B. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

1. Une activité juridictionnelle de plus en plus dense

? Une pression très nette des affaires nouvelles

Le flux des affaires devant le Conseil d'Etat et les juridictions administratives , en voie de stabilisation les années précédentes, se caractérise par une croissance notable .

Après une stabilisation des affaires nouvelles enregistrées au Conseil d'Etat en 2002 et 2003, celles-ci progressent fortement au premier semestre 2004 par rapport à l'évolution constatée au premier semestre 2003. Cette progression est principalement imputable à l'accroissement du nombre des pourvois en cassation, notamment ceux formés à l'encontre des arrêts des cours administratives d'appel (+ 10,7 %) et des décisions rendues en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs et en matière de référé (+ 23,5 %).

Depuis l'année dernière se dessine une très forte progression des affaires nouvelles enregistrées devant les tribunaux administratifs liée notamment à l'augmentation du contentieux des étrangers (+ 34 %) et des pensions versées aux fonctionnaires (+ 175 % en 2003 par rapport à 2002) 26 ( * ) . Ce mouvement semble se poursuivre comme le montre l'activité du premier semestre de cette année, qui laisse craindre une croissance sans précédent des entrées (plus de 20 % par rapport à 2003).

En revanche, la situation des cours administratives d'appel semble plus favorable. Après avoir connu un triplement du nombre annuel d'affaires enregistrées entre 1992 et 2000 du fait du transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, un ralentissement s'est opéré en 2000. En 2001, la tendance à la hausse s'est pour la première fois inversée, avec une diminution de 7 % du nombre des entrées. Depuis, le nombre d'affaires nouvelles est relativement stable.

ÉVOLUTION DES AFFAIRES PORTÉES DEVANT LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

ANNÉE

TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

NOMBRE D'AFFAIRES ENREGISTRÉES

ÉVOLUTION

PAR ANNÉE

ÉVOLUTION

2003/1993

ENTRÉES

ÉVOLUTION

PAR ANNÉE

ÉVOLUTION

2003/1993

1993

88 078

+4,8 %

+ 45,8 %

6 794

+ 22 %

+ 130,2%

1994

88 949

+ 1 %

7 804

+ 14,9%

1995

97 025

+ 9,1%

9 057

+ 16,1%

1996

95 246

- 1,8%

12 168

+ 34,3%

1997

101 590

+ 6,7%

12 477

+ 2,5%

1998

123 834

+ 21,9%

14 330

+ 14,9%

1999

117 429

-  5,2%

16 056

+ 12 %

2000

113 059

- 3,7%

16 540

+ 3%

2001

123 354

+ 9.1%

15 375

-7%

2002

112 703

- 8,6%

15 267

-0,7%

2003

128 422

+ 14%

15 640

+ 2,44%

Source : ministère de la justice

? Un effort de productivité soutenu de la part des magistrats administratifs

Maintenu à un niveau de 11.000 à 12.000 affaires par an depuis dix ans (sauf en 1998), le nombre des affaires jugées par le Conseil d'Etat a permis de faire régulièrement baisser le délai moyen prévisible de jugement des affaires en stock. En 2002 et 2003, on observe un excédent des sorties par rapport aux entrées.

Le Conseil d'Etat poursuit ses efforts avec l'objectif prioritaire de réduire le stock des affaires les plus anciennes en limitant à 1 % la part des affaires en instance enregistrées depuis plus de trois ans au 31 décembre 2004 et à 2 ou 3 % la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans et moins de trois ans. Le délai moyen de jugement des affaires s'élève en 2003 à 10 mois , soit une réduction de plus d'un mois par rapport à l'année 2002.

Après avoir connu une multiplication par 5 entre 1992 et 1999 du stock des affaires en instance du fait du transfert de compétences du Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel ont, pour la première fois en 2003 , traité plus d'affaires qu'elles n'en ont reçues, ce qui a permis une diminution du stock des affaires en instance . Cette tendance favorable devrait être consolidée en 2004. Au 31 décembre 2004, le délai moyen de jugement des affaires, en baisse par rapport à 2003 27 ( * ) , devrait ainsi s'établir à 2 ans.

Entre 1993 et 2003, les tribunaux administratifs ont jugé un nombre d'affaires croissant (+ 63 % par rapport au volume d'affaires). Cette évolution favorable résulte de la conjugaison de l'impact du renforcement des effectifs de magistrats 28 ( * ) et de l'amélioration de la productivité de ces derniers.

Après une baisse du nombre d'affaires réglées constatée en 2002 imputable à la priorité accordée à l'évacuation des dossiers les plus anciens, l'année 2003 s'est caractérisée par une nouvelle progression du nombre d'affaires réglées mais dans une proportion moindre que la hausse des affaires enregistrées. Le déséquilibre constaté a donc entraîné, par un effet mécanique, une nouvelle augmentation des stocks . Les prévisions pour 2004 (+ 27 %) laissent craindre un gonflement du volume d'affaires en instance devant les tribunaux a dministratifs et ce, en dépit d'une nette augmentation de la productivité des juridictions.

Dans ce contexte et compte tenu du faible nombre de recrutements prévus pour 2005, il est à craindre que l'objectif tendant à réduire le délai de jugement à un an devant toutes les juridictions administratives énoncé dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, soit difficile à atteindre.

* 26 Ce contentieux porte essentiellement sur le refus systématique opposé par les administrations aux demandes des fonctionnaires de sexe masculin tendant à obtenir des avantages en termes de retraites, identiques à ceux octroyés à leurs collègues de sexe féminin.

* 27 Ce délai était de deux ans et cinq mois.

* 28 Le nombre de magistrats affectés dans les tribunaux administratifs a été porté entre 1989 et 2003 de 400 à 661, les effectifs de magistrats affectés dans les cours administratives d'appel se sont accrus fortement passant de moins de 50 en 1989 à 198 en 2003, non compris les 7 conseillers d'Etat qui président les cours.

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