C. LA DIFFUSION PROGRESSIVE D'UNE CULTURE DE LA PERFORMANCE

La performance est au coeur du nouveau cadre budgétaire. Cette démarche nouvelle s'étend peu à peu à l'institution judiciaire qui fonctionnait, jusqu'à l'entrée en vigueur de la LOLF, selon une logique de moyens.

1. Un ministère de la justice soucieux d'améliorer la définition des indicateurs de performance

Les indicateurs de performance occupent une place centrale dans le dispositif prévu par la LOLF . Ils constituent le support sur lequel le Parlement pourra juger de l'aptitude du responsable de programme et du garde des sceaux à respecter les objectifs qu'ils se sont fixés dans le cadre du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances initiale . Le rapport annuel de performance qui doit être publié -pour la première fois- en juin prochain permettra de mesurer l'écart entre les actes et les engagements.

La création d'une indemnité de performance au profit des responsables de programme nommés parmi les directeurs d'administration centrale traduit l'importance de cette dimension nouvelle 46 ( * ) .

Dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 relative à la loi de finances pour 2006, le Conseil constitutionnel a insisté sur la finalité des annexes au projet de loi de finances, lesquelles doivent éclairer le Parlement et permettre le contrôle de la performance prévu par la LOLF. Celui-ci a considéré que « les quelques retards ou déficiences constatés s'agissant des indicateurs » ne remettaient pas en cause, globalement, l'information parlementaire, observant néanmoins que certains devraient être corrigés. Il est donc primordial que ces indicateurs soient pertinents et renseignés.

Le programme justice judiciaire comprend toujours 6 objectifs auxquels sont associés 22 indicateurs .

La partie performance du programme justice judiciaire s'inscrit, comme l'année dernière, dans la continuité des objectifs inscrits dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice qui s'articulent autour de quatre grands axes : améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens, adapter le droit pénal à l'évolution de la délinquance et développer l'effectivité de la réponse pénale, prévenir et traiter la délinquance des mineurs et améliorer l'accès des citoyens au droit et à la justice.

Le ministère de la justice a amélioré la définition des indicateurs de performance de ce programme, notamment pour prendre en compte les remarques formulées par le Parlement l'année dernière et améliorer la fiabilité et la valeur ajoutée des informations données.

Les modifications proposées par le projet de loi de finances pour 2007

Au sein de l'objectif n° 1 (rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile) :

- dans l'indicateur n° 1 (délai moyen de traitement des procédures, par type de juridiction) a été supprimé le sous-indicateur relatif aux juridictions de proximité dont l'activité était déjà comptabilisée avec celle des tribunaux d'instance ;

- l'intitulé de l'indicateur n° 2 a été changé pour tenir compte du fait qu'il ne renseignait pas sur la dispersion de la durée moyenne de traitement des affaires par type de juridiction mais sur le délai théorique d'écoulement des stocks, le ministère de la justice ayant expliqué que « la dénomination antérieure était erronée au regard du mode de calcul » ;

- plusieurs sous-indicateurs (tribunaux d'instance, juridictions de proximité et tribunaux de commerce) de l'indicateur n° 3 (ancienneté moyenne du stock par type de juridiction) ont été supprimés, faute de pouvoir être renseignés. Les données afférentes aux deux premières juridictions ne pourront être disponibles qu'à partir de 2008.

Pour les tribunaux de commerce, le problème est plus complexe, le ministère de la justice ayant indiqué à votre rapporteur pour avis que le statut des greffiers des tribunaux de commerce ne prévoyait pas de leur imposer le recueil de telles informations. Ce problème se pose également pour l'indicateur n° 4 (délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire). Une réflexion sur l'étendue des missions de ces professionnels, notamment s'agissant de la mesure de l'activité de ces juridictions, paraît donc nécessaire ;

- les données relatives aux conseils de prud'hommes dans l'indicateur n° 5 (taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer) ont été supprimées, car jugées non pertinentes au regard du taux d'appel devant ces tribunaux (l'appel ayant pour conséquence de rendre irrecevables ce type de requête).

Par ailleurs, le périmètre de l'objectif n° 5 initialement limité à la matière pénale (maîtriser la croissance des frais de justice) a opportunément été étendu à tous les domaines. Toutefois, l'indicateur associé à cet objectif n'appréhende ce volet que dans sa dimension pénale 47 ( * ) . Il conviendrait donc l'année prochaine qu'un indicateur prenant en compte l'activité civile soit développé.

18 indicateurs sur 22 sont opérationnels , ce qui témoigne d'un réel effort du ministère de la justice pour recueillir des statistiques. Pourtant, le rassemblement des données n'est pas un exercice facile pour cette administration, les remontées et l'exploitation des informations nécessitant un retraitement qui retarde d'autant la disponibilité de la donnée statistique. En outre, le ministère de la justice a rencontré des difficultés pour le calcul des ETPT consommés au niveau du programme : « l'administration centrale ne dispose pas encore d'outils suffisamment fiables pour les mesurer, ce qui l'empêche de pouvoir renseigner » certains indicateurs. Ce problème ponctuel lié à la mise en oeuvre de la LOLF devrait pouvoir être résolu l'année prochaine.

