sécurisées puisse être intégré dans les projets de réalisation des UHSA .

IV. UN PARC IMMOBILIER EN VOIE DE PROFONDE TRANSFORMATION

La France dispose aujourd'hui de 188 établissements pénitentiaires (115 maisons d'arrêt, 60 établissements pour peines, 13 centres autonomes de semi-liberté). Parmi ces établissements, 111 ont été construits avant 1911 et sont, pour plusieurs d'entre eux, faute d'entretien, dans un grand état de vétusté.

Aussi, au cours des deux dernières décennies, les gouvernements successifs ont-ils engagé trois programmes immobiliers :

- le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements mis en service entre 1910 et 1992 ;

- le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de six établissements ;

- le programme « Loi d'orientation et de programmation pour la justice » (2002) de 13.200 places avec la construction d'une quinzaine d'établissements pénitentiaires et de sept établissements pour mineurs.

Dans l'attente des livraisons de ce dernier programme, un dispositif d'accroissement des capacités vise à dégager 3.000 places d'hébergement supplémentaire (dont 500 places en semi-liberté) sur des emprises pénitentiaires existantes.

Parallèlement, le Gouvernement a engagé en 1998 un programme de rénovation des quatre plus grands établissements pénitentiaires de France (les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes et Paris-La Santé, le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes).

Votre rapporteur pour avis a dressé dans le cadre de la présentation du projet de budget pour l'administration pénitentiaire le bilan du volet « construction » de la loi d'orientation et de programmation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Il évoquera ici, d'une part le programme de rénovation des établissements pénitentiaires, d'autre part, la réalisation du programme 4000 en s'appuyant plus particulièrement sur les éléments d'information recueillis à l'occasion de ses déplacements.

A. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES GRANDS ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES : L'EXEMPLE DE LA MAISON D'ARRÊT DE LA SANTÉ

Les établissements concernés -qui concentrent à eux seuls un cinquième des capacités totales de détention- ont fait l'objet en 1998 d'un programme spécifique dans la mesure où le coût de leur rénovation ne pouvait être intégré dans l'enveloppe annuelle des crédits de rénovation de l'administration pénitentiaire.

D'abord orienté vers la remise à niveau des bâtiments assortie de quelques aménagements fonctionnels limités, le programme de rénovation a été étendu à une restructuration plus complète comportant, sur le modèle des nouvelles constructions en cours, l'encellulement individuel, la douche en cellule et les espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre des actions de réinsertion.

Votre rapporteur pour avis avait fait le point dans ses rapports de 2004 et 2005 sur la rénovation des établissements de Fleury-Mérogis et des Baumettes. La condition des détenus à Fleury Mérogis a suscité récemment l'intérêt de la presse à l'occasion de violences qui auraient été commises sur un prévenu. Le directeur de l'administration pénitentiaire, interrogé par votre rapporteur pour avis sur ces faits, a indiqué qu'il avait diligenté une inspection des services pénitentiaires. Votre rapporteur pour avis avait attiré l'attention dans son rapport sur la loi de finances pour 2005 sur la situation difficile de cet établissement qui compte dans la maison d'arrêt pour hommes près de 2.400 détenus -soit un effectif quatre fois supérieur à celui d'une détention « classique ». Rapporté à la taille de cette structure, le nombre de violences ne dépasse pas la moyenne, malheureusement trop élevée, des incidents constatés dans les autres établissements (en 2005, 33 agressions sexuelles ont été portées à la connaissance des services pénitentiaires de Fleury-Mérogis). Le vieillissement prématuré de la construction ne peut qu'aggraver les conditions de détention.

Cependant, la remise en état des cellules insalubres de Fleury-Mérogis a débuté en mars 2005 les travaux de rénovation proprement dits commencés fin 2005, devraient s'étaler sur 9 ans.

A Marseille, le chantier de rénovation engagé également à la fin de l'an passé doit durer 8 ans. Dans ces deux établissements, les travaux seront réalisés par tranches successives pour permettre le maintien en activité de ces structures.

Votre rapporteur pour avis s'est intéressé plus particulièrement cette année à la situation de la maison d'arrêt de la Santé.

Compte rendu de la visite de la maison d'arrêt de la Santé
(7 novembre 2006)

La maison d'arrêt de la Santé est dans un état très préoccupant . En mars 2006, les blocs B et C, situés dans le quartier haut de l'établissement ont dû être fermés en raison des risques d'effondrement des plafonds 28 ( * ) . Pour les mêmes raisons le bloc D devra être fermé avant février 2007. Ce délabrement est lié à la corrosion des poutres métalliques de l'établissement du fait de l'humidité et à la suroccupation de ces espaces pendant de nombreuses années 29 ( * ) . La Santé qui comptait, avant la fermeture des blocs B et C, 1.300 détenus n'en comptent plus aujourd'hui que 750, principalement des prévenus.

Les prévenus sont répartis dans les établissements de la région parisienne selon l'ordre alphabétique. Ainsi, les détenus dont les noms commencent par les lettres O à Z sont affectés à la Santé. Depuis la fermeture du bloc D, l'éventail a été resserré aux lettres S à Z. En outre, l'établissement accueille d'autres catégories de détenus, en particulier un grand nombre de terroristes en raison de la concentration des affaires de terrorisme au TGI de Paris. Plusieurs transfèrements de prisonniers ont dû être organisés dans les autres établissements franciliens, principalement à Fresnes qui connaît pourtant déjà une situation difficile.

Après la fermeture des deux blocs, il restait néanmoins à la Santé quelque 74 nationalités représentées parmi les détenus -47,7 % de la population pénale y étant de nationalité étrangère 30 ( * ) .

La maison d'arrêt comptait quelque 500 personnels pénitentiaires, soit une « relative aisance » par rapport à un établissement comme les Baumettes qui disposent du même effectif pour 1.600 détenus. Elle a cependant perdu 50 emplois après la fermeture des blocs B et C et 40 emplois à la suite de la fermeture du bloc D. En pratique, pour l'essentiel, les postes ne sont plus ouverts au moment des mutations ou des départs à la retraite.

