Avis n° 78 (2003-2004) de M. Christian COINTAT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 novembre 2003

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N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

JUSTICE :

SERVICES GÉNÉRAUX

Par M. Christian COINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Charles Guené, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Jean Louis Masson, Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 et 73 (annexe n° 27 ) (2003-2004)

Lois de finances .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu, le 19 novembre 2003, le garde des Sceaux M. Dominique Perben , ministre de la justice, et M. Pierre Bédier , secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, la commission des Lois du Sénat, réunie le 3 décembre 2003 sous la présidence de M. René Garrec, président, a examiné sur le rapport pour avis de M. Christian Cointat , les crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 2004 aux services généraux de la justice (administration centrale-services judiciaires-juridictions administratives).

Le rapporteur pour avis s'est félicité de la priorité accordée cette année à la justice, qui bénéficie d' une des plus fortes progressions des crédits -près de 5 %- et de la plus forte augmentation des effectifs budgétaires de tous les ministères (+3,1 %), grâce à la création nette de 2.175 emplois. Il s'est également réjoui des innovations prévues , dont bon nombre concrétisait certaines des recommandations formulées en juillet 2002 par la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice constituée au sein de la commission des Lois.

Il a précisé que le projet de budget pour 2004 permettrait de financer la deuxième tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 . Analysant la situation des juridictions judiciaires, il a noté un léger retard dans le rythme des créations d'emplois programmées l'année prochaine par rapport aux objectifs pluriannuels, après avoir expliqué que le Gouvernement avait fait le choix de privilégier d'autres secteurs prioritaires comme l'administration pénitentiaire en proie à des difficultés liées à la surpopulation carcérale. Il a précisé que le ministre s'était engagé à ce qu'une accélération des créations de postes intervienne au cours de prochains exercices budgétaires.

Il a relevé que l'Ecole nationale de la magistrature et l'Ecole nationale des greffes chargées de former des effectifs croissants bénéficiaient d'une enveloppe financière substantielle, en contrepartie des charges leur incombant.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a salué le souci du Gouvernement de garantir l'entrée en vigueur des réformes de modernisation récemment engagées dans les meilleures conditions et les plus brefs délais , en leur octroyant les moyens nécessaires. Il a évoqué les premiers pas de la justice de proximité , se félicitant de la rapidité des premiers recrutements de juges de proximité. Il a également souligné les avancées indemnitaires et statutaires réalisées au profit des fonctionnaires des greffes (achèvement des réformes statutaires des greffiers et des greffiers en chef, relèvement du taux indemnitaire et transformations d'emplois au profit des fonctionnaires de catégorie C, création d'un corps de secrétaire administratif).

Le rapporteur pour avis a mis en exergue que loin de s'en tenir à une logique purement quantitative, le projet de budget pour 2004 proposait la mise en place de méthodes de travail innovantes destinées à mieux gérer la ressource publique . Il a en particulier noté la démarche originale consistant à généraliser la contractualisation par le biais de contrats d'objectifs pluriannuels entre les juridictions administratives ou judiciaires et le ministère de la justice, formulant l'espoir que cette initiative puisse remédier au problème persistant de l'encombrement des prétoires. Il a relevé l' effort engagé pour rationaliser l'organisation du travail dans les tribunaux , grâce au recentrage des magistrats sur leurs missions juridictionnelles.

Le rapporteur pour avis a présenté les pistes envisagées pour responsabiliser davantage les acteurs de l'institution judiciaire, citant l'instauration d'une prime modulable versée aux magistrats -qui loin de les inciter à rendre une justice « à la chaîne » constituait un utile moyen de valoriser les talents et de récompenser les personnels les plus dévoués- ou encore l'affirmation d'une plus grande autonomie en matière de gestion .

Après avoir pris acte des améliorations apportées au dispositif d'aide juridictionnelle destinées à remédier à l'insuffisante rétribution des avocats et à la disparité de traitement des demandes d'admission à son bénéfice, le rapporteur pour avis a jugé opportun de mener une réflexion sur le développement de l 'assurance de protection juridique, insuffisamment connue des justiciables, les principaux représentants des avocats s'étant déclarés prêts à travailler en ce sens, en concertation avec le ministère de la justice.

Après un débat au cours duquel sont intervenus MM. Pierre Fauchon, Robert Badinter et Michel Dreyfus-Schmidt, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Lois, comme chaque année, analyse dans le cadre d'un avis les crédits affectés par le projet de loi de finances pour 2004 aux services généraux de la justice , ceux alloués à l'administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse étant traités dans deux avis distincts respectivement présentés par nos collègues MM. Georges Othily et Patrice Gélard.

Malgré un contexte budgétaire tendu caractérisé par des gels de crédits et la recherche d'une meilleure maîtrise des dépenses publiques, la progression du budget de la justice prévue en 2004 -près de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 - traduit cette année encore le choix du Gouvernement de privilégier ce ministère régalien. Autre signe de la priorité qui lui est accordée, celui-ci enregistre la plus forte augmentation des effectifs budgétaires de tous les ministères (+3,1 %), grâce à la création nette de 2.175 emplois.

L'an passé, votre commission se félicitait de l'adoption de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice annonçant la mise à disposition de moyens humains et matériels indispensables au bon fonctionnement des juridictions judiciaires et administratives. En réalisant la deuxième tranche du programme quinquennal , le projet de budget pour 2004 témoigne de la volonté du Gouvernement d'inscrire dans la durée l'action en faveur de la justice.

Une autre ambition relative à la modernisation de la gestion et des méthodes de travail du ministère de la justice mérite d'être saluée. En effet, dans la perspective de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, le projet de budget propose la mise en place d'outils nouveaux destinés à améliorer la performance des acteurs de l'institution judiciaire en les responsabilisant davantage et à mieux évaluer les actions engagées, autant d'avancées susceptibles d'accroître la qualité du service rendu aux justiciables. Votre rapporteur se réjouit de la démarche novatrice du Gouvernement qui, loin de s'en tenir à une logique quantitative, tente de parvenir à une meilleure utilisation de ses ressources.

Après avoir retracé les grandes lignes de l'effort financier consenti par l'État notamment en vue d'exécuter le programme quinquennal et de permettre aux réformes nouvelles, telle la mise en place des juridictions de proximité, d'entrer en vigueur dans de bonnes conditions (I), le présent avis présentera les nouveaux outils proposés pour optimiser l'emploi des crédits votés (II) et évoquera les premières avancées en faveur d'une réforme de l'aide juridictionnelle, souhaitée depuis plusieurs années par votre commission des Lois et très attendue des avocats (III).

I. LA JUSTICE : UN POSTE BUDGÉTAIRE PRIVILÉGIÉ

En hausse de 4,9 % , les crédits alloués à la justice atteignent un montant encore jamais égalé de 5,28 milliards d'euros dont 4,96 milliards d'euros de dépenses ordinaires et 321 millions d'euros de dépenses en capital. Cette année encore, l'enveloppe des autorisations de programme -plus d'un milliard d'euros- croît fortement (près de 50 % par rapport à la loi de finances initiale 2003), ce qui confirme la volonté de faire avancer l'ambitieux programme immobilier annoncé l'année dernière.

Moindre qu'en 2003 (7,4 %), l'évolution du budget de la justice affiche néanmoins une des meilleures progressions nominales , qui situe ce ministère en troisième position , juste après ceux de la culture et de l'intérieur (respectivement en hausse de + 5,4 % et + 5 %) et devant ceux de la défense et de l'éducation nationale (respectivement en progression de + 3,7 % et + 2,7 %).

Cet effort budgétaire largement supérieur à l'évolution moyenne des budgets civils (+ 1,1 %) mérite donc d'être salué et concrétise les engagements pris par le garde des Sceaux lors de l'adoption de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice de remédier aux difficultés matérielles de l'institution judiciaire.

Ce constat encourageant ne doit toutefois pas faire oublier la part modeste du budget de la justice dans le budget de l'Etat, encore inférieure à 2 % .

A. LA JUSTICE : UNE PRIORITÉ NATIONALE AFFIRMÉE

L'évolution des trois principales actions conduites par le ministère de la justice composant les services généraux -administration centrale, services judiciaires et juridictions administratives- est plus contrastée que l'année dernière comme le montre le tableau reproduit ci-après.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
(2003-2004)

 

Dotations 2003

Crédits demandés
pour 2004

Évolution

 

Montant

% du total

Montant

% du total

2003-2004 en %

(2002-2003 en % )

Ensemble du ministère de la justice

5.037

(100 %)

5.284

(100 %)

+ 4,9 %
( + 7,4 % )

- Services judiciaires

2.123

42 %

2.222

42 %

+ 4,7 %
( + 6 % )

- Juridictions administratives

153

3 %

170

3 %

+ 11,1 %
( + 6,8 % )

- Administration générale

703

14 %

696

13 %

- 1 %
( + 13,8 % )

En millions d'euros
Source : projet de loi de finances pour 2004 (bleu budgétaire)

Les crédits alloués aux juridictions administratives enregistrent la plus forte croissance - plus de 11 % - (contre 6,8 % l'année dernière) afin d'étoffer les effectifs (magistrats, fonctionnaires, assistants de justice), de revaloriser les rémunérations versées aux personnels et de réaliser des travaux d'extension et de réhabilitation de bâtiments accueillant les juridictions.

En hausse de 4,7 % , le budget des services judiciaires bénéficie d'un abondement significatif . Les dépenses ordinaires (2.103 millions d'euros) augmentent de 4,3 % en vue de financer des créations d'emplois (709 au total), des mesures indemnitaires en faveur de plusieurs catégories de personnels, de compenser la progression des frais de justice (+18,7 % entre 2002 et 2003) et d'encourager l'aide aux victimes. Les dépenses en capital d'un montant de 118,7 millions d'euros (contre 105 millions inscrits en loi de finances pour 2003) affichent une progression aussi forte que l'année dernière -près de 13 %- en vue de poursuivre l'effort de construction et de rénovation des palais de justice.

En revanche, l'administration générale , poste budgétaire privilégié l'année dernière (+ 13,8 %) devrait connaître un léger recul de ses crédits (- 1 %), imputable à la baisse conjuguée des dépenses ordinaires et des dépenses en capital.

B. LA DEUXIÈME ANNÉE DE MISE EN oeUVRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION : DES ENGAGEMENTS HONORÉS PAR LE PROJET DE BUDGET POUR 2004

Le budget 2004 met l'accent sur la poursuite de la mise en oeuvre de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice en en finançant la deuxième tranche .

1. La concrétisation des objectifs fixés en termes de créations d'emplois

A l'issue de deux exercices budgétaires (loi de finances 2003 et projet de loi de finances 2004), le bilan des créations d'emplois semble satisfaisant comme le montre le tableau ci-après, le projet de budget réalisant plus d'un cinquième des prévisions inscrites dans le programme pluriannuel, ce qui correspond à un rythme raisonnable .

BILAN DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION
(CRÉATIONS D'EMPLOIS)

 

Loi de finances 2003

Projet
de loi de finances 2004

Créations d'emplois réalisées

Créations d'emplois prévues par la loi
de programmation

Ministère de la justice
Taux de réalisation

2.024
20 %

2.197
22 %

4.221
42 %

10.100

Services judiciaires
Taux de réalisation
- Magistrats
Taux de réalisation
- Fonctionnaires
Taux de réalisation

700
16 %
180
19 %
520
15 %

709
16 %
150
16 %
559
16 %

1.409
32 %
330
35 %
1.079
31 %

4.450

950

3.500

Juridictions administratives
Taux de réalisation

100

21 %

97

20 %

197

41 %

480

Administration générale
Taux de réalisation

40
22 %

46
25,5 %

86
47,5 %

180

Source : ministère de la justice

Le taux de réalisation constaté affiche toutefois de légères variations selon les agrégats.

a) Une mise en oeuvre progressive des objectifs affichés pour les juridictions judiciaires

La délicate articulation entre la loi de finances de l'année et la loi de programmation impose de laisser une certaine marge de manoeuvre au Gouvernement quant aux modalités de mise en oeuvre de la programmation quinquennale .

Plutôt que de retenir une exécution linéaire de ses engagements, le ministère de la justice a préféré privilégier certains domaines prioritaires (administration pénitentiaire 1 ( * ) , administration centrale) en anticipant sur les créations de postes prévues, au détriment d'autres secteurs comme les juridictions judiciaires.

Le rythme des créations de postes pour 2004 dans les services judiciaires (qui enregistrent un taux de réalisation de 16 %) reste encore inférieur au cinquième de l'objectif affiché par la programmation quinquennale -tant s'agissant des postes de fonctionnaires (559) que de magistrats (150). Ces mesures représentent une dépense nouvelle de 26,5 millions d'euros. L'année prochaine, les effectifs budgétaires des 1.157 juridictions de métropole et d'outre-mer devraient donc s'élever à 7.434 magistrats et 21.455 fonctionnaires des greffes 2 ( * ) .

Le retard constaté pour les services judiciaires ne paraît pas choquant, à condition qu'une accélération du rythme des créations de postes intervienne au cours des prochains exercices budgétaires. Interrogé sur ce point par votre rapporteur pour avis au cours de son audition conjointe devant la commission des Finances et votre commission des Lois le 19 novembre dernier, le garde des Sceaux a d'ailleurs donné des assurances en ce sens.

Votre rapporteur pour avis veillera à ce que les prochains budgets concrétisent cet engagement d'autant plus indispensable compte tenu des évolutions démographiques des dix prochaines années . Comme l'indique le ministère de la justice dans une note présentant sa stratégie ministérielle de réforme publiée en octobre 2003, un vieillissement du corps des magistrats avec « l'apparition d'une brèche dans la pyramide des âges vers 2015 » semble prévisible tandis que des remplacements massifs de fonctionnaires des greffes seront nécessaires à l'horizon 2015-2020 pour compenser les départs à la retraite . Un lissage des recrutements devra donc intervenir le plus tôt possible afin de préserver la qualité de la sélection et d'éviter des vacances de postes trop nombreuses.

ÉTAT PRÉVISIONNEL DES DÉPARTS À LA RETRAITE
DANS LES SERVICES JUDICIAIRES (2004-2013)

Source : ministère de la justice

? Les créations de postes de magistrats

Comme l'ont fait observer certaines organisations professionnelles représentatives de magistrats entendues par votre rapporteur, l'arrivée dans les juridictions des nouvelles recrues programmée l'année dernière commence juste à produire ses effets . Cette situation s'explique par un inévitable décalage entre l'annonce des créations de postes et la réalisation concrète des entrées en fonction des magistrats, du fait des délais de recrutement et de formation incompressibles 3 ( * ) . Ainsi que l'a constaté la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 publié en juin 2003, « les effectifs réels ne correspondaient au 31 décembre 2002 qu'aux effectifs autorisés par la loi de finances pour 2000 » ! Au 1 er septembre 2003 4 ( * ) , on dénombrait en effet 450 emplois budgétaires encore non localisés dans les juridictions, qui devraient toutefois l'être au fur et à mesure de la nomination des nouveaux magistrats dans leurs fonctions.

