Avis n° 31 (2000-2001) de M. Ladislas PONIATOWSKI , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 18 octobre 2000

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N° 31

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer , par ordonnances , des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (Urgence déclarée),

Par M. Ladislas PONIATOWSKI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial, Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : 473 (1999-2000), 30 et 32 (2000-2001).

Union européenne .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 18 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Huchon, vice-président, la Commission des Affaires économiques a procédé, sur le rapport pour avis de M. Ladislas Poniatowski, à l'examen du projet de loi n° 473 (1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi examiné par la commission proposait d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances quelque 51 directives communautaires et une quinzaine d'autres textes : règlements, décisions ou articles du Traité. Le Gouvernement serait également autorisé, a-t-il précisé, à prendre par ordonnances des " mesures d'adaptation " requises par ces transpositions.

Le rapporteur pour avis a souligné que cette démarche, tout à fait exceptionnelle, était motivée par les retards de transposition accumulés par les Gouvernements successifs pour quelque 136 directives, source d'un important contentieux avec la Commission et la Cour de justice des communautés européennes. Il a estimé cette situation préjudiciable pour la France, actuellement présidente de l'Union.

Bien que globalement en accord avec la démarche proposée, il a tenu à relever trois singularités du projet de loi.

Le rapporteur pour avis a d'abord estimé inhabituelle l'ampleur de l'habilitation demandée au Parlement, relevant que la commission des affaires économiques était concernée par 32 directives, règlements ou autres mesures communautaires inclus au projet de loi .

Il a jugé que les trois précédents des années soixante dont le Gouvernement se prévalait étaient sans commune mesure avec le texte en discussion : à elles trois, les lois du 14 décembre 1964, du 6 juillet 1966 et du 24 décembre 1969, permettant la transposition par ordonnances de directives de mise en oeuvre du marché commun, n'ont débouché que sur sept ordonnances, de portée limitée.

Le rapporteur pour avis a jugé singulier, ensuite, le calendrier de discussion de ce projet de loi. Alors que le Gouvernement invoquait, notamment, la charge de travail pesant sur le Parlement qui rendrait " difficile, voire impossible " l'adoption des mesures législatives nécessaires, le rapporteur pour avis a fait valoir que le Parlement n'était pour rien dans les retards en cause. Il a précisé que le Sénat avait toujours instruit sans perte de temps les projets de loi liés à des exigences communautaires et qu'il avait même, pour la directive " Natura 2000 ", devancé les choses en adoptant, en juin 1998, une proposition de loi assurant cette transposition, à laquelle la ministre s'était opposée en évoquant l'imminence d'un projet de loi sur le sujet.

Le rapporteur pour avis a rappelé qu'à plusieurs reprises, le Sénat avait mis en garde le Gouvernement contre la lenteur avec laquelle il transposait des directives importantes : ainsi pour le projet de loi " gaz ", pour lequel aucune date de discussion n'était arrêtée, alors que la France est déjà mise en demeure pour avoir laissé passer la date limite du 10 août 2000.

Jugeant choquante l'utilisation de la procédure de l'urgence, il a dénoncé cette nouvelle méthode de discussion imposée par le Gouvernement, déjà qualifiée par M. Henri Revol, lors de la discussion du projet de loi " électricité ", et par MM. Gérard Larcher et Pierre Hérisson, pour la discussion du projet de loi " Nouvelles régulations économiques ", de l'" urgence lente ", qui consiste à laisser les retards s'accumuler pour pouvoir ensuite précipiter la discussion législative.

Enfin, le rapporteur pour avis a insisté sur l'étendue de l'autorisation demandée au Parlement. Sans se déclarer hostile à un " rattrapage " de transposition pour les textes techniques, il a considéré que le projet de loi mêlait transpositions pures et simples (ce qu'il a jugé normal vu son objet), des " adaptations " liées aux transpositions (à son sens acceptables) et des réformes du droit interne non requises par les textes communautaires, ce qui était, à son avis, moins légitime. Il a déclaré que l'insistance avec laquelle l'exposé des motifs du projet de loi affirmait le caractère " technique " ou " essentiellement technique " des mesures envisagées ne devait pas faire illusion, l'article 4 du projet de loi étant un exemple particulièrement significatif de l'étendue de l'habilitation demandée par le Gouvernement .

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, est ensuite entré dans le détail du projet de loi.

Pour nombre de directives et autres textes communautaires, il a jugé le recours à la procédure des ordonnances regrettable, mais envisageable. Renvoyant à son rapport écrit pour l'analyse de chaque directive, il a indiqué que :

- dans le secteur des télécommunications, les neuf directives du projet de loi concernaient notamment le coût du service universel des télécommunications, l'annuaire universel des télécommunications et le régime d'agrément des équipements terminaux, qui serait entièrement revu. Le Gouvernement s'apprêterait ainsi à réécrire onze pages du code des postes et télécommunications ;

- dans le domaine industriel, la transposition de deux directives, d'un règlement et deux articles du traité conduirait à l'introduction de la marque communautaire en droit national, ainsi qu'à la définition d'un nouveau régime de protection des dessins et modèles : dix pages seraient ajoutées au code de la propriété intellectuelle ;

- en matière environnementale : cinq directives et quatre règlements étaient concernés. Hormis " Natura 2000 ", les sujets traités étaient assez techniques : contrôle des produits chimiques et dangereux (directives dites " SEVESO ") ; autorisation de mise sur le marché des produits biocides (mesure susceptible d'entraîner une restructuration importante du secteur) ; contrôle des substances appauvrissant la couche d'ozone, -sujet sur lequel le rapporteur pour avis a indiqué proposer un amendement technique - ; liberté d'accès à l'information en matière environnementale ; régime des plans particuliers d'intervention. Le rapporteur pour avis a regretté que la transposition de la directive " biocides " ne donne pas lieu à un débat au Parlement ;

- pour l'agriculture et l'alimentation : un règlement et quatre directives étaient concernés par le projet d'habilitation, qui touchaient au secteur viti-vinicole, à l'ionisation, au contrôle des denrées alimentaires mais aussi à l'alimentation animale ;

- pour le droit de la consommation : quatre directives concernaient la protection des consommateurs, relatives aux clauses abusives, aux contrats à distance, aux actions en cessation, mais aussi à la publicité comparative.

Le rapporteur pour avis a jugé regrettable que le Parlement ne discute pas de la transposition de la directive sur la publicité comparative, en insistant sur l'impact juridique et économique de ce texte.

