IV. Directives relatives à la protection contre les rayonnements ionisants

Directive 90/641/Euratom du Conseil du 4 décembre 1990
concernant la protection opérationnelle des travailleurs extérieurs
exposés à un risque de rayonnements ionisants
au cours de leur intervention en zone contrôle (7° du I de l'article premier)

Directive n° 96/29/Euratom du Conseil du 13 mai 1996
fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population
et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants (18° du I de l'article premier)

Directive n° 97/43/Euratom du Conseil du 30 juin 1997
relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers
des rayonnements ionisants lors d'expositions à des fins médicales,
remplaçant la directive 84/466/Euratom (21° du I de l'article premier)

1. Contenu des directives

La directive 90/641/Euratom du 4 décembre 1990 vise à étendre aux travailleurs " extérieurs " le dispositif de protection spécifique contre les radiations ionisantes applicable aux travailleurs des entreprises issu de la directive 80/836/Euratom. La date limite de transposition était fixée au 31 décembre 1993.

La notion de travailleur extérieur recouvre en fait diverses catégories de personnes appelées à intervenir dans des sites exposés à des rayonnements ionisants :

- les travailleurs présents à titre temporaire dans l'entreprise (salariés en mission d'intérim, stagiaires, apprentis) ;

- les travailleurs relevant d'un contrat de sous-traitance ;

- les travailleurs indépendants (experts, médecins) présents pour le compte de l'entreprise.

La directive pose le principe que les travailleurs " extérieurs " doivent bénéficier d'une protection équivalente à celle des travailleurs employés à titre permanent par l'exploitant.

A cet effet, l'exploitant doit s'assurer du respect des principes généraux en matière de radioprotection (cf. directive 96/29/Euratom ci-après ) et des limitations de dose.

A cet effet, chaque travailleur extérieur doit faire l'objet d'une visite médicale d'aptitude, bénéficier d'une formation, disposer des équipements nécessaires de protection individuelle et bénéficier d'une surveillance individuelle d'exposition.

La mise en oeuvre de la protection nécessite de prévoir un système de " proratisation " des doses. La dose minimale d'exposition admise pour une personne extérieure est calculée à proportion de sa présence dans l'installation. En cas de présence successive chez des exploitants différents, les doses doivent être cumulées, ce qui nécessite un suivi particulier.

La directive 96/29/Euratom du 13 mai 1996 met en place un dispositif global en matière de protection des personnes, et notamment des travailleurs, salariés ou non, contre les dangers des rayonnements ionisants. La transposition de cette directive devait intervenir au plus tard le 13 mai 2000.

Le champ de la population concernée est entendu le plus largement possible. Il s'agit non seulement des travailleurs exposés au risque radioactif mais également des apprentis, des étudiants et des personnes du public.

La directive pose les trois principes de base applicables à tout système de protection radiologique :

- le principe de justification : l'utilisation de rayonnements ionisants doit être justifiée par des avantages économiques, sociaux ou autres par rapport aux dommages sanitaires qu'ils sont susceptibles de provoquer ;

- le principe d'optimisation : toutes les expositions doivent être maintenues au niveau le plus faible raisonnablement possible, compte tenu des facteurs économiques et sociaux ;

- le principe de limitation des doses : la somme des doses reçues par une même personne ne doit pas dépasser certaines limites.

Compte tenu de l'évolution des connaissances scientifiques en matière de radioprotection, la directive fixe la limite maximale de dose pour les travailleurs exposés à 100 millisieverts 10 ( * ) sur cinq années consécutives à condition de ne pas dépasser 50 millisieverts par an.

La directive prévoit par ailleurs que pour assurer le respect des normes de base, les Etats membres sont tenus de soumettre les " pratiques " (notamment la production, le traitement, la manipulation, l'emploi, la détention, le stockage, le transport, l'importation, l'exportation et l'élimination de substances radioactives) présentant un risque de rayonnement ionisant à un régime de déclaration et d'autorisation préalable.

Corollaire du principe d'optimisation, la directive interdit l'addition de substances radioactives dans la production de denrées alimentaires, de jouets, de parures et de produits cosmétiques.

La directive reprend également les principes fondamentaux applicables en matière de protection opérationnelle des travailleurs exposés, les règles de mise en oeuvre de la radioprotection pour la population en situation normale et les modalités d'intervention en cas d'urgence ; sur ces points toutefois la directive ne modifie pas sensiblement les dispositions déjà prévues dans les directives antérieures et déjà appliquées en France.

La directive 97/43/Euratom du 30 juin 1997 porte spécifiquement sur la protection contre les rayonnements ionisants utilisés à des fins médicales. Cette directive devait être transposée en droit français au plus tard le 13 mai 2000.

La directive explicite tout d'abord le contenu des principes de justification et d'optimisation s'agissant des expositions à des fins médicales.

Selon le principe de justification, les avantages diagnostiques ou thérapeutiques potentiels doivent présenter un avantage net suffisant par rapport au préjudice individuel qu'une exposition pourrait provoquer, en tenant de l'efficacité des avantages et des risques d'autres techniques disponibles.

