INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme chaque année, votre commission des lois vous présente un avis sur les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2007 à la justice et à l'accès au droit .

La nomenclature budgétaire définie par la loi organique n° 2001-592 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) est, dans ses grandes lignes, semblable à l'architecture arrêtée l'année dernière dans le domaine de la justice : le programme Conseil d'Etat et autres juridictions administratives -rattaché depuis 2006 à une mission distincte Conseil et contrôle de l'Etat- se singularise toujours des autres programmes de la mission Justice.

Cette scission entre la justice judiciaire et la justice administrative n'a pas affecté le contenu du présent avis. Demeurent donc dans son champ d'examen tous les thèmes touchant aux fonctions régaliennes de l'Etat exercées dans le domaine de la justice, abordée dans sa globalité. Ainsi y sont examinés les quatre programmes suivants : justice judiciaire ; accès au droit et à la justice ; conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés ; Conseil d'Etat et autres juridictions administratives.

En outre, l'entrée en vigueur de la LOLF a donné l'opportunité à votre commission d'élargir son analyse à trois juridictions d'exception, rattachées à la mission Pouvoirs publics mais concourant au service public de la justice de notre pays : le Conseil constitutionnel, la Haute cour de justice et la Cour de justice de la République.

Pour l'élaboration du présent avis, votre commission a confié à M. Simon Sutour l'examen du programme Conseil d'Etat et autres juridictions administratives figurant dans la mission Conseil et contrôle de l'Etat et à M. Yves Détraigne l'analyse des autres programmes mentionnés ci-dessus 1 ( * ) .

*

* *

AVIS « JUSTICE ET ACCÈS AU DROIT »

Mission « Justice »

Programme 166
Justice judiciaire

Programme 101
Accès au droit
et à la justice

Programme 213
Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés

Programme 182*
Protection judiciaire
de la jeunesse

- 8 -


Programme 107**
Administration pénitentiaire


- Traitement et jugement des contentieux civils
- Conduite de la politique pénale et jugement
des affaires pénales
- Cassation
- Conseil supérieur
de la magistrature
- Enregistrement des décisions judiciaires
- Soutien
- Formation
- Support à l'accès au droit et à la justice


- Aide juridictionnelle
- Développement
de l'accès au droit
et du réseau judiciaire
de proximité
- Aide aux victimes
- Médiation familiale et lieux neutres de rencontre


- État major
- Activité normative
- Évaluation, contrôle, études et recherche
- Gestion administrative commune
- Commission nationale informatique
et libertés
- Haut conseil
au commissariat
aux comptes
- Ordre de la légion d'honneur
- Ordre de la libération


- Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants
- Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs
- Soutien
- Formation (Centre national de formation et d'études)


- Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice
- Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice
- Soutien et formation

* Ce programme est traité dans l'avis de M. Nicolas Alfonsi.

** Ce programme est traité dans l'avis de M. Philippe Goujon.

Sont en gras les actions nouvellement insérées par le projet de loi de finances pour 2007.

Sont en italique les actions dont le libellé a changé.

AVIS « JUSTICE ET ACCÈS AU DROIT » (suite)

Mission « Conseil et contrôle de l'Etat »

Mission « Pouvoirs publics »

Dotation 501 Présidence de la République *
- Présidence
de la République

Dotation 521 Sénat *
- Sénat
- Jardin du Luxembourg
- Musée du Luxembourg

Dotation 532
Haute Cour de justice

- Haute Cour de justice

Dotation 531
Conseil constitutionnel

- Conseil constitutionnel

- 9 -

- Fonction juridictionnelle : Conseil d'Etat
- Fonction juridictionnelle :
cours administratives d'appel
- Fonction juridictionnelle :
tribunaux administratifs
- Fonction consultative
- Fonction études, expertise et services rendus aux administrations
de l'Etat
- Soutien

- Conseil économique
et social

- Contrôle externe
et indépendant
des comptes publics
- Contrôle externe
et indépendant
de la régularité
et de l'efficacité
de la gestion publique
- Conseil et expertise
- Soutien aux activités des juridictions financières

Dotation 542* Indemnités des représentants au Parlement européen

(Dotation nouvelle)

* Ces programmes et dotations n'entrent pas dans le champ de la saisine du présent avis.

