III. Directives relatives à la protection des travailleurs

Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989
concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir
l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail
(4° du I de l'article premier)

1. Présentation de la directive

Le Conseil des Communautés européennes a arrêté le 12 juin 1989 une directive (89/391/CEE) concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

Cette directive constitue le texte communautaire fondateur des principes généraux de la santé et de la sécurité au travail dans les Etats-membres de l'Union européenne. Elle forme le socle d'une douzaine de directives à vocation plus technique. Elle énonce tout particulièrement les règles générales qui doivent guider l'action de l'employeur (évaluation a priori des risques, information et consultation des travailleurs sur l'introduction de nouvelles technologies, formation appropriée des travailleurs, surveillance de la santé...).

2. Etat de la transposition

Le code du travail comprend déjà de nombreuses dispositions relatives à l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

Le titre troisième du livre II du code du travail est entièrement consacré à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail.

On observe que de nombreux articles de ce titre ont été intégrés, modifiés ou complétés à l'occasion de l'adoption des lois n° 76-11106 du 6 décembre 1976 relative à la prévention des accidents du travail et n° 82-957 du 19 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs .

La transcription de cette directive en droit français devait être opérée avant le 31 décembre 1992. A cet effet, le Parlement a adopté le 31 décembre 1991 la loi n° 91-1414 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail .

Le titre premier de cette loi était plus particulièrement consacré à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, alors que le titre III modifiait les dispositions relatives aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

La commission européenne a adressé à la France le 4 mars 1997 une mise en demeure demandant une transposition complémentaire sur un certain nombre de points.

Aujourd'hui, deux dispositions restent à transcrire. Il s'agit, d'une part, de prévoir une obligation pour l'employeur de " faire en sorte que la planification et l'introduction de nouvelles technologies fassent l'objet de consultations avec les travailleurs et/ou leurs représentants en ce qui concerne les conséquences sur la sécurité et la santé des travailleurs, liées au choix des équipements, à l'aménagement des conditions de travail et à l'impact des facteurs ambiants du travail " (article 6-3-c de la directive).

Il s'agit d'autre part de prévoir une formation appropriée pour " les représentants des travailleurs ayant une fonction spécifique dans la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs " (article 12-3 de la directive).

En l'absence d'une transcription rapide, la France pourrait se voir adresser un avis motivé de la part de la commission, dernière étape avant le recours devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE).

3. Dispositif envisagé

Afin de mettre un terme à cette situation, le Gouvernement avait prévu d'introduire, dans le code du travail, les dispositions demandées à l'occasion de l'examen du projet de loi n° 2386 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social .

Le chapitre II de ce projet de loi, intitulé " Formation des représentants des travailleurs ayant une fonction spécifique dans la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ", était composé de trois articles.

L'article 4 répondait à la première préoccupation de la Commission puisqu'il complétait l'article L. 230-2 du code du travail de manière à faire obligation au chef d'établissement de consulter les travailleurs ou leurs représentants sur le projet d'introduction de nouvelles technologies mentionnées à l'article L. 432-2, en ce qui concernait leurs conséquences sur la sécurité et la santé des travailleurs.

L'article 5 comblait une lacune puisqu'il complétait l'article L. 236-2 du code du travail afin de prévoir que dans les entreprises dépourvues de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués du personnel, et dans les entreprises dépourvues de délégués du personnel, les salariés étaient obligatoirement consultés sur les projets d'introduction de nouvelles technologies en ce qui concernait leurs conséquences sur la sécurité et la santé des travailleurs.

L'article 6 était plus particulièrement relatif à la seconde demande de la commission puisqu'il prévoyait que dans les établissements dépourvus de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans lesquels les délégués du personnel étaient investis des missions dévolues aux membres de ces structures, les délégués du personnel devaient bénéficier de la formation nécessaire à l'exercice de leurs missions dans les mêmes conditions que les représentants du personnel mentionnés au premier alinéa de l'article L. 236-10 du code du travail.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès des services du ministère de l'Emploi, l'habilitation à transcrire en droit français par la voie d'ordonnance la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 devrait se limiter à la reprise des trois articles techniques déjà contenus dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social .

Directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992
concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), à l'exception de son article 7 relatif au travail de nuit (14° du I de l'article premier)

1. Présentation de la directive

La directive du 19 octobre 1992 constitue la dixième " directive particulière " déclinant dans les domaines particuliers la " directive-cadre " n° 89-391 du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses au travail . Plus précisément, elle vise à appliquer, pour le cas particulier des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, le principe posé à l'article 15 de la directive du 12 juin 1989 qui prévoit que " les groupes à risques particulièrement sensibles doivent être protégés contre les dangers les affectant spécifiquement ".

La directive prévoit ainsi :

- l'aménagement provisoire des conditions de travail des salariées enceintes ou venant d'accoucher exposées à des risques pour leur santé ou leur sécurité ou, si cela n'est pas possible, un changement de poste temporaire. A défaut, la salariée est obligatoirement dispensée de travail pendant la période nécessaire pour la protection de sa sécurité ou de sa santé tout en continuant à percevoir sa rémunération ou à bénéficier d'une prestation adéquate. Elle doit donc bénéficier d'une garantie de ressources ;

- la mise en place d'un congé de maternité d'au moins quatorze semaines, dont au moins deux obligatoires ;

- une dispense de travail pour examens prénataux ;

- une interdiction de licenciement depuis le début de la grossesse jusqu'à la fin du congé de maternité ;

- une protection particulière des salariées travaillant la nuit (transfert vers un autre poste de jour ou dispense de travail), prévue à l'article 7 de la directive.

2. Etat de la transposition

Dans le droit français existant, la section V (" Protection de la maternité et éducation des enfants ") du chapitre II du titre II du livre premier du code du travail prévoit déjà un certain nombre de dispositions garantissant la sécurité des salariées enceintes ou venant d'accoucher : interdiction de licenciement, affectation temporaire à un autre emploi, autorisation d'absence pour examens médicaux, congé de maternité, priorité de réembauchage pour les femmes ayant résilié leur contrat de travail pour élever leur enfant, congé parental d'éducation, congé d'adoption, absence de délai-congé pour les femmes enceintes rompant leur contrat de travail.

En outre, le décret n° 96-364 du 30 avril 1996 relatif à la protection des travailleuses enceintes ou allaitant contre les risques résultant de leur exposition à des agents chimiques, biologiques et physiques prévoit une interdiction des femmes enceintes à l'exposition d'un certain nombre de risques au travail. Il vise à transposer l'article 6 de la directive du 19 octobre 1992.

Enfin, la circulaire n° 99-72 du 8 février 1999 relative à la situation des salariées enceintes dont l'exposition à certains risques, procédés ou conditions de travail incompatibles avec leur état de grossesse, conduit l'employeur à les dispenser de travail lorsque l'aménagement -ou le changement- du poste sur les conditions de travail est techniquement et objectivement impossible tend à répondre aux stipulations de l'article 5 de la directive.

La date limite de transposition de cette directive était le 24 novembre 1994.

La Commission européenne a transmis, en juillet 1999, un avis motivé pour non-transposition de cette directive. L'objet du litige est ici l'aménagement des conditions de travail en cas d'exposition des salariées à des risques pour leur sécurité ou leur santé.

En effet, bien que la France ait cherché à transposer cette directive par la circulaire du 8 février 1999, la Commission estime que le niveau de ce texte dans la hiérarchie des normes est insuffisant et souhaite que le droit à une dispense de travail rémunérée ou indemnisée soit instaurée par la loi.

Cette analyse apparaît fondée.