L'effort de sincérité du ministère de la justice en matière de gestion des effectifs budgétaires mérite cependant d'être relevé. Soucieux d'éviter des vacances de postes artificielles liées aux créations budgétaires qui perturbent le fonctionnement des juridictions, ce dernier a en effet modifié sa politique de localisation des emplois, désormais échelonnée dans le temps pour la faire coïncider avec la prise de fonction effective du poste. En réponse à une question écrite de notre collègue M. Hubert Haenel, rapporteur spécial des crédits de la justice au nom de la commission des Finances, il a été indiqué que cette gestion prévisionnelle permettrait de « prévoir en 2007 un taux de vacance proche de zéro, ou contenu dans la zone d'un minimum incompressible » 5 ( * ) .

En 2003, le flux des recrutements de magistrats s'est élevé à 339. En 2004, il devrait atteindre 387 . Comme le montre le graphique ci-après, les concours d'entrée classiques à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) devraient demeurer le principal mode d'accès à la magistrature (70 % du total). L'augmentation du nombre de postes offerts par l'ENM (145 en 1995 contre 190 en 2000 et 250 depuis) est d'ailleurs significative.

L' Ecole nationale de la magistrature (ENM) continuera donc d'être fortement sollicitée . La subvention allouée à cet établissement public -42,14 millions d'euros en 2004- bénéficie d'un abondement supplémentaire de 3,2 millions d'euros (+ 8,2 %), ce qui constitue fort logiquement la contrepartie de l'effort qui lui est demandé .

Ces crédits supplémentaires sont notamment destinés à revaloriser la rémunération des auditeurs de justice (plus d'1 million d'euros) et le régime indemnitaire des personnels de direction et d'enseignement (86.000 euros) 6 ( * ) , à financer les vacations versées aux juges de proximité et aux juges consulaires en formation (67.000 euros) et à augmenter ses moyens de fonctionnement (547.000 euros). Est également prévue la création de six emplois (qui représente un coût de 296.400 euros), dont un de maître de conférences, destinés au renforcement de l'équipe pédagogique et des fonctions d'administration et de gestion.

Confrontée au double défi d'assurer la formation d'un public de plus en plus nombreux et diversifié tout en prenant en compte les attentes croissantes relatives à la qualité de la justice exprimées tant par l'institution judiciaire et ses partenaires que par les justiciables, l'ENM a décidé de moderniser son mode de fonctionnement et ses programmes pédagogiques. A l'instar de plusieurs juridictions, cet établissement public envisage de conclure prochainement un contrat d'objectifs pluriannuel avec le garde des Sceaux .

Avant même la formalisation de ce document, cinq axes prioritaires ont d'ores et déjà été identifiés par un groupe de travail mis en place au sein de l'ENM :

- valoriser la dimension européenne de l'enseignement en vue de permettre aux auditeurs de justice de suivre une partie de leur formation dans un autre pays de l'Union européenne et réciproquement ;

- ouvrir la magistrature sur son environnement extérieur ; sur la base de conventions de partenariat conclues avec l'Ecole de formation du barreau de Paris et le centre régional de formation professionnelle du barreau de Bordeaux, l'ENM a organisé des échanges entre les auditeurs de justice et les élèves avocats. Cette initiative concrétise une des recommandations (n° 25) de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, ce dont votre rapporteur se félicite . Elle devrait d'ailleurs trouver prochainement un prolongement, le ministre de la justice s'étant engagé au cours de son audition à instituer une formation croisée entre les magistrats et les personnels des greffes formés à l'Ecole nationale des greffes (ENG) 7 ( * ) ;

- devenir un centre de ressources pour l'institution judiciaire en vue de mettre à la disposition des magistrats un outil performant de recherche, de mise à niveau de leurs connaissances et d' « auto-formation ». Il est prévu de développer l'enseignement informatique dispensé aux auditeurs de justice et de numériser les documents édités par l'ENM ;

- moderniser la gestion notamment grâce à la mise en place d'un système de comptabilité analytique et d'un schéma directeur informatique. Au cours de son audition, M. Gilbert Azibert, directeur de l'ENM, s'est félicité des récents progrès qui avaient pu être accomplis en ce domaine, notamment grâce à la nomination au poste de secrétaire général  d'un sous-préfet, plus qualifié qu'un magistrat pour exercer des compétences de gestion ;

- adapter les structures de l'ENM aux exigences d'une grande école.

UNE DIVERSIFICATION DES PROFILS DE MAGISTRATS FORMÉS PAR L'ENM

Outre la formation des auditeurs de justice et des magistrats judiciaires recrutés par les autres voies parallèles, l'ENM assure désormais la formation des juges de proximité et des juges consulaires :

- la loi organique du 26 février 2003 relative aux juges de proximité a confié à l'ENM la responsabilité de leur formation qui comprend un volet théorique sur cinq jours consécutifs en vue de l'apprentissage de la technique de rédaction des jugements et de la tenue d'une audience  et un volet pratique accompli sous la forme d'un stage obligatoire en juridiction qui varie selon le profil des candidats (seize jours pour les candidats nommés directement par le Conseil supérieur de la magistrature et vingt-quatre jours pour ceux soumis à un stage probatoire). L'ENM joue un rôle particulièrement important s'agissant des candidats soumis au stage probatoire, son directeur ayant la charge d'établir un bilan du stage en juridiction sous la forme d'un rapport remis au Conseil supérieur de la magistrature et au garde des Sceaux dans lequel il joint un avis motivé sur l'aptitude du candidat à remplir ses fonctions juridictionnelles. Le CSM ne rend son avis qu'après cette évaluation ;

- le rapport du groupe de travail sur la formation des juges consulaires , présidé par M. Serge Guinchard remis au garde des Sceaux le 4 avril dernier a conclu à la nécessité de reconnaître aux juges nouvellement élus un droit à la formation et d'organiser des formations complémentaires spécialisées au profit des juges exerçant certaines responsabilités particulièrement importantes (juge-commissaire, président d'un tribunal de commerce). S'appuyant sur ces réflexions, le ministre de la justice en accord avec la Conférence générale des tribunaux de commerce a décidé de mettre en place une réforme de la formation et d'en confier le pilotage à l'ENM chargée d'élaborer un programme abordant notamment les principes du droit, l'organisation judiciaire et animé par des « binômes » de formateurs (magistrats judiciaires professionnels et juges consulaires). 8 sites déconcentrés (Bordeaux, Paris, Aix-en- provence, Amiens, Rennes, Nancy, Lyon et Orléans) pourraient être retenus comme centres de formation. Cette réforme devrait être mise en oeuvre rapidement pour s'appliquer aux juges élus en octobre dernier.

Les autres voies de recrutement (intégration directe, concours complémentaire ...) devraient, comme les années précédentes, permettre de sélectionner environ 30 % des futurs magistrats.

RECRUTEMENT DES MAGISTRATS JUDICIAIRES
(2003-2004)

Pour 2004, il s'agit de prévisions.
Source : ministère de la justice

? Les fonctionnaires des greffes

Les créations de postes de fonctionnaires des greffes -30 emplois de greffiers en chef, 350 emplois de greffiers, 60 emplois de secrétaires administratifs et 97 emplois de catégorie C- concernent toutes les catégories de fonctionnaires, ce qui devrait favoriser une légère hausse du ratio fonctionnaires des greffes par magistrat qui s'établit en 2003 à 2,62. L'ensemble des représentants syndicaux entendus par votre rapporteur pour avis a estimé que les recrutements supplémentaires inscrits cette année étaient loin de correspondre aux besoins réels sur le terrain, compte tenu des retards accumulés par la mise en place de nombreuses réformes qui n'avaient pas été gagées par des emplois nouveaux. L'Union syndicale autonome justice a en particulier jugé nettement insuffisant l'effort consenti pour les fonctionnaires de catégorie C.

L'Ecole nationale des greffes (ENG) chargée d'assurer la formation initiale des greffiers en chef, des greffiers et depuis 2001 des personnels de bureau de catégorie C, continuera donc d'être fortement mobilisée . Elle a en effet ces dernières années subi un alourdissement de ses charges du fait d'une augmentation continue du nombre de stagiaires accueillis (489 en 1992 contre 1.837 en 2002 -dont 173 greffiers en chef, 1.286 greffiers et 378 agents et adjoints administratifs-).

L'année 2004 s'annonce chargée, l'ENG devant accueillir 75 greffiers en chef dont la formation devrait débuter en décembre prochain, 15 autres greffiers en chef recrutés au choix en 2004, 170 greffiers issus du concours exceptionnel ouvert en 2003 et réservé aux personnels de bureau des services judiciaires « faisant-fonction » de greffiers dans le cadre du plan de transformations d'emplois de catégorie C en catégorie B 8 ( * ) .

Conscient des impératifs liés à l'absorption d'un nombre croissant de stagiaires sur une durée de plus en plus longue (voir encadré ci-après), le ministère de la justice a ces dernières années engagé un ambitieux plan de modernisation de l'ENG :

- depuis 2001, une plus grande autonomie lui a été conférée. Dotée d'instances de concertation en 1999, l'ENG a été érigée en service à compétence nationale (arrêté du 5 mars 2001). Son directeur a été désigné ordonnateur secondaire pour les recettes et les dépenses liées à l'activité du service par un arrêté de décembre 2001. Cette dernière avancée, source d'un gain de temps, a d'ailleurs été saluée par l'actuel directeur M. Claude Engelhard au cours de son audition ;

- ses effectifs qui s'élèvent actuellement à 106, devraient être étoffés, la création de 17 emplois supplémentaires sur quatre ans étant envisagée, notamment afin de renforcer le nombre de maître de conférences. 5 postes de greffiers en chef sont créés par le projet de budget pour 2004 au profit de l'ENG ;

- souffrant d'un déficit croissant de locaux depuis quelques années, l'ENG loue 1.100 mètres carrés supplémentaires répartis sur deux sites. Un projet d'extension et de restructuration a été élaboré en mars dernier par l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTJ) dont le coût prévisionnel a été évalué à 36 millions d'euros. Un concours de maîtrise d'oeuvre a été organisé et l'architecte choisi en septembre dernier. Les surfaces d'une superficie nette à créer d'environ 12.000 mètres carrés seront réparties en cinq pôles distincts -accueil, administration et logistique, direction et secrétariat général, hébergement et restauration. Le calendrier prévisionnel de cette opération comporte deux phases  comprenant des travaux de construction neuve entre 2004 et 2006 et une restructuration de l'existant entre 2006 et 2007.

LES GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE
DES GREFFIERS EN CHEF ET DES GREFFIERS

? Un allongement de la scolarité à compter de janvier 2004
La durée de la formation initiale des greffiers en chef et des greffiers recrutés par concours sera portée de 12 à 18 mois . Celle des greffiers en chef recrutés au choix, des fonctionnaires détachés dans ce corps et dans celui des greffiers, d'une durée de 4 mois actuellement, devrait passer à 12 mois . En outre, une élévation de BAC à BAC+2 du niveau de recrutement des greffiers est prévue.
Votre rapporteur se réjouit que ces orientations soient conformes aux recommandations de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, laquelle avait jugé la formation initiale de ces fonctionnaires trop courte, compte tenu de « la diversification et de l'alourdissement de leurs tâches ».

? Une redéfinition du contenu des programmes pédagogiques
Une réflexion sur la refonte des programmes est en cours, laquelle devrait s'achever à la fin de l'année. Le nouveau programme de formation initiale s'appliquera aux promotions qui entreront en 2004 à l'ENG.

Le budget de fonctionnement alloué à l'ENG a cru de près de 20 % entre 2002 et 2003 9 ( * ) . D'un montant prévisionnel de 7,45 millions d'euros en 2004, il devrait s'élever à un niveau sensiblement similaire à celui de l'année dernière. Ainsi que l'ont souligné son directeur et la responsable de la gestion budgétaire entendus par votre rapporteur pour avis, les années 2003 et 2004 constituent « des années de transition » appelées à supporter le poids des recrutements des années précédentes, tandis que le véritable impact financier de la réforme de la formation ne sera perceptible qu'en 2005, au cours de laquelle un effort financier substantiel de la part du Gouvernement devra être fourni. Votre rapporteur pour avis veillera donc à ce que le prochain budget prenne en compte cette montée en charge.

b) Les juridictions administratives et l'administration centrale : des renforts humains strictement proportionnés aux engagements

Le rythme des créations de postes destinées aux juridictions administratives et à l'administration générale du ministère de la justice résultant du projet de budget pour 2004 qui, dans la lignée du précédent, réalise un cinquième des créations programmées sur cinq ans , se caractérise par une plus grande régularité . Il paraît donc en parfaite adéquation avec la programmation quinquennale.

Sur les 97 nouveaux postes créés par le projet de budget pour 2004, on dénombre 42 magistrats et 43 agents de greffe affectés dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel , ainsi que 12 agents du Conseil d'Etat (attachés d'administration centrale, secrétaires administratifs...).

L'année prochaine, l' administration générale bénéficiera de 46 emplois nouveaux pour renforcer ses capacités d'expertise et d'administration des services compte tenu de la prochaine mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Votre rapporteur pour avis se réjouit de l'effort consenti en faveur de ce service du ministère, qui sera le premier à subir les effets de départs à la retraite significatifs, qui devraient notamment concerner au premier chef les agents de catégorie C dès 2005.

2. La mise à disposition de moyens d'investissement sans précédent, un défi pour un ministère qui parvient difficilement à consommer ses crédits

a) Des moyens d'investissement sans précédent

La loi quinquennale a prévu l'inscription de 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme 10 ( * ) -soit une progression de 42 % par rapport au montant prévu par la loi de programme de 1995- et de 875 millions d'euros de crédits de paiement.

BILAN DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION
(DÉPENSES D'INVESTISSEMENT)
(loi de finances 2003 - projet de loi de finances 2004)

 

Loi de finances 2003

Projet de loi de finances 2004

Taux de réalisation 2003-2004

Loi d'orientation et de programmation pour la justice
2003-2007

Dépenses en capital
du ministère de la justice

- Services judiciaires
- Administration générale
- Juridictions administratives

55

4,5
35
3,3

67

13
2
11,3

14 %

13 %
161%
51 %

875

139
23
29

Autorisations
de programme

- Services judiciaires
- Administration générale
- Juridictions administratives

385

55
37
12

543

78
3,5
15,5

53 %

48 %
90 %
46 %

1.750

277
45
60

En millions d'euros
Source : ministère de la justice

Le bilan des ouvertures d'autorisations de programme cumulées en 2003 et en 2004 fait apparaître un taux d'exécution budgétaire satisfaisant pour les trois agrégats (services judiciaires, administration générale et juridictions administratives), ce qui témoigne du louable souci du Gouvernement de provisionner le financement des premières tranches de réalisation des opérations immobilières .

Cette enveloppe est destinée en particulier à la résorption des déficits de surfaces affectant les juridictions judiciaires, à la rénovation du bâtiment Vendôme Cambon abritant l'administration centrale, à la restauration du Conseil d'Etat (salle des conflits, ailes Napoléon et Valois...) et, outre la création de trois nouvelles juridictions administratives 11 ( * ) , à des travaux de restructuration et d'extension de diverses juridictions administratives (cours administratives d'appel de Bordeaux, Nantes...).

