B. PLUSIEURS ÉVOLUTIONS POSITIVES POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE DÉTENTION

Dans un contexte caractérisé par des taux d'occupation élevés, les conditions de détention demeurent un sujet de préoccupation récurrent même si de réels progrès ont été accomplis pour favoriser l'accès aux soins et faciliter les relations des détenus avec leurs familles. Ainsi, les constats et les recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons 7 ( * ) ne seront pas restés lettres mortes. La formation et l'emploi dans le milieu pénitentiaire en revanche ne paraissent pas encore vraiment à la mesure de l'objectif de réinsertion fixé à l'administration pénitentiaire.

1. Un effort de rapprochement avec le droit commun en matière d'accès aux soins

La prise en charge sanitaire des personnes incarcérées demeure un sujet de préoccupation récurrent. Cependant la période récente a été marquée par des évolutions positives.

En premier lieu, d'une manière générale, un effort réel a été engagé pour améliorer les conditions d'hygiène en détention. Ainsi le principe de trois douches par semaine a été généralisé dans tous les établissements. Il en a été de même pour la fourniture systématique de produits d'hygiène de première nécessité à tous les entrants. Par ailleurs, tous les établissements ouverts en 2003 comprennent la création d'un espace sanitaire avec douche au sein de chaque cellule.

L'ouverture des premières unités hospitalières sécurisées régionales

Sur le plan sanitaire, la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a contribué à améliorer de manière significative l'accès aux soins des personnes détenues en confiant cette mission au service public hospitalier. Ainsi, dans chaque établissement pénitentiaire, a été créée une unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) rattachée au service hospitalier où les soins sont prodigués uniquement par des personnels sanitaires qualifiés (médecins, infirmiers...). Cette orientation a été confirmée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice aux termes de laquelle « les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins que celui offert à la population générale tout en respectant les règles de sécurité liées à leur condition de détenu ». Cependant, le droit ainsi reconnu aux détenus s'est parfois heurté aux difficultés pratiques liées à l'insuffisance des effectifs dans certaines unités de consultations et de soins ambulatoires.

Par ailleurs, il convient également de favoriser l'accès au soin à l'issue de la période d'incarcération . Cet objectif doit être poursuivi au travers d'une part, d'une démarche d'éducation pour la santé développée pendant l'incarcération à l'occasion des soins et d'actions spécifiques et, d'autre part, des dispositions prises pour organiser le suivi sanitaire à la sortie de l'établissement pénitentiaire.

Les préconisations prévues par un nouveau guide méthodologique élaboré par le ministère de la santé et le ministère de la justice -dont la publication est attendue avant la fin de l'année- porteront en particulier sur le rôle du médecin de l'UCSA afin de permettre une bonne coordination entre celui-ci et le médecin de la personne détenue à sa sortie. Le cas échéant, une prescription ainsi que des médicaments sont délivrés au patient afin d'assurer la continuité des soins et des traitements. Ces principes ne peuvent néanmoins s'appliquer aux personnes prévenues dans la mesure où lorsque l'ordonnance de mise en liberté du juge d'instruction est reçue par le greffe de l'établissement pénitentiaire, la mise en oeuvre de cette mesure s'impose immédiatement.

Par ailleurs, les conditions d' hospitalisation des personnes détenues connaîtront une amélioration progressive avec la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) dont la première a été ouverte à Nancy le 16 février dernier. Ainsi, pour la première fois, en application de l'arrêté du 24 août 2000, des unités accueillent dans des centres hospitaliers universitaires, pour des séjours d'une durée supérieure à quarante-huit heures, des détenus souffrant de pathologies somatiques (non psychiatriques). Ceux-ci seront encadrés par des personnels pénitentiaires et pris en charge médicalement par des personnels hospitaliers.

Toutes les circulations de cette unité sont contrôlées directement ou, à défaut, par l'intermédiaire d'un système de caméras. En outre, l'UHSI est commandée par un accès unique contrôlé par un poste central protégé, situé dans l'unité tandis que la sécurité du périmètre extérieur est renforcée afin d'empêcher toute évasion ou tentative d'intrusion.

Après Nancy (17 lits), de telles unités ont été ou seront créées à Lille (21 lits) en octobre, Lyon (23 lits) en avril 2005, Bordeaux (16 lits), Toulouse (16 lits), et Marseille (45 lits) en 2006, Paris (25 lits) en janvier 2007 8 ( * ) et Rennes (19 lits) en décembre 2007. Les UHSI ont vocation à rassembler la majorité des hospitalisations (entre 60 et 80  %) hors urgence et hospitalisations de jour -qui demeurent réalisées dans les hôpitaux de proximité au sein de chambres sécurisées (le programme de sécurisation de ces chambres sera engagé de novembre 2004 à 2006 sur la base d'une liste arrêtée en septembre dernier par un comité interministériel santé-justice-police-gendarmerie). Une note interministérielle a été adressée en novembre dernier aux préfets pour lancer la mise en oeuvre de ce programme.

La prise en charge psychiatrique des personnes détenues relève, aux termes de la loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002, d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). En effet la loi a fusionné les régimes d'hospitalisation sous contrainte des personnes détenues (hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la nécessité des soins. L'ensemble des hospitalisations à temps complet pour troubles mentaux des personnes détenues sera, à terme, réalisé dans les UHSA implantées en milieu hospitalier. Les activités des actuels services médico-psychologiques régionaux seront alors progressivement recentrées sur les soins ambulatoires diversifiés, incluant les hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers thérapeutiques. La mise en place de ces unités est prévue à compter de 2007.

