3. Une organisation administrative du ministère de la justice asymétrique par rapport à l'architecture budgétaire

La LOLF a décliné le budget général de l'Etat en missions, elles-mêmes subdivisées en programmes. Les programmes rassemblent les crédits et les emplois qui concourent à la mise en oeuvre d'une politique identifiée. Chaque programme est piloté par un haut fonctionnaire de l'Etat -le plus souvent un directeur d'administration centrale- : le responsable de programme 16 ( * ) , désigné par le ministre auquel la mission est rattachée.

La mission justice comporte cinq programmes dirigés, à une exception près (programme accès au droit et à la justice), par des directeurs d'administration centrale 17 ( * ) .

Le responsable de programme,
un acteur central de la nouvelle procédure budgétaire

Le responsable de programme participe à l'élaboration des objectifs de son programme. Il est le garant de sa mise en oeuvre opérationnelle et s'engage sur sa réalisation.

En contrepartie, il dispose d'une large autonomie dans ses choix de gestion, sous réserve de respecter les priorités définies par son ministre. Ce ministre doit d'ailleurs veiller à ce que l'organisation de son ministère permette au responsable de programme d'exercer véritablement ses responsabilités et de bénéficier d'une marge de manoeuvre réelle.

Pour chaque objectif, des indicateurs concrets mesurent les résultats des actions menées. Chaque responsable doit rendre compte au Parlement des résultats obtenus dans un rapport annuel de performance (RAP) joint au projet de loi de règlement.

Source : La rédaction des Notes Bleues de Bercy, n° 305 (16 au 31 mars 2006).

La création, récente, d'un secrétariat général du ministère de la justice dirigé par un secrétaire général 18 ( * ) aux compétences transversales et étendues a pu surprendre, cet échelon administratif s'insérant entre le responsable de programme et le ministre .

Aux termes du décret n° 2006-492 du 28 avril 2006 19 ( * ) , le secrétariat général comprend la direction de l'administration générale et de l'équipement, le service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville, le service des affaires européennes et internationales, le service central de l'information et de la communication et le service du secrétariat général. Ce texte précise que le secrétaire général préside également le comité des directeurs et des chefs de service placés sous son autorité. Le comité délibère sur les matières qui lui sont soumises par le ministre ou, dans la limite de ses attributions, par le secrétaire général.

Ainsi relèvent directement de son autorité administrative les responsables de deux des programmes de la mission Justice : celui du programme 213 (conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés) et celui du programme 101 (accès au droit et à la justice). Ce positionnement pouvait laisser craindre que ces derniers ne jouissent pas de toutes les marges de manoeuvre budgétaires conférées en théorie par la LOLF.

En outre, le secrétaire général joue un rôle prépondérant dans la préparation et l'exécution du budget, dans la répartition des moyens entre les directions, ainsi que dans l'élaboration des axes stratégiques de la politique des ressources humaines et ce, pour l'ensemble de la mission Justice . Aussi son influence s'étend-elle à l'ensemble des programmes de la mission, y compris au programme justice judiciaire.

Enfin, comme l'a expliqué le secrétaire général, M. Marc Moinard, à votre rapporteur pour avis, outre des fonctions de coordination, le secrétariat général assure également la mise en oeuvre de quelques grands chantiers communs à plusieurs directions tels que la maîtrise des frais de justice, la mise en place des bureaux d'exécution des peines, la numérisation des procédures pénales. Cette dimension opérationnelle qui le distingue de la plupart des secrétariats généraux des autres ministères lui permet donc d'intervenir dans tous les domaines d'action stratégiques du ministère de la justice .

Lors de leur audition, M. Eric Lallement et Mme Marielle Thuau, respectivement responsables des programmes 213 et 101 ont assuré disposer d'une totale liberté d'action dans les choix arrêtés pour leur programme et dans l'exécution de leurs dépenses , ajoutant que le secrétaire général n'intervenait que dans le cadre de sa fonction d'arbitrage entre toutes les directions du ministère de la justice. Dans le même sens, M. Léonard Bernard de la Gatinais, responsable du programme justice judiciaire, a souligné qu'au fil des mois, le secrétaire général s'était imposé comme le coordonnateur des différents responsables de programme et avait su trouver sa place, sans remettre en cause l'autorité des responsables de programme .

L'institution d'un secrétaire général au ministère de la justice ne paraît donc pas avoir remis en cause la place des responsables de programme dans la chaîne de décision budgétaire , non plus qu'entraîné une dilution des responsabilités . Au contraire, ce nouvel acteur semble avoir renforcé le dialogue entre les responsables de programme et, ainsi, amélioré la coordination au sein du ministère de la justice et la cohérence de ses politiques.

Toutefois, ce constat s'explique largement par la personnalité désignée, le secrétaire général étant un haut magistrat expérimenté reconnu et apprécié de ses interlocuteurs, entretenant des relations amicales avec les responsables des programmes. Il n'est pas certain que cette situation demeure si les responsables venaient à changer. Il appartient donc au garde des sceaux de maintenir l'équilibre actuel et de veiller à ce que le secrétaire général n'empiète pas sur le périmètre d'action des responsables de programme ni n'entrave leur autonomie budgétaire car eux seuls -avec le ministre- sont responsables de leur politique devant le Parlement .

* 16 On dénombre actuellement 80 responsables de programme pour l'ensemble des missions du budget de l'Etat.

* 17 Lors des auditions, le responsable du programme conduite et politique de la justice était chef du service adjoint au directeur de l'administration générale et de l'équipement (DAGE). Depuis le 23 novembre dernier, un directeur a été nommé à la DAGE (M. Rémy Heitz), lequel a la responsabilité de ce programme.

* 18 Le décret n° 2005-1015 du 24 août 2005 a institué ce secrétariat général.

* 19 Modifiant le décret n° 64-754 du 25 juillet 1964 relatif à l'organisation du ministère de la justice. Ce texte a été récemment modifié par le décret n° 2006-1405 du 17 novembre 2006 qui ajoute aux attributions du secrétariat général le soin de veiller à la mise en oeuvre des missions dévolues à la délégation aux interceptions judiciaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page