Il est clair que la rédaction actuelle de l'article L. 122-25-1 ne répond pas aux exigences de la directive. Si cet article prévoit effectivement une possibilité d'un aménagement temporaire des conditions de travail, il ne prévoit en revanche aucune possibilité de suspension du contrat de travail avec une garantie de rémunération.

Pour sa part, la circulaire du 8 février 1999 prévoit certes l'ouverture du droit aux indemnités journalières pour les salariées dispensées de poursuivre leur travail. Mais les conditions d'octroi des indemnités journalières d'assurance maladie sont définies, au niveau législatif, par l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. La circulaire n'est donc pas un support normatif adapté.

3. Dispositif envisagé

Le projet de loi d'habilitation autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances les dispositions législatives nécessaires à la transposition de cette directive à l'exception de son article 7 relatif au travail de nuit.

Sur ce point, il faut observer que le Gouvernement avait déposé un amendement sur la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes lors de son examen en première lecture par le Sénat le 4 octobre dernier. Cet amendement visait non seulement à poser un nouveau cadre légal pour le travail de nuit, mais aussi à prévoir une protection particulière des femmes enceintes, accouchées ou allaitantes travaillant de nuit, permettant la transposition de l'article 7 de la directive. Cet amendement n'a cependant pas été adopté et le Gouvernement a annoncé son intention de le redéposer lors de l'examen par l'Assemblée nationale de cette proposition de loi en seconde lecture.

Les articles 60 et 61 du projet de loi de modernisation sociale, déposé en mai dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale, visent à mettre en conformité le droit français avec cette directive européenne.

L'article 60 prévoit que les salariées enceintes, exposées à leur poste de travail à certains risques (définis par décret en Conseil d'Etat) incompatibles avec leur état de grossesse, voient leur contrat de travail suspendu lorsque l'employeur se trouve dans l'impossibilité de donner suite aux propositions de reclassement temporaire de la salariée exposée, faites par le médecin du travail. Elle bénéficie alors d'une garantie de rémunération versée pour partie par l'employeur.

L'article 61 vise à assimiler cette suspension du contrat de travail à une incapacité physique médicalement constatée de poursuivre le travail, pour leur ouvrir droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie jusqu'au début du congé légal de maternité.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces deux articles devraient constituer la trame du texte de la future ordonnance.

A cet égard, votre rapporteur tient à formuler trois observations.

En premier lieu, il est nécessaire d'étendre ces mesures non seulement aux femmes en état de grossesse médicalement constaté, mais aussi aux femmes allaitant, pour être en exacte conformité avec la directive.

En second lieu, les salariées agricoles doivent également bénéficier de ce nouveau régime, ce qui exige une modification du code rural, les salariées agricoles étant également visées par la directive.

Enfin, par souci de cohérence, l'ordonnance devra prendre en compte l'éventuelle nouvelle législation sur le travail de nuit des femmes et notamment les dispositions relatives au reclassement temporaire ou à la suspension temporaire du contrat de travail des femmes enceintes ou ayant accouché, travaillant la nuit.

Compte tenu de l'importance de ces observations, et en l'absence de tout complément d'information de la part du Gouvernement, votre commission estime que ces incertitudes sont suffisamment fortes pour ne pas autoriser le Gouvernement à transposer la directive du 19 octobre 1992 par voie d'ordonnances.

En conséquence, elle vous propose d'adopter un amendement de suppression de l'habilitation pour cette directive.

Directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994
relative à la protection des jeunes au travail (17° du I de l'article premier)

1. Présentation de la directive

Le Conseil de l'Union européenne a adopté le 22 juin 1994 la directive 94/33 relative à la protection des jeunes au travail .

Cette directive impose la mise en place d'un système de protection propre aux enfants et aux jeunes. Elle s'applique aux jeunes travailleurs, aux jeunes effectuant des formations ou des stages en entreprise, ainsi qu'aux enfants effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires. Elle prévoit une interdiction du travail de nuit pour les enfants de moins de 16 ans, un allongement de la période minimale de repos quotidien, la définition d'une pause de 30 minutes au-delà de toute période de 4 heures et demi de travail quotidien ainsi qu'un encadrement du travail des jeunes dans les entreprises familiales.