Le projet de loi de finances pour 2007 s'inscrit cette année dans une double continuité .

D'une part, il achève -dans des conditions plus ou moins satisfaisantes selon les objectifs- l'exécution de la programmation quinquennale dont il finance la dernière tranche . Même si certaines promesses n'ont pas été tenues, notamment à l'égard des personnels des greffes, il convient de saluer l'effort du Gouvernement lequel, dans un contexte budgétaire contraint, s'est efforcé de mettre en oeuvre le programme financier et les réformes visant à une meilleure organisation de la justice annoncés en 2002.

D'autre part, le projet de budget poursuit, pour la deuxième année , la mise en oeuvre de la LOLF . Tous les acteurs qui prennent part à notre justice ont désormais conscience des impératifs imposés par le nouveau cadre budgétaire : des exigences et des responsabilités accrues en matière de gestion ainsi que le passage d'une culture de moyens à une culture de la performance .

Les auditions et les déplacements organisés par vos rapporteurs pour avis 2 ( * ) ont démontré que chacun avait pris la mesure du changement, s'efforçant de moderniser ses méthodes de travail tout en respectant néanmoins les principes très anciens régissant l'organisation de la justice. La politique menée en matière de frais de justice l'illustre bien : la maîtrise des dépenses est réelle, sans pour autant porter atteinte à l'indépendance des magistrats et à la qualité des enquêtes.

Bien sûr, des inquiétudes légitimes demeurent. Loin d'être interprétées comme des résistances, elles traduisent le souci constant d'assurer le bon fonctionnement de la justice de notre pays. En outre, les craintes exprimées cette année devraient s'apaiser au fur et à mesure que l'institution judiciaire aura achevé son apprentissage des nouvelles règles budgétaires.

Après avoir analysé l'impact de la LOLF sur le fonctionnement de la justice judiciaire (I), le présent avis présentera l'articulation du projet de budget alloué à la justice judiciaire avec la programmation quinquennale dont il dressera le bilan au regard des créations d'emplois effectivement réalisées, de la mise en oeuvre du programme immobilier, de la mise en place de la justice de proximité ainsi que de l'objectif de réduction des délais de jugement (II), avant de faire le point sur l'aide juridictionnelle (III) et, enfin, d'examiner les grandes lignes du programme Conseil d'Etat et autres juridictions administratives (IV).

I. LA LOLF, L'APPRENTISSAGE D'UNE CULTURE NOUVELLE POUR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

A. L'ARCHITECTURE DE LA MISSION JUSTICE EN DÉBAT

1. La composition du programme justice judiciaire, un débat en voie d'apaisement

Support des fonctions juridictionnelles, le programme justice judiciaire , en augmentation cette année (+4 % par rapport à la loi de finances pour 2006) 3 ( * ) , représente en volume 41,5 % des dépenses du ministère de la justice (2.605 millions d'euros). Il s'agit de la plus importante masse budgétaire de la mission Justice , devant l'administration pénitentiaire (2,2 millions d'euros).

Récapitulation des crédits inscrits par le projet de loi de finances pour 2007
dans le programme justice judiciaire

(en millions d'euros)

Actions

Crédits ouverts
loi de finances initiale pour 2006

Crédits demandés projet de loi de finances pour 2007

Evolution en pourcentage

01 Traitement et jugement des contentieux civils

707

735

+ 4 %

02 Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1.001

938

- 6 %

03 Cassation

45

57

+ 27 %

04 Conseil supérieur de la magistrature

2,1

1,2

- 43 %

05 Enregistrement des décisions judiciaires

12

13

+ 8 %

06 Soutien

673

748

+ 11 %

07 Formation

65

85

+ 31 %

08 Support à l'accès au droit et à la justice

-

28

-

Programme 166
Justice judiciaire

2.505

2.605

+ 4 %

Source : Annexe Justice au projet de loi de finances pour 2007 - page 11.