En revanche, s'agissant des crédits de paiement , la couverture de la loi de programmation -14 %- s'avère plus décevante , particulièrement en ce qui concerne les services judiciaires. Cette situation s'explique néanmoins par le souci de tenir compte du fait que les premières années de mise en oeuvre d'un programme d'équipement se caractérisent par une assez faible consommation de crédits liée aux délais nécessaires aux études préparatoires et au lancement des appels d'offres préalables à la réalisation des travaux. Comme l'avait en effet souligné notre collègue M. Hubert Haenel, rapporteur spécial des crédits de la justice dans son avis sur la loi d'orientation et de programmation pour la justice « une opération d'équipement dans le domaine de la justice ne met pas moins de cinq ou six ans avant de se dénouer (...), le plus gros des dépenses (environ 80 %) intervient dans les deux dernières années de l'opération... » 12 ( * ) .

Si votre rapporteur pour avis se félicite de l'effort de sincérité du projet de budget pour 2004 qui permettra sans doute d'éviter des reports de crédits trop importants d'une année sur l'autre, il n'en demeure pas moins que la difficulté actuelle du ministère de la justice à consommer ses ressources pourrait laisser craindre que la programmation quinquennale ne se révèle un peu trop optimiste .

b ) Des inquiétudes liées à la sous-consommation chronique des moyens d'investissement consacrés à l'équipement judiciaire

L'exercice 2002 se caractérise par une faible utilisation du volume des autorisations de programme ouvertes par rapport à 2001 qui s'élève à 32 % (contre 42 % en 2001) seulement pour le ministère de la justice. Cette situation résulte largement des effets des gestions antérieures qui ont donné lieu à un stock d'enveloppes non consommées (496 millions d'euros de reliquats).

S'agissant des seules juridictions judiciaires, le taux d'utilisation des autorisations de programme atteint seulement 37 % 13 ( * ) laissant donc de substantielles dotations provisionnées inemployées. 159,3 millions d'euros ouverts en lois de finances rectificatives pour 1999 et 2001 pour l'acquisition d'une emprise foncière d'un terrain susceptible d'accueillir le tribunal de grande instance (TGI) de Paris ont été immobilisés. Toutefois comme le souligne le ministère de la justice, « hors cette enveloppe spécifique, la consommation s'établit à 97 % [...] », ce qui « atteste de l'importance des besoins d'équipement des juridictions ainsi que de l'urgence qui s'attache à leur réalisation ». Il est donc permis d'espérer une amélioration de la consommation des enveloppes d'autorisations de programme une fois démarré le chantier du TGI de Paris.

Exceptée cette opération particulière 14 ( * ) , la consommation des crédits de paiement affiche en revanche un taux beaucoup plus satisfaisant de 92 % pour les services judiciaires -soit 135,2 sur 147,3 millions d'euros- et de 90 % pour l'ensemble du ministère de la justice (contre 61 % à l'issue de la gestion 2001). Ainsi, à la fin 2002, le montant des reports des crédits d'équipement alloués aux services judiciaires (près de 17 millions d'euros) diminue fortement par rapport à celui constaté à l'issue de la gestion 2001 (72,2 millions d'euros). Votre rapporteur pour avis se félicite de cette évolution qui reflète l'aboutissement de nombreux projets de construction de palais de justice et les efforts du ministère de la justice pour améliorer le pilotage des dépenses d'équipement déconcentrées.

On peut toutefois craindre que ce taux artificiellement gonflé ne reflète pas véritablement la réalité des crédits consommés. Comme l'a précisé la Cour de comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2002, « le recours à un maître d'ouvrage délégué, destinataire des crédits de paiement, conduit à considérer ceux-ci comme dépensés, qu'ils aient ou non été utilisés », après avoir constaté que « l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTJ) n'a[vait] consommé en fait que 76 % des crédits délégués ». Le ministère de la justice dans ses réponses au questionnaire parlementaire a d'ailleurs reconnu que l'Agence avait bénéficié de « la mise en place « préventive » d'une ressource conséquente » justifiant cette pratique par le souci d'éviter toute rupture dans la chaîne des ordonnancements à la suite de l'introduction du nouveau système comptable ACCORD 15 ( * ) .

S'agissant de la gestion 2003, diverses mesures de régulation budgétaire tels la constitution d'une réserve gouvernementale de précaution 16 ( * ) ou le gel des reports de crédits, sont d'ores et déjà venues réduire les dotations disponibles allouées aux services judiciaires (crédits votés en loi de finances 2003 et reports issus de la gestion 2002). S'il semble parfaitement légitime que le ministère de la justice, à l'instar des autres ministères, participe à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, votre rapporteur pour avis tient néanmoins à déplorer que le montant des crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale de l'année soit souvent éloigné des sommes réellement affectées sans même que le Parlement se prononce par une loi de finances rectificative . Une telle pratique nuit à la lisibilité et à la portée de l'autorisation budgétaire parlementaire.

A la date du 19 septembre 2003, le taux de consommation des crédits alloués aux équipements judiciaires s'élevait seulement à 62 %. Ainsi, quelques inquiétudes demeurent quant à « la capacité du ministère de la justice et à son agence de maîtrise d'ouvrages à utiliser ses moyens » selon les propres termes de la Cour des comptes dans son rapport précité, laquelle impute cette situation à « l'organisation propre du ministère de la justice ».

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances qui lui demandait d'étayer son analyse, la Cour des comptes a expliqué que le ministère de la justice n'était pas « parvenu à choisir entre un mode de gestion transversal des fonctions budgétaires et financières, dans lequel la direction de l'administration générale (DAGE) aurait un rôle prééminent, et un mode de gestion « intégré » aux directions verticales (direction des services judiciaires, direction de l'administration pénitentiaire et direction de la protection judiciaire de la jeunesse) qui gèrent de manière quasi autonome les crédits de leurs services. [...]. Les directions verticales n'ont pas développé la capacité d'établir des prévisions de dépenses réalistes ni d'assurer un suivi en cours d'année de leurs réalisations. [...] De son côté, la DAGE, étant plus éloignée de l'exécution de l'essentiel des dépenses et n'ayant pas acquis au sein du ministère l'autorité suffisante, n'est pas en mesure d'assurer un pilotage efficace des moyens », pour conclure à la nécessité d'une clarification des rôles , y compris s'agissant de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice 17 ( * ) .

Il n'est donc pas certain que le ministère de la justice parvienne à utiliser dans sa totalité l'enveloppe en augmentation allouée par le projet de budget pour 2004 aux services judiciaires (+ 21 % pour les autorisations de programme et + 7 % pour les crédits de paiement), destinée en particulier au financement d'opérations nouvelles concernant les tribunaux de Bobigny, Châlon-sur-Saône, Douai, Laon, Longjumeau, Le Havre, Lisieux, au lancement de chantiers destinés à la résorption des déficits de surfaces engendrés par l'augmentation des effectifs programmée par la loi d'orientation quinquennale de septembre 2002, ainsi qu'à la rénovation du palais de justice de Paris (mise aux normes, renforcement de la sûreté).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT
ALLOUÉS AUX SERVICES JUDICIAIRES
(2001-2004)

Loi de finances initiale

2001

2002

2003

2004

Autorisations de programme*

116,3

83,8

242

292,7 (+ 21%)

Crédits de paiement*

127,4

79,2

104,5

111,7 (+ 7 %)

* Hors subventions d'investissement allouées aux collectivités locales dans le cadre d'opérations de rénovation de juridictions (16 millions d'autorisations de programmes et 7 millions en crédits de paiement pour 2004)
En millions d'euros
Source : ministère de la justice

c) Les actions entreprises par le ministère de la justice pour remédier à cette situation

M. Dominique Perben, garde des Sceaux, a initié plusieurs mesures pour remédier à ces critiques récurrentes.

Le ministère de la justice a annoncé sa ferme intention de trouver une solution rapide à l'épineuse question du déménagement du tribunal de grande instance de Paris . Au cours de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation en janvier dernier, le Président de la République a insisté sur la nécessité de donner à ce tribunal « des locaux dignes de la très grande juridiction qu'il est ». Cette volonté a été réaffirmée le 26 février dernier par un communiqué de presse de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Une expertise des services judiciaires destinée à actualiser les besoins en surface 18 ( * ) est en cours.

Un comité consultatif associant acteurs de l'institution judiciaire et utilisateurs du palais de justice chargé de suivre le projet et la restructuration des espaces libérés dans le palais historique devrait être mis en place. Un établissement public chargé de piloter ce programme immobilier disposant de prérogatives dévolues aux maîtres d'ouvrage et placé sous la tutelle du garde des Sceaux devrait être créé d'ici la fin de l'année 19 ( * ) .

En outre, s'il est encore trop tôt pour tirer des enseignements significatifs de l'action engagée par l'Agence de maîtrise d'ouvrage , en état de marche seulement depuis le 1 er janvier 2002, quelques avancées telle l'amélioration du suivi des dépenses d'investissement méritent d'être soulignées. La montée en puissance de cet établissement public qui a déjà lancé de nombreuses opérations, participé à la conception et à la définition de programmes et même réalisé l'essentiel des recherches foncières liées aux nouveaux chantiers est déjà perceptible. Afin d'accroître l'efficacité de son action, le ministère de la justice envisage quelques pistes de réforme : améliorer le fonctionnement interne de l'Agence en engageant une démarche qualité relative à la gestion des opérations et à la sécurisation juridique de la gestion des marchés, alléger les formalités entre cette dernière et l'administration centrale et clarifier les rôles de chacun.

Soucieux de conforter le rôle de l'AMOTJ, le projet de budget pour 2004 finance la création de 7 emplois nouveaux (qui représentent un coût de 641.000 euros), portant ses effectifs de 62 à 66 agents et augmente légèrement son budget (d'un montant de 7,78 millions d'euros).

En outre, le ministère de la justice envisage de se doter à l'échelon national d'un outil de programmation dans le domaine judiciaire . Un recensement des projets immobiliers a été réalisé par la DAGE conjointement avec la direction des services judiciaires et l'AMOTJ. D'ici la fin du premier semestre 2004, trois schémas directeurs concernant les cours d'appel de Toulouse, Aix-en-provence et Douai devraient être élaborés. Un appel d'offres portant sur l'ensemble des bâtiments judiciaires du ressort de chacune d'entre elles a été lancé à cette fin. Toutes les cours d'appel devaient être couvertes par un schéma directeur global à l'horizon 2005.

Votre rapporteur pour avis se félicite des initiatives prises pour rechercher des solutions concrètes à la sous-consommation trop importante des crédits affectés à l'équipement. A moyen terme, ces efforts devraient être récompensés.

C. DES RÉFORMES NOUVELLES GAGÉES PAR DES MOYENS SUBSTANTIELS

Le projet de budget pour 2004 traduit le souci du Gouvernement de garantir l'entrée en vigueur des réformes de modernisation récemment engagées dans les meilleures conditions et les plus brefs délais, en leur octroyant les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre . Par le passé, tel n'a pas toujours été le cas.

1. La mise en place de la justice de proximité, un chantier privilégié par le Gouvernement

a) Le cadre de la réforme

L'institution des juridictions de proximité constitue une des innovations les plus notables proposées par la loi quinquennale de septembre 2002, laquelle a été complétée par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 ayant fixé les conditions de recrutement ainsi que le statut des juges de proximité (voir encadré ci-après).

COMPÉTENCES ET STATUT DES JUGES DE PROXIMITÉ

L'article 7 de la loi du 9 septembre 2002 entré en vigueur le 15 septembre a créé des juridictions de proximité auxquelles ont été transférées certaines des compétences dévolues aux tribunaux d'instance (affaires civiles personnelles et mobilières d'un montant inférieur à 1.500 euros, injonctions de payer) et aux tribunaux de police (jugement des infractions pénales susceptibles de donner lieu à des contraventions de la première à la cinquième classe prévues par le code pénal -atteintes aux personnes, aux biens, à l'intégrité d'un animal- le code de la route, le code de la santé publique). En outre, les juges de proximité peuvent, par délégation du président du tribunal de grande instance, valider les mesures de composition pénale applicables à certaines contraventions et certains délits (articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale). M. Michel Lernout, président de la mission chargée du recrutement des juges de proximité, a indiqué à votre rapporteur pour avis qu'une extension de leurs compétences -notamment en matière pénale- pourrait intervenir prochainement.

Le nombre de juridictions de proximité, leur siège et leur ressort sont identiques à ceux des tribunaux d'instance. La loi du 9 septembre 2002 a d'ailleurs prévu une mutualisation des personnels des greffes et du secrétariat-greffe entre ces deux juridictions, ce qui démontre les liens étroits entre la justice d'instance et la nouvelle juridiction mise en place .

La rémunération des juges de proximité est versée sous la forme d'une indemnité de vacation définie par référence à un taux unitaire de vacation s'élevant à 70,20 euros 20 ( * ) , la tenue d'une audience correspondant à trois taux unitaires rémunérant forfaitairement outre son déroulement proprement dit, le temps de préparation et de rédaction des décisions. Ils peuvent également recevoir une indemnité de vacation rémunérée au taux unitaire versée par demi-journée de présence dans leurs juridictions pour l'accomplissement des fonctions judiciaires. Le nombre de taux unitaire susceptible d'être alloué est plafonné à 15 par mois (soit l'équivalent de 1.053 euros) et 132 par an (soit l'équivalent de 9.267 euros).

Nommés pour une durée de sept ans non renouvelable , les juges de proximité qui exercent leur activité judiciaire à titre temporaire sont soumis au statut de la magistrature . Ils peuvent être recrutés parmi les anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif, les anciens fonctionnaires de catégorie A et B des services judiciaires, les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans, les auxiliaires de justice soumis à un statut réglementé, honoraires ou en activité, à condition d'exercer dans un autre ressort que celui dans lequel ils exercent leurs fonctions judiciaires et les personnes justifiant d'une expérience juridique suffisante (soit 25 ans d'activité dans des fonctions d'encadrement ou de responsabilité, soit 4 ans d'activité moyennant être titulaire d'un diplôme d'études supérieures d'un niveau Bac + 4).

Cette réforme a suscité et suscite toujours des inquiétudes dans le milieu judiciaire. Fin octobre 2002, toutes les organisations professionnelles représentant les magistrats (Force ouvrière, Syndicat de la magistrature, Union syndicale de la magistrature, Association nationale des juges d'instance) et certains représentants des fonctionnaires des greffes (CGT des services judiciaires) et des avocats (Syndicat des avocats de France) se sont réunis pour dénoncer la création d'une nouvelle juridiction juxtaposée à la justice d'instance.

Si ces craintes peuvent être comprises, il paraît toutefois important de donner toutes ses chances à une réforme dont les modalités peuvent certes prêter à interrogations 21 ( * ) mais qui se justifie par le louable souci de rapprocher la justice du citoyen et de décharger les tribunaux d'instance d'un contentieux de masse essentiellement relatif aux litiges de la vie quotidienne.

b) Les moyens d'accompagnement prévus par le projet de budget

Le projet de budget pour 2004 marque la volonté du Gouvernement de dégager des moyens à la hauteur des promesses figurant dans la loi de programmation en finançant de nouveaux recrutements des juges de proximité (600 en 2004) à hauteur de 4 millions d'euros destinés à couvrir le paiement des vacations et des cotisations patronales, des moyens d'accompagnement imputés sur les crédits de fonctionnement des services judiciaires (700.000 euros destinés à couvrir les frais de déplacement des juges de proximité, les équipements informatiques et mobiliers). Une part de l'effort substantiel de recrutement de fonctionnaires des greffes prévu est affectée à cette réforme, 20 postes de greffiers et 17 de fonctionnaires de catégorie C nouveaux étant destinés à étoffer les juridictions de proximité, qui s'ajoutent aux 60 emplois de greffiers créés par la loi de finances pour 2003 dont la localisation devrait intervenir sans tarder. Il n'est pas prévu de dotation immobilière spécifique dans la mesure où les dépenses en capital allouées aux services judiciaires, en hausse, prennent déjà en compte les besoins en superficie induits par cette réforme 22 ( * ) .