Il a jugé que le Parlement était mieux à même d'exprimer les inquiétudes des milieux professionnels concernés et de garantir l'équilibre du dispositif de transposition que les cabinets ou certaines administrations.

Ne voulant pas pratiquer d'obstruction systématique, le rapporteur pour avis a toutefois proposé de préférer la rapidité de transposition au débat pour l'ensemble de ces sujets.

Mais sur trois points, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, a jugé que le recours aux ordonnances n'était pas envisageable : ainsi pour la directive postale, pour celle relative à " Natura 2000 " et pour le volet autoroutier.

En matière postale, il a rappelé les nombreux travaux antérieurs de la commission des affaires économiques, de longue date attentive à cette question. Il a indiqué que le dépôt d'un projet de loi postal avait été annoncé à différentes reprises par le Gouvernement, par la voix de M. Christian Pierret en février 1999 à l'Assemblée nationale et de Mme Dominique Voynet au Sénat en mars 1999.

Evoquant les propositions, nombreuses, de la commission quant au contenu de ce projet de loi, il a cité celle relative au service universel bancaire, récemment adoptée par le Sénat sous forme d'amendement au projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.

Il a considéré qu'alors que les autres postes européennes avaient été parfois bien préparées à la concurrence, -la Deutsche Post devant entrer en Bourse le 20 novembre et ayant racheté l'intégrateur DHL- tel n'était pas vraiment le cas en France, malgré certaines avancées récentes. Il a indiqué que la directive de 1997 était déjà en cours de révision et que la proposition de la Commission européenne ferait basculer plusieurs milliards de francs supplémentaires de chiffre d'affaires de La Poste dans la concurrence. Il a également évoqué la question de l'évolution du réseau postal sur le territoire. En conséquence, il a estimé qu'un débat national s'imposait pour assurer l'avenir de La Poste, comme cela avait été le cas pour les télécommunications, -ce qui avait permis à France Télécom de devenir un acteur international majeur- ou pour l'électricité. Il a rappelé que le Sénat avait adopté cette position lors du débat d'aménagement du territoire en 1999.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, a ensuite rappelé -comme l'avait fait M. Jean-François Le Grand dans son rapport d'information adopté à l'unanimité par la commission des affaires économiques, en avril 1997-, les conditions difficiles de mise en oeuvre de la directive " Habitats naturels ", qui expliquaient le rejet unanime qui s'était installé à la mi-1996 contre ce texte parmi l'ensemble des acteurs du monde rural.

Soulignant qu'à l'initiative de la commission, une proposition de loi de transposition avait été adoptée par le Sénat en juin 1998, contre l'avis du Gouvernement, qui prétextait alors de l'imminence d'un projet de loi sur cette question, il a déploré avec vigueur que deux ans après, le Gouvernement choisisse l'expédient des ordonnances.

Le rapporteur pour avis a relevé que la quasi-totalité des acteurs locaux concernés lui avait fait part de réserves quant au procédé employé et, en outre, que la propriété agricole, les communes forestières, la FNSEA ou encore les chasseurs, et même France Nature environnement, s'étaient à divers titres inquiétés des imprécisions du projet d'ordonnance ou de ses lacunes.

Sur le fond même des dispositions envisagées, il a dénoncé le procédé consistant à valider de façon rétroactive, par arrêté, les zones de protection spéciale déjà désignées en application de la directive " Oiseaux " de 1979, et intégrées dans le réseau écologique européen par la directive " Habitats naturels ". En droit interne, ce zonage établi à partir des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, n'a fait l'objet, à la différence des zones de conservation spéciale, a précisé le rapporteur pour avis, d'aucune procédure de concertation des élus locaux ou des professionnels concernés.

Le rapporteur pour avis a jugé que la procédure de concertation locale fonctionnait correctement et devait être poursuivie. Il a en conséquence proposé de supprimer la directive " Habitats naturels " de la liste du projet de loi.

Pour les dispositions relatives au secteur autoroutier, le rapporteur pour avis a jugé que le projet de loi allait bien au-delà d'une simple transposition de directives, qu'il s'agisse de la directive " Poids lourds " du 17 juin 1999 ou même de la directive " Travaux " du 14 juin 1993. Il a considéré que le Gouvernement proposait des mesures parfois opportunes mais dépassant largement le cadre d'une simple transposition.

Le rapporteur pour avis a jugé qu'en voulant prolonger la durée des concessions de six sociétés d'économie mixte autoroutière, comme le recommandait d'ailleurs le Sénat dans ses travaux antérieurs, le Gouvernement entendait améliorer la situation financière des sociétés d'économie mixte existantes et les mettre à égalité avec les sociétés privées, ce qui dépassait, à l'évidence, le champ des obligations communautaires de la France. Il a fait la même analyse pour la suppression des règles garantissant aux sociétés d'économie mixte la reprise de leur passif, ou l'introduction, dans le code de la voirie routière, des principes de non discrimination et de modulation des péages, étendus à tous les usagers alors que la directive communautaire " Poids lourds " ne s'applique qu'aux véhicules lourds de transport de marchandises.

Bien que favorable sur le fond à certaines de ces mesures, le rapporteur pour avis a jugé anormal de les introduire par voie d'ordonnances. Ainsi a-t-il jugé que la suppression envisagée du principe de gratuité autoroutière méritait, à tout le moins, un débat. Enfin, le rapporteur pour avis a jugé nécessaire une discussion parlementaire du principe de l'autorisation de mise à péage des ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux, qu'aucune contrainte communautaire n'impose.

Il a relevé qu'au mois de novembre 1999, le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement s'était d'ailleurs engagé devant les commissions des affaires économiques et des finances du Sénat à déposer un projet de loi sur ces sujets. Il a considéré qu'un projet de loi permettrait seul de discuter des questions fondamentales que sont la concurrence et la complémentarité entre tous les modes de transport.

Il a donc proposé de supprimer l'article 4 du projet de loi, insistant sur le fait que cela ne devrait pas entraîner de retard des projets autoroutiers actuels, les procédures communautaires pouvant être respectées même en l'absence de texte, comme ce fut le cas pour l'autoroute A 28.

