III. L'AIDE JURIDICTIONNELLE, UN ÉQUILIBRE ENTRE ACCÈS AU DROIT DES PLUS DÉMUNIS ET JUSTE RÉTRIBUTION DES AVOCATS DIFFICILE À TROUVER

L'aide juridictionnelle a vocation à offrir aux plus démunis l'avance par l'Etat de la totalité ou d'une partie des frais afférents aux prestations des auxiliaires de justice (avocats, huissiers, avoués ou autres experts...), susceptibles d'être engagés dans le cadre d'une procédure . En pratique, les sommes allouées à ce titre sont principalement versées aux avocats , pour lesquels ce dispositif est un enjeu économique véritable , voire pour certains d'entre eux une source exclusive de revenus .

A. LES DÉPENSES D'AIDE JURIDICTIONNELLE, UNE LOURDE CHARGE POUR L'ÉTAT

1. Des dépenses en constante progression

Depuis 2000, la dotation budgétaire affectée à l'aide juridictionnelle a fortement progressé, passant de 235 à 323 millions d'euros en 2007 (+ 37 %).

Evolution des dotations budgétaires au titre de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

Pour 2007, il s'agit d'une prévision.

Source : Ministère de la justice

Comme votre rapporteur pour avis le soulignait dans son précédent avis, l'entrée en vigueur de lois nouvelles n'a cessé d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle à des justiciables fragilisés, augmentant automatiquement le nombre des demandeurs éligibles à ce dispositif (loi quinquennale de programmation pour la justice de septembre 2002 ayant amélioré le régime de l'aide juridictionnelle pour les familles et les victimes, loi Borloo du 1 er août 2003 ayant institué une procédure de rétablissement personnel, loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi de 1952 sur le droit d'asile...) 103 ( * ) .

En 2006, la consommation effective prévisible pourrait être supérieure au montant de la dotation initiale allouée en loi de finances initiale fixée à 303 millions d'euros, le ministère de la justice ayant indiqué que la responsable du programme accès au droit et à la justice avait, dès le mois d'août, demandé la levée de la réserve de régulation.

Les incidences de la LOLF sur la gestion des crédits d'aide juridictionnelle

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, les crédits d'aide juridictionnelle ont perdu leur caractère évaluatif et sont gérés au sein de plusieurs BOP :

- le BOP central relevant de la responsabilité de l'administration centrale (253 millions d'euros en dotation initiale 2006) qui regroupe les dotations versées aux caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) -principal poste de dépenses (90 %)-, la dotation à la caisse nationale des barreaux français (droits de plaidoirie), les frais de traduction des dossiers de demande d'assistance judiciaire dans le cadre des litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale se déroulant dans un pays de l'Union européenne autre que la France et le Danemark ou encore la rétribution des avocats au Conseil d'Etat 104 ( * ) ;

- les BOP des cours d'appel (32 millions d'euros en dotation initiale 2006) qui rassemblent les dépenses afférentes à la rétribution des avoués, des huissiers et autres officiers publics et ministériels (notaires, commissaires priseurs et greffiers des tribunaux de commerce), les frais d'expertise, d'enquête, de médiation en matière civile ou administrative et autres honoraires ; le décret n° 2005-1708 du 29 décembre 2005 105 ( * ) a prévu l'ordonnancement de ces dépenses par les chefs de cour avant leur paiement par la trésorerie générale du siège de la cour d'appel. Les SAR assurent la saisie des mandatements dans l'application nouvelle dépense locale (NDL) ;

- le BOP de la Cour de cassation (601.430 euros dotation initiale 2006) qui comprend les dépenses liées à la rétribution des avocats à la Cour de cassation, des huissiers et les autres de frais de procédure civile.