La réduction de 30 % du nombre des détenus en raison de la fermeture des blocs B, C et D ne s'est traduite que par une baise de 10 % de l'activité médicale au sein du SMPR -l'équipe médicale tirant parti de cette situation pour assurer une prise en charge médicale plus complète.

L'intérêt de disposer d'une maison d'arrêt au centre de la capitale à proximité du palais de justice a conduit le Gouvernement à retenir le principe d'une rénovation dont les modalités ont été arrêtées cet automne. Il a été ainsi décidé d'assurer la rénovation dans le cadre d'un partenariat public-privé afin de permettre la réalisation d'une maison d'arrêt de 1.200 places (le quartier haut serait rasé et le quartier bas entièrement réaménagé). Le chantier débuterait à la fin de l'année 2009 et durerait 24 mois. Le coût des travaux est estimé à 138 millions d'euros.

Le garde des Sceaux lors de son audition devant votre commission a indiqué que la phase d'étude de cette rénovation était budgétisée en 2007 à hauteur de 1,5 millions d'euros. Il a également assuré que cette opération ne serait pas financée au détriment des deux autres grandes rénovations déjà en cours (Fleury et les Baumettes).

Pendant le chantier, l'établissement resterait ouvert mais selon une configuration limitée à un centre de semi-liberté pour 60 détenus (auquel s'ajouterait la surveillance de quarante placements sous surveillance électronique). Dans l'intervalle, les établissements franciliens seront encore plus sollicités.

Le programme de rénovation de Fresnes n'est pas, dans l'immédiat du moins, considéré comme prioritaire par rapport à celui des trois autres établissements. Le schéma directeur en avait été réalisé en 2004 mais les études n'ont pas été poursuivies du fait de l'absence de perspective de financement.

B. LA RÉALISATION DU PROGRAMME « 4000 » : UN PROGRÈS MAJEUR DANS LES CONDITIONS DE DÉTENTION

Le programme « 4000 » initié par M. Pierre Méhaignerie est désormais parvenu à son terme. Il a permis la construction de six nouveaux établissements réalisés en deux phases :

- au titre du programme 4000 A (175 millions d'euros), la construction de la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses ouverte le 26 janvier 2003 (615 places), le centre pénitentiaire d'Avignon-Le Pontet ouvert le 23 mai 2003 (625 places) et la maison d'arrêt de Lille-Sequedin ouverte le 5 avril 2005 (655 places) ;

- au titre du programme 4000 B (185 millions d'euros), les centres pénitentiaires de Liancourt ouvert le 17 mai 2004 (632 places), de Toulon-La Farlède ouvert le 28 juin 2004 (607 places), de Meaux-Chauconin ouvert le 9 janvier 2005 (318 places).

Ces établissements sont construits sur un même modèle et visent à améliorer les conditions de détention : nef d'entrée largement éclairée, cellules plus grandes -10,5 m 2 pour une cellule simple, 13,5 m 2 pour une cellule double-, plus lumineuses et dotées d'une douche, espaces communs mieux équipés. Outre les espaces communs à tout l'établissement (centre scolaire, ateliers, bibliothèque centrale, gymnase, terrain de football, etc.), chaque quartier est doté de salles d'activités, d'une antenne bibliothèque, d'une salle de musculation, d'un espace coiffure et d'une laverie.

En outre quelques cellules (19,8 m 2 ) sont aménagées pour les personnes handicapées. Par ailleurs, les prisons de la « nouvelle génération » intègrent toujours des unités de vie familiale.

Après s'être rendu en 2005 à Lille Sequedin et Liancourt, votre rapporteur pour avis a poursuivi cette année ses déplacements dans les nouveaux établissements avec les visites de La Farlède et de Meaux-Chauconin au cours desquelles il a plus particulièrement fait le point sur le bilan de la gestion mixte.

Comptes-rendus des visites des centres pénitentiaires
de Toulon-La Farlède (10 février 2006)
et de Meaux-Chauconin (2 novembre 2006)

Le centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède

Le nouveau centre ouvert le 28 juin 2004 comprend un centre de détention (112 places), une maison d'arrêt (301 places), un quartier mineurs (13 places), un quartier d'accueil (10 places), un quartier d'isolement (10 places), un quartier disciplinaire (10 places) et, enfin, deux unités de vie familiale.

L'effectif de ce personnel pénitentiaire, toutes catégories confondues, s'élève à 250 personnes.

Dans le cadre de la gestion mixte, deux grandes catégories de fonctions sont gérées par un partenaire privé : d'une part, l'intendance et la logistique (le transport, la maintenance et le nettoyage pris en charge par la société Idex et Cie, mandataire ; la restauration, l'hôtellerie, la cantine prises en charge par la société Sodexho, co-traitant) ; d'autre part, la mission de réinsertion (travail pénitentiaire et formation professionnelle des détenus). Au terme de ce déplacement, plusieurs observations peuvent être formulées :

- Dans l'ensemble, le personnel et les détenus sont satisfaits du nouvel établissement qui présente beaucoup plus de fonctionnalités que la maison d'arrêt de Saint-Roch dans le centre de Toulon.

- La structure présente cependant quelques lacunes au regard des exigences de sécurité : l'absence de sas pour l'accès aux cours de promenade qui permettraient de mieux gérer les flux des détenus ; l'absence de vidéosurveillance sur les coursives (la disposition intérieure des anciennes maisons d'arrêt permet généralement aux surveillants de contrôler du regard l'ensemble des déplacements sur les coursives. Tel n'est plus le cas dans ces bâtiments modernes où les agents se trouvent davantage isolés) ; la possibilité de projeter des objets à l'extérieur de l'enceinte pénitentiaire (les abords immédiats de l'établissement sont occupés par des vignobles et le passage du chemin de fer) -une réflexion est donc aujourd'hui engagée sur la mise en place de « glacis » extérieurs destinés à isoler davantage l'établissement.