Après avoir jugé que le rapporteur avait fait preuve, malgré sa déclaration liminaire sur la responsabilité partagée des gouvernements successifs, d'une certaine partialité à l'égard de l'actuel Gouvernement, M. Jacques Bellanger a souligné que le recours aux ordonnances pour la transposition des directives devait susciter, au-delà des clivages politiques traditionnels, une réflexion approfondie sur les procédures d'adoption et de transposition des textes communautaires. Il a estimé que le recours aux ordonnances, qui conduit à un dessaisissement du Parlement, était critiquable dans son principe. Il a ensuite indiqué qu'il était en désaccord avec l'analyse du rapporteur sur trois points. D'abord, l'évolution des télécommunications ne lui semblait pas pleinement satisfaisante, la récente attribution des licences de boucle locale radio posant des problèmes d'aménagement du territoire. Ensuite, il a rappelé que la Deutsche Post avait accru sa capacité d'investissement grâce à une augmentation sensible du prix du timbre, exemple à son sens à ne pas suivre. Il a enfin jugé que la proposition de la Commission européenne de restreindre à seulement 50 grammes le périmètre des services réservés aux opérateurs postaux nationaux était de nature à remettre en cause la capacité de La Poste à remplir ses missions de service public, en particulier dans les zones rurales.

En réponse, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- le retard pris par la France dans la transposition des directives est imputable à tous les Gouvernements depuis 20 ans, toutes tendances confondues ;

- s'il n'y a pas d'objections majeures à transposer par ordonnances la très grande majorité des directives concernées, il apparaît difficile d'accepter la transposition par cette méthode des directives relatives au secteur postal, à Natura 2000 et au régime des autoroutes, alors que le Sénat et sa commission des affaires économiques réclament depuis des années un débat parlementaire sur ces sujets ;

- s'il faut effectivement veiller à ce que France Télécom remplisse les missions de service public que la loi lui impose, force est de constater que l'évolution de son statut lui a permis de devenir un acteur industriel particulièrement dynamique en France et dans le monde.

Rejoignant les propos du rapporteur, M. Pierre Hérisson a estimé que si l'on n'avait pas ouvert à la concurrence le marché des télécommunications et modifié le statut de France Télécom, celui-ci n'aurait pas connu le dynamisme qu'il connaît aujourd'hui. Il a relevé que cette évolution avait non seulement garanti le service public des télécommunications mais aussi apporté à l'Etat des ressources importantes liées à la vente partielle du capital de l'opérateur. Il a fait observer que l'augmentation contestée du prix du timbre allemand avait permis à la Deutsche Post de mener une politique de croissance externe très active et constituait un véritable " piège ", le maintien de larges services réservés conduisant paradoxalement à pérenniser cet avantage. Il a souhaité que l'on puisse doter La Poste d'un statut juridique qui lui permette d'affronter ses concurrents et de trouver sa place sur les marchés internationaux. Evoquant, enfin, le régime juridique des autoroutes, il a estimé qu'un débat parlementaire était nécessaire, notamment pour préciser la répartition des responsabilités dans le financement des infrastructures entre les collectivités territoriales et l'Etat.

M. Michel Souplet s'est félicité des positions adoptées par le rapporteur. Il a jugé qu'en matière d'environnement comme d'infrastructures, un travail d'explication était nécessaire, que seul le débat parlementaire permettait. Il a relevé qu'alors qu'on juge nécessaire de rapprocher la politique des citoyens et de revaloriser le rôle du Parlement, la procédure de transposition par ordonnances n'était pas opportune, surtout sur des sujets d'importance. Il a demandé au rapporteur pourquoi celui-ci n'avait pas souhaité supprimer la référence aux directives relatives à la publicité comparative et aux biocides, dont la transposition lui paraissait pourtant devoir faire l'objet d'un débat parlementaire.

M. Pierre Lefebvre a jugé que le recours aux ordonnances proposé par le Gouvernement était d'autant plus critiquable que le débat parlementaire permettait, l'expérience le prouve, d'amender largement les projets de transposition. Craignant une généralisation de cette méthode, il a jugé que ce n'était pas ainsi qu'on rapprocherait les citoyens de l'Europe. Il a indiqué qu'en conséquence, il partageait les préoccupations du rapporteur quant à la méthode proposée par le Gouvernement, soulignant en revanche que, sur le fond des dossiers, et en particulier en matière de libéralisation du marché postal, il avait une position sans doute très différente.

M. Dominique Braye a considéré que la transposition de 51 directives par voie d'ordonnances manifestait de la part du Gouvernement un mépris du Parlement, qui était ainsi dessaisi de ses prérogatives. Il a estimé qu'il ne fallait pas se contenter de protester contre la méthode employée, mais ne pas hésiter à amender le texte du projet de loi.

M. Jean-Pierre Plancade s'est interrogé sur les raisons de fond qui conduisaient le rapporteur à vouloir retirer les directives concernant les services postaux, " Natura 2000 " et les autoroutes de la liste des directives que le Gouvernement serait habilité à transposer par voie d'ordonnances.

M. Jean-Paul Emorine a jugé que la position du rapporteur était équilibrée, soulignant qu'elle permettrait au Gouvernement de combler le retard pris par la France dans la transposition de nombre de directives, tout en réaffirmant, sur des sujets essentiels, les prérogatives du Parlement.

Partageant les positions du rapporteur, en particulier sur la directive relative à Natura 2000, M. Louis Moinard a souhaité que la Commission Européenne ne se contente pas d'un bilan statistique des transpositions des directives mais élabore un bilan qualitatif de la façon dont les Etats membres transposaient ces textes.

En réponse aux différents intervenants, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- le fait pour la commission de ne pas autoriser le Gouvernement à transposer certaines directives par la voie des ordonnances ne préjuge pas des positions que chacun peut prendre sur tel ou tel autre texte communautaire à transposer ;

- le recours aux ordonnances pour transposer 51 directives pose, en effet, le problème du rôle des Parlements nationaux dans la transposition des directives ;

- la transposition des directives concernant les services postaux, " Natura 2000 " et le statut juridique des autoroutes soulève, en effet, de nombreuses questions de fond concernant aussi bien le statut juridique de La Poste et le rôle de l'Etat, la protection de la propriété privée dans les zones protégées par la directive " Habitats naturels ", ou la répartition des responsabilités entre l'Etat et les collectivités territoriales dans le financement des infrastructures. L'ensemble de ces questions devrait faire l'objet d'un débat parlementaire ;

- la Commission européenne a jugé que lors de la mise en oeuvre de la directive 92-43/CE relative aux "Habitats naturels", la France n'avait pas défini des zones protégées suffisamment étendues.

M. Jean-Marc Pastor a jugé que le recours aux ordonnances posait effectivement des questions de principe, soulignant que les questions de fond abordées par le rapporteur mériteraient un débat parlementaire. Il a demandé au rapporteur si, dans le cas où le Parlement n'autoriserait pas, sur certains textes, le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnances, celui-ci serait à même de proposer dans des délais raisonnables des projets de loi de transposition.