Prenant acte de la future montée en puissance des juridictions de proximité, les crédits alloués à la mise en oeuvre de cette réforme d'un montant global de 7 millions d'euros progressent par rapport à la provision d'un montant de 2,6 millions d'euros inscrite en loi de finances pour 2003.

c) Une réforme déjà bien engagée

S'il est difficile de dresser un bilan de l'activité des juridictions de proximité, en place depuis le mois d'octobre seulement, votre rapporteur pour avis se félicite de la rapidité avec laquelle le Gouvernement a, d'une part, publié les décrets précisant les modalités d'application de la réforme 23 ( * ) et d'autre part, procédé aux premiers recrutements . On rappellera que conformément à la loi de programmation quinquennale est prévue la création sur cinq ans de 3.300 postes de juge de proximité (représentant 330 emplois équivalent temps plein).

Afin de garantir un traitement rapide des candidatures, le garde des Sceaux a dès le mois de janvier 2003 institué une mission spécialement chargée du recrutement des juges de proximité , présidée par M. Michel Lernout, magistrat, rattaché au directeur des services judiciaires. En relation permanente avec les cours d'appel qui assurent l'instruction des dossiers, elle effectue le contrôle de la recevabilité des candidatures, puis sélectionne celles qui seront soumises par le garde des Sceaux au Conseil Supérieur de la Magistrature. Outre l'accueil téléphonique de toutes les personnes qui souhaitent se porter candidates, elle assure par ailleurs une fonction de coordination entre tous les services du ministère concernés par la mise en oeuvre de ce dispositif.

Jusqu'à présent, l'activité de cette mission, destinataire de 4.718 demandes de dossiers ou de renseignements sur les fonctions de juges de proximité, a été dense . Près d'un millier de nouveaux dossiers devraient lui être adressés par les cours d'appel d'ici la fin de l'année. Après instruction de 62 dossiers 24 ( * ) , cette mission a proposé 35 candidatures au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Une première vague de recrutements a eu lieu en juillet dernier , le CSM ayant retenu 32 candidatures . 19 juges de proximité ont été nommés directement 25 ( * ) et 13 autres soumis à un stage probatoire.

Bien que les premières statistiques portent sur un nombre relativement limité de candidats, on peut d'ores et déjà ébaucher le profil type du juge de proximité : un juriste sexagénaire retraité . L'âge moyen de ces juges, majoritairement des hommes (deux tiers), s'élève à 58 ans . Les candidats non soumis à un stage probatoire exercent ou ont tous exercé une profession juridique ou judiciaire. Outre d'anciens magistrats, il s'agit principalement d'avocats, de magistrats des juridictions administratives, de maîtres de conférences des universités, d'anciens hauts fonctionnaires ou fonctionnaires de catégorie A, d'un général de gendarmerie retraité, d'un commissaire de police retraité actuellement délégué du procureur de la République à Bordeaux. Parmi les candidats soumis à un stage probatoire, on compte notamment plusieurs anciens notaires et trois conciliateurs de justice.

Une deuxième vague de recrutements devrait intervenir prochainement. Le 31 octobre, le garde des Sceaux a saisi le CSM de 165 nouveaux dossiers. Le choix des candidats a été guidé par le souci d'élargir le recrutement des juges de proximité à des profils plus diversifiés tout en maintenant une certaine sélectivité. Ainsi, 36 % du nombre total des candidats sont des cadres ou d'anciens cadres juridiques d'entreprises, d'associations ou encore d'organisations syndicales. Cette orientation paraît tout à fait conforme à la position du Sénat qui, à l'initiative de votre commission des Lois et tout particulièrement du rapporteur de la loi statutaire, notre collègue M. Pierre Fauchon, avait fait valoir la nécessité d'ouvrir le vivier de recrutement à des personnes issues de la société civile disposant d'une solide maturité professionnelle dans des fonctions de responsabilité ou d'encadrement sans imposer de conditions de diplôme 26 ( * ) . Dans le même esprit, M. Michel Lernout a d'ailleurs estimé que l'exigence d'une durée de 25 ans d'expérience professionnelle dans un domaine juridique, difficile à justifier en pratique, lui paraissait trop rigide et mériterait d'être assouplie.

150 nouvelles candidatures devraient être présentées d'ici la fin de l'année. Le ministère de la justice prévoit de recruter 750 nouveaux juges au total entre septembre 2003 et décembre 2004. Toutefois, l'insuffisance du vivier disponible pourrait ralentir leur arrivée. Au cours des mois prochains, le ministère de la justice devra donc accentuer ses efforts de communication pour assurer le succès de cette réforme 27 ( * ) .

M. Michel Lernout a indiqué à votre rapporteur pour avis que compte tenu du faible nombre de candidats dans les collectivités d'outre-mer, il serait sans doute nécessaire de réfléchir à une campagne adaptée au terrain. En outre, il a fait valoir la nécessité de renforcer les effectifs des secrétariats généraux des cours d'appel auxquels incombe désormais la charge nouvelle d'instruire les dossiers de candidatures.

Les conditions de mise en place des juridictions de proximité ont suscité de vives inquiétudes parmi les juges d'instance et tout particulièrement au sein de l'Association nationale des juges d'instance 28 ( * ) . En effet, la plupart d'entre eux assurent encore à titre transitoire la plus grande partie du contentieux relevant désormais de la justice de proximité dans l'attente de la nomination des juges de proximité. Outre un manque de lisibilité pour le justiciable, cette situation conduit à alourdir leurs tâches ainsi que celles des personnels des greffes, les juges d'instance devant multiplier les audiences pour une même affaire selon qu'elle relève de la juridiction de proximité ou du tribunal d'instance 29 ( * ) .

Afin de remédier à ces difficultés conjoncturelles, un amendement proposé par M. Emile Blessig, député, visant à simplifier le dispositif applicable aux juges d'instance qui assurent l'intérim, a été adopté par l'Assemblée nationale avec les avis favorables de sa commission des Lois et du Gouvernement lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité le 27 novembre dernier.

2. Des avancées statutaires et indemnitaires en faveur des personnels de greffes

A l'initiative de la direction des services judiciaires, l'ensemble des fonctionnaires des greffes a ces dernières années bénéficié d'avancées statutaires et indemnitaires. Le projet de budget pour 2004 poursuit ce mouvement en finançant de nouvelles mesures en ce sens.

a) Une revalorisation du régime indemnitaire des fonctionnaires des greffes

Le régime indemnitaire des personnels des greffes a été sensiblement revalorisé depuis 1997, comme le montre le tableau ci-après. Financées par les précédentes lois de finances, le coût total de ces augmentations s'élève à 12,92 millions d'euros .

ÉVOLUTION DU TAUX INDEMNITAIRE MOYEN PAR CATÉGORIE

 

1995

2003

GREFFIERS EN CHEF

18 %

21 % (+17 %)

GREFFIERS

17,5 %

21 % (+20 %)

FONCTIONNAIRES DE CATÉGORIE C

15,21 %

21 % (+38 %)

Source : ministère de la justice

Un arrêté du 16 octobre 2001 a fixé à 21 % le taux moyen de l'indemnité forfaitaire versée aux greffiers en chef et aux greffiers. L'achèvement des réformes statutaires de ces deux corps en 2003 a entraîné une réévaluation des indices moyens servant de base de calcul après la fusion des grades. Apportées à enveloppe indemnitaire constante, ces modifications n'engendrent pas de dépenses nouvelles pour 2004. Le Syndicat des greffiers de France, l'Union syndicale autonome justice et la CGT des chancelleries et des services judiciaires entendus par votre rapporteur pour avis ont vivement protesté contre l'absence de revalorisation du taux indemnitaire applicable aux greffiers et aux greffiers en chef.

Les fonctionnaires de catégorie C bénéficieront d'un point d' augmentation du taux indemnitaire l'année prochaine (désormais porté à 22 %) grâce à une enveloppe d'1,87 million d'euros inscrite au projet de budget. La CGT des chancelleries et des services judiciaires a jugé cette revalorisation « méprisante », notamment au regard des revalorisations accordées aux magistrats.

Jusqu'en 2000, ces derniers bénéficiaient d'un régime moins favorable et plus complexe que les autres fonctionnaires de catégories A et B, se composant d'une indemnité spéciale et d'une indemnité horaire pour travaux supplémentaires. Ce dispositif a été simplifié, une indemnité unique calquée sur les modalités du régime indemnitaire des greffiers et greffiers en chef ayant été instaurée. Porté à 20 % en 2001, le taux moyen de cette indemnité a été augmenté d'un point en 2003 (arrêté du 30 mai 2003) opérant ainsi un rattrapage avec le taux moyen applicable aux fonctionnaires de catégories A et B 30 ( * ) .

b) La poursuite des réformes statutaires en faveur des personnels des greffes

? Les réformes statutaires des greffiers en chef et des greffiers désormais achevées

Entrée en vigueur le 1 er janvier 2003 (en application d'un décret n° 2002-1557 du 24 décembre 2002), la réforme statutaire des greffiers en chef destinée à leur offrir un déroulement de carrière plus favorable et des responsabilités accrues est désormais achevée : un greffier en chef entré à 23 ans pourra espérer être promu au premier grade dès 30 ans et accéder à des postes de responsabilités plus nombreux.  Les reclassements sont achevés depuis février dernier. Une nouvelle grille indiciaire divisée en deux grades (contre trois précédemment) a été définie. Ces modifications ont permis une restructuration plus avantageuse du corps , 417 emplois du grade de base ayant été élevés au premier grade, lequel représente désormais 40 % des effectifs budgétaires du corps (soit 695 emplois), auxquels s'ajoute la création de 26 emplois hors hiérarchie (5 % du corps).

Le financement de cette réforme d'un coût global de près de 3 millions d'euros (qui couvre les reclassements et les repyramidages) a été anticipé par des provisions inscrites dans les précédentes lois de finances. Aucune mesure nouvelle n'est donc prévue dans le projet de budget pour 2004.

Entrée en vigueur depuis le 1 er juin 2003 (en application du décret n° 2003-466 du 30 mai 2003), la réforme du statut des greffiers a permis une revalorisation de leur carrière, désormais organisée en deux grades (au lieu de trois). Achevées en juillet dernier, les opérations de reclassement ont abouti à un repyramidage de ce corps , désormais composé de 60 % d'emplois du grade de base contre 40 % du grade d'avancement.

Cette réforme permet aux greffiers, désormais reconnus en tant que « techniciens de la procédure » , de ne plus être assimilés à des agents de catégorie « B-type administratif » et donc de relever du classement indiciaire intermédiaire (CII). Elle consacre ainsi le recentrage des missions du greffier sur ses fonctions d'assistance au magistrat et opère une nette distinction entre les fonctions administratives et les fonctions juridictionnelles, ce qui constitue une novation tout à fait opportune.

Financées par anticipation par des provisions inscrites dans les lois de finances précédentes, à l'instar des greffiers en chef, ces mesures représentent un coût budgétaire global de 18 millions d'euros , le coût en gestion s'élevant à 9,4 millions d'euros.

c) De nouvelles perspectives de carrière pour les agents de catégorie C

Le projet de budget prévoit une série de mesures en faveur de la promotion interne des agents de catégorie C en finançant :

- la quatrième tranche d'un plan de transformations d'emplois d'agents administratifs en adjoints administratifs mis en place depuis 2001. Comme en 2002 et 2003, 950 agents seront concernés par ce dispositif. Au total, 3.783 agents auront profité de cette promotion interne. En 2004, les agents administratifs ne devraient plus représenter que 17 % des corps de catégorie C administratifs. La poursuite de ce mouvement est à l'étude ;

- la régularisation de la situation individuelle de 132 agents des services techniques exerçant des fonctions de bureau, détachés en 2003 dans le corps des agents administratifs, lesquels pourront bénéficier d'une transformation d'emplois au sein de ce corps.

En outre, selon les informations communiquées à votre rapporteur, 80 agents de catégorie C exerçant des fonctions de greffiers pourront, après examen professionnel , accéder à ce corps dans le cadre de la modernisation du statut des greffiers en application du décret précité du 30 mai 2003 portant nouveau statut particulier des greffiers. Ce nouveau dispositif prévoit la possibilité pour les agents de catégorie C « faisant-fonction de greffier » d'accéder à ce corps par voie d'examen professionnel moyennant exercer ou avoir exercé les fonctions de greffiers pendant au moins deux ans sur une période de trois ans au premier janvier de l'année d'ouverture de l'examen professionnel. Se substituant aux dispositions du décret du 12 février 2002, il pérennise ainsi les concours exceptionnels organisés régulièrement (tous les dix ans) sur une période limitée.

Votre rapporteur pour avis approuve pleinement ces initiatives qui contribueront utilement à mettre un terme à « la confusion des rôles »  entre fonctionnaires et à la « crise d'identité » suscitées par les situations de « faisant-fonction » préjudiciables au bon fonctionnement des juridictions comme l'avait d'ailleurs mis en lumière la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice.

Conséquence directe de la mise en oeuvre de la réforme statutaire des greffiers, le projet de loi de finances concrétise le projet de création d'un corps de secrétaire administratif chargé d'exercer des fonctions de gestion (corps de catégorie B administratif) envisagé depuis plusieurs années par le ministre de la justice et vivement souhaité par les syndicats de fonctionnaires 31 ( * ) .

60 secrétaires administratifs devraient entrer en fonction dès 2004. Ils pourront par exemple exercer les fonctions de régisseur titulaire, responsable de la gestion budgétaire, secrétaire de chef de juridiction et de chef de greffe ou encore agent chargé de la gestion budgétaire dans les cellules d'arrondissement des tribunaux de grande instance. Le ministère de la justice envisage d'en recruter 979 sur cinq ans. Un décret statutaire est en cours d'élaboration. La CGT des chancelleries et des services judiciaires a évalué les besoins sur le terrain à 2000, soit un seuil bien supérieur au chiffre annoncé par le ministère de la justice.

Sans contester le bien-fondé d'une spécialisation des agents de greffes en deux filières séparées, il paraît important que le futur décret préserve une certaine polyvalence au sein des corps des personnels des greffes , au besoin en prévoyant des passerelles entre les différentes fonctions (recommandation n° 8 de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice) 32 ( * ) . En effet, comme elle l'avait souligné « la polyvalence favorise [...] une mobilité professionnelle entre juridictions et services et un enrichissement des tâches ». Le garde des Sceaux au cours de son audition a assuré que, par la voie du détachement, les greffiers auraient la faculté d'exercer ces nouvelles fonctions et réciproquement.

La nouvelle architecture des métiers de greffe constitue une avancée à saluer. Outre une clarification des tâches de chacun, elle présente l'avantage de mettre à la disposition des tribunaux des équipes complémentaires alliant compétences administratives et juridictionnelles, deux spécialisations indispensables dans le contexte actuel de souci de bonne gestion des deniers publics.