Il est regrettable que l'activité non pénale (civile et commerciale) des magistrats du parquet ne soit toujours pas mesurée, alors même qu'elle pourrait fournir une indication précieuse pour appréhender la qualité du service rendu au justiciable. Le ministère de la justice a justifié cette absence de prise en compte par le souci de limiter le nombre d'indicateurs de performance. Toutefois, l'implication du parquet dans les matières non pénales peut revêtir une grande importance ainsi qu'ont pu le souligner certains magistrats entendus par votre rapporteur pour avis, le contentieux pénal étant souvent alimenté par des affaires civiles traitées trop rapidement.

Le volet performance du programme accès au droit et à la justice a été recentré . Il se décline désormais en 4 objectifs au lieu de 6 auxquels sont associés 6 -et non plus 9 - indicateurs . L'orientation stratégique de ce programme -tournée vers l'amélioration de la satisfaction de l'usager- reste la même que l'année dernière.

Dans l'objectif n° 1 (améliorer les demandes de traitement d'aide juridictionnelle) a été substitué aux indicateurs relatifs au délai d'admission et au délai d'instruction des demandes par les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) un indicateur retraçant le délai moyen national de traitement des demandes. Une valeur cible de deux mois qui correspond au délai constaté en 2005 a été fixée. Comme l'indique l'annexe Justice au projet de loi de finances pour 2007, cette valeur cible a été maintenue, cet indicateur étant à corréler avec l'indicateur n° 2, qui fait apparaître que 38 % des BAJ instruisent leurs dossiers dans un délai supérieur à deux mois.

La mise en place d'un nouvel indicateur de performance mesurant l'action des BAJ en matière de recouvrement des sommes avancées par l'Etat est envisagée. Cette dimension de l'activité des BAJ qui traduit leur implication dans une gestion plus moderne des dépenses publiques mérite d'être prise en compte le plus rapidement possible.

Les indicateurs qui se bornaient à retracer l'activité d'un service sans mesure de son efficience socio-économique ont été supprimés. Tel a ainsi été le cas d'un indicateur (nombre de personnes ayant accès aux permanences juridiques organisées par les CDAD) au sein de l'objectif n° 3 (développer une réponse de qualité aux besoins d'information juridique des citoyens dans les maisons de justice et du droit (MJD)).

Cet objectif ne comprend plus qu'un indicateur qui exprime le taux de satisfaction à l'égard des MJD. L'annexe Justice au projet de loi de finances pour 2007 apporte quelques précisions méthodologiques sur la démarche retenue pour renseigner cet indicateur : des questionnaires ont été remis au cours du mois de mars, à un échantillon de personnes -variable selon la taille des MJD- à l'occasion de leur passage dans ces services. Les résultats ont été collectés dans les MJD par les greffiers qui les ont transmis aux fins d'exploitation au service de l'accès au droit et à la justice de l'administration centrale. Trois échantillons ont été déterminés : 50 questionnaires pour les MJD recevant moins de 3.000 personnes, 100 questionnaires pour celles accueillant entre 3.000 et 6.000 personnes et 200 questionnaires pour celles dont l'activité va au-delà de 6.000 usagers. L'exploitation est réalisée par ressort de cour d'appel. Ce bilan a fait apparaître un taux de satisfaction (90 %) supérieur à la cible (85 %).

Enfin, trois objectifs de l'action n° 4 (aide aux victimes) ont été recentrés sur un seul déjà existant (objectif n° 4 développer l'efficacité des dispositifs permettant l'accompagnement et l'indemnisation des victimes). Il était en effet paradoxal que le nombre d'indicateurs et d'objectifs soit inversement proportionnel au montant de la dotation allouée.

Votre rapporteur pour avis se réjouit de ce que de nombreuses remarques formulées l'année dernière aient été prises en compte dans le volet performance de ce programme. Il convient également de noter la progression du nombre d'indicateurs de performance opérationnels , qui traduit l'implication du service de l'accès au droit dans la mise en oeuvre de la LOLF.

Le programme conduite et pilotage de la justice et organismes rattachés comporte toujours 6 objectifs et 9 indicateurs de performance .

La mesure de la performance porte comme l'année dernière prioritairement sur deux versants essentiels de l'activité des services du ministère de la justice : la conception et l'élaboration de la norme de droit et les activités qui concourent de manière significative à fournir un support logistique aux autres programmes en particulier dans le domaine des ressources humaines, de la réalisation des opérations immobilières et de l'équipement informatique 48 ( * ) . Les modifications apportées à la maquette proposée l'année dernière (amélioration de la présentation des objectifs et des indicateurs) sont très marginales.

Votre rapporteur regrette que la dimension européenne de l'activité normative de ce programme ne soit toujours pas prise en compte dans un indicateur de performance, alors même qu'elle constitue un des axes stratégiques de ce programme (objectif n° 1 : prendre rapidement les textes d'application nécessaires pour l'adaptation du droit à l'évolution de la société).

* 46 Il s'agit d'une nouveauté instituée par le décret n° 2006-1019 du 11 août 2006 portant attribution d'une indemnité de performance en faveur des directeurs d'administrations centrales. Un comité ministériel de rémunération composé de trois membres dont une personnalité extérieure est mis en place dans chaque ministère pour évaluer chaque directeur et rendre un avis sur la manière dont le responsable de programme a atteint les objectifs assignés et sur la conduite de la direction de son administration.

* 47 Dépense moyenne des frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale.

* 48 Voir les observations de votre commission des lois dans le II - B - 2 sur la gestion de la politique immobilière du ministère de la justice.

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