En réponse, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis, a rappelé que le Gouvernement était maître de l'ordre du jour. Il a, par ailleurs, indiqué que les projets d'ordonnances relatifs à la directive postale, à " Natura 2000 " et aux autoroutes étaient déjà rédigés et pourraient donc, si le Gouvernement le souhaitait, faire l'objet d'une discussion dans des délais très brefs.

Après avoir indiqué qu'il approuvait la position du rapporteur, M. François Gerbaud a considéré qu'" au cimetière des illusions européennes, on pourrait bientôt trouver la mention : ci-gît le Parlement Français, mort sur ordonnances ".

La commission a ensuite examiné les articles du projet de loi.

A l'article premier, la commission a adopté deux amendements tendant à supprimer :

- le 10° du I relatif à la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des "Habitats naturels" ainsi que de la faune et de la flore sauvages et article 4 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le 15° du II relatif à la directive 97/67/CE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service ;

A l'article 2, la commission a adopté un amendement rédactionnel tendant à substituer à la référence au règlement n° CE 3093/94 du Conseil du 15 décembre 1994 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone celle du règlement n° CE 2037/2000 du Parlement Européen et du Conseil du 29 juin 2000 qui abroge et remplace le règlement du 15 décembre 1994 précité.

A l'article 4, la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

Sous réserve des modifications proposées, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui vous est soumis en première lecture, après déclaration d'urgence, porte habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Il est renvoyé, quant au fond, à la Commission des Lois. Mais la diversité des sujets qu'il intéresse a conduit quatre commissions, dont celle des Affaires économiques -à côté des Commissions des Affaires culturelles, des Affaires sociales et des Finances- à demander à être saisies pour avis.

Votre commission s'attachera, pour l'essentiel, à examiner, quant à la pertinence de leur transposition par voie d'ordonnance, les actes communautaires -au demeurant fort nombreux- relevant de son domaine de compétence. Elle s'en remettra à la Commission des Lois et à son rapporteur, le Président Daniel Hoeffel, pour l'examen des implications juridiques d'ensemble de ce dispositif.

Elle tient cependant à marquer sa surprise devant ce qu'elle appellera -par euphémisme- les singularités de ce projet de loi.

Première de ces singularités, le nombre et la diversité des textes ou parties de textes communautaires au titre desquelles l'habilitation est demandée : 51 directives rien qu'à l'article premier, plus d'une quinzaine d'autres textes- règlements, décisions ou articles du Traité- aux trois articles suivants. Et les sujets vont des règles d'apposition des poinçons de garantie sur les ouvrages en métaux précieux à la refonte du code de la Mutualité et à la modification du code des assurances, en passant par la protection juridictionnelle des dessins ou modèles et le financement des autoroutes !

Les transpositions ou " adaptations " prévues nécessiteront sans nul doute un grand nombre d'ordonnances -sans, d'ailleurs, que le Gouvernement soit en mesure de donner de chiffre précis sur ce point-, dont certaines auront une portée normative importante.

Les précédents des années soixante dont se prévaut, dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement paraissant, à cet égard, sans commune mesure avec le texte qui nous est aujourd'hui proposé : à elles trois, les lois n°s 64-1231 du 14 décembre 1964 (qui n'a donné lieu à aucune application), 66-481 du 6 juillet 1966 et 69-1169 du 24 décembre 1969, permettant la transposition par ordonnances de directives de mise en oeuvre du Marché commun, n'ont débouché que sur sept ordonnances, de portée relativement limitée. Et les Gouvernements d'alors, contrairement à celui d'aujourd'hui, ne s'étaient pas senti le droit de déclarer l'urgence sur les projets de loi en cause. Il est vrai que la déclaration d'urgence semble, depuis 1997, de règle sur tous les textes qui embarrassent et que la procédure, en l'espèce, est devenue procédé...

Pour justifier sa demande et substituer au débat législatif normal une procédure d'exception, le Gouvernement invoque le retard accusé par la France dans la transposition des directives, les sanctions ou menaces de sanctions dont elle fait l'objet et une charge de travail pesant sur le Parlement qui rendrait " difficile, voire impossible " l'adoption des mesures législatives nécessaires. Singulière justification, là encore ! Le Parlement n'est pour rien dans les retards en cause et le Sénat s'est toujours, pour sa part, attaché à instruire sans perte de temps les projets de loi liés à des exigences communautaires. Il a même, pour la directive " Natura 2000 ", tenté de devancer les choses en adoptant, en juin 1998, une proposition de loi assurant cette transposition, à laquelle le ministre s'était opposé en invoquant l'imminence d'un projet de loi sur le sujet. Plus de deux ans ont passé, et le Gouvernement prétend aujourd'hui réaliser cette transposition par voie d'ordonnance.

Ajoutons qu'à maintes reprises, votre Commission des Affaires économiques a mis en garde le Gouvernement contre la lenteur avec laquelle il engageait -ou conduisait- la transposition de directives importantes.

Pourquoi, par exemple, différer de semestre en semestre l'examen du projet de loi transposant la directive " gaz ", déposé devant l'Assemblée nationale au mois de mai dernier, pour lequel aucune date en séance publique n'est encore arrêtée, alors que la transposition devrait être effective depuis le 10 août 2000 ? Quant à la " charge de travail du Parlement ", n'est-elle pas aggravée de façon récurrente par l'inscription à l'ordre du jour de textes qui doivent plus à la symbolique, à des visées médiatiques ou au souci de satisfaire telle ou telle composante de la majorité qu'aux exigences de la réforme ?

Troisième singularité -et non des moindres- ce projet de loi aux contours ambigus mêle transpositions pures et simples, " adaptations " liées aux transpositions, et réformes du droit interne non requises par les textes communautaires . Les premières sont normales, les secondes acceptables, les troisièmes inadmissibles non pas, forcément, en elles-mêmes, mais par la façon biaisée dont on entend les mettre en oeuvre. L'insistance avec laquelle l'exposé des motifs du projet de loi affirme le caractère " technique " ou " essentiellement technique " des mesures envisagées ne doit pas, à cet égard, faire illusion.

L'article 4 du projet de loi, par exemple, ne se contente pas de transposer des textes communautaires, puisque l'ordonnance qu'il prévoit étendrait à l'ensemble des usagers des autoroutes des règles que nos engagements européens n'imposent que pour les poids lourds.