- Moins de deux ans après son ouverture, l'établissement se trouve déjà en situation de surcharge puisqu'il accueille 780 détenus . L'établissement compte huit travailleurs sociaux qui, en un an et demi, ont dû accueillir et suivre 2.600 détenus. Selon les responsables du SPIP, l'effectif actuel est adapté pour un traitement de masse, mais non pour une gestion individualisée des personnes.

- La gestion mixte donne des résultats encourageants en matière d'emploi. Malgré les difficultés liées à la prédominance du secteur tertiaire dans le bassin d'emploi de la région, l'établissement a pu obtenir un marché (sur-emballage) fourni par un sous-traitant d'Yves Rocher. Par ailleurs, de très nombreuses visites d'entrepreneurs ont été organisées dans le nouveau centre.

Il convient de rappeler que le partenaire privé se voit fixer des objectifs pour chacune des fonctions qui lui sont confiées assortis de pénalités lorsque ces objectifs ne sont pas réalisés, un résultat négatif sur une fonction ne pouvant être compensé par un résultat excédentaire sur une autre.

La contractualisation apparaît donc un aiguillon efficace pour accroître, notamment, les offres d'emploi au sein des prisons.

Le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin

Ouvert le 9 janvier 2005, le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin comprend un centre de détention (192 places en cellules individuelles), une maison d'arrêt (352 places), un quartier mineurs (20 places), un quartier d'accueil (14 places), un quartier d'isolement (10 places) et un quartier disciplinaire (10 places).

L'effectif du personnel pénitentiaire s'élève à 255 personnes.

La visite de l'établissement appelle les observations suivantes :

- L'établissement avait déjà dépassé ses capacités d'accueil (578 places) au 31 décembre 2005 puisqu'il accueillait 592 personnes. En revanche, le quartier mineurs n'a jamais été ouvert. C'est là, selon votre rapporteur pour avis, une grave anomalie qui semble trouver son origine, d'une part, dans des dysfonctionnements en matière d'affectation des jeunes détenus (puisque les mineurs originaires de la région de Melun continuent d'être affectés à Fleury-Mérogis) et, d'autre part, dans des capacités de détention pour mineurs qui apparaissent, au moins pour la région francilienne, excédentaires (à titre d'exemple, l'établissement pénitentiaire de Villepinte compte déjà un quartier mineur de quarante places). La livraison en mai 2005 d'un établissement pénitentiaire pour mineurs à Chauconin, à proximité immédiate de l'actuel centre pénitentiaire, ne laisse pas, dans ces conditions, de susciter la perplexité.

Lors de son audition par votre commission, le 21 novembre dernier, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a cependant apporté les explications suivantes : les 420 places en EPM livrées en 2007 ne devraient créer aucune surcapacité puisque parallèlement 420 places de quartiers mineurs seront reconvertis en places pour détenus majeurs (le quartier mineurs de Meaux-Chauconin devant, quant à lui, être transformé en quartier de semi-liberté).

- Certains problèmes de conception ont été signalés à votre rapporteur pour avis. Ainsi, la disposition de cellules en épi sur certains côtés des bâtiments de la maison d'arrêt -destinée à empêcher l'échange d'objets, par les fenêtres, d'une cellule à l'autre- interdit de la mise en place de lits superposés. Une fois ces derniers en place, en effet, il est impossible d'ouvrir les fenêtres.

En conséquence des matelas ont dû être posés à même le sol pour héberger dans ces cellules un deuxième détenu -situation évidemment paradoxale pour une prison moderne.

Par ailleurs, la qualité même de certains aspects de la construction a été mise en cause à l'occasion de plusieurs incidents : le dysfonctionnement du réseau de chaleur constaté dès l'ouverture qui a conduit à installer dans chaque cellule des convecteurs en renfort ; la rupture d'une canalisation en mars 2005 entraînant une inondation des sous-sols ; le descellement de la porte d'entrée le 24 octobre dernier à la suite d'un fort coup de vent dans la région parisienne. Si ce type de problèmes n'apparaît pas exceptionnel lors de la mise en état de fonctionnement d'un établissement neuf, il semble en revanche anormal que le service après livraison du constructeur ne soit pas réactif, comme plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur pour avis l'ont souligné.

Cette situation apparaît difficile à gérer d'abord pour le partenaire privé chargé d'assurer la maintenance d'une infrastructure à la conception de laquelle il n'a pas été associé. Mais elle l'est plus encore pour la directrice de l'établissement qui, faute du concours d'un directeur des services techniques -puisque cet emploi n'existe plus dans les établissements en gestion mixte- et d'un appui suffisant des services compétents du ministère de la justice, doit traiter souvent seule avec un constructeur très enclin à dégager toute responsabilité dans les problèmes rencontrés.

- Par ailleurs, l'établissement a dû ouvrir avec plus de 95 % de personnel stagiaire . Depuis, du fait de la rotation rapide des personnels, le personnel demeure, dans sa large majorité, inexpérimenté.

V. LES PERSONNELS : DES RESPONSABILITÉS PROGRESSIVEMENT ACCRUES

En 2006, le nombre d'emplois exprimé en équivalent temps plein travaillé s'élève à 31.020. Le tableau suivant en retrace la répartition ainsi que celle des emplois demandés pour 2007.