II. DES MÉTHODES NOUVELLES POUR UNE UTILISATION PLUS EFFICACE DES DENIERS PUBLICS

Depuis quelques années, le ministère de la justice a tenté de rechercher les moyens de mieux gérer la ressource publique. Force est de constater que ces initiatives assez ponctuelles (déconcentration de la gestion au niveau des cours d'appel depuis 1996, rationalisation des frais de justice depuis 1997) n'ont pas fait l'objet d'une démarche globale.

La pleine réalisation des objectifs fixés par la programmation quinquennale et la mise en application de la loi organique relative aux lois de finances exigent d'intensifier ces efforts et de leur donner une cohérence d'ensemble. Telle est la raison pour laquelle, le projet de budget prévoit cette année un renouvellement des méthodes de travail du ministère de la justice, une rénovation de ses structures et de son organisation.

A. DE NOUVEAUX OUTILS AU SERVICE DE LA LUTTE CONTRE L'ENGORGEMENT CHRONIQUE DES JURIDICTIONS

En dépit de l'augmentation des moyens matériels et humains destinés à mettre un terme à l'engorgement chronique des juridictions, ce problème demeure. L'exigence de célérité des procédures en cours, premier motif de condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme, impose de rechercher des outils plus appropriés pour lutter contre ce phénomène.

1. La contractualisation des relations entre le ministère de la justice et les juridictions judiciaires, une réponse nouvelle au problème persistant des délais de jugement excessifs

a) L'encombrement des juridictions judiciaires, une situation préoccupante en 2002

En matière civile, on observe une hausse du flux des affaires nouvelles enregistrées par toutes les juridictions en 2002 -à l'exception du tribunal de grande instance- qui rompt avec la diminution de la pression observée depuis quelques temps.

En 2002, la durée moyenne de traitement s'est légèrement allongée dans la plupart des juridictions de première instance notamment dans les tribunaux de grande instance (9,4 mois), les tribunaux d'instance (5,1 mois), les conseils de prud'hommes (11,3 mois) et dans les tribunaux de commerce (6,4 mois). En revanche, l'amélioration constatée en 2001 de la situation des cours d'appel et de la Cour de cassation, dont les délais de jugement s'élèvent respectivement à 17,2 mois et 24 mois, se confirme.

Des progrès restent à accomplir pour réaliser les objectifs inscrits dans la loi de programmation de septembre 2002 de réduire le temps de jugement des affaires à 12 mois, 6 mois et 3 mois respectivement dans les cours d'appel , les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance .

Les délais de traitement nécessaires à la résorption des stocks qui s'élèvent à 12,8 mois pour les tribunaux de grande instance, à 10,5 mois pour les tribunaux d'instance et à 15,9 mois pour les cours d'appel connaissent également une dégradation comme le montre le graphique ci-après.

ÉVOLUTION DES STOCKS CIVILS EXPRIMÉS EN MOIS DE TRAITEMENT

(1988 à 2002)

Source : commission des Lois

Il convient de rester prudent dans l'analyse de ces données qui ne prennent pas en compte les différents degrés de complexité -susceptibles de varier fortement- des affaires. Ces chiffres globaux qui permettent d'établir des comparaisons d'une année sur l'autre donnent cependant une indication de tendance utile.

En matière pénale, la situation reste également peu satisfaisante . Parmi les affaires poursuivables, donc susceptibles d'être traitées -soit 1,35 million d'affaires sur plus de 5 millions traitées par les parquets (26,6 %) le taux de classement sans suite pour inopportunité des poursuites, bien qu'en légère amélioration par rapport à 2001, demeure significatif des difficultés des juridictions à évacuer les affaires , un tiers d'entre elles (31,8 %) étant en effet resté sans réponse. Parmi les motifs de classement les plus courants figurent l'impossibilité de retrouver l'auteur de l'infraction bien qu'il ait été identifié (plus de 28 % de classements) et la faible gravité de l'infraction ou du dommage causé (35,8 % des classements).

La réponse pénale donnée en 2002 (68,2  % des affaires pénales) a tendance à s'améliorer par rapport à 2001. Cette situation s'explique par la très légère hausse des poursuites judiciaires (624.650) 33 ( * ) et par une augmentation de 7 % des classements sans suite résultant de la réussite d'une procédure alternative. Le rappel à la loi ou l'avertissement représente près de la moitié des procédures les plus utilisées (144.500), son succès s'expliquant par le fait qu'elle offre une réponse appropriée à un grand nombre d'infractions légères. S'ajoutent à ces modes de traitement pénal les mesures de composition pénale réussies (6.755 en 2002), nouvelles formes d'intervention mises à la disposition des parquets depuis 2001.

La durée moyenne de traitement des affaires pénales ayant atteint le stade du jugement, en progression, atteint 11,2 mois en 2001 . En matière criminelle, elle s'élève à près de 31 mois, à 11,2 mois et 9,4 mois respectivement pour le traitement des délits et des contraventions de cinquième classe.

En 2002, l'activité des cours d'assises qui ont jugé 3.784 personnes au total (premier ressort et appel), a atteint un seuil inégalé . En dépit de cette hausse d'activité, le stock d'affaires en attente au 31 décembre demeurait important (1.948 affaires) bien qu'en baisse de 11,6 % par rapport à l'année précédente. Toutefois, la situation est très contrastée, certaines cours d'assises ne rencontrant pas de difficultés particulières (Limoges, Besançon, Montpellier, Metz, Dijon, Poitiers, Agen, Chambéry), tandis que d'autres en dépit d'incontestables efforts doivent faire face à des délais d'audiencement excessifs par exemple à Bordeaux (18 mois), à Paris (13 à 30 mois pour les accusés libres et 6 à 12 mois pour les détenus) ou encore à Colmar (10-11 mois pour les détenus et 12-15 mois pour les personnes libres).

Dans ses réponses au questionnaire parlementaire, le ministère de la justice a tenu à saluer « l'effort général produit et la mobilisation de tous les acteurs concernés » ; « cela se traduit un peu partout par la création de nombreuses sessions supplémentaires ou encore par l'aménagement de nouvelles salles d'audiences pour accroître les capacités de traitement... ».

En outre, le taux d'acquittement par les cours d'assises de premier ressort reste stable avec 4,2 %. Le taux d'appel sur les arrêts prononcés s'élève à 23,8 % (soit 569 appels formés) se situant à un niveau très proche de 2001 (24 %). Les cours d'assises ont prononcé en appel 432 arrêts (contre 300 en 2001) concernant 512 personnes, 492 condamnées et 20 acquittées 34 ( * ) .

b) Des réponses appropriées et diversifiées

? La contractualisation, une démarche systématisée à l'ensemble des juridictions

Outre les nombreuses créations de postes prévues par le projet de budget dédiées à cet objectif qui représentent d'ailleurs près de 50 % du total des recrutements (soit 80 magistrats, 202 greffiers, 49 agents de catégorie C et 8 agents contractuels 35 ( * ) ), le ministère de la justice souhaite généraliser à l'ensemble des cours d'appel les contrats d'objectifs pour la résorption de stocks à l'horizon 2006. Si cette initiative s'inspire de projets isolés mis en place lors de la précédente législature, force est de constater qu'elle n'avait pas encore constitué un mode de relation habituel entre les juridictions et le ministère.

A la fin de l'année 2002, les cours d'appel de Douai et d'Aix-en-Provence ont conclu deux contrats, qui ont pris effet depuis le 1 er janvier dernier pour une durée de trois ans renouvelable et par lesquels elles se sont engagées à atteindre des objectifs précis (quantitatifs et qualitatifs) révisables chaque année, moyennant des moyens humains et matériels supplémentaires (crédits pour l'achat d'ordinateurs et de mobilier) octroyés provisoirement. Au terme de ces engagements, les emplois créés seront supprimés et la dotation globale de fonctionnement réduite à due concurrence des moyens alloués. Les représentants du ministère de la justice entendus par votre rapporteur pour avis ont porté un jugement positif sur la mise en route de ce dispositif assurant que les moyens prévus avaient effectivement été mis à la disposition des juridictions concernées.

Deux nouveaux contrats dits « de deuxième génération » devraient être conclus avec les cours d'appel de Lyon et Bastia. Les objectifs fixés devraient être plus larges avec « le passage progressif d'une logique de résorption des stocks à une logique de recherche d'efficacité, y compris dans la mise en oeuvre des politiques judiciaires (traitement en temps réel de l'exécution des peines, taux de réponse pénale, mise en réseau des juridictions...) » 36 ( * ) . En outre, le ministère de la justice envisage d'étendre plus spécifiquement cette pratique aux parquets. Cette contractualisation devrait donner lieu à des réunions entre les parquets généraux et les parquets confrontés à des problèmes similaires de délinquance (criminalité organisée, trafic international et stupéfiants) ou à des difficultés identiques de gestion des procédures (alimentation du fichier national des empreintes génétiques).

? La recherche d'une organisation du travail plus rationnelle

Le recentrage des magistrats sur leurs missions juridictionnelles constitue le second axe de réforme en vue de rendre la justice plus performante et plus rapide. Deux mesures sont envisagées à cet effet :

- la constitution d'équipes chargées d'assister le magistrat au quotidien ; cette nouvelle organisation du travail s'inscrit dans le cadre de la revalorisation du statut des greffiers 37 ( * ) qui a permis une extension de leurs missions en matière de recherches juridiques, de mise en état des dossiers et de participation à la rédaction de décisions sous le contrôle des magistrats. Le recrutement de 1.800 fonctionnaires en qualité de « greffier-assistant du magistrat » sur cinq ans est envisagé à cette fin.

Une expérimentation dans le domaine pénal (chaîne pénale et service de l'exécution des peines) est en cours dans quelques juridictions (dix tribunaux de grande instance -Arras, Bayonne, Bergerac, Bordeaux, Castres, Grasse, Lyon, Périgueux, Rouen, Valence- et deux cours d'appel- Bordeaux et Rouen). Un rapport d'évaluation devrait être remis au cours de l'été 2004. En matière civile, un groupe de travail mis en place en mars 2003 poursuit sa réflexion sur les possibilités d'extension du périmètre fonctionnel dévolu aux greffiers. Sur cette base, une expérimentation devrait être lancée à partir de juin 2004. Le projet de budget prévoit la création de 55 postes de greffiers assistants du magistrat pour accompagner les expérimentations en cours ;

Dans le souci d'amplifier ce mouvement, votre rapporteur pour avis souhaite qu'une étude soit menée sur la possibilité de créer auprès des procureurs une équipe (assistant de justice ou greffier) ou des postes de secrétaire général afin que le parquet puisse exercer convenablement sa mission dans la conduite des politiques publiques. En effet, comme l'avait souligné la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, « les magistrats du parquet participent seuls aux réunions et établissent leurs statistiques et leurs rapports sans aucune aide particulière », ni moyens matériels conséquents 38 ( * ) ;

- une définition plus réaliste du périmètre d'intervention des magistrats ; sur la base de l'engagement inscrit dans le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002, la direction des services judiciaires a recensé 222 commissions administratives ou dans lesquelles l'institution judiciaire n'avait pas vocation à siéger 39 ( * ) . Ont toutefois été exclues de cette liste les commissions juridictionnelles ainsi que les autorités administratives indépendantes. La participation des magistrats à une trentaine d'entre elles (commissions de discipline telles les chambres de discipline des pharmaciens, des vétérinaires) devrait être supprimée avant la fin de cette année, après consultation des syndicats et des différents ministères concernés. Une deuxième liste comportant des commissions électorales et relatives à l'aménagement du territoire devrait être élaborée en ce sens après consultation des juridictions. Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que cette réforme mette en oeuvre une des recommandations (n °4) formulée en juillet 2002 par la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice.

Comme l'indique la note de présentation de la stratégie ministérielle de réforme du ministère de la justice (réforme n° 24), la suppression de procédures tombées en désuétude telle l'affirmation devant le juge d'instance de l'exactitude des mentions contenues dans un procès-verbal fait sous serment par un agent verbalisateur (gardes particuliers, gardes forestiers...) est également envisagée par le truchement d'une ordonnance prise en vertu de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Il pourrait être opportun d'aller encore plus loin en transférant de nouvelles tâches aux personnels des greffes (par exemple en matière d'homologations de changement de régime matrimonial, de réception des déclarations de nationalité), à l'instar des innovations proposées dans la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions, à la procédure civile, pénale et administrative. Comme l'avait mis en lumière la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, de nombreux acteurs de l'institution judiciaire (greffiers en chef, greffiers, notaires) semblent disposés à assumer de nouvelles tâches, à condition toutefois que des moyens supplémentaires en termes de créations d'emplois et de formation accompagnent ces responsabilités nouvelles.

2. L'engagement des juridictions administratives dans une démarche de contractualisation

La lenteur de la justice administrative a entraîné de récentes condamnations de la France sur le fondement du non respect du délai raisonnable au sens de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen par la Cour européenne des droits de l'Homme (arrêt du 19 juin 2001 Mahieu contre France concernant une affaire dans laquelle la cour administrative d'appel avait attendu cinq ans avant de statuer). Afin de remédier à cette difficulté, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 a prévu de ramener à un an les délais de traitement devant toutes les juridictions administratives .

Le ministère de la justice a dans un premier temps choisi de concentrer ses efforts sur les cours administratives d'appel qui connaissent la situation la plus difficile : leur délai moyen de jugement (2 ans et 4 mois en 2002), en dépit d'une amélioration sensible imputable aux effectifs supplémentaires 40 ( * ) et à la création de deux nouvelles cours administratives d'appel (Marseille en 1997 et Douai en 1999), demeurent excessifs. Malgré une augmentation significative des affaires réglées, le stock d'affaires à traiter devant ces juridictions représente plus de 2,5 fois leur capacité de jugement.

Le 9 décembre 2002, chaque cour administrative d'appel a donc signé un contrat d'objectifs avec le Conseil d'Etat par lesquels elles s'engageaient à mettre en oeuvre un traitement différencié des dossiers en fonction de leur degré de difficulté, à rationaliser davantage l'analyse et l'exploitation des flux d'entrée et du stock pour une détection plus systématique des affaires relevant d'un traitement par ordonnance, à augmenter le nombre de rapporteurs dans les chambres et à développer les fonctions d'aide à la décision pour ces magistrats. En 2007, ces juridictions devraient donc juger presque deux fois plus d'affaires qu'en 2002 (26.000 contre 13.000 actuellement, soit + 90 %), avec l'objectif d'atteindre un nombre moyen de 96 affaires jugées par magistrat de en 2007 (contre 83 en 2002).

En contrepartie, les cours administratives d'appel ont bénéficié d'un renforcement de leurs moyens informatiques, humains (magistrats, fonctionnaires des greffes, assistants de justice) et immobiliers. Ainsi, 25 des 42 nouveaux postes de magistrats créés en 2003 (60 %) ont été localisés dans ces juridictions. S'agissant des agents des greffes, cette proportion s'élève à près des deux tiers. A la date du 1 er août 2003, on dénombrait 110 assistants de justice (sur les 170 postes ouverts en loi de finances pour 2003) recrutés et affectés dans les juridictions administratives. Ceux-ci ont notamment été chargés de la préparation de certains dossiers lourds (marchés publics par exemple) ou du traitement des affaires en série.

Une évaluation annuelle des résultats obtenus doit être pratiquée au vu de laquelle le Conseil d'Etat et la cour concernée pourront après concertation décider d'adaptations. Ce dispositif sera étendu aux tribunaux administratifs sur la base du volontariat. Un contrat d'objectifs a été conclu à titre expérimental avec le tribunal administratif d'Orléans.