Le présent projet de loi de finances pour 2007 a modifié la structure de ce programme pour y ajouter u ne huitième action relative au support à l'accès au droit et à la justice destinée à accueillir les crédits -transférés du programme 101 accès au droit et à la justice- de rémunération des personnels du service de l'accès au droit, à la justice et à la politique de la ville rattaché à l'administration centrale et des personnels des juridictions qui concourent à l'accès au droit (bureaux d'aide juridictionnelle, centres départementaux d'accès au droit (CDAD) et maisons de la justice et du droit (MJD)).

Le ministère de la justice a justifié ce changement de nomenclature par le souci de « faciliter l'optimisation de la gestion des personnels » 4 ( * ) , pour la plupart, en poste dans les juridictions judiciaires. La répartition des mêmes personnels dans deux budgets opérationnels de programme (BOP) 5 ( * ) distincts (justice judiciaire et accès au droit) posait des difficultés aux chefs de cour d'appel. Dans un souci de simplification, il a été décidé de comptabiliser les effectifs au sein d'un BOP unique.

Ces modifications -marginales- au programme justice judiciaire démontrent la volonté du Gouvernement, approuvée par le Sénat, de maintenir l'unité des fonctions du siège et du parquet .

Même s'il n'est pas complètement éteint, le débat -très vif- soulevé l'année dernière 6 ( * ) sur le point de savoir si l'indépendance des juges du siège ne risquait pas d'être fragilisée par la nouvelle architecture budgétaire est désormais en voie d'apaisement . En mai dernier, le premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet a, comme lors du précédent budget, saisi votre commission des lois ainsi que le Gouvernement d'une demande de modification de la maquette budgétaire.

Ce dernier a en effet estimé « qu'a [...] été éludée à l'occasion des discussions budgétaires dans le cadre du PLF 2006, la question primordiale, de la traduction, dans l'architecture budgétaire, de la division entre les juridictions et le ministère public, qui exercent des missions différentes consacrées autant par les textes de procédure que par ceux relatifs à l'organisation judiciaire » , ajoutant que « les solutions retenues s'avèrent impraticables dans une saine conception de l'administration de la justice »... « Le programme justice judiciaire fait prévaloir l'unicité de traitement d'actions différentes concourant, les unes à la poursuite des infractions, les autres au jugement des affaires pénales et civiles. [...]. Une scission en deux programmes relevant l'un du siège et l'autre du parquet, est donc indispensable pour clarifier les responsabilités respectives du siège et du parquet. »

Comme l'année dernière, les mêmes arguments ont été opposés à cette requête.

D'une part, votre commission reste convaincue que la justice est une co-production entre le siège et le parquet et doit le demeurer. L'acte judiciaire qui résulte d'un ensemble cohérent d'actions étroitement imbriquées est unique . Un morcellement de l'activité des juridictions judiciaires apparaît donc inopportun. Le ministère de la justice considère, dans le même sens, que « la scission du processus judiciaire, tout particulièrement en matière pénale, ne saurait être qu'artificielle, tant elle ne peut se concevoir sans une nécessaire complémentarité du siège et du parquet, que ce soit dans l'action, gage de cohérence et par conséquent d'efficacité, ou dans la gestion des moyens humains et financiers des juridictions » 7 ( * ) .

D'autre part, les principes essentiels de l'organisation judiciaire , en particulier la nature des relations siège/parquet, relèvent de la loi en vertu des articles 34 et 64 de la Constitution , la nomenclature ne devant pas préjuger de l'issue d'un débat institutionnel de nature législative. Le ministère de la justice a à cet égard exprimé une position très affirmée, l'unité du corps judiciaire constituant pour lui « une des garanties majeures de l'efficacité de la justice et de son indépendance » (réponse au questionnaire budgétaire).

En outre, l'exécution budgétaire en 2006, bien qu'encore inachevée, a démontré que la crainte d'une mise en cause de l'indépendance des magistrats du siège et le risque d'une déresponsabilisation des chefs de cour pouvaient être largement relativisés.

En effet, l'année dernière, la co-gestion par les chefs de cour d'appel des crédits déconcentrés (notamment ceux destinés à financer les frais de justice) avait été interprétée par le premier président de la Cour de cassation et la Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel comme un facteur d'affaiblissement de l'indépendance des magistrats du siège 8 ( * ) .