Plafond autorisé
pour 2006

Demandes
pour 2007

%
2006-2007

Magistrats de l'ordre judiciaire

17

17

Personnels d'encadrement

1.309

1.315

+ 1 %

Catégorie B :

Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif

3.665

3.697

+ 0,8 %

Catégorie B :

Administratifs et techniques

940

949

+ 0,9 %

Catégorie C :

Personnels de surveillance

22.269

22.465

+ 0,8 %

Catégorie C :

Administratifs et techniques

2.828

2.854

+ 0,9 %

31.020

31.297

+ 0,8 %

Selon les documents budgétaires, les sorties nettes de titulaires (départs en congés longue durée, en congés parentaux, en détachement ou en disponibilité ainsi qu'en temps partiel) concerneraient en 2007 1.257 personnes (1.207 personnes en 2006). Les entrées sont estimées à 1.882 agents titulaires (2.358 en 2006) -dont 1.719 issus des concours de recrutement.

A. UNE PRISE EN COMPTE ENCORE INSUFFISANTE DE CERTAINS BESOINS

Malgré l'effort indéniable engagé dans la période récente, les effectifs des personnels d'insertion et de probation ainsi que des personnels administratifs et techniques apparaissent encore insuffisants au regard de l'accroissement de leurs missions.

Les services pénitentiaires d'insertion et de probation

La mise en oeuvre progressive des dispositifs prévus par la loi « Perben II », relatifs à l'application des peines a alourdi les tâches confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Sans doute, depuis 2002 près de 794 postes d'insertion et de probation ont été créés -soit un accroissement de 44 % des effectifs.

Par ailleurs, à la suite d'un amendement du Gouvernement adopté par le Parlement au cours de l'examen de la loi de finances pour 2006, 200 assistants sociaux et personnels administratifs supplémentaires ont rejoint les services pénitentiaires d'insertion et de probation en 2006.

S'il est vrai que la promotion de 290 élèves conseillers d'insertion et de probation entrée à l'école nationale d'administration pénitentiaire en octobre 2005 est la plus importante jamais enregistrée, il convient aussi de rappeler que compte tenu des délais de recrutement (4 mois) et de formation (2 ans), les créations d'emplois décidées en 2005 ne se concrétiseront sur le terrain qu'en septembre 2007.

Même si l'effort de recrutement est incontestable, il semble cependant en deçà des besoins liés aux récents dispositifs législatifs et à la priorité reconnue aux aménagements de peine.

Le ministère de la justice a d'ailleurs décidé la création d'une mission d'évaluation chargée de quantifier ces besoins. Au vu des conclusions de ce rapport et en concertation avec les partenaires sociaux, des propositions relatives à l'organisation des missions des travailleurs sociaux pourraient être formulées.

Les services administratifs et techniques

Les personnels administratifs ont vu leurs missions s'accroître sous l'effet conjugué de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances et d'une réforme financière et comptable de grande ampleur.

Les directions régionales de l'administration pénitentiaire, les établissements pénitentiaires ainsi que les directions des services pénitentiaires d'insertion et de probation ont chacun bénéficié en 2005 de l'affectation d'un attaché et d'un secrétaire d'administration et d'intendance supplémentaire - les plus déficitaires des directions recevant en outre le renfort de plusieurs adjoints administratifs, lauréats de la liste complémentaire du dernier concours. Par ailleurs, la formation initiale des personnels administratifs sera renforcée à travers l'allongement de sa durée et la professionnalisation accrue du module de formation aujourd'hui existant.

Il reste que les personnels continuent de travailler dans des conditions difficiles (ainsi les logiciels de comptabilité n'ont, à ce jour, fait l'objet d'aucune adaptation pour répondre aux nouvelles exigences de la LOLF) et se perçoivent, selon les témoignages recueillis par votre rapporteur pour avis, comme les « oubliés » de l'administration pénitentiaire. Or, leur rôle est essentiel et mériterait une plus juste considération.

S'agissant des personnels techniques, votre rapporteur pour avis regrette, dans le prolongement de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons, le recours excessif aux personnels de surveillance comme faisant-fonction dans ces corps. Or, la présence de personnels spécialisés demeure indispensable y compris pour les établissements en gestion mixte afin de permettre un contrôle effectif des prestations du partenaire privé. L'absence de création d'emplois dans le corps technique depuis trois ans ne semble donc aucunement justifiée.

B. DES PERSPECTIVES FAVORABLES DE REVALORISATION DE CERTAINES INDEMNITÉS


Les mesures indemnitaires

L'année 2007 devrait être marquée par la simplification du régime indemnitaire des personnels pénitentiaires. Les primes et indemnités liées à l'exercice des fonctions -autres que la prime de sujétions spéciales et l'indemnité pour charges pénitentiaires- seraient ainsi remplacées par une prime unique partiellement modulable selon la manière de servir de l'agent et le poste occupé.

Le financement de cette prime serait assuré pour partie par le redéploiement interne des enveloppes indemnitaires et de l'enveloppe de points accordés à l'administration pénitentiaire au titre de la nouvelle bonification indiciaire.

Par ailleurs, la prime de sujétions spéciales a été réévaluée en 2006. Il a ainsi été prévu de porter de 20 à 21 % le pourcentage de la prime de sujétions spéciales versée aux directeurs régionaux, directeurs des services pénitentiaires et directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation afin de l'aligner sur celui des corps analogues des autres administrations. Parallèlement, le pourcentage de la prime de sujétions spéciales versée aux personnels d'insertion et de probation (autres que les directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation) ainsi qu'aux personnels administratifs de catégories A et B a été porté de 21 % à 22 % afin de tenir compte de l'évolution de leurs missions.

Le montant total de cette revalorisation s'élève à 918.000 euros.

En revanche, il ne semble pas normal que les personnels techniques ne bénéficient encore actuellement que d'une prime de sujétion spéciale de 20 % alors même que 80 % d'entre eux travaillent en détention -un alignement sur le niveau de prime versée aux personnels administratifs serait justifié.

Par ailleurs, l'indemnité pour charges pénitentiaires pour les personnels de surveillance qui fait aujourd'hui l'objet d'un versement semestriel devrait, à compter de 2007, être versée tous les mois. Les deux taux (404 euros et 647,91 euros) de cette indemnité ont été unifiés et revalorisés à hauteur de 750 euros annuels, cette indemnité pouvant être modulée en fonction de la manière de servir de l'agent.