En outre, il est prévu la création d'une huitième cour administrative destinée à décharger la cour de Paris.

B. UNE RESPONSABILISATION ACCRUE DES ACTEURS DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances 41 ( * ) impose des exigences nouvelles au Gouvernement, lequel doit passer d'une logique de moyens à une véritable « culture de la performance » au sens qualitatif du terme . Le ministère de la justice a mis en place des structures spécifiques (comité stratégique, comité de suivi, groupe projet, chargé de mission) et mené de nombreuses actions pour préparer l'entrée en vigueur de cette vaste réforme (rencontres interrégionales de sensibilisation des responsables de terrain, diffusion de deux publications dans les services locaux et centraux, information sur l'intranet du ministère, formation des agents).

D'un point de vue formel, les bouleversements seront de faible ampleur. La nouvelle présentation budgétaire ne devrait en effet pas être fondamentalement différente de ce qui prévaut actuellement, une mission unique intitulée « rendre et exécuter la justice » correspondant au périmètre d'attributions du ministère ayant été retenue, le contenu des sept programmes déclinés au sein de la mission devant être largement calqué sur les actuels agrégats 42 ( * ) .

Sur le fond, le défi est tout autre, les impératifs liés au nouveau cadre budgétaire imposant désormais au ministère de la justice d'inventer des modes de gestion publique innovants.

1. Une responsabilité croissante des acteurs participant directement ou indirectement à l'activité juridictionnelle

a) La valorisation des talents, l'instauration d'une prime modulable versée aux magistrats

En réponse aux observations de la Cour des comptes, les modalités du régime indemnitaire des magistrats ont été réformées en janvier 2002. Toutefois, à l'exception des magistrats de la Cour de cassation, ce nouveau dispositif 43 ( * ) n'a pas eu pour effet de revaloriser significativement le montant du taux indemnitaire fixé à 37 % -et resté inchangé depuis 1996- alors même que les magistrats administratifs et financiers avaient bénéficié de relèvements substantiels.

En 2003, le garde des Sceaux s'est engagé à opérer un rattrapage au profit des magistrats judiciaires « à la hauteur des responsabilités importantes et des fortes sujétions qui s'imposent à eux ». Une enveloppe de 2,9 millions inscrite en loi de finances pour 2003 permettant une revalorisation de 4 points en moyenne du taux indemnitaire à compter du 1 er octobre 2003 a concrétisé ces promesses.

Poursuivant ce mouvement, le projet de budget pour 2004 finance l'extension en année pleine de l'augmentation décidée en 2003 (qui représente un coût de 9,1 millions d'euros), complétée par un nouveau relèvement de 4 points à compter du 1er octobre 2004 (d'un montant de 3 millions d'euros), ce qui portera le taux indemnitaire maximum à 45 %.

Parallèlement à ces hausses, le projet de budget innove en prévoyant à compter du 1 er janvier prochain, l'instauration d'une modulation partielle du régime applicable aux magistrats, lequel se composerait désormais d'une partie forfaitaire à raison de la fonction exercée et d'une partie individualisée attribuée en fonction de « la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire », basée sur l'augmentation de 4 points (de 37 à 41 %) octroyée en 2003.

Les modalités d'attribution de cette prime font l'objet de discussions interministérielles et sont soumises à la concertation avec les organisations professionnelles de magistrats. Au cours de son audition, le garde des Sceaux a précisé que les critères de l'évaluation servant de base de calcul seraient définis par circulaire afin d'éviter des pratiques disparates selon les juridictions.

Il a annoncé son intention de retenir des éléments qualitatifs déjà pris en compte dans la fiche d'évaluation des magistrats autrement dit la notation qui distingue notamment les compétences juridiques et techniques, les aptitudes à l'organisation et à l'animation ainsi que l'engagement professionnel, plutôt que des critères purement quantitatifs susceptibles d'inciter les magistrats à rendre une justice d'abattage tel le nombre de dossiers traités. Le versement de ce volet modulable serait mensuel avec une possibilité de réviser l'évaluation chaque semestre. Afin d'éviter que ce dispositif demeure théorique, il appartiendra aux chefs de cour de répartir l'enveloppe au sein du ressort de chaque cour d'appel en respectant une dispersion minimale de sa distribution dans les différentes tranches d'un barème.

Moyennant de nécessaires adaptations, ce mécanisme devrait s'inspirer du régime indemnitaire applicable aux membres de la Cour de cassation . Ces hauts magistrats perçoivent depuis avril 2002 une prime forfaitaire calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut (39 %) et une « prime de rendement » 44 ( * ) calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut mais selon un taux fixé par le premier président de la Cour de cassation ou par le procureur général en fonction de la nature des fonctions exercées et susceptible de varier de 0 à 15 %, le taux moyen s'établissant à 5 % 45 ( * ) . Le montant de cette rémunération est défini en fonction de critères précis tels que l'ancienneté, l'acquis technique, le nombre de rapports déposés au cours d'une année par rapport au taux moyen calculé par chambre et des charges extra juridictionnelles assumées (participation aux commissions administratives par exemple). Il appartient à chaque président de chambre d'adresser des propositions au premier président.

Par ailleurs, le mérite est pris en compte depuis plusieurs années dans le régime indemnitaire des membres du Conseil d'Etat , qui perçoivent une indemnité forfaitaire fixe complétée par une « prime de rendement » dont le montant se situe entre 0 et 35 %, en fonction du nombre de dossiers traités au cours d'un trimestre 46 ( * ) . S'agissant des autres magistrats de l'ordre administratif, la part variable moyenne de l'indemnité versée n'a cessé d'augmenter pour atteindre 8 %.

L'ensemble des organisations professionnelles représentant les magistrats judiciaires a fait part de son scepticisme à l'égard de cette réforme après avoir pointé la difficulté de définir des critères véritablement objectifs.

Convaincu qu'elle constitue un moyen de valoriser les magistrats les plus disponibles et les plus dévoués à l'institution judiciaire , votre rapporteur pour avis tient à soutenir pleinement l'initiative du Gouvernement. Toutefois, il paraît indispensable qu'une fois les critères d'évaluation arrêtés, leur application s'effectue dans la transparence et puisse être contestée par voie de recours afin d'éviter toute dérive arbitraire . M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, a indiqué à votre rapporteur pour avis que si ce système avait été bien accepté par les membres de la Cour, il conviendrait de trouver des critères adaptés à la spécificité des missions des autres juridictions.

Au cours de son audition, le garde des Sceaux a pris l'engagement d'étendre ce dispositif à 10.000 cadres du ministère de la justice d'ici la fin de l'année prochaine.

b) La prise en compte des sujétions particulières imposées au service de lutte anti-terroriste

Le projet de budget pour 2004 prévoit une enveloppe de 72.400 euros destinée à revaloriser le complément indemnitaire servi aux magistrats spécialisés dans la lutte anti-terroriste et à créer une prime complémentaire au bénéfice des fonctionnaires.

c) Un encadrement plus rigoureux de l'action des associations intervenant dans le « secteur pré-sentenciel »

Les associations chargées d'assurer l'exécution des mesures de contrôle judiciaire, de mener des enquêtes rapides, obligatoires dans certaines situations (avant toute réquisition de mandat de dépôt) et des enquêtes de personnalités fournissent une aide précieuse à l'institution judiciaire. Leur intervention n'a cessé de croître 47 ( * ) , entraînant une augmentation des sommes qui leur ont été consacrées (9,5 millions d'euros en 2002, soit + 3 % par rapport à 2001).

Le mode de financement de ces auxiliaires de la justice a été critiqué par la Cour des comptes. En effet, les actions réalisées par ces associations sont rémunérées concurremment au titre des frais de justice , dont le montant est défini par le code de procédure pénale, et par le biais de subventions annuelles d'équilibre , dont la part n'a cessé de croître.

Plusieurs facteurs expliquent cette évolution notamment l'absence de revalorisation des frais de justice depuis 1992 et la non prise en compte des particularités propres de chaque association. Ainsi, le lien entre les prestations fournies et l'enveloppe financière allouée s'est distendu.

En 2000, la Cour des comptes dans une lettre d'observation au ministère de la justice a jugé irrégulier ce double financement d'une même activité associative , lequel permettait en pratique de s'affranchir des barèmes en vigueur . Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des services judiciaires publié en avril 2002 48 ( * ) n'a pu que constater qu'« une politique associative s'est progressivement mise en place qui, dans les faits, repose davantage sur l'équilibre financier des structures financées que véritablement sur le nombre et la qualité des mesures accomplies », préconisant de mettre fin à ce dispositif. Dans ce contexte, le ministère de la justice a donc élaboré une réforme que le projet de budget pour 2004 concrétise 49 ( * ) .

Désormais, un financement à l'acte dans le cadre d'une tarification nationale refondue calculée sur la base du coût de chaque mesure et d'une part variable liée aux contraintes locales de service public et au statut de l'intervenant (salarié, bénévole) est prévu. Des conventions tripartites conclues entre les cours d'appel, les tribunaux de grande instance et les associations concernées rappelant les objectifs de politique pénale et les attentes des juridictions « prescripteurs » fixeront le cahier des charges imposé aux intervenants. Outre une standardisation des mesures référencées, devront être définies les modalités de suivi et d'évaluation des actions réalisées par chaque cour d'appel.

Cette réforme contribuera utilement à l'effort de maîtrise des frais de justice. De plus, votre rapporteur pour avis se réjouit de ce que le Gouvernement en incitant les associations du secteur pénal à contractualiser leurs relations avec les juridictions réponde au souci exprimé dans le rapport de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice d'un renforcement de leur contrôle.

2. Une meilleure reconnaissance de l'exercice des fonctions de d'encadrement

Afin de valoriser l'exercice des emplois d'encadrement supérieur des administrations centrales et des services déconcentrés, le principe de l'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire au sein du ministère de la justice a été retenu dès 2000. Les membres des juridictions administratives ont bénéficié de ce dispositif dès 2001(décrets du 5 novembre 2001).

Les juridictions judiciaires se sont progressivement vu attribuer des crédits à ce titre. La loi de finances pour 2003 a permis l'obtention de deux enveloppes supplémentaires 50 ( * ) , reconduites par le projet de budget pour 2004 en vue d'étendre le champ d'application de la nouvelle bonification indiciaire aux greffiers en chef hors hiérarchie nommés chefs de greffe et à certains emplois fonctionnels de greffiers (notamment greffiers des enfants et greffiers du juge des libertés et de la détention) 51 ( * ) .

Afin de garantir une parité de traitement avec les magistrats de l'ordre administratif, le projet de budget pour 2004 propose une nouvelle extension de l'application de cette réforme au profit de 117 emplois de juge de l'ordre judiciaire 52 ( * ) . Cette mesure nouvelle d'un montant de 867.714 euros devrait progressivement s'appliquer à d'autres emplois (chefs de juridiction et certains emplois de responsabilité au sein des tribunaux de grande instance) au cours des prochains exercices budgétaires.

Même s'il s'agit d'une modeste avancée, l'administration centrale qui bénéficie d'une enveloppe de 13.000 euros en faveur des personnels exerçant des responsabilités supérieures, n'est pas oubliée. En outre, les créations d'emplois de conseiller d'administration centrale du ministère de la justice 53 ( * ) (2 créations d'emplois inscrites au projet de budget pour 2004 obtenues par transformations d'emplois), qui concernent des fonctions comportant l'exercice de responsabilités d'encadrement (par exemple : chef de bureau du budget de la DAGE, chef de bureau du cabinet du garde des Sceaux) ouvrent de nouvelles perspectives d'avancement aux agents recrutés à ce titre.

3. L'affirmation de nouvelles responsabilités en matière de gestion

a) Une plus grande capacité de gestion des chefs de cour

La quasi-totalité des crédits de fonctionnement courant des juridictions judiciaires est gérée par les chefs de cours d'appel assistés, depuis une circulaire de juillet 1996, de services d'administration régionaux (SAR). Cette organisation spécifique s'explique par le refus des magistrats soucieux de préserver leur indépendance de confier la gestion des juridictions à des acteurs extérieurs à l'institution judiciaire.

L'autonomie de gestion conférée aux chefs de cour s'est effectuée progressivement. En 1995, l'administration centrale a regroupé sous la responsabilité de la seule direction des services judiciaires les attributions relatives aux crédits de fonctionnement des juridictions. La globalisation progressive de l'ensemble des moyens de fonctionnement des juridictions débutée en 1993 s'est achevée en 1998 par l'intégration des crédits d'entretien immobilier. La loi de finances pour 1998 a consacré la suppression de la distinction en nomenclature de prévision des crédits de fonctionnement des juridictions du premier et du second degré, désormais globalisés au sein d'un article de prévision unique, laissant ainsi aux chefs de cour une marge de manoeuvre supplémentaire.

Sont actuellement notifiées aux cours d'appel :

- une dotation de fonctionnement unique et globale couvrant les dépenses de fonctionnement courant de la cour d'appel et des juridictions du premier degré implantées dans son ressort, les dépenses informatiques déconcentrées, les frais de déplacement des personnels des services judiciaires, des conseillers prud'homaux et des conciliateurs de justice et les dépenses d'entretien immobilier (depuis 1998) ;

- une dotation globale relative aux « autres rémunérations principales » ; ce dispositif mis en place à titre expérimental en 2000 dans 5 cours d'appel (Amiens, Bordeaux, Caen, Metz et Rouen), a été étendu à 5 autres cours pour être généralisé en 2002. La répartition des crédits par nature de dépenses (indemnisation des agents non titulaires de l'Etat, des assistants de justice, des assesseurs) relève des chefs de cour.

Par ailleurs, depuis 1998, les chefs de cour arbitrent le montant des subventions allouées aux associations de leur ressort spécialisées dans le domaine pénal (secteur pré-sentenciel, aide aux victimes) et en matière de médiation civile.

Le projet de budget pour 2004 propose de donner un nouvel élan au mouvement de déconcentration engagé ces dernières années en prévoyant l'expérimentation dans le ressort de la cour d'appel de Lyon d'une gestion globale des moyens budgétaires de rémunération, de fonctionnement, de frais de justice et d'équipement 54 ( * ) . D'un montant de près de 69,5 millions d'euros , ces crédits figurent dans un nouveau chapitre unique (37-30). Un plafond de 1.106 emplois est par ailleurs fixé.

Ce dispositif expérimental comporte une innovation notable relative aux frais de justice dont le caractère évaluatif sera supprimé 55 ( * ) . Le caractère limitatif conféré à ces dépenses 56 ( * ) impliquera une plus grande responsabilisation des chefs de juridiction appelés à gérer une enveloppe fixe. Ces derniers devront inévitablement rechercher une meilleure maîtrise de la consommation des crédits. Ils seront donc conduits à sensibiliser les services prescripteurs 57 ( * ) en ce sens. Cette réforme ponctuelle s'inscrit dans une démarche plus globale, le ministère de la justice réfléchissant actuellement à une clarification du cadre juridique de la gestion des frais de justice et à une redéfinition de leur champ et de leur tarification.