L'exercice conjoint des fonctions de gestion par les chefs de cour d'appel dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF n'a pas donné lieu aux situations de blocage annoncées entre le responsable du siège et celui du parquet . Les chefs de la cour d'appel d'Amiens entendus par votre rapporteur pour avis se sont, au contraire, félicité du système dyarchique propre à l'institution judiciaire. Ainsi, pour le procureur général de la cour d'appel d'Amiens, M. Olivier de Baynast, la co-responsabilité est de nature à créer des synergies positives permettant aux juridictions de rendre des décisions de qualité dans un délai raisonnable. Pour le premier président de cette même cour, M. Jean-Pierre Delzoide, la « dyarchie constitue une école d'écoute et d'humilité et ne soulève pas de difficulté dans la mesure où le premier président et le procureur général ont un devoir commun, celui de faire fonctionner la justice au mieux » . Les tensions très fortes qui s'étaient manifestées l'année dernière entre les premiers présidents et les procureurs généraux semblent désormais dissipées . Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de cette évolution des esprits .

Au surplus, le regroupement des fonctions du siège et du parquet dans un même programme, loin d'avoir abouti à une confusion des responsabilités entre les chefs de cour d'appel, a, au contraire, produit des résultats très encourageants . La maîtrise des frais de justice observée cette année l'illustre bien. Les chefs de cour d'appel, loin de s'opposer, ont réussi grâce à des efforts convergents à sensibiliser les magistrats à la nécessité de diminuer ce poste de dépenses 9 ( * ) . Sans un exercice commun des nouvelles prérogatives dévolues aux premiers présidents et aux procureurs généraux , les avancées en ce domaine n'auraient peut-être pas été aussi significatives...

En outre, à l'exception des représentants de l'Union syndicale des magistrats (USM), selon lesquels on assiste à un « contingentement des enquêtes » en raison de « l'autocensure » de nombreux juges d'instruction qui renoncent à ordonner des actes coûteux en termes de frais de justice 10 ( * ) , tous les interlocuteurs (chefs de cour d'appel, responsable du programme justice judiciaire et représentants du ministère de la justice) interrogés par votre rapporteur pour avis ont constaté que les magistrats n'avaient pas vécu la rationalisation des frais de justice comme une entrave à la conduite des enquêtes ni comme une atteinte à leur indépendance, mais avaient au contraire pris conscience de la nécessité de dépenser mieux dans l'exercice quotidien de leurs fonctions juridictionnelles .

* 1 Les programmes consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse et à l'administration pénitentiaire de la mission Justice restent traités dans deux avis distincts respectivement présentés par MM. Nicolas Alfonsi et Philippe Goujon.

* 2 Voir en annexe la liste des auditions.

* 3 A périmètre constant cette progression, moindre, s'élève à 2,5 %.

* 4 Annexe Justice au projet de loi de finances pour 2007 - page 26. Le nombre d'agents rattachés à cette action (660 ETPT au total) se répartit en 8 ETPT magistrats et 652 ETPT fonctionnaires.

* 5 Le BOP est une déclinaison du programme sur un périmètre d'activité ou sur un territoire. Il hérite donc des caractéristiques du programme (déclinaison opérationnelle des objectifs et des indicateurs de performance, gestion de l'enveloppe globale des moyens -crédits et personnels-, programmation des activités).

* 6 Voir rapport n°104 de MM Yves Détraigne et Simon Sutour- Tome III - Session 2005-2006, pages 14 à 16.

* 7 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 8 Voir la délibération de la Conférence nationale des premiers présidents du 2 juin 2005 selon laquelle du fait de la gestion commune des frais de justice, les juges verraient « leurs capacités d'investigation conditionnées par les décisions du parquet, autorité de poursuite ».

* 9 Voir sur ce point le I - B - 3.

* 10 Les représentants de l'USM ont estimé que, sous la pression de l'objectif de maîtrise des frais de justice, de nombreux magistrats renonçaient à ordonner des expertises financières ainsi que des expertises en matière de tutelle.

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