Les mesures d'amélioration du régime de retraite

L'administration pénitentiaire prévoit actuellement deux mesures visant à améliorer le régime de retraite des personnels.

S'agissant des personnels de surveillance , le gouvernement prévoit de modifier la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 afin d'avancer la date d'ouverture des droits à pension des personnels de surveillance du 1 er janvier suivant leur cinquantième anniversaire au jour même de ce cinquantième anniversaire. Cette mesure permettrait ainsi d'aligner sur ce point les personnels de surveillance et ceux de la police nationale qui bénéficient d'une telle mesure depuis 2004 (le fonctionnaire désireux de faire valoir ses droits à la retraite avant 55 ans devant, en tout état de cause, justifier d'au moins 25 années de service dans l'un des corps du personnel de surveillance ou de services militaires).

S'agissant des personnels d'insertion et de probation, ces derniers ne bénéficient pas, contrairement aux autres personnels de l'administration pénitentiaire de l'intégration de la prime de sujétions spéciales dans le montant de leur pension de retraite. En effet, ces personnels n'avaient pas vocation à faire l'intégralité de leur carrière au sein des services pénitentiaires et il était apparu logique d'exclure du calcul de la pension les périodes de détachement passées hors de ces services et durant lesquelles ils n'étaient plus soumis aux mêmes sujétions. Depuis plusieurs années cependant, un nombre croissant de personnels, tous corps confondus, tend à solliciter un détachement auprès d'autres administrations. Dans ces conditions, la situation particulière faite aux travailleurs sociaux ne paraît plus justifiée.

Après avoir estimé que la remise en cause de l'exclusion de la pension des travailleurs sociaux des périodes d'activité passées hors des services pénitentiaires n'était pas à l'ordre du jour 31 ( * ) , le ministère de la justice semble donc en passe de revoir son appréciation.

La valorisation des personnels de surveillance passe aussi par la diversification de leurs missions. A cet égard, les équipes régionales d'intervention et de sécurité ouvrent aux personnels pénitentiaires une alternative intéressante aux missions classiques de surveillance.


Les équipes régionales d'intervention et de sécurité

Créées par une circulaire du 27 février 2003, les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS), constituées d'agents de l'administration pénitentiaire, ont vocation à intervenir à l'occasion de mouvements collectifs ou individuels (principalement de refus de réintégration dans les cellules) susceptibles de dégénérer ainsi qu'à assurer certains transferts à haut risque. Les personnels sélectionnés bénéficient d'une formation au centre de formation des forces de gendarmerie ainsi qu'au centre d'entraînement du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale.

Au 1 er août 2006, les ERIS comptaient 442 agents répartis en 9 équipes. Depuis leur création, les ERIS ont réalisé 1.158 opérations d'envergure dont 758 en 2005 et 400 au 1 er semestre 2006. En 2005, les opérations des ERIS ont concerné : la sécurisation d'opérations de transfèrement (22 %), la sécurisation de travaux (18 %), le soutien aux établissements (14 %), les exercices (14 %), la sécurisation d'opérations de fouille (14 %) et les interventions en établissements à la suite d'incidents (6 %).

15 % des opérations réalisées par les ERIS trouvent leur origine dans une demande de l'administration centrale. 85 % répondent à une initiative des directions régionales.

Le rôle des ERIS est très apprécié au sein des personnels de l'administration pénitentiaire dans la mesure où ces unités apportent la garantie d'une intervention rapide de renforts pénitentiaires spécialisés en cas de nécessité.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme pénitentiaire de la mission Justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007.

ANNEXE 1

Les déplacements dans les établissements pénitentiaires :

- Maison d'arrêt de Reims (mardi 10 janvier 2006 - avec M. Yves Détraigne)

- Centres pénitentiaires de Toulon-La Farlède et de Draguignan (vendredi 10 février 2006, avec M. Pierre-Yves Collombat)

- Centre pénitentiaire et maison d'arrêt de Rennes (jeudi 26 octobre 2006, avec M. François Zocchetto)

- Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (jeudi 2 novembre 2006, avec MM. Jean-Jacques Hyest, Président, et Yves Détraigne)

- Maison d'arrêt de la Santé (mardi 7 novembre 2006, avec MM. Yves Détraigne et François Zocchetto)

Dans le cadre de la mission de la commission des lois sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses, conduite conjointement avec M. Charles Gautier :

- Centre pénitentiaire de Château-Thierry (mardi 23 mai 2006 avec M. Charles Gautier et Mme Alima Boumediene-Thiery) ;

- Maison centrale de Clairvaux (mercredi 31 mai 2006 avec MM. Charles Gautier, Nicolas Alfonsi et Jean-Patrick Courtois) ;

- Centre national d'observation et SMPR de la maison d'arrêt de Fresnes (mardi 6 juin 2006 avec MM. Charles Gautier et Jean-René Lecerf).

A l'étranger :

Aux Pays-Bas (du 6 au 7 avril 2006 avec MM. Charles Gautier, Nicolas Alfonsi et Mme Alima Boumediene-Thiery)

- Prison Noordsingel à Rotterdam ;

- Pieter Baan Centrum de Utrecht ;

- Centre pénitentiaire d'Amsterdam (Unité d'observation et d'accompagnement pour les personnes en situation de crise).

