TROISIÈME PARTIE - LES SERVICES CHARGÉS DE L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE

Deux récentes commissions d'enquête du Sénat ont consacré de remarquables travaux aux services chargés de l'exécution des décisions de justice : - l'une, en 2000, sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France 56 ( * )
- et l'autre, en 2002, sur la délinquance des mineurs 57 ( * ) .

L'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse font l'objet, dans ce projet de loi, d'une attention toute particulière, tant au niveau de la réforme de leurs procédures et de leurs modes d'organisation (sans que ces réformes aient toujours un impact budgétaire), que des moyens alloués sur les cinq prochaines années, qui sont tout à fait considérables . Votre rapporteur pour avis, qui a participé aux travaux de ces deux commissions d'enquête, a été attentif aux efforts programmés pour ces deux secteurs dans le présent projet de loi.

I. APPORTER DES SOLUTIONS CONCRÈTES À LA SITUATION ALARMANTE DES PRISONS FRANÇAISES

La conception séculaire selon laquelle « dépenser pour les prisons, c'est toujours dépenser trop » a vécu. La prison a besoin de ressources pour assurer ses missions fondamentales : incarcérer une personne (dans de bonnes conditions) et préparer sa réinsertion dans la société.

Les moyens prévus par le présent projet de loi, pour permettre à la prison de remplir ses missions, sont considérables.

S'agissant des emplois budgétaires, 3.740 sont programmés sur les cinq prochaines années, dont :
- 3.190 au titre du « développement de l'effectivité de la réponse pénale » (objectif n° 2 du rapport annexé), c'est-à-dire pour l'ouverture de nouveaux établissements et pour l'amélioration du fonctionnement des services existants ;
- 550 afin de « traiter plus efficacement la délinquance des mineurs » (objectif n° 3), c'est-à-dire pour accompagner l'augmentation de la capacité des quartiers mineurs et pour les futurs établissements pénitentiaires spécifiquement dédiés aux mineurs.

Pour mémoire, la précédente loi de programme avait prévu quelques 3.920 emplois budgétaires pour l'administration pénitentiaire (mais seuls 1802 avaient été créés).

Le coût en année pleine de ces emplois sera de 114 millions d'euros .

En crédits cumulés sur les cinq prochaines années, 801 millions d'euros sont programmés en dépenses ordinaires, 656 millions d'euros en crédits de paiement ainsi que 1.313 millions d'euros en autorisations de programme.

Pour mémoire, la précédente loi de programme avait prévu quelques 460 millions d'euros en autorisations de programme, l'effort programmé est donc presque triplé sur 2003-2007.

Ces autorisations de programme sont destinées au programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires, à la sécurisation des établissements pénitentiaires, aux quartiers mineurs, aux établissements pour mineurs, et à l'amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus. Elles ne couvrent pas le champ de tous les besoins à satisfaire qui devront faire l'objet d'attribution d'autorisations de programme supplémentaires : complément de financement des opérations de construction engagées, rénovation des cinq grandes maisons d'arrêt, maintenance lourde sur le parc pénitentiaire.

A. RELEVER LE DÉFI DE LA SURPOPULATION CARCÉRALE

La commission d'enquête du Sénat avait brossé un tableau édifiant de la situation des prisons françaises. Votre rapporteur vous renvoie à la lecture de son excellent rapport.

1. La population carcérale, des évolutions inquiétantes

La situation de la population carcérale n'a cessé de se dégrader depuis le mois de janvier 2002. Les flux nets d'entrée en détention sont de l'ordre de 1.000 détenus supplémentaires par mois depuis le début de l'année 2002.

Au 1 er juillet 2002, la population pénitentiaire s'établissait à 56.385 personnes 58 ( * ) (+ 13,4 % depuis le 1 er juillet 2001) pour un peu moins de 47.500 places disponibles.

La récente politique de sévérité à l'égard des délinquants n'est peut-être pas étrangère à ce creusement de l'écart entre le nombre de détenus et de places. Certes, il n'entre pas dans les obligations du magistrat, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, de s'assurer des places disponibles en prison au moment de la condamnation, mais votre rapporteur pour avis applaudit au développement des relations entre les responsables pénitentiaires et les magistrats 59 ( * ) .

a) La question du déficit de places se pose avec acuité

Le déficit de places (de l'ordre de 9.000 au total) entraîne des taux d'occupation souvent supérieurs à 100 % (135 % dans les maisons d'arrêt). Cette situation de surpopulation dégrade les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Même les bâtiments en souffrent, puisque leur dégradation s'accélère sous la pression de la surpopulation.

Il faut en outre rappeler que certains établissements sont dans un état de vétusté inquiétant. La commission d'enquête du Sénat avait rappelé que sur 187 établissements, 109 (trois sur cinq en moyenne) avaient été construits avant 1920 dont 23 (un sur cinq en moyenne), qui accueillent encore actuellement 2.800 détenus, avant 1830. Elle avait également recensé 45 établissements localisés dans d'anciens couvents ou casernes désaffectés.

b) Un déficit de places qui touche aussi les quartiers mineurs

Le nombre de mineurs incarcérés a augmenté de façon constante depuis une dizaine d'année. En faisant ce constat, la commission d'enquête du Sénat sur les prisons avait déploré, qu'en dépit de l'augmentation des moyens humains et financiers dégagés depuis 1995 pour améliorer les conditions de détention des mineurs, celles-ci soient restées le plus souvent déplorables.

Aujourd'hui les 850 places de détention pour mineurs disponibles sont occupées par 1.000 mineurs 60 ( * ) . Au 1 er juillet 2002, ils étaient 910.

La Chancellerie reconnaît, dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur, que les mineurs incarcérés « sont soumis à des conditions de détention très inégales selon les régions. Certains quartiers connaissent des taux de sur-occupation très importants qui rendent inopérante toute action d'insertion ». En outre, comme l'avait souligné la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, l'étanchéité entre ces quartiers mineurs et les autres parties des maisons d'arrêt anciennes est « loin d'être parfaite ».

* 56 M. Jean-Jacques Hyest, Président, M. Guy-Pierre Cabanel, Rapporteur, « Prisons : une humiliation pour la République », Rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, n° 449 (1999-2000).

* 57 M. Jean-Pierre Schosteck, Président, M. Jean-Claude Carle, Rapporteur, « Délinquance des mineurs - La République en quête de respect », Rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, n° 340 (2001-2002).

* 58 Dont 3,6 % de femmes (2.000) et 1,6 % de mineurs (900).

* 59 Les états statistiques des établissements sont désormais transmis aux parquets et aux préfets et des conférences sur les sujets pénitentiaires devraient se développer.

* 60 Selon les chiffres recueillis par la commission d'enquête précitée sur la délinquance des mineurs, 80 % des mineurs incarcérés le sont au titre de la détention provisoire et le plus souvent pour une durée très brève.

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