Le droit communautaire qui s'est construit au cours des dernières décennies touche aujourd'hui à presque tous les domaines et intéresse la vie quotidienne de tous nos concitoyens. Son élaboration, même si l'article 88-4 de notre Constitution permet à l'Assemblée nationale et au Sénat, depuis 1992, d'être destinataires des propositions d'actes communautaires et de formuler leurs observations en amont, ne fait intervenir que de façon indirecte et limitée les Parlements nationaux. L'opération à grande échelle de transposition par ordonnances qui nous est proposée aujourd'hui aboutirait donc à un dessaisissement presque complet du Parlement sur des sujets dont certains sont loin d'être négligeables. Les Français, en particulier ceux d'entre eux pour qui l'engagement vers une Europe plus intégrée a représenté un effort, voire un pari, ne pourront que mal ressentir ce déficit de démocratie .

Au demeurant, il n'a pas paru opportun à votre commission de rejeter a priori et en bloc la voie de la transposition par ordonnances de textes communautaires fort nombreux et dont certains exposent dès aujourd'hui notre pays à des sanctions. L'urgence invoquée par le Gouvernement -même si ce dernier l'a créée ou accrue par sa défaillance- est bien réelle. Le retard accumulé est tel qu'on ne peut le résorber que par cette solution de fortune.

Aussi, votre commission s'est-elle attachée :

1. A identifier précisément, pour chaque texte communautaire intéressant son domaine de compétence, les dispositions nécessitant une modification de notre droit interne. Ce ne sont souvent, en effet, que des parties de directives qui restent à transposer.

2. A évaluer l'importance des changements que ces transpositions apporteraient à notre droit interne. Cette tâche -qui impliquait des recherches minutieuses difficiles à réaliser compte tenu du bref délai laissé au Sénat pour examiner ce projet de loi- a été facilitée par les administrations concernées : elles ont, dans l'ensemble, fait diligence pour informer rapidement votre rapporteur, lui communiquant dans de nombreux cas les projets d'ordonnances déjà élaborés.

Dans la plupart des cas, il est apparu que les modifications proposées étaient réellement impliquées par des textes communautaires, et avaient bien un caractère technique et/ou des incidences limitées. Il n'y avait donc pas d'inconvénient majeur à recourir, compte tenu de l'urgence, à la procédure de l'article 38 de la Constitution.

En revanche, la Commission des Affaires économiques n'a pas jugé acceptable d'envisager le recours aux ordonnances :

Pour les mesures qui ne correspondent pas exclusivement à une transposition ou à une adaptation nécessitée par le droit communautaire. Tel est le cas des mesures prévues à l'article 4 du projet de loi relatif au secteur autoroutier.

Pour les directives qui, par la nature même des sujets qu'elles traitent, font véritablement débat au sein de notre société et appellent à l'évidence la discussion parlementaire de fond que ne permet pas le recours aux ordonnances. Tel est le cas, aux yeux de votre commission, de la directive " Natura 2000 " et de la directive relative aux services postaux.

I. LES DISPOSITIONS RELATIVES A L'ENVIRONNEMENT (ARTICLES 1ER ET 2)

S'agissant du domaine de l'environnement, plusieurs directives ou règlements d'inégale importance sont inclus dans le projet d'habilitation.

Il s'agit plus précisément des textes suivants :

- directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement ;

- directive 92/32/CEE du Conseil, du 30 avril 1992, portant septième modification de la directive 67/548/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses ;

- directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des "Habitats naturels" ainsi que de la faune et de la flore sauvages et article 4 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses ;

- directive 98/8/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides ;

- règlement (CEE) n° 2455/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les exportations et importations de certains produits chimiques dangereux ;

- règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1 er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne ;

- règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil, du 23 mars 1993, concernant l'évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes ;

- règlement (CE) n° 3093/94 du Conseil, du 15 décembre 1994, relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone .

L'ensemble des dispositions transposant ces directives est présenté dans un projet d'ordonnance unique qui comporte quatre volets :

- le contrôle des produits chimiques et des biocides ;

- le réseau écologique " Natura 2000 " ;

- la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement ;

- l'organisation de la sécurité civile dans le cadre de l'association des populations à des plans particuliers d'intervention.

Il convient de souligner que cet avant-projet d'ordonnance, transmis pour l'information du rapporteur, doit faire l'objet d'une refonte totale, car la plupart des dispositions qu'il contient vont être codifiées dans le code de l'environnement, qui vient d'être publié par l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000.

Seules les dispositions relatives aux conditions particulières d'intervention dans les installations classées ainsi que celle relative à la circulation intracommunautaire des déchets ne seront pas intégrées dans le code de l'environnement.

A l'occasion de cette refonte, il conviendra également de tenir compte de cette publication, du code de l'environnement pour modifier les propositions de codification relatives tant au droit d'accès à l'information environnementale qu'à la mise en oeuvre de " Natura 2000 ", insérées jusqu'à présent dans le livre II du code rural. En effet, l'article 5 de l'ordonnance précitée porte abrogation des dispositions de ce livre II proposées à la codification, notamment dans le livre III intitulé " Espaces naturels ", et l'article 11 de l'ordonnance " utilise " le livre II du code rural " ainsi libéré " pour y insérer les dispositions de l'ancien livre IX du code rural consacrées à la santé publique vétérinaire et à la protection des oiseaux.

Le travail parlementaire et le bon ordonnancement juridique des textes souffrent, à l'évidence, de cette procédure de codification décidée par voie d'ordonnance !...

La plupart de ces textes ne soulèvent pas de difficultés majeures notamment parce qu'ils complètent des directives européennes existantes sur le sujet traité. Il en est ainsi de la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, qui remplace la directive 82/501 dite directive SEVESO.

De même, la directive 92/32/CEE du 30 avril 1992 constitue la septième modification apportée à la directive 67/548/CEE, sur la classification et l'étiquetage des matières dangereuses.

Par ailleurs, la directive 90/313/CEE du 7 juin 1990 concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement avait été en quelque sorte, transposée " par anticipation " dans le droit français à travers la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. Seules quelques adaptations restaient à opérer, afin de prendre en compte les spécificités environnementales. Néanmoins, la non-conformité des mesures nationales fait l'objet d'un contentieux engagé par la Commission européenne qui n'a pas encore abouti.

Enfin, la transposition du règlement n° 259/93/CEE du 1 er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la communauté européenne nécessite une simple mise à jour du paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes, qui précise le champ d'application des dispositions dérogatoires applicables en matière de contrôle sur les échanges intra-communautaires de marchandises communautaires.