En Allemagne (du 4 au 5 mai 2006 avec Jean-Jacques Hyest, président, Charles Gautier et Mme Catherine Troendle) :

- Centre pénitentiaire de Berlin Tegel

Auditions

Jeudi 9 novembre 2006

Entretiens thématiques avec M. Hugues Berbain , directeur-adjoint de l'administration pénitentiaire et plusieurs de ses collaborateurs (thèmes abordés : les UHSA ; le bracelet électronique mobile ; le prosélytisme dans les prisons)

Vendredi 17 novembre 2006

- M. Patrick Marest , délégué national de l'Observatoire national des prisons (OIP)

- M. Olivier Boudier, secrétaire général adjoint (SNEPAP-FSU)

- M. Claude d'Harcourt , directeur de l'administration pénitentiaire (Ministère de la justice)

Lundi 20 novembre 2006

- M. René Berthier , secrétaire général (syndicat national pénitentiaire des personnels techniques-FO)

- Mme Annie Scotton , secrétaire général (syndicat national pénitentiaire des personnels d'administration et d'intendance -FO) 32 ( * )

Jeudi 23 novembre 2006

- M. Jean-Paul Delevoye , Médiateur de la République

ANNEXE 2 - NOTES SYNTHÉTIQUES


Le point sur la santé en prison

La loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a confié la prise en charge sanitaire des personnes détenues au service public hospitalier, y compris pour les soins dispensés en milieu pénitentiaire.

S'agissant des soins somatiques 33 ( * )

,

chaque établissement dispose d'une unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA), structure sanitaire rattachée au service public hospitalier assurant durant la journée et les jours ouvrables les soins dans les disciplines suivantes : médecine générale, soins dentaires, radiologie, soins infirmiers. En outre, certaines consultations spécialisées, dont la psychiatrie, peuvent s'y dérouler. Dans tous les établissements, l'UCSA dispose d'au moins un cabinet de consultation médicale, d'une salle de soins infirmiers et d'un cabinet dentaire.

Dans tous les établissements d'une capacité supérieure à 150 places, l'UCSA dispose en outre d'un appareil de radiologie pour le dépistage de la tuberculose et les radiographies courantes.

Dans toutes les maisons d'arrêt d'une capacité supérieure à 400 places, et dans tous les établissements pour peines d'une capacité supérieure à 150 places, l'UCSA est dotée d'un cabinet d'ophtalmologie.

En outre, chaque établissement pénitentiaire est rattaché à un établissement public de santé qui assure les consultations spécialisées, les traitements ambulatoires programmés ne pouvant être réalisés en UCSA, les urgences ainsi que les hospitalisations programmées.

Par ailleurs, l'arrêté interministériel du 24 août 2000 prévoit que les hospitalisations programmées, de plus de 48 heures, seront réalisées dans l'une des huit unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) dont la construction a commencé en 2003 -quatre sont désormais ouvertes : Nancy (17 lits) et Lille (21 lits) en 2004, Lyon (23 lits) en 2005, Bordeaux (16 lits) en 2006 ; quatre autres devraient ouvrir : Toulouse (16 lits) et Marseille (45 lits) en décembre 2006, Paris (25 lits) en janvier 2008 et Rennes (19 lits) fin 2008.

Les hospitalisations somatiques d'urgence et de courte durée sont quant à elles réalisées dans les hôpitaux de proximité au sein de chambres sécurisées. Un programme de sécurisation de ces chambres a été mené entre 2004 et 2006, financé par l'administration pénitentiaire.

Votre rapporteur pour avis souhaite insister sur deux questions difficiles auxquelles se trouve confrontée l'administration pénitentiaire.

En premier lieu, le vieillissement de la population carcérale : au 1 er janvier 2006, 2.242 détenus sont âgés de plus de soixante ans, soit 3,8 % des personnes incarcérées. Cette proportion a doublé depuis dix ans. En outre, les simulations réalisées montrent que le nombre de détenus âgés de plus de soixante ans devrait doubler d'ici les dix prochaines années.

Des mesures d'accessibilité sont d'ores et déjà intégrées dans les cahiers des charges pour la construction ou la rénovation des établissements pénitentiaires. Dans l'immédiat, l'administration pénitentiaire tente de répondre tant bien que mal à la situation de ces personnes en regroupant les cellules des détenus grabataires au rez-de-chaussée. Cependant, certains établissements, comme votre rapporteur pour avis a pu le constater à la maison d'arrêt de la Santé par exemple, ne disposent d'aucune cellule accessible aux personnes handicapées ou à faible mobilité.

Il convient de signaler que les personnes âgées de plus de soixante ans peuvent bénéficier de l'allocation personnelle d'autonomie (APA), en fonction de leur état de dépendance et selon des modalités adaptées pour répondre aux règles de fractionnement et d'organisation des établissements pénitentiaires. Enfin, la situation de cette catégorie de détenus est également prise en compte à l'occasion des demandes de mesures d'aménagement de peine ou de suspension de peine pour raison médicale . L'article 720-1-1 du code de procédure pénale, introduit par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits du malade, prévoit en effet que les personnes condamnées atteintes d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention peuvent bénéficier d'une suspension de peine. A la fin 2005, 220 mesures de ce type avaient été accordées sur 420 demandes présentées depuis la promulgation de la loi. Le faible recours à ce dispositif s'explique, du moins s'agissant des détenus âgés, par la rareté des dispositifs d'hébergement spécifique. Un projet de création de places d'hébergement spécialement dédiées à des personnes détenues âgées de plus de soixante ans ayant purgé une peine de détention supérieure à dix ans et bénéficiant d'une mesure de placement à l'extérieur est en cours en partenariat avec la Croix-Rouge française, qui assurera leur hébergement ainsi que l'accompagnement socio-éducatif visant à leur réinsertion.

Un autre sujet de préoccupation important demeure la prévention du suicide . Comme le montre le tableau suivant, basé sur des statistiques de 2002, le nombre de suicides dans les prisons françaises apparaît nettement plus élevé que dans les quatre autres grands pays voisins :

France

Allemagne

Italie

Espagne

Royaume-Uni

Nombre de suicides

122

71

52

24

94

Taux/10 000 détenus

22.8

9

9.3

4.7

13.2

Depuis lors, cependant, le taux de suicide est passé à 18,9 pour 10.000 personnes détenues en 2004. Cette évolution trouve en partie son origine dans la mise en oeuvre progressive des conclusions du rapport du professeur Jean-Louis Terra présenté en 2003. En premier lieu, l'administration pénitentiaire a favorisé la formation au repérage du risque suicidaire par le biais de la formation initiale au sein de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire et des actions de formation continue qui, à la fin de l'année 2005, avaient concerné 5.000 agents. Ensuite, la mise en place d'un système de détection et le déploiement des plans de prévention individualisée permettent l'évaluation du risque suicidaire individuel.