2. Etat de la transposition

Le code du travail comprend déjà de nombreuses dispositions relatives à la protection des jeunes au travail, notamment au titre premier du livre II. On peut citer le chapitre premier de ce titre premier qui définit l'âge d'admission des jeunes au travail, la section IV du chapitre II qui définit la durée du travail applicable aux jeunes travailleurs ou encore la section II du chapitre III qui précise les conditions du travail de nuit qui leur sont applicables.

Compte tenu du haut niveau des normes sociales françaises, les dispositions nécessitant une transposition en droit interne étaient peu nombreuses. Cinq points nécessitaient néanmoins des aménagements :

- la durée du travail des enfants effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires devait être ramenée de 39 à 35 heures hebdomadaires ;

- la période minimale de repos quotidien d'un enfant devait passer de 12 à 14 heures ;

- le repos hebdomadaire des jeunes travailleurs devait être porté à deux jours, si possible, consécutifs ;

- le travail de nuit des enfants devait être interdit de 20 heures à 6 heures au lieu de 22 heures à 6 heures ;

- il convenait d'introduire pour les jeunes travailleurs une pause obligatoire de 30 minutes au-delà de 4 heures et demi de travail quotidien.

La transposition de ces dispositions a pris du retard du fait du calendrier d'une part et des difficultés rencontrées par le Gouvernement pour trouver le support législatif adéquat.

L'Assemblée nationale a pris l'initiative de transcrire partiellement cette directive à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail , à travers un amendement déposé par M. Maxime Gremetz ayant pour objet de compléter l'article L. 212-13 du code du travail. Cet amendement prévoyait que les jeunes de moins de 18 ans qui accomplissent des stages d'initiation ou d'application en milieu professionnel dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire ne pouvaient être employés à un travail effectif excédant huit heures par jour ou la durée légale hebdomadaire du temps de travail.

Il précisait qu'il devait être tenu compte du temps consacré à la formation dans un établissement d'enseignement pour apprécier les dérogations qui pouvaient être appliquées aux jeunes au regard de ces durées maximales du travail.

Lors de l'examen du texte en première lecture, le Sénat avait décidé de supprimer cet article pour plusieurs raisons. Il avait tout d'abord constaté que cet article était " sans rapport avec l'objet du texte étudié 8 ( * ) " avant de remarquer que la transposition de la directive en droit français restait " très incomplète " à l'issue de l'adoption de cet amendement à l'Assemblée nationale.

Le Sénat a suivi l'opinion de sa commission des Affaires sociales qui proposait d'attendre la discussion du projet de loi annoncé par le ministre concernant la transposition d'un ensemble de directives relatives au secteur social. L'Assemblée nationale a confirmé sa position en deuxième lecture en adoptant un article 18 relatif aux jeunes au travail.

Cette transposition partielle de la directive ne pouvait satisfaire les autorités européennes.

Malgré le dépôt à l'Assemblée nationale, le 10 mai 2000, d'un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social qui comportait plusieurs articles relatifs à la transcription de cette directive, la France a été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) pour manquement. En l'absence de transcription rapide, une nouvelle condamnation pourrait intervenir comportant, cette fois, des astreintes.

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 18 mai 2000
Commission des Communautés européennes contre République française

Manquement d'Etat - Non-transposition de la directive 94/33CE
Affaire C-45/99

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 février 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas et, subsidiairement en ne lui communiquant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 94/33/CE du Conseil, du 22 juin 1994, relative à la protection des jeunes au travail (JO L. 216, p. 12, ci-après la " directive "), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE et de ladite directive.

2. L'article 17 de la directive dispose que les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 22 juin 1996 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, et qu'ils en informent immédiatement la commission.