Une concertation entre le ministère de la justice et les ministères de l'intérieur et de l'économie et des finances est en cours pour donner aux chefs de cours d'appel (premier président et procureur général en application du principe dyarchique qui régit le fonctionnement des juridictions) la qualité d'ordonnateur secondaire chargé de l'engagement des dépenses 58 ( * ) et la responsabilité des marchés publics . Cette mesure qui permettrait fort opportunément de concrétiser une recommandation de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice (n° 19) mérite donc d'être approuvée.

Actuellement, il appartient à la direction des services judiciaires de décider de la répartition des crédits de fonctionnement entre les cours d'appel, laquelle se fonde sur l'analyse des dossiers de demandes budgétaires adressées par les chefs de cour. Cette dernière a pris l'engagement de renforcer le dialogue de gestion avec les cours d'appel et d'en élargir le champ à l'ensemble des moyens budgétaires (crédits et emplois). Une première réunion en ce sens a eu lieu en décembre 2002. Outre la fixation d'un calendrier de réunions bilatérales entre la direction des services judiciaires et chaque cour d'appel sur les demandes de crédits pour 2004, la circulaire du 18 juillet 2003 invite pour la première fois les chefs de cour à recenser les besoins nouveaux en emplois de magistrats et de fonctionnaires et à proposer des redéploiements entre juridictions.

b) Une revalorisation du statut des services administratifs régionaux

Les services administratifs régionaux (SAR) constituent une structure d'appui des chefs de cour sous l'autorité desquels ils sont placés. Ils ont pour vocation de préparer, mettre en oeuvre et contrôler les actes et décisions administratifs nécessaires à la bonne administration du ressort.

Leur champ d'action n'a cessé de s'étendre. Outre des missions traditionnelles assumées dans le domaine de l'administration des moyens et des personnels, ils sont désormais investis de la gestion des parcs informatiques et immobiliers. En 2003, 35 nouveaux emplois de greffiers en chef ont été localisés dans les SAR, 13 emplois de greffiers créés ne devraient pas tarder à l'être. Poursuivant cette évolution, le projet de budget pour 2004 propose d'ailleurs la création de 6 emplois d'ingénieurs en équipement. En outre, la création du nouveau corps de secrétaire administratif appelé à exercer des fonctions de gestion permettra de renforcer les effectifs des SAR.

Afin de permettre le recrutement d'un large vivier de professionnels disposant d'une véritable capacité d'expertise en matière de gestion, le ministère de la justice envisage la création d'emplois spécifiques de chef du service administratif régional qui pourraient être calqués sur ceux de directeurs régionaux et départementaux de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire. Cette innovation présenterait l'avantage d'offrir une rémunération et un régime indiciaire plus intéressant que celui dont bénéficient actuellement les greffiers en chef exerçant les fonctions de coordonnateur, chargés de fédérer l'activité de l'équipe du SAR.

Votre rapporteur pour avis souhaite que le prochain projet de budget concrétise cette proposition qui reprend une recommandation (n °17) de la mission sur l'évolution des métiers de la justice, à l'instar de ce qui prévaut déjà à l'ENM et à l'ENG, établissements dotés d'un secrétaire général.

Plus généralement des efforts de modernisation de l'outil informatique ont été entrepris pour faciliter la gestion des juridictions, le développement de banques de données comme c'est le cas à la Cour de cassation ainsi que l'a souligné M. Guy Canivet, son premier président, en constitue un bon exemple. Il importe d'appuyer cette modernisation. D'ailleurs plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires des greffes et représentatives de magistrats ont souligné l'urgente nécessité de généraliser la mise en place des services Intranet et Internet-justice afin de doter tous les acteurs de l'institution judicaire d'une messagerie électronique opérationnelle.

III. LA RÉFORME DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE EN MARCHE

Chacun s'accorde aujourd'hui sur l'inadaptation du régime actuel d'aide juridictionnelle régi par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Faciliter l'accès du plus grand nombre à la justice constitue un impératif qui s'impose au Gouvernement. Cet objectif constitue d'ailleurs le quatrième axe de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002, lequel a prévu d'améliorer par une série de retouches un système ayant atteint ses limites. Dans la continuité de la précédente loi de finances, le projet de budget pour 2004 tend à proposer des mesures ciblées destinées à en corriger les inégalités et les dysfonctionnements . Cette démarche diffère de celle du précédent Gouvernement qui avait déposé en février 2002 sur le bureau du Sénat un projet de loi tendant à bouleverser le système actuel (accès élargi à l'aide totale, simplification des procédures, suppression des bureaux d'aide juridictionnelle).

A. UN EFFORT SOUTENU DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

1. La reprise à la hausse des admissions

Après plusieurs années de baisse du nombre d'admissions au bénéfice de l'aide juridictionnelle -légère entre 1997 et 2002, plus forte en 2001 du fait de la diminution des détentions provisoires liée à la mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000 précitée et des mouvements sociaux des professionnels de la justice menés entre décembre 2000 et fin mars 2002-, l'année 2002 avec 688.637 admissions (contre 657.816 l'année précédente) marque une rupture . Cette tendance moyenne masque des contrastes, les admissions demeurant stables en matière civile, tandis qu'elles progressent fortement en matière pénale (+ 9 %), dans le domaine administratif (+ 21 %) et s'agissant des conditions de séjour des étrangers (+ 25 %).

2. Conjuguée à un accroissement constant du nombre des bénéficiaires

L'entrée en vigueur de réformes nouvelles visant à étendre le champ des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle explique largement cette situation. Outre les élargissements prévus par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits ou encore par la loi du 15 juin 2000 59 ( * ) dont l'impact commence à se faire sentir, on peut citer plus récemment :

- la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 qui a, d'une part, ouvert sans condition de ressources le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux victimes des crimes les plus graves -atteintes volontaires à la vie, viols- et à leurs ayants droit et, d'autre part, créé une possibilité pour les victimes d'infractions pénales souhaitant se constituer partie civile de demander la désignation d'un avocat dès le début de la procédure judiciaire ;

- la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine qui a prévu une faculté pour certaines copropriétés en difficulté de se voir attribuer l'aide juridictionnelle (article 22).

D'autres dispositions vont induire de nouvelles demandes, et donc, de nouvelles admissions. Il s'agit de :

- l'extension à de nouvelles matières notamment sociale (qui représente 32 % du contentieux) du champ de la représentation obligatoire devant la Cour de cassation ; une provision de 500.000 euros est prévue pour financer l'assouplissement des conditions d'admission susceptible de résulter de cette mesure (qui n'est encore qu'envisagée) ;

- la mise en place de la nouvelle procédure judiciaire inspirée de la faillite civile destinée aux ménages surendettés dans une situation irrémédiablement compromise prévue par le titre III de la loi d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine précitée. Afin de compenser l'augmentation de dossiers ouverts devant le juge de l'exécution et donc des admissions à l'aide juridictionnelle dans le cadre de ces procédures, le projet de budget pour 2004 prévoit une provision nouvelle de 3 millions d'euros.

Aux effets induits par les innovations législatives s'ajoute l'augmentation automatique du nombre de bénéficiaires résultant de la revalorisation annuelle des plafonds de ressources indexée sur l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu en application de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991. Fixés en 1992 respectivement pour l'aide totale et l'aide partielle à 4.400 francs (670,78 euros) et 6.600 francs (1006,16 euros), ces seuils ont été relevés régulièrement. Entre 1992 et 2003, ces plafonds ont ainsi augmenté de 21,6 % pour s'établir à 816 euros pour l'aide totale et 1.223 euros pour l'aide partielle. En 2004, une revalorisation annuelle dans les limites prescrites par le cadre légal est prévue.

Le montant de la dépense pour 2003 (qui dépend de l'évolution des admissions en 2003 et 2004 et du rythme de montée en charge des réformes nouvelles) devrait être inférieur de 24 à 30 millions à la dotation prévue en 2003 (292 millions).

Une stabilisation de la dotation budgétaire est prévue pour 2004 . Fixée à 291,21 millions d'euros, cette somme résulte, d'une part, d'un ajustement négatif des crédits à hauteur de 7,8 millions d'euros lié notamment à la baisse des admissions constatée jusqu'en 2002 et, d'autre part, de mesures nouvelles correspondant aux deux provisions précédemment mentionnées destinées à financer l'application de réformes nouvelles auxquelles s'ajoute une enveloppe de 4,5 millions d'euros destinée à financer l'augmentation du montant de l'unité de valeur de référence de 2 %.

L'EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

(1994 à 2004)

En millions d'euros
Source : ministère de la justice

Le poids croissant de l'aide juridictionnelle sur les finances publiques ne constitue pas un motif de critique en soi. Toutefois le souci de rationalisation de la dépense publique conduit à porter un regard nuancé sur le système actuel et à rechercher les solutions les plus efficaces pour remédier à des faiblesses susceptibles d'en fragiliser le bien-fondé.

B. UN SYSTÈME EN PROIE À DES FAIBLESSES, LES RÉPONSES DU GOUVERNEMENT POUR Y REMÉDIER

Les dysfonctionnements du système d'aide juridictionnelle ont été analysés avec justesse dans un rapport publié en mai 2001 par la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice présidée par M. Paul Bouchet chargée de proposer des pistes de réforme.

1. Des mesures en faveur d'une amélioration de la rétribution des avocats

L'insuffisante rétribution des avocats constitue une première lacune .

Si une part substantielle de la dotation budgétaire (près de 90 %) est affectée à chaque barreau par l'intermédiaire de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) 60 ( * ) , les modalités de leur rémunération ne donnent plus satisfaction. Calculées sur la base d'un forfait fixe pour chaque type de procédure obtenu à partir d'un coefficient d'unités de valeurs - une unité de valeur de référence équivalant en 2003 à 20,43 euros 61 ( * ) - les rétributions se sont révélées trop rigides et inadaptées à la qualité de la prestation intellectuelle fournie et au degré de difficulté des affaires, traitées sur un pied d'égalité.

Les professionnels supportent donc largement la charge de l'aide juridictionnelle, certains étant même réduits à travailler « à perte ». Outre que ce phénomène paraît difficilement admissible, il conduit à des situations parfois dramatiques (dans le cas d'avocats exclusivement ou principalement rémunérés grâce aux missions réalisées au titre de l'aide juridictionnelle), parfois perverses, certains étant incités à scinder artificiellement une affaire pour obtenir une rémunération décente. La qualité des prestations fournies dans ce cadre n'est pas sans soulever des interrogations au point qu'une des organisations représentatives de magistrats entendues par votre rapporteur pour avis s'est interrogée sur l'opportunité d'instaurer un mécanisme d'agrément des avocats pour l'aide juridictionnelle.

Face à un vaste mouvement de protestations émanant de l'ensemble de la profession soutenu par le milieu judiciaire organisé à l'automne 2000, un protocole d'accord conclu entre le ministère de la justice et les principales organisations représentant les avocats le 18 décembre 2000 a permis un premier pas en avant en faveur d'une revalorisation de la rémunération des missions d'aide juridictionnelle (d'un coût global de 56,25 millions d'euros) 62 ( * ) .

Ces mesures ne constituaient toutefois qu'une pierre d'attente. A la fin du mois de décembre 2002, l'ensemble des professionnels a demandé au Gouvernement un effort plus poussé en faveur d'une rémunération décente et acceptable que concrétise le présent projet de loi de finances à travers deux mesures .

Sensible aux revendications légitimes des avocats, le Gouvernement a publié un décret n° 2003-853 du 5 septembre 2003 visant à augmenter le barème de 15 procédures (instance au fond devant le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce et les autres juridictions, assistance d'une partie civile ou d'un accusé devant la cour d'assises, la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle, première comparution devant le juge d'instruction ou le juge des enfants...). L'impact budgétaire de cette mesure, évalué à 11,3 millions d'euros en année pleine, a été pris en compte dans le projet de budget pour 2004 au titre des mesures acquises.

L'article 79 rattaché du présent projet de budget propose également une majoration de 2 % du montant de l'unité de valeur porté de 20,43 à 20,84 euros . Financée par une enveloppe nouvelle de 4,5 millions d'euros , cette mesure devrait entraîner une hausse similaire des dotations versées aux CARPA. Le ministère de la justice a annoncé des revalorisations régulières de l'unité de valeur au cours des prochains exercices budgétaires .

Le Gouvernement a fait le choix respectable de préserver l'esprit d'un dispositif auquel il entend apporter progressivement de notables améliorations. Soucieuse d'aller plus loin, la profession appelle une avancée de plus grande ampleur. Les représentants du Conseil national des barreaux, du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers entendus par votre rapporteur pour avis ont pris acte des progrès accomplis , le représentant du barreau de Paris, Maître Jérôme Cayol ayant toutefois souligné que la rémunération des avocats demeurait une « simple indemnité » .

Ils se sont unanimement déclaré déçus de l'état d'avancement trop modeste de la réflexion relative à l'assurance de protection juridique 63 ( * ) dont le développement avait été mis en avant tant par la commission Bouchet que par le garde des Sceaux lors de l'adoption de la loi de programmation de septembre 2002 comme un moyen d'assouplir le mécanisme de l'aide juridictionnelle. Comme l'a indiqué le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, cette réforme permettrait de « définir l'aide juridique dans un contexte élargi, plus global, qui devrait comporter à la fois une aide de l'Etat en faveur des personnes en situation de grande précarité économique dans le cadre de l'aide juridictionnelle et une voie plus responsabilisante pour d'autres, qui pourrait être recherchée dans le développement de l'assurance de protection juridique ».

Actuellement, les compagnies d'assurance et les mutuelles proposent des contrats de protection juridique permettant la prise en charge des frais et procédures dans certains domaines (consommation, habitat, droit du travail). Toutefois, leur couverture ne s'étend pas aux litiges de la vie quotidienne les plus courants (affaires familiales, droit des successions, droit fiscal). Souvent inclus dans les polices automobiles, les assurances contre les risques liés à l'habitation, voire les cartes de crédits, ces contrats sont de plus largement ignorés des particuliers.

Jusqu'à présent, les barreaux et les assureurs n'ont pas réussi à trouver un accord sur la rémunération et le rôle de l'avocat, ne permettant pas aux sociétés d'assurance d'évaluer véritablement leur risque financier, les conduisant ainsi à rechercher un règlement amiable des conflits pour éviter des recours contentieux. De sa propre initiative, le barreau de Paris avec deux associations de consommateurs a tenté un rapprochement avec les assureurs en lançant en mai dernier le prix de l'accès au droit qui devait être décerné le 17 septembre. Faute de candidats 64 ( * ) , cette opération n'a pas rencontré le succès escompté.

Les représentants de la profession se sont déclarés prêts à engager un dialogue avec les sociétés d'assurance sous l'égide du ministère de la justice. Dans ce contexte, v otre rapporteur pour avis souhaite qu'une étroite concertation entre le ministère de la justice et les avocats ait lieu afin que soient définies des mesures permettant une extension du champ d'application de l'assurance de protection juridique qui, au demeurant, mériterait d'être mieux connue des justiciables. Il paraît primordial de ne pas décourager les acteurs sur lesquels le système d'aide juridictionnelle repose .

2. Des réponses aux disparités de traitement des demandes au titre de l'aide juridictionnelle

La commission Bouchet a mis en évidence la diversité des pratiques constatées dans l'application de la réglementation applicable au traitement des demandes au titre de l'aide juridictionnelle. Selon une enquête réalisée à la demande de cette commission auprès d'un échantillon de juridictions, la prise en compte des ressources des demandeurs diffère largement, 33 % des bureaux intégrant les avantages en nature comme l'hébergement gratuit, 53 % l'aide personnalisée au logement.