Enfin, plusieurs actions nationales ont été engagées depuis 2004, en particulier l'intégration dans le cahier des charges des nouveaux établissements pénitentiaires des préconisations relatives à la réduction des moyens d'accès dans les cellules.

L'enjeu est d'importance au regard du constat dressé par l'enquête épidémiologique sur les maladies psychiatriques dans les établissements pénitentiaires selon lequel 40 % des détenus présentent un risque suicidaire .

Le point sur l'emploi et la formation en 2005

L'objectif (n° 6) de performance relatif aux conditions d'insertion professionnelle de détenus est évalué sur la base de cinq indicateurs :

I.- La formation

Les indicateurs de performance

Le pourcentage de détenus bénéficiant d'une formation générale et/ou professionnelle (29,7 % réalisé en 2005, 30 prévu en 2007).

Cet indicateur se décline lui-même en deux sous indicateurs :

- le pourcentage de détenus stagiaires de la formation professionnelle (9,6 % réalisé en 2005, 9,3 % prévu en 2007) ;

- le pourcentage de détenus scolarisés par l'éducation nationale (23,9 % réalisé en 2005, 23,4 % prévu en 2007).

La situation actuelle

Actuellement 60 % de la population pénale n'a aucune qualification . Plus du quart des détenus ne maîtrisent pas les savoirs de base (25,9 % des personnes rencontrées par les enseignants échouent au bilan-lecture proposé à la moitié des entrants - soit 50.426 personnes en 2005). En 2005, 40.447 détenus majeurs, soit 24 % de la population pénale ont suivi des actions de formation générale.

5.191 détenus ont été candidats à un examen scolaire ou universitaire. 74 % ont été reçus. 20.657 détenus ont par ailleurs suivi une action de formation professionnelle. En fin de formation, 1.189 stagiaires ont été présentés à un examen ; 74,8 % des présentés ont été reçus.

II.- Le travail

L'indicateur de performance

Le pourcentage des détenus bénéficiant d'une activité rémunérée : 38,8 % réalisé en 2005 ; 39,7 % prévu en 2007.

La situation actuelle

En 2005, 32,5 % de la population pénale en maison d'arrêt et 52,9 % en établissement pour peine, soit au total, en moyenne 21.642 détenus (contre 20.860 en 2004) travaillaient.

Cette activité s'accomplit selon quatre modalités distinctes :

- les activités de service général gérées par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements représentent 6.795 postes de travail (soit 31.4 % de l'effectif des détenus actifs rémunérés) pour un salaire mensuel moyen de 189 € (durée de travail quotidienne utile de 3 à 7 heures) ;

- le travail réalisé dans les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire effectué par l'intermédiaire du compte « régie industrielle des établissements pénitentiaires » -RIEP- représentant 1.260 postes de travail 34 ( * ) pour un salaire mensuel moyen de 482 euros (durée moyenne de travail quotidien de 6 heures à 7 heures) - 65 % du chiffre d'affaires du compte de commerce RIEP est réalisé avec le secteur public et en particulier avec l'administration pénitentiaire elle-même (pour la confection des uniformes des personnels de surveillance par exemple) ;

- le travail réalisé dans les ateliers de production gérés par des entreprises privées , concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte représentant 8.862 détenus (soit 16 % de la population pénale mais 40,3 % de l'effectif des détenus actifs rémunérés) pour un salaire moyen de 347 € ;

- le travail à l'extérieur dans le cadre des mesures d'aménagement de peine pour des collectivités publiques, des associations ou des entreprises occupe 1.593 détenus.

Dans le domaine de l'emploi, les résultats des établissements à gestion mixte paraissent meilleurs que ceux du parc public : en effet, les premiers se caractérisent en 2005 par une hausse de 8 % des rémunérations et de 9 % pour le nombre de journées travaillées. Entre 2002 et 2005 le nombre de journées travaillées dans le parc public a baissé de 15 % (- 23,5 % en maison d'arrêt et -4 ,8 % dans les établissements pour peine) tandis que les rémunérations se réduisaient de 12,6 %.

Jusqu'en 2005, le taux horaire minimum de rémunération différait selon la catégorie d'établissement considéré (maison d'arrêt ou centre de détention). Il est désormais ramené à une valeur unique, indépendante du type d'établissement. S'agissant des établissements en gestion mixte, depuis le 1 er janvier 2002, l'évolution de la rémunération des détenus est indexée sur l'évolution du salaire minimum de croissance. Les revalorisations interviennent en référence à l'évolution du SMIC horaire brut. Le salaire minimum de rémunération a progressé de 17,6 % sur la période 2002-.

* 1 Le programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est traité dans un avis présenté par M. Nicolas Alfonsi. Les trois autres programmes -justice judiciaire, accès au droit et à la justice et conduite et pilotage de la justice et organes rattachés- sont traités par M. Yves Détraigne.

* 2 L'action 2 réunit, à compter de l'année 2007, les anciennes actions 02 (accueil des personnes en détention) et 03 (accompagnement et réinsertion des personnes placées sous main de justice.

* 3 L'action 4 réunit, à compter de l'année 2007, les anciennes actions 04 (soutien) et 05 (formation).

* 4 Voir liste en annexe 1. En outre, votre rapporteur pour avis s'est rendu, dans le cadre de la mission d'information qu'il a conduite conjointement avec M. Charles Gautier sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses, dans les établissements de Château-Thierry, Clairvaux et Fresnes, ainsi que dans plusieurs établissements pénitentiaires aux Pays-Bas et en Allemagne. (Cf.Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale ? MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, co-rapporteurs, rapport du Sénat n° 420, 2005-2006).