3. N'ayant reçu du Gouvernement français aucune communication relative aux mesures de transposition de la directive dans l'ordre juridique français et ne disposant d'aucun autre élément d'information lui permettant de conclure que la République française avait adopté les dispositions nécessaires, la Commission a décidé d'engager à l'encontre de cet Etat membre la procédure prévue à l'article 169 du traité. Par lettre du 16 janvier 1997, la commission, après avoir rappelé à la République française les obligations résultant de la directive, l'a mise en demeure de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

4. Les autorités françaises ont répondu, le 13mars 1997, que la législation française en vigueur contenait déjà la plupart des dispositions normatives de la directive mais ont reconnu que cette législation devait encore être complétée pour assurer une transposition satisfaisante. Elles ont indiqué qu'un projet de loi comportant les dispositions nécessaires devrait être prochainement déposé au Parlement.

5. N'ayant reçu aucune autre communication relative à cette transposition, la commission a, par lettre du 12 janvier 1998, adressé un avis motivé à la République française. La commission y réitérait les observations figurant dans la lettre de mise en demeure et invitait la République française à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

6. Par lettre du 13 mars 1998, les autorités françaises ont répondu à l'avis motivé que la transposition de la directive dans l'ordre juridique interne était encore en cours. Dans ces conditions, la commission a décidé d'introduire le présent recours.

7. La République française ne conteste pas que sa législation doit être modifiée pour se conformer à la directive, tout en indiquant que la plupart des dispositions de cette dernière étaient déjà intégrées dans la législation interne en vigueur.

8. Dans ces conditions, il suffit de constater que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La commission ayant conclu à la condamnation de la République française aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

La Cour

(quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) En ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 94/33/CE du Conseil, du 22 juin 1994, relative à la protection des jeunes au travail, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2) La République française est condamnée aux dépens .

3. Dispositif envisagé

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès des services du ministère de l'emploi, l'ordonnance de transposition portant sur la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, devrait se limiter à la reprise du contenu des articles premier à 3 du projet de loi n° 2386 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social .

L'article premier du projet d'ordonnance permettrait de transposer les articles 1 et 2.1 de la directive en introduisant les dérogations prévues aux articles 4 et 2.2. autorisant les visites d'observation en entreprise ainsi que le travail familial si les travaux sont occasionnels ou de courte durée dans la mesure où ils ne sont ni nuisibles ni préjudiciables ou dangereux pour les jeunes. Comme cela était envisagé dans le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale, l'ordonnance pourrait proposer une nouvelle rédaction de l'article L. 211-1 du code du travail.

L'article 2 du projet d'ordonnance modifierait le régime de la durée du travail des enfants et des jeunes travailleurs. On peut observer que l'article L. 212-13 du code du travail est déjà conforme à l'article 8-a de la directive qui prévoit une limitation du travail des jeunes travailleurs et des jeunes de moins de dix-huit ans suivant un système de formation en alternance ou un stage en entreprise à 8 heures par jour et 40 heures par semaine. Le Gouvernement envisagerait donc d'aller plus loin en limitant à 7 heures par jour et à la durée légale hebdomadaire, soit 35 heures, la durée de travail des jeunes travailleurs et celle des jeunes de moins de 18 ans qui accomplissent des stages d'initiation ou d'application en milieu professionnel dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire.

La décision de réduire la durée maximale du travail des jeunes au-dessous du plafond fixé par la directive dépasse à l'évidence le cadre d'une transposition mécanique telle qu'on peut l'envisager dans le cadre du recours à une ordonnance. Ceci est d'autant plus vrai que cette décision s'inscrirait dans la logique de l'abaissement de la durée légale du travail hebdomadaire à 35 heures, initiée par la loi du 19 janvier 2000 et auquel le Sénat s'est opposé au motif, notamment, qu'il faisait fi de la négociation collective et du rôle des partenaires sociaux dans la définition des normes sociales. Il serait, dans ces conditions, pour le moins incongru que le Gouvernement introduise par ordonnance dans le code du travail, c'est-à-dire sans débat parlementaire, des dispositions relatives à la réduction du temps de travail à l'occasion de la transposition de cette directive, ceci alors même que les partenaires sociaux ne semblent pas avoir été consultés.