Ces unités seront-elles cependant à la mesure d'un besoin croissant au sein de la population pénale ? Selon une étude conduite en 2001 au sein de 25 SMPR, un détenu sur deux entrant en détention souffrirait de troubles mentaux. Cette situation s'est encore aggravée depuis lors comme l'a confirmé un projet de recherche épidémiologique mené entre juillet 2003 et septembre 2004 auprès de 1.400 détenus et dont les résultats ont été rendus publics le 7 décembre dernier. Ainsi, un détenu sur quatre serait atteint de troubles psychotiques et un peu moins d'un sur dix de schizophrénie. Ne faudrait-t-il pas dès lors envisager une plus grande différenciation des établissements pénitentiaires et, comme l'a envisagé le garde des sceaux lors de son audition devant votre commission, le 30 novembre dernier, concevoir des structures remplissant à la fois les fonctions de détention et de soins ?

Par ailleurs, la question du suivi des pathologies psychiatriques au-delà de la détention n'a pas encore reçu de réponse vraiment satisfaisante. Ces troubles mentaux touchent plus particulièrement les auteurs des infractions sexuelles. La loi du 17 juin 1998 (art. 131-36-4 du code pénal) prévoit que les auteurs d'une infraction sexuelle peuvent être condamnés à une mesure de suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, lors du jugement ou à l'issue de l'incarcération, s'il est établi après une expertise médicale qu'ils sont susceptibles de faire l'objet d'un traitement.

Il semble que les juridictions prononcent rarement un suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins. Les statistiques manquent en la matière, mais d'après les informations obtenues de manière empirique par l'administration pénitentiaire, parmi les mesures de suivi socio-judiciaire dont les services pénitentiaires d'insertion et de probation ont été saisis, le nombre des injonctions de soins depuis 2001 n'aurait pas dépassé 200 -soit moins du tiers du total. En outre, le nombre de médecins coordonnateurs -placés à l'interface entre le juge de l'application des peines et le médecin traitant- apparaît insuffisant.

Le président de la République dans une allocution prononcée à Nimes le 8 novembre dernier, s'est particulièrement inquiété de « la récidive des crimes les plus dangereux et notamment de ceux qui sont liés à des pulsions sexuelles ». Il a formulé à cet égard deux propositions : d'une part, l'amélioration du dispositif d'accompagnement socio-judiciaire prévu par la loi du 17 juin 1998, d'autre part, la création pour « les personnes les plus dangereuses (...) d'un nouveau type d'établissement qui ne soit ni des prisons ni des hôpitaux psychiatriques ». Cette suggestion concernant les personnes sorties de détention prolonge la piste de réflexion sur la mise en place d'établissements associant détention et soins pour les personnes incarcérées.

Ainsi, malgré les progrès réalisés pour l'accès aux soins, de nouvelles initiatives doivent encore être encore prises dans ce domaine. Tel est l'objet de la commission installée le 22 juillet dernier par le garde des sceaux et le ministre de la santé, présidée par M. Jean-François Burgelin, et chargée de définir les moyens d'améliorer le traitement des détenus malades pendant leur séjour en mission ainsi que leur suivi après la sortie.

La suspension de peine pour raison médicale

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé la possibilité de suspendre, pour une durée indéterminée, l'exécution d'une peine privative de liberté si la personne est atteinte d'une pathologie engageant à brève échéance le pronostic vital ou si son état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d'hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux (art. 720-1-1 du code de procédure pénale).

La demande de suspension de peine appartient à la personne détenue. Toutefois, compte tenu de la spécificité du public susceptible de bénéficier d'une suspension de peine pour raison médicale (vulnérabilité et diminution des facultés physiques ou intellectuelles), les chefs d'établissements sont tout à fait fondés à attirer l'attention du juge d'application des peines et du parquet sur le cas des personnes posant de graves problèmes d'ordre sanitaire dans la gestion de la détention 9 ( * ) . Certains obstacles à l'application de la suspension de peine soulevés, l'an passé, par M. Georges Othily dans son rapport pour avis, demeurent : l'absence de tout lien familial des détenus concernés et la difficulté de trouver des places pour ces personnes dans les centres de soins palliatifs ou de long séjour.

Au cours de l'année 2003, soixante-trois personnes condamnées ont bénéficié d'une suspension de peine pour raison médicale (contre vingt personnes au cours de l'année 2002). Ainsi, les services pénitentiaires se sont mobilisés pour porter à la connaissance des services sanitaires et des autorités judiciaires la situation des personnes susceptibles de connaître un tel aménagement de leur peine. Au 31 décembre 2003, les procédures en cours concernaient quarante-neuf personnes détenues. Plus de la moitié des dossiers est traitée dans un délai inférieur à deux mois. Par ailleurs, lorsque la loi le permet, les juridictions peuvent recourir à d'autres mesures d'aménagement de peine moins difficiles à mettre en oeuvre telle que la libération conditionnelle et la suspension de peine à durée limitée dans le cadre de l'article 720-1 du code de procédure pénale pour motif grave d'ordre médical.

* 7 « Prisons : une humiliation pour la République », Jean-Jacques Hyest, président, Guy-Pierre Cabanel, rapporteur, rapport n° 449, 1999-2000.

* 8 Cette unité sera créée au sein du groupe hospitalier de la Pitié-Salpétrière (25 lits). Cependant, l'établissement public de santé national de Fresnes est appelé à jouer à titre principal le même rôle que les unités d'hospitalisation sécurisées, au profit des détenus des directions régionales des services pénitentiaires de Paris, de la région Haute-Normandie et de Bourgogne, en lien étroit avec l'assistance publique-hôpitaux de Paris du fait des limites de son plateau technique.

* 9 Circulaire PMJA n° 515 du 28 octobre 2002.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page