Selon le principe d'optimisation, les expositions à des fins radiologiques doivent être au niveau le plus faible raisonnablement possible pour permettre l'information diagnostique requise et les expositions à des fins radiothérapeutiques doivent être au niveau le plus faible pour les organes et tissus autres que ceux visés par le traitement et conformes aux fins radiothérapeutiques de l'exposition. Le principe d'optimisation est également applicable pour chaque projet de recherche biomédicale et médicale.

La directive précise également que toute exposition à des fins médicales doit être effectuée sous la responsabilité médicale d'un praticien, que des protocoles doivent être établis pour chaque équipement.

La directive demande que les Etats membres veillent à ce que les praticiens et les personnels médicaux reçoivent une formation théorique et pratique appropriée aux fins des pratiques radiologiques et soient dûment compétents en matière de radioprotection.

La transposition de cette directive devait être effectuée avant le 13 mai 2000.

2. Etat de la transposition

Pour chacune des trois directives, la date limite de transposition est aujourd'hui expirée . Le retard le plus important est constaté pour la directive 90/461/Euratom relative aux travailleurs extérieurs qui aurait dû être transposée au plus tard le 31 décembre 1993 . Un pré-contentieux (avis motivé pour défaut de transposition fondé sur l'article 226 du Traité) est en cours avec la commission.

Les directives 96/29 Euratom et 97/43 Euratom devaient être rendues applicables au 13 mai 2000 : la France a reçu une lettre de mise en demeure de la Commission européenne en date du 28 juillet 2000 l'avisant de la " mauvaise transposition " de la directive 96/29/Euratom. La lettre motivée constitue une phase précontentieuse avant un avis motivé de la Commission pouvant conduire à la saisine de la Cour de Justice des Communautés européennes .

De fait, le retard de la France est largement imputable aux difficultés de gestion par le Gouvernement d'un calendrier parlementaire chargé.

En effet, dès 1996, la Direction générale de la santé a mis en place un " comité de transposition ", en liaison notamment avec la Direction du travail du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Les travaux de ce comité ont conduit à l'élaboration de propositions de modifications législatives et réglementaires. Les modifications législatives ont été intégrées dans le projet de loi n° 2386 (XI ème Législature - AN) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social , déposé le 10 mai 2000, mais qui n'a finalement jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Le retard actuel explique donc le choix du Gouvernement d'édicter par ordonnance les dispositions requises par la transposition.

Les dispositions prévues dans le projet de loi précité visaient à modifier le code de la santé publique et le code du travail afin d'inscrire dans la loi divers principes prescrits dans les directives.

Les textes actuels renvoient en effet largement au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d'exercice des activités faisant appel à l'usage des rayonnements ionisants.

Concernant la santé publique , les dispositions relatives à la radioprotection étaient éparses dans l'ancienne rédaction du code : les articles L. 44-1 à L. 44-4 relatifs aux radiations ionisantes regroupaient les dispositions concernant les installations de radiothérapie ; les articles L. 631 à L. 640 comprenaient diverses dispositions relatives aux radioéléments artificiels -c'est-à-dire à tout radioélément obtenu par synthèse ou fission nucléaire- concernant notamment leur préparation ou leurs conditions d'utilisation. Dans la nouvelle rédaction du code de la santé publique mise en vigueur par l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 11 ( * ) , l'ensemble des dispositions précitées sont judicieusement regroupées sous un chapitre unique aux articles L. 1333-1 à L. 1333-12.

La transposition des directives communautaires devrait enrichir le contenu de la partie législative du code en matière de rayonnement ionisant.

Si l'on se réfère au contenu du texte présenté par le Gouvernement (articles 34 à 36 du projet de loi) dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social -que le Gouvernement peut modifier lors de la préparation des ordonnances 12 ( * ) - les principales innovations pourraient être les suivantes :

- les principes de justification , d'optimisation et de limitation seraient inscrits clairement au niveau législatif ;

- le régime d'autorisation et de déclaration serait unifié pour toutes les activités nucléaires : en conséquence, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) rentrerait dans le droit commun : actuellement, il est prévu que la préparation, l'importation ou l'exportation de radioéléments artificiels, sous quelque forme que ce soit, ne peuvent être effectuées que par le CEA ou les personnes physiques et morales spécialement autorisées à cet effet après avis d'une commission interministérielle (art. L. 1333-5 du code de la santé publique) . Le CEA bénéficie donc d'un régime dérogatoire reconnu par le législateur auquel il serait donc mis fin ;

- il serait prévu une interdiction générale de l'utilisation des substances radioactives lorsque leur utilité n'est pas démontrée : le texte du projet de loi prévoit ainsi, en application du principe d'optimisation, que certaines activités ou certaines substances exposant des personnes à des rayonnements ionisants peuvent, " en raison du peu d'avantages qu'ils procurent ou de l'importance de leur effet nocif " , être interdits ou réglementés par décret en Conseil d'Etat. Le décret en question permettra d'interdire l'usage de substances radioactives dans les jouets, les parures et les cosmétiques comme prescrit par les directives 13 ( * ) . La rédaction adoptée couvre un champ plus large que la directive, ce qui facilitera d'éventuelles adaptations sur le plan réglementaire ;

- enfin, le principe de responsabilité sera réaffirmé en ce qui concerne la déclaration des accidents, les mesures d'information et de protection des personnes ainsi que les mesures de surveillance de l'exposition.