Votre commission pour avis rappelle à cet égard que le Conseil constitutionnel considère que l'article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement de se limiter aux dispositions ayant pour but la transposition des directives et les adaptations de la législation qui lui sont liées lors du recours aux ordonnances.

L'exposé des motifs du projet de loi fait d'ailleurs référence à ce principe puisqu'il précise qu'" est, en revanche, écartée du champ de l'habilitation la possibilité de prendre par ordonnances des mesures de grande ampleur, dépourvues de tout lien avec les dispositions transposées et de pure opportunité politique ". 9 ( * )

Dans ces conditions, votre commission pour avis souhaite que le Gouvernement, dans le cadre des ordonnances, se limite à adopter les dispositions nécessaires pour mettre le droit français en conformité avec les normes européennes sans chercher à modifier à cette occasion le code du travail de manière discrétionnaire.

Elle rappelle, par ailleurs, qu'elle est prête à examiner tout projet de loi que déposerait le Gouvernement tendant à améliorer les conditions de travail des jeunes travailleurs. Le débat parlementaire pourrait alors jouer utilement son rôle, c'est-à-dire éclairer les avantages et les inconvénients des dispositions proposées par le Gouvernement afin que ses choix politiques s'effectuent dans la transparence.

Outre la réécriture de l'article L. 212-13 du code du travail, l'article 2 de l'ordonnance devrait également modifier l'article L. 212-14 afin de préciser qu'une pause continue de 30 minutes est accordée aux jeunes travailleurs pour toute période de travail de quatre heures et demi, sans néanmoins reprendre la possibilité de fractionner la pause si besoin est, que prévoit la directive. Il devrait aussi modifier l'article L. 213-9 afin de prévoir un repos quotidien de quatorze heures consécutives si ces jeunes ont moins de seize ans.

L'article 3 du projet d'ordonnance devrait réécrire l'article L. 213-7 du code du travail relatif au travail de nuit des jeunes afin de tenir compte de plusieurs articles de la directive relatifs notamment aux stages professionnels (art. 9-1-b et 9-2-b de la directive). Le Gouvernement excluerait de transposer la possibilité de déroger au principe de l'interdiction absolue entre 0 et 4 heures, alors que cette dérogation est prévue pour certains secteurs (navigation, pêche, armée, police, hôpitaux, activités culturelles, artistiques, sportives ou publicitaires).

De même, le Gouvernement n'envisagerait pas d'introduire la possibilité de déroger au principe d'une durée minimale de repos de nuit des jeunes de 16 à 18 ans de 12 heures consécutives pourtant prévues par les articles 10-3 et 10-4 de la directive.

En définitive, il apparaît que sur plusieurs points, le projet d'ordonnance portant transposition de la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail ne devrait pas respecter le principe que s'est fixé votre commission d'habiliter le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour transposer " toute la directive et rien que la directive " . Tantôt le Gouvernement va au-delà des obligations prévues, tantôt il se situe en deçà en ne reprenant pas les dérogations possibles. Si le Gouvernement est dans son droit lorsqu'il ne reprend pas des dérogations prévues par la directive, il devrait néanmoins veiller à ne pas outrepasser le contenu de l'habilitation législative et donc à s'abstenir d'adopter par ordonnances des dispositions sans rapport direct avec l'ordonnance.

* 8 Rapport n° 30 (1999-2000) du 27 octobre 1999 au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, M. Louis Souvet, rapporteur, p. 325.

* 9 Projet de loi n° 473 du 29 juin 2000 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, p.5.

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