Source : Ministère de la justice

Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit une augmentation de 7 % de l'enveloppe au titre de l'aide juridictionnelle dont le montant atteint 323 millions d'euros . Les mesures nouvelles d'un montant global de 20 millions d'euros sont destinées à financer :

- l'augmentation de la dépense induite par l'introduction par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance 106 ( * ) de l'audition de l'enfant dans toute procédure le concernant (article 388-1 du code civil) ;

- l'extension du champ des missions rétribuées au titre de l'aide juridictionnelle à l'assistance des mineurs auteurs d'infractions des quatre premières classes devant le tribunal de police ;

- la réforme de l'aide juridictionnelle en Polynésie résultant de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et des adaptations du régime de l'aide juridictionnelle dans les collectivités ultra-marines (aide juridictionnelle en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, aide à l'intervention de l'avocat dans le cadre des procédures disciplinaires engagées par les détenus) ;

- la revalorisation de 6 % de l'unité de valeur de référence permettant de fixer la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats, ce qui représente en année pleine un effort financier de 16,3 millions d'euros ;

- l'incidence de la hausse prévisible des admissions en 2007 ; a été retenue l'hypothèse d'une augmentation de 3 % des admissions dont le nombre devrait passer de 913.000 en 2006 à 941.000. Cette catégorie de dépense échappe à la maîtrise du ministère de la justice dans la mesure où l'aide juridictionnelle est un droit légal, ouvert à tous, attribué sous condition de ressources. Ainsi, les aléas des situations individuelles des demandeurs confrontés à la justice, de même que la situation économique de notre pays déterminent pour une grande part l'évolution de cette dépense. En 2006, l'accroissement des admissions à l'aide juridictionnelle prévu -+ 3 %- devrait être inférieur à celui enregistré en 2005 (6,6 %). Cette évolution poursuit -à un rythme moindre- le mouvement à la hausse observé depuis 2003 (+ 10 % en 2003 et en 2004). Les admissions en matière civile 107 ( * ) comme celles enregistrées dans le domaine pénal devraient croître dans les mêmes proportions (+ 3 %). L'aide juridictionnelle est le plus souvent totale (88 % des admissions) ;

- l'augmentation mécanique résultant de la revalorisation annuelle des plafonds de ressources indexée sur l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu, en application de l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les plafonds de l'aide totale et de l'aide partielle 108 ( * ) , en progression de 28 % entre 1992 et 2006, s'élèvent actuellement respectivement à 859 et 1.288 euros 109 ( * ) .

L'article 75 de la loi de finances pour 2006 a eu pour effet d'accroître de 25 % toutes les tranches du barème applicable aux revenus de 2006 par rapport aux limites fixées pour le barème applicable aux revenus de 2005 110 ( * ) ; en l'absence de mesure correctrice, les plafonds d'aide juridictionnelle auraient été automatiquement relevés dans les mêmes proportions, ce qui aurait représenté un coût supplémentaire pour le programme accès au droit et à la justice de 85 millions d'euros.

Le II de l'article 49 rattaché à la mission Justice du présent projet de loi de finances prévoit, par dérogation à l'article 4 de la loi de 1991, de contenir la progression du plafond de ressources au rythme habituel 111 ( * ) , soit 1,8 %. Il vise ainsi à neutraliser les conséquences de la réforme de l'impôt sur le revenu intervenue l'année dernière. Ce dispositif préserve le champ actuel de l'aide juridictionnelle et permet de ne pas dévoyer la philosophie du dispositif de 1991. Il mérite d'être approuvé.

* 103 Voir avis n° 104 - Tome III - Session 2005-2006, page 67.

* 104 Cette procédure est de création récente (loi n °2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice).

* 105 Relatif à l'ordonnancement de la dépense en matière d'aide juridictionnelle.

* 106 En instance d'examen à l'Assemblée nationale.

* 107 Les admissions en matière civile représentent 58 % des admissions totales.

* 108 Ces plafonds sont calculés à partir de la moyenne mensuelle des revenus perçus en 2005.

* 109 A ces montants s'ajoutent 155 euros pour chacune des deux premières personnes vivant au domicile du demandeur et 98 euros à partir de la troisième.

* 110 Cette mesure constitue la contrepartie de la suppression de l'abattement forfaitaire de 20 %.

* 111 C'est-à-dire l'indice des prix à la consommation prévisionnel.

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