S'agissant de la transposition de la directive 96/29/Euratom dans le domaine médical, il est à noter qu'une disposition législative prévoira expressément l'obligation de formation des professionnels.

Sur le plan réglementaire , il devra être procédé à une mise à jour des normes maximales d'émission fixées par le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 modifié relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants. Actuellement, la France prévoit que la dose maximale admissible est fixée à 50 millisievert par an pour les travailleurs exposés et à 5 millisievert par an pour " les personnes du public ". Ces valeurs doivent être abaissées, selon la directive, à 100 millisievert sur cinq ans pour les travailleurs exposés et 5 millisievert sur cinq ans pour la population en général, les expositions pouvant donner lieu à compensation d'une année sur l'autre.

La France devrait faire usage de la faculté qui est ouverte par la directive aux Etats membres d'adopter des limites de dose plus strictes : elle ne prévoirait pas de compensation d'une année sur l'autre et imposerait une dose annuelle maximale de 20 millisievert pour les travailleurs exposés et de 1 millisievert pour le public, qui serait donc parfaitement conforme au cadre fixé par la directive.

Pour ce qui concerne le code du travail , la protection contre les rayonnements ionisants devrait faire l'objet de dispositions à part entière dans la partie législative dudit code -ce qui n'est pas le cas actuellement.

En effet, les dispositions applicables aux travailleurs concernés par une exposition à des rayonnements ionisants résultent principalement du décret n° 66-450 du 20 juin 1966 susvisé ainsi que du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants (qui comprend notamment un titre particulier relatif aux établissements où sont exercés la médecine ou l'art dentaire).

Dans sa partie législative, le code du travail ne comprend donc qu'une seule disposition très générale, à l'article L. 231, qui dispose que sont fixées par voie réglementaire les mesures générales de protection et de salubrité applicables à tous les établissements ainsi que les prescriptions particulières relatives, soit à certaines professions, soit à certains modes de travail.

Le projet de loi susvisé portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social (articles 7 à 9) prévoit donc de modifier le code du travail.

Tout d'abord une disposition particulière serait prévue pour renforcer la protection des travailleurs précaires exposés aux rayonnements ionisants en mettant en application le " principe de proratisation ".

Pour les salariés employés sous contrat à durée déterminée (CDD) ou liés par un contrat de travail temporaire (interim), l'exposition ne pourra excéder un seuil égal à la dose maximale annuelle " rapportée à la durée du contrat " . En cas de dépassement de la dose, l'employeur est tenu de proposer une prorogation du contrat (CDD) ou de plusieurs contrats (interim) jusqu'à ce que la dose devienne conforme à la valeur limite annuelle d'exposition.

Par ailleurs, s'agissant de la protection des travailleurs, il sera opéré un renvoi aux articles du code de la santé publique qui mentionneront et définiront le contenu des principes de justification, d'optimisation et de limitation.

Les décrets concernant les valeurs limites d'exposition, les références d'exposition et les niveaux applicables auront désormais un support législatif mieux affirmé.

Enfin, la protection des personnes contre les rayonnements ionisants fera partie de la liste des actions de formation continue prévues à l'article L. 900-2 du code du travail.

La mise en oeuvre des directives et la fixation des nouveaux seuils d'exposition ont fait l'objet d'une large information des intéressés pendant la période de transposition. Les exploitants concernés ont donc été mis à même d'anticiper sur les nouvelles normes à appliquer en matière de surveillance.

Les propositions de modification ont fait l'objet d'une concertation : elles ont reçu un avis favorable du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels 14 ( * ) ainsi que de la commission nationale d'hygiène et de sécurité du travail en agriculture.

* 10 Le sievert (Sv) est le nom de l'unité de dose efficace. La dose efficace est égale à la somme des doses équivalentes pondérées délivrées aux différents tissus et organes du corps. Un sievert (Sv) équivaut à un joule par kilogramme.

* 11 Annexe au JO n° 143 du jeudi 22 juin 2000.

* 12 En tout état de cause, les références législatives devront être rectifiées pour tenir compte de la promulgation du nouveau code de la santé publique.

* 13 D'ores et déjà la loi interdit l'addition de radioéléments artificiels ou de produits en contenant aux aliments ou aux produits cosmétiques (art. L. 1333-8 du nouveau code de la santé publique).

* 14 Composé de 14 représentants de l'Etat, 10 représentants des salariés, 10 représentants des employeurs et 15 personnalités qualifiées.

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