En revanche, votre rapporteur considère que deux directives, parmi celles concernant le domaine de l'environnement, auraient pu utilement faire l'objet d'un débat au Parlement malgré le caractère éminemment technique de l'une d'entre elles.

En effet, la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides introduit un élément fondamentalement nouveau dans ce secteur industriel spécifique, puisqu'il soumet tous les produits concernés à une autorisation préalable de mise sur le marché. La mise en oeuvre de ce dispositif suppose des investissement financiers lourds pour les entreprises du secteur, qui vont devoir constituer des dossiers de demande très complets appuyés sur des séries d'essais démontrant l'innocuité et la toxicité de ces produits. Il y a fort à craindre que certaines des entreprises concernées ne puissent pas s'adapter à ces nouvelle contraintes.

Enfin, en ce qui concerne la directive 92/43 CE du 21 mai 1992 dite " Habitats naturels " , on ne peut que dénoncer avec force l'absence de tout débat au niveau du Parlement alors même que la mise en oeuvre de cette directive va concerner tous les secteurs d'activité ayant un lien avec le monde rural , qu'il soit terrestre, marin ou fluvial, que les projets d'aménagement ou d'infrastructures envisagés dans ces sites seront soumis à des procédures d'études d'impact lourdes conditionnant l'accord des autorités et que pour Mme Margot Wallström, Commissaire européen chargée de l'environnement, la constitution d'un réseau de sites gérés en tenant compte de leur valeur naturelle constitue un formidable défi.

A. LA TRANSPOSITION DE DIRECTIVES ET RÈGLEMENTS À CARACTÈRE TECHNIQUE

1. Directive 92/32/CEE du 30 avril 1992 portant septième modification de la directive 67-548/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses

Cette directive, qui devait être transposée au plus tard le 31 octobre 1993, modifie les procédures de déclaration des substances nouvelles, ne figurant pas dans un inventaire de substances existant sur le marché communautaire avant le 18 septembre 1981. Tout producteur ou importateur mettant une substance nouvelle sur le marché communautaire doit la déclarer dans l'Etat membre où elle est produite ou importée.

La directive modifie également les divers classements de danger des substances et préparations dangereuses. Elle ajoute notamment le classement " dangereux pour l'environnement ". Enfin, elle apporte des amendements aux règles de classification, d'étiquetage et d'emballage des substances dangereuses.

Plusieurs avantages sont attendus, en matière tant de protection de l'environnement que de sécurité pour l'individu. Ainsi, l'étiquetage des substances pour l'environnement constitue une première mesure de réduction des risques car le classement " dangereux pour l'environnement " est pris en compte dans diverses réglementations (nomenclature des installations classées pour l'environnement, classement des déchets).

De plus, l'évaluation des risques, qui tient compte simultanément des propriétés dangereuses des substances et de l'exposition à ces substances, facilite la prise de décision en matière de réduction des risques.

Il convient de souligner que l'impact sur l'emploi ainsi que les incidences financières de cette directive sont relativement faibles.

La transposition de la directive 92/32/CEE du 30 avril 1992 justifie un certain nombre d'ajustements -mais de faible importance juridique- des dispositions de la loi du 12 juillet 1977 et la plupart des modifications nécessaires en droit interne seront introduites par décret.

Les modifications législatives proposées sont regroupées dans le titre I du projet d'ordonnance avec les mesures relatives à trois règlements concernant les produits chimiques ou les substances dangereuses et qui consistent essentiellement en l'introduction de sanctions en cas de non respect de leurs dispositions puisque le contenu des règlements eux-mêmes est directement applicable en droit interne.

2. Les règlements du Conseil portant sur les produits chimiques ou les substances dangereuses

a) Règlement (CEE) 2455/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les exportations et importations de certains produits chimiques dangereux

Ce règlement, en vigueur depuis le 29 novembre 1992, transpose les directives de Londres et la procédure de " consentement informé préalable " (PIC) et prévoit notamment :

- la notification d'exportation hors Union européenne de substances interdites ou strictement réglementées dans l'Union européenne ;

- l'interdiction d'exportation hors Union européenne de toute substance figurant sur une liste internationale de substances préoccupantes vers tout Etat s'étant prononcé pour l'interdiction d'importation de cette substance.

Son principal objectif est la protection de l'homme et de l'environnement dans les pays en développement qui ne disposent pas de moyens suffisants pour évaluer les produits chimiques, notamment les pesticides. Ainsi, des documents guides d'aides à la décision sont préparés par un groupe d'experts internationaux pour assister ces pays à se prononcer sur l'importation des substances.

Il convient de noter que ce règlement n'a aucun impact sur l'emploi en France, les produits dont l'exportation est interdite vers certains pays tiers n'y étant plus produits.

b) Règlement (CEE) 793/93 du Conseil du 23 mars 1993 concernant l'évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes

Ce règlement, entré en vigueur le 4 juin 1993, prévoit l'examen de toutes les substances existantes produites ou importées en quantité supérieur à 10 t/an et figurant dans l'inventaire européen des substances existant sur le marché communautaire au 18 septembre 1981.

Compte tenu du nombre très important de substances concernées (plusieurs milliers), le règlement prévoit plusieurs étapes pour la communication d'informations en tenant compte du tonnage produit ou importé.

Les substances sont ensuite inscrites sur des listes prioritaires d'une trentaine de substances. Pour ces substances prioritaires, les producteurs et importateurs doivent fournir toutes les données manquantes et les Etats membres " se partagent " les substances à évaluer.

Ce programme d'examen systématique des substances existantes a pour objectif de dépister les substances pour lesquelles des mesures nouvelles de réduction des risques devraient être prises, afin de minimiser leur impact sur la sécurité de l'homme et sur l'environnement. Il tend à responsabiliser davantage les producteurs et importateurs de produits chimiques, en les incitant à rechercher des informations sur les usages des substances après leur distribution.

Les incidences financières peuvent être importantes et dépendent très largement des données déjà disponibles sur une substance lorsque celle-ci est inscrite sur une liste prioritaire. Ainsi, le coût d'une " batterie " minimum d'essais requis est d'environ 700.000 francs et des essais complémentaires coûteux peuvent être demandés lorsque des risques sont suspectés. Les industriels devraient pouvoir s'entendre pour un partage des coûts lorsque plusieurs d'entre eux sont concernés par une même substance. En revanche, si tous les essais sont disponibles, le coût sera limité à celui de la constitution du dossier.