Le ministère de la justice a décidé de rétablir une égalité de traitement entre les demandeurs en  publiant une circulaire 65 ( * ) visant à simplifier et harmoniser l'instruction des demandes d'aide juridictionnelle en excluant de l'évaluation des ressources l'hébergement à titre gratuit ou dans le cas des mineurs les ressources des parents. Le financement de cette mesure (1,1 million d'euros) a été prévu par le précédent budget.

Le projet de loi de finances pour 2004 prolonge cette démarche en finançant l'impact d'une réforme nouvelle relative à l'exclusion de l'appréciation des ressources de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation de logement sociale 66 ( * ) qui représente un coût de 2,8 millions d'euros (inscrits au titre des mesures acquises) 67 ( * ) . Le décret du 5 septembre 2003 précité en complétant la liste des prestations exclues de l'appréciation des ressources a permis l'entrée en vigueur de cette réforme. Le ministère de la justice a évalué à 2,5 % les admissions supplémentaires (soit environ 17.150 admissions supplémentaires) susceptibles de résulter de cette disposition.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004.

ANNEXE
-
LISTE DES AUDITIONS DE M. CHRISTIAN COINTAT,
RAPPORTEUR POUR AVIS

Personnalités qualifiées

M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation

MM. Gilbert Azibert et Xavier La Torre, respectivement en qualité de directeur et de secrétaire général de l' École nationale de la magistrature

M. Claude Engelhard et Mme Frédérique Pointe, respectivement en qualité de directeur et de responsable de la gestion budgétaire de l'École nationale des greffes

M. Michel Lernout, président de la mission chargée du recrutement des juges de proximité au ministère de la Justice

Organisations professionnelles représentant les avocats

Conseil national des barreaux

Barreau de Paris

Conférence des Bâtonniers

Syndicats des fonctionnaires des services judiciaires et organisations professionnelles

Syndicat CGT des Chancelleries et services judiciaires

Union syndicale autonome justice (USAJ)

Syndicat des greffiers de France

Syndicat national C-Justice

Organisations représentant les magistrats judiciaires

Union syndicale de la magistrature

Syndicat de la magistrature

Force ouvrière

Association nationale des juges d'instance

Organisation représentant les magistrats administratifs

Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)

Représentants du ministère de la justice

* 1 Dont le taux de réalisation des créations d'emplois prévues par la programmation quinquennale s'élève à 53 % (cumul loi de finances 2003- projet de budget 2004). Ce choix se justifie par l'urgente nécessité de renforcer les effectifs de l'administration pénitentiaire, compte tenu de la surpopulation carcérale.

* 2 Ce chiffre tient compte des transferts d'emplois et ne comptabilise que les créations nettes d'emplois prévues en 2004. Au 1 er octobre 2003, les effectifs budgétaires des services judiciaires s'élevaient à 7.293 magistrats et 20.933 fonctionnaires.

* 3 L'organisation des concours nécessite un délai incompressible d'au moins six mois auquel s'ajoutent des délais de formation variant entre 31 mois s'agissant des concours d'entrée classiques par la voie de l'ENM (chaque promotion entre en février et sort de l'école deux ans plus tard en septembre) et six mois s'agissant des concours complémentaires (créés par la loi organique n° 2001-538 du 25 juin 2001).

* 4 En prenant en compte la localisation des emplois aux termes des décrets du 8 mars 2002 et du 2 septembre 2003, le nombre de magistrats en poste dans les juridictions équivaut actuellement à 6.834. Les emplois encore non localisés résultent du reliquat des créations budgétaires prévues par les lois de finances antérieures.

* 5 Questions écrites - Sénat - Journal officiel du 20 mars 2003 - p. 961.

* 6 Arrêté du 22 octobre publié au Journal Officiel - Lois et décrets- du 26 octobre 2003.

* 7 Conformément à la recommandation n° 11 de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice constituée au sein de la commission des Lois, présidée par M. Jean-Jacques Hyest - Voir rapport « Quels métiers pour quelle justice ? » n° 345 (Sénat, 2001-2002) de M. Christian Cointat, rapporteur.

* 8 Ces greffiers ont été recrutés au titre du plan de transformations d'emplois de catégorie C en emplois de greffiers des services judiciaires par le biais d'un concours exceptionnel destiné à régulariser progressivement les situations individuelles des agents de catégorie C ayant fait fonction de greffiers pendant un an entre avril 1992 et décembre 2000 (décret n° 2002-197 du 12 février 2002). 283 lauréats ont été précédemment recrutés par concours exceptionnel au titre des transformations d'emplois obtenues en 2001 et 2002.

* 9 Cette augmentation s'explique en partie par les charges croissantes liées aux indemnités de stage et aux frais de costumes d'audience (+ 38,2 %).

* 10 Ce qui devrait aboutir à doubler le niveau moyen annuel des investissements du ministère de la justice.

* 11 La nouvelle cour administrative d'appel devrait être installée à Versailles et ouvrir en septembre 2004, la localisation des nouveaux tribunaux administratifs, dont la création est programmée en 2005 et en 2007 en France métropolitaine, n'a pas encore été décidée.

* 12 Avis n° 374 (2001-2002) de M. Hubert Haenel au nom de la commission des Finances - p. 22.

* 13 Soit 96,6 sur 259,2 millions d'euros globalement utilisables.

* 14 Au 31 juillet 2003, sur les 19,8 millions d'euros de crédits de paiement provisionnés en 1999 et 2000 seulement 116.357 euros ont été consommés soit moins de 1 %.

* 15 ACCORD (application coordonnée de comptabilisation d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'Etat) désigne une nouvelle application informatique comptable et de gestion.

* 16 La constitution d'une réserve de précaution a été demandée par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (courrier en date du 3 février 2003). Pour le ministère de la justice, elle s'élève à 53,8 millions d'euros en autorisations de programme et 74,64 millions d'euros en crédits de paiement.

* 17 Rapport n° 35 (Sénat, 2003-2004) de M. Philipe Marini au nom de la commission des finances sur la loi de règlement définitif du budget de 2002.

* 18 Le schéma directeur établi en 1997 avait estimé à 100.000 mètres carrés (hors oeuvre) les besoins en surfaces.

* 19 L'AMOTJ devrait assurer la gestion des moyens de cet établissement, une subvention est d'ailleurs inscrite à cet effet pour financer notamment la création de trois emplois supplémentaires.

* 20 Par référence au traitement brut annuel moyen d'un magistrat du second grade se situant à l'indice majoré 535.

* 21 En juillet 2002, la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice avait préconisé de créer des « juges de paix délégués placés sous la houlette des juges d'instance ». Dans le même esprit, notre collègue M. Pierre Fauchon, rapporteur de la mission d'information sur les moyens de la justice en 1996 et de la loi statutaire du 26 février 2003 relative aux juges de proximité avait marqué sa préférence pour un dispositif assez similaire mais plus radical consistant à transformer en profondeur la justice d'instance et à la renforcer par des équipes de magistrats non professionnels (voir rapport n° 404 (Sénat, 2001-2002)).

* 22 Des crédits supplémentaires sont en outre alloués par le projet de budget 2004 à l'ENM au titre de la formation des juges de proximité (voir supra).

* 23 Voir le décret en Conseil d'Etat n° 2003-438 du 15 mai 2003 relatif à la formation initiale préalable à l'entrée en fonction des futurs juges de proximité, aux modalités de leur rémunération, complété par un arrêté du même jour et le décret en Conseil d'Etat n° 2003-542 du 23 juin 2003 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions de proximité.

* 24 Sur 1.200 dossiers transmis par les cours d'appel.

* 25 Parmi lesquels 6 ont été soumis à la formation théorique uniquement.

* 26 Voir le 3° de l'article 41-17 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature issu d'un amendement de M. Pierre Fauchon (au nom de la commission des Lois).

* 27 Les cours d'appel de Paris et Versailles ont fourni le plus grand nombre de candidats.

* 28 Fin octobre dernier, l'Association nationale des juges d'instance a adressé au garde des sceaux une motion signée par près de 180 magistrats pour protester contre cette situation.

* 29 Par exemple, dans le cas d'un accident de la route avec refus de priorité, le juge d'instance statue sur la contravention principale, mais doit se déclarer incompétent pour la contravention connexe sur laquelle il doit statuer en qualité de juge de proximité.

* 30 Ce taux varie toutefois selon le grade de l'agent entre 18,6 % et 21,45 %.

* 31 Les greffiers exerçant actuellement des fonctions de gestion susceptibles d'être transférées aux secrétaires administratifs demeureront dans leurs postes jusqu'à la date d'entrée en vigueur du futur décret. Ils seront remplacés au fur et à mesure par les nouvelles recrues.

* 32 Rapport précité p. 80.

* 33 A cet égard, on note une progression des modes de comparution rapide devant les juridictions pénales : la procédure de comparution immédiate enregistrant une hausse de 20 % par rapport à 2001, les affaires faisant l'objet d'une convocation par officier de police judiciaire continuant de croître.

* 34 L'instauration d'un appel des décisions des cours d'assises introduite par la loi du 15 juin 2000 précitée est entrée en vigueur depuis deux ans seulement.

* 35 Pour le recrutement d'assistants spécialisés pour les pôles de santé publique et les pôles de lutte contre la grande criminalité.

* 36 Note relative à la stratégie ministérielle de réforme du ministère de la justice publiée en octobre 2003.

* 37 Voir supra - décret du 30 mai 2003.

* 38 Rapport n° 345 précité (Sénat, 2002-2003) - p. 64.

* 39 Notamment 39  commissions électorales, 34 commissions d'inscription et de qualification et de jurys de concours, 17 commissions à caractère économique et fiscal et 4 commissions compétentes en matière d'aide aux rapatriés.

* 40 Entre 1989 et 2003, le nombre de magistrats affectés dans les cours administratives s'est fortement accru, passant de 50 à 198.

* 41 Cette loi organique doit entrer en vigueur à compter de la loi de finances pour 2006 appelée à être examinée selon de nouvelles règles budgétaires. D'ici là, l'architecture budgétaire doit connaître des avancées (définition des missions, programmes et actions au 31 décembre 2003, adoption de nouvelles normes comptables au premier trimestre 2004).

* 42 Conduite du ministère et administration commune, rendre la justice dans le domaine judiciaire, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, rendre la justice administrative, accès au droit et à la justice, autorités administratives.

* 43 Lequel a permis un versement mensuel des indemnités.

* 44 Cette dénomination peu appropriée à l'activité des magistrats judiciaires a été reprise de celle employée pour le Conseil d'Etat et la Cour des comptes.

* 45 Voir décret n° 2002-31 du 7 janvier 2002 complété par un arrêté du même jour.

* 46 Qui représente plus de 80 % des indemnités perçues.

* 47 En 2002, 95 associations ont réalisé près de 38.900 enquêtes rapides (+14 % par rapport à 2001), plus de 4.000 enquêtes de personnalité (+10 %) et près de 8.950 mesures de contrôle judiciaire (+8 %).

* 48 Rapport d'enquête sur le financement des associations socio-judiciaires intervenant dans le champ pré-sentenciel.

* 49 Le projet de budget transfère les dotations prévues au titre des subventions (3 millions d'euros) sur celui des frais de justice, lequel est abondé par une mesure nouvelle (3,5 millions d'euros).

* 50 Une enveloppe de 212.684 euros a été obtenue dans le cadre de la loi de finances pour 2003 au profit des greffiers en chef, une autre à hauteur de près de 305.000 euros pour les greffiers.

* 51 390 emplois de greffiers pourraient être concernés.

* 52 Sont concernés les emplois suivants : au sein de la Cour de cassation : le premier président, le procureur général, les présidents de chambre, les avocats généraux, les doyens de chambre et les substituts chargés du secrétariat général, dans les cours d'appel : les chefs de cour et les substituts chargés du secrétariat général, les chefs des 12 tribunaux de grande instance les plus importants et le directeur de l'ENG.

* 53 Voir décret du 19 avril 2002. Ces postes sont susceptibles d'être occupés par des attachés principaux.

* 54 Sont toutefois exclues de cette dotation globale : les dépenses informatiques et d'action sociale, les réparations civiles, les crédits versés au titre de l'aide juridictionnelle, les dépenses de subvention et les dépenses d'investissement correspondant aux opérations non déconcentrées.

* 55 Le volume de la dépense au titre des frais de justice qui résultent de facteurs extérieurs (nombre des affaires, recours à de nouveaux moyens de preuve, évolutions législatives) rend toute évaluation aléatoire, ce qui explique leur caractère évaluatif et rend leur maîtrise difficile.

* 56 Cette expérimentation ne fait qu'anticiper sur une règle prévue par la réforme proposée par la loi organique relative aux lois de finances qui doit entrer en application en 2006.

* 57 L'engagement des frais de justice dépend de nombreux intervenants : officiers de police judiciaire, magistrats du siège et du parquet. La nature de cette dépense apparaît souvent difficilement compatible avec les règles de gestion habituelle, notamment en raison de son caractère urgent par exemple dans le cadre d'une enquête de flagrance.

* 58 Actuellement, les préfets ont cette qualité.

* 59 Voir avis n° 73-Tome IV (Sénat, 2002-2003) de M. Christian Cointat au nom de la commission des Lois sur les crédits consacrés aux services généraux de la justice par la loi de finances pour 2003.

* 60 La part restante finance les honoraires des avoués, des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, des huissiers, des experts, des enquêteurs et des médiateurs.

* 61 Ce montant est toutefois susceptible d'être majoré pour chaque barreau en fonction du volume des missions effectuées au titre de l'aide juridictionnelle l'année précédente au regard du nombre d'avocats inscrits. En 2003, le montant prévisionnel moyen de l'unité de valeur s'élève à 21,95 euros.

* 62 Qui comprenait une revalorisation du barème des procédures concernant sept domaines contentieux particulièrement importants (divorce et autres instances devant le juge aux affaires familiales, assistance éducative, reconduite à la frontière, baux d'habitation, difficultés d'exécution devant le juge de l'exécution, contentieux devant les conseils de prud'hommes, procédure correctionnelle de première instance).

* 63 Apparue au milieu des années 70, la protection d'assurance juridique consiste en la prise en charge par un assureur des frais de procédure susceptibles de résulter d'un contentieux supportés par le particulier, moyennant le versement d'une prime.

* 64 Bien que 450 dossiers aient été envoyés à différentes sociétés d'assurance, seules deux compagnies dont les contrats ne répondaient pas de manière satisfaisante aux critères de qualité exigés par le barreau de Paris (étendue de la couverture, respect du principe du libre choix de l'avocat, respect du secret professionnel) ont concouru.

* 65 Circulaire du 6 juin 2003.

* 66 L'exclusion de cette prestation résulte d'un arrêt du Conseil d'Etat du 18 décembre 2002 (Mme Duvignières) qui a considéré que l'attribution à une famille de l'aide personnalisée au logement ou de l'allocation de logement familiale dépendait essentiellement du régime de propriété du logement et qu'une différence de traitement entre les deux régimes paraissait manifestement disproportionnée méconnaissant le principe d'égalité entre les allocataires de l'aide personnalisée au logement.

* 67 En année pleine, il devrait avoisiner 4,5 millions d'euros.

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