* 5 Sur le fondement de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure qui permet à l'Etat de conclure avec le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire de son domaine public, un bail portant sur les bâtiments à construire pour les besoins de la justice.

* 6 Ce deuxième lot a fait l'objet d'un appel public à la concurrence au terme duquel la société Quille a été retenue.

* 7 Rappelons que les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an.

* 8 Trente-huit établissements pénitentiaires sont actuellement équipés d'un dispositif de visioconférence.

* 9 Une cinquantaine de zones peut être déterminée pour chaque individu, d'où la complexité de la saisie de ces données dans le système informatique.

* 10 86 personnes détenues dans les prisons françaises sont impliquées dans des réseaux de terrorisme à caractère islamique -parmi lesquelles une vingtaine sont particulièrement signalées et trois placées en quartier d'isolement.

* 11 CGT pénitentiaire, le Conseil national des barreaux, Emmaüs France, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la Ligue des droits de l'homme, l'Observatoire international des prisons, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire et l'Union syndicale des magistrats.

* 12 Il faut souligner que l'administration pénitentiaire a parfaitement « joué le jeu » afin de permettre le bon déroulement de cette consultation ce qui dément les images trop souvent caricaturales véhiculées à propos de cette institution.

* 13 Selon M. Patrick Marest, délégué national de l'Observatoire international des prisons, entendu par votre rapporteur pour avis, la faiblesse de la participation des personnels de surveillance s'explique notamment par les positions de défiance prises par deux des trois syndicats majoritaires au sein de cette catégorie ainsi que par les difficultés d'accessibilité à Internet pour une partie des personnels concernés.

* 14 Source : BVA-Etats généraux de la condition pénitentiaire.

* 15 Il semble que plusieurs associations soient prêtes à coopérer à la fourniture d'appareils réfrigérants.

* 16 Prisons : une humiliation pour la République ; commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France. MM. Jean-Jacques Hyest, président, Guy-Pierre Cabanel, rapporteur. Rapport n° 449, 1999-2000.

* 17 Fresnes, Marseille, Aix en Provence-Luyne, Saint-Etienne, Melun, Bapaume, Nanterre, Poissy, Epinal, Toulon la Farlède.

* 18 Les réclamations à l'égard des autres administrations apparaissent très proches de celles que les délégués du médiateur traitent habituellement à l'extérieur (problèmes fiscaux, reconnaissance d'enfants, délivrance de papiers d'identité, constitution de dossiers de retraite...).

* 19 Décret n° 2006-337 du 21 mars 2006 modifiant le code de procédure pénale (deuxième partie : décrets en Conseil d'Etat) et relatif aux décisions prises par l'administration pénitentiaire ; décret n° 2006-338 du 21 mars 2006 modifiant le code de procédure pénale (troisième partie : décrets) et relatif à l'isolement des détenus. Ces deux décrets sont rentrés en vigueur le 1 er juin 2006.

* 20 Cette expérimentation a été conduite sur la base d'une circulaire du 18 mars 2003.

* 21 Il s'agit des membres de la famille proche ou élargie justifiant d'un lien de parenté juridiquement établi ainsi que des personnes pour lesquelles un faisceau d'indices sérieux permet d'attester un lien affectif avec la personne incarcérée dans le cadre d'un projet familial. Tous les visiteurs doivent être titulaires d'un droit de visite délivré par le chef d'établissement.

* 22 L'unité est composée d'un séjour avec un coin cuisine, de deux chambres, l'une avec lit double, l'autre comportant deux lits simples -d'une salle de bain, de toilettes séparées et d'un patio.

* 23 51 détenues pour une durée de six heures ; 30 détenues pour une durée de 24 heures ; 30 détenues pour une durée de 48 heures ; 9 détenues pour une durée de 72 heures.

* 24 L'administration pénitentiaire a également prévu l'installation de parloirs familiaux -locaux plus petits que les UVF mais dont l'inspiration reste comparable- dans les maisons centrales existantes où la configuration des lieux ne permet pas de créer des UVF.

* 25 En 2005, 1.537 personnes détenues ont fait l'objet d'une hospitalisation d'office dans un centre hospitalier spécialisé et 129 dans une UMD.

* 26 Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale ? MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, co-rapporteurs, rapport du Sénat n° 420, 2005-2006.

* 27 Une cinquième unité pour malades difficiles pourrait être réalisée à Plouguernével en Bretagne.

* 28 La consolidation des plafonds des blocs B et C aurait représenté un coût de 4 à 5 millions d'euros.

* 29 A la fin des années 90, l'établissement accueillait jusqu'à 2.200 détenus pour 1.200 places. A la différence des cellules du quartier haut accueillant en moyenne, chacune, quatre détenus, les cellules du quartier bas, du fait de leur surface limitée (7 m 2 ) -car conçues dès la construction de l'établissement pour un encellulement individuel- n'ont pas subi un processus de dégradation aussi avancé.

* 30 Les maisons d'arrêt de Fresnes et de la Santé ont une compétence exclusive d'écrou pour les procédures d'infraction à la législation sur les étrangers.

* 31 Réponse à une question écrite de Mme Odile Saugues, Questions, journal officiel du 4 octobre 2005, p. 2005.

* 32 Les autres organisations syndicales -Interco-CFDT, Syndicat national pénitentiaire-FO, Union fédérale autonome pénitentiaire UNSA, Union générale des syndicats pénitentiaires-CGT, ont été conviées mais ont dû annuler leur participation afin de préparer une réunion au ministère de la justice.

* 33 Pour les soins psychiatriques, se reporter aux développements consacrés à la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux.

* 34 Ces postes sont répartis entre 43 ateliers implantés dans 28 établissements pénitentiaires recevant majoritairement des détenus condamnés à de longues peines.

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