A priori, les rapports d'essais et les informations concernant les substances prioritaires seront, au niveau administratif, collectées par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques et l'Institut national de recherche et sécurité.

c) Règlement (CE) n° 3093/94 du Conseil du 15 décembre 1994 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone

Ce règlement prévoit des réductions et interdictions de la production, de la mise sur le marché et, dans certains cas, de l'utilisation de certaines substances qui appauvrissent la couche d'ozone, ainsi que la communication de diverses informations sur les quantités de ces substances produites, mises sur le marché, stockées, recyclées. Il transpose notamment le protocole de Montréal.

Il s'agit de lutter contre la destruction de l'ozone stratosphérique dont le niveau a baissé de 6 à 10 % par rapport à 1980, ce qui s'accompagne d'une augmentation des rayonnements UV-B entraînant des risques non négligeables pour la santé humaine et animale.

Compte tenu de l'élimination progressive de ces substances et de la mise sur le marché de produits de remplacement qui existent en très grand nombre, il ne devrait pas y avoir d'impact global sur l'emploi, même si certains emplois pourraient être déplacés d'un secteur industriel à l'autre.

Il faut souligner que ce règlement a été remplacé par le règlement (CE) n° 2037/2000 du 29 juin 2000 relatif à des substances appauvrissant la couche d'ozone qui est entré en vigueur le 1 er octobre 2000. Etant donné qu'il modifie le règlement 3093/94 sur de nombreuses dispositions une refonte complète du dispositif s'est avérée nécessaire.

Les principales modifications apportées doivent permettre de :

- respecter les engagements pris par la Communauté au titre de la Convention de Vienne ainsi que de tenir compte des derniers amendements et adaptations du protocole de Montréal (cessation progressive de la production et de la mise sur le marché de bromure de méthyle) ;

- prévoir dans certains cas des mesures de contrôle plus strictes ;

- prévoir la limitation de la production d'hydrochlorofluorocarbures ;

- restreindre davantage la mise sur le marché et l'utilisation d'hydrochlorofluorocarbures et de produits qui en contiennent.

S'agissant de la transposition de ce règlement, même si les dispositions qu'il contient sont directement applicables en droit interne, il convient de viser, à l'article 2 du projet de loi, le nouveau règlement afin que le dispositif de contrôle et de sanctions défini aux titre I et II du projet d'ordonnance puisse s'appliquer aux substances introduites par le règlement 2037/2000 du 29 juin 2000.

Tel est l'objet de l'amendement que votre Commission des Affaires économiques vous propose d'adopter à l'article 2 du projet de loi.

3. Contenu du projet d'ordonnance transposant la directive 92/32/CEE et les trois règlements " produits chimiques ou substances dangereuses "

Outre la prise en compte de la directive 92/32/CEE, le titre I du projet d'ordonnance ajuste le champ d'application de la loi du 12 juillet 1977 pour le rendre compatible avec ceux des règlements communautaires pris pour le contrôle des produits chimiques. Il devient ainsi possible de prévoir le contrôle du respect des obligations et des sanctions en cas d'infraction aux dispositions de ces règlements.

Après avoir défini son champ d'application et précisé les substances et préparations qui en sont exclus, l'article 1 er du projet d'ordonnance modifie l'article 3 de la loi n° 77-771 du 12 juillet 1977 pour faire référence expressément à l'inventaire européen des substances chimiques commercialisables publié en annexe du Journal Officiel des communautés européennes du 15 janvier 1990 et qui recense environ 100.000 substances se trouvant sur le marché communautaire en 1981. C'est à partir de cet inventaire qu'il est établi qu'une substance doit ou non être déclarée.

L'article 1 er précise également les obligations à respecter pour la mise sur le marché d'une substance soumise à déclaration ainsi que celles permettant d'assurer le suivi des substances chimiques et des préparations -obligations qui pèsent sur le producteur, importateur ou l'utilisateur industriel-.

Certaines autres modifications de la loi du 12 juillet 1977 tendent à intégrer des éléments des Conclusions du Conseil de l'Union européenne concernant la politique chimique adoptée en juin 1999. Elles renforcent notamment l'implication des divers acteurs de l'industrie chimique dans la protection de l'homme et de l'environnement ainsi que la diffusion des informations indispensables pour garantir cette protection.

En matière de contrôle et de sanction, et de façon plus générale, il est prévu que lorsqu'un règlement ou une décision communautaire contient des dispositions entrant dans le champ d'application de la loi, un décret pris en Conseil d'Etat constate que ces dispositions ainsi que celles des règlements ou décisions communautaires qui les modifieraient ou qui seraient pris pour leur application constituent des mesures d'exécution prévues dans la loi sans qu'il soit besoin d'adopter une nouvelle loi. Cette disposition est identique à celle figurant à l'article 101 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 modifiant l'article 262-1 du code rural.

4. Directive 96/82/CE du Conseil du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses

a) Contenu de la directive

Cette directive modifie et complète la directive 82/501/CEE dite " SEVESO I ", qui a établi une procédure par laquelle les opérateurs d'une installation industrielle, ainsi que les autorités locales et nationales, coopèrent afin d'identifier et de contrôler les risques d'accidents majeurs dans les installations industrielles.

La directive 96/82/CE a donc pour objet le renforcement de la prévention des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses et la limitation de leur conséquences pour l'homme et l'environnement, notamment à travers une meilleure information du public.

Plus précisément, les dispositions prévues concernent :

- la maîtrise de l'urbanisation autour des installations dangereuses ;

- la prise en compte des " effets dominos ", c'est-à-dire la prévention des risques envisagée au niveau d'un groupe d'établissements où les risques d'accident peuvent être accrus en raison de leur localisation et de leur proximité réciproque ;

- les informations à fournir par l'exploitant après un accident majeur ;

- les mesures d'inspection, l'article 18-2 prévoyant en particulier que tous les établissements soumis devront faire l'objet d'un programme d'inspection et qu'après chaque inspection un rapport devra être établi, les établissements à hauts risques devant faire, en principe, l'objet d'une visite annuelle de l'inspection ;

- les échanges et les systèmes d'information à mettre en place entre les Etats membres et la Commission, celle-ci devant établir un fichier et un système d'information consultable par les syndicats et les associations de protection de l'environnement. ;

- la notification que doivent faire les établissements soumis à l'autorité compétente sur les substances présentées dans l'établissement (avant le 3 février 2000 pour les établissements existant avant le 3 février 1999) ;

- l'exigence d'une politique de prévention des accidents majeurs.

S'agissant des établissements à haut risque, il est, en outre, prescrit la présentation d'un rapport de sécurité, l'établissement de plans d'urgence ainsi qu'une obligation d'information du public concernant les mesures de sécurité prises. En effet, l'article 13 de la directive dispose, d'une part, que " les Etats membres veillent à ce que les informations concernant les mesures de sécurité à prendre et la conduite à tenir en cas d'accident soient fournies d'office aux personnes susceptibles d'être affectées par un accident majeur prenant naissance dans un établissement [à haut risque] et mises en permanence à la disposition du public ", le détail de ces informations étant repris à l'annexe de la directive. D'autre part, " les Etats membres veillent à ce que le rapport de sécurité soit mis à la disposition du public " ainsi que, pour les établissements à haut risque précités, " l'inventaire des substances dangereuses ".

En application de ses articles 24 et 25, cette directive devait être transposée par les Etats membres le 23 février 1999 au plus tard, et la Commission a déjà notifié aux autorités françaises un avis motivé au titre de l'article 226 du traité, pour non transposition.

Il convient de préciser, cependant, que diverses mesures de transposition ont été prises très récemment sur le plan réglementaire. Il en est ainsi du décret n° 2000-258 du 20 mars 2000 modifiant le décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées.

Ce décret transpose également deux autres directives importantes en matière de droit de l'environnement industriel en apportant des modifications au droit des études d'impact, à la procédure de demande d'autorisation, aux conditions de fonctionnement des installations classées et à la prévention des risques industriels.

De plus, l'arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation comporte des dispositions relatives au système de gestion de la sécurité (SGS).

b) Transposition de la directive dans le projet d'ordonnance

Le titre V du projet d'ordonnance s'intitule " Organisation de la sécurité civile : association des populations à des plans particuliers d'intervention " et il modifie la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 qui avait transposé la directive 82/501 dite directive " SEVESO I ".

Il s'agit d'un article unique portant modification de l'article 4 de la loi 87-565 du 22 juillet 1987, y introduisant le principe selon lequel le public sera consulté sur certains projets de plans particuliers d'intervention. La désignation des installations et ouvrages concernés est renvoyée au décret 88-622, l'obligation de la directive 96/82/CE ne concernant que les établissements où des substances dangereuses peuvent engendrer des risques d'accident majeur.

5. Règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle de déchets à l'entrée et à la sortie de la communauté européenne

a) Contenu du règlement

Ce règlement, entré en vigueur le 3 février 1993 et applicable depuis le 9 mai 1994, vise à rendre le système communautaire existant de surveillance et de contrôle des mouvements de déchets conforme aux exigences de la Convention de Bâle et de la quatrième convention ACP-CEE. Il remplace la directive 84/631/CEE relative à la surveillance et au contrôle, dans la Communauté, des transferts transfrontaliers de déchets dangereux et s'applique aux transferts de déchets à l'intérieur ainsi qu'à l'entrée et à la sortie de la Communauté. Ainsi, il spécifie que les transferts de déchets ne répondant pas aux exigences qu'il fixe constituent un trafic illégal et que les autorités compétentes doivent coopérer pour éliminer ou valoriser ces déchets selon des méthodes écologiquement saines.

En outre, les Etats membres doivent intenter toute action judiciaire pour interdire et sanctionner ce trafic illicite.

b) Transposition du règlement dans le projet d'ordonnance

Le titre VI du projet d'ordonnance intitulé " Trafic illicite de déchets " modifie le paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes qui recense tous les produits concernés par les dispositions dérogatoires au principe de libre-échange intra-communautaire effectif depuis le 1 er janvier 1993 et qui a entraîné la suppression des formalités douanières sur les échanges intra-communautaires de marchandises communautaires.

Or, s'agissant des déchets, le paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes ne vise que les déchets pris en compte par référence à la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 et aux textes pris pour son application, sans tenir compte des dispositions figurant dans le règlement n° 259/93/CEE du Conseil du 1 er février 1993.

Dès lors, les poursuites pour trafic illicite de déchets, dans les relations intra-communautaires ne peuvent légalement être engagées, lorsque les déchets importés ou exportés sont visés exclusivement par le règlement n° 259/93 précité.

Afin de remédier à cette insuffisance, la référence à la loi du 15 juillet 1975, visée au paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes, sera complétée par une référence à la réglementation communautaire applicable en matière de déchets.

6. Directive 90/313/CEE du Conseil du 7 juin 1990 concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement.

a) Contenu de la directive

Cette directive, qui devait être transposée avant le 31 décembre 1992, vise d'une part à garantir pour tout citoyen le droit d'accès à l'information environnementale détenue par les autorités publiques et, d'autre part, à assurer la définition des conditions dans lesquelles cette information devrait être rendue accessible.

Cette directive a été transposée en droit français de manière anticipée et générale par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. Toutefois, certaines dispositions de la directive n'ont pas été correctement introduites dans l'ordre juridique français, notamment parce que ces spécificités environnementales en matière d'information ne sont pas suffisamment prises en compte.

Ainsi, à la suite d'une plainte déposée par France Nature Environnement en 1995, la Commission européenne a instruit une procédure en manquement contre la France sur les griefs suivants :

- la loi française prévoit que le secret, dès lors qu'il est protégé par la loi, justifie un refus de communication ; cette exception serait trop large par rapport aux dispositions de la directive ;

- il n'y a aucune garantie sur la transmission partielle d'un document, offerte par la loi car seule la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) -dans sa pratique- ainsi que les juridictions administratives autorisent cette faculté ;

- en cas de refus tacite de communication résultant du silence de l'administration, la décision de refus de communiquer un document n'est pas motivée en droit français contrairement à ce qu'exige la directive.

Par ailleurs, la France a signé, en juin 1998, la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement et a engagé le processus de ratification. Bien que de nombreux dispositifs d'information existent déjà, il est nécessaire d'adapter le droit existant pour se conformer aux nouvelles règles posées par cette convention, qui, pour certaines, vont plus loin que les règles communautaires actuellement en vigueur.

b) Transposition de la directive dans le projet d'ordonnance

Le titre IV du projet d'ordonnance intitulé " Liberté d'accès à l'information en matière d'information fait le choix de distinguer le droit d'accès à l'information environnementale du régime général instauré par la loi de 1978, tout en gardant le bénéfice du recours à la CADA.

Le droit d'accès à l'information environnementale fait l'objet d'une codification, qui devra donc très certainement être modifiée en raison de la publication de l'ordonnance n° 2000--914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement.

Sur le fond, le projet d'ordonnance précise ce qu'il faut entendre par " information environnementale " qui dépasse la notion, jugée trop restrictive par la Commission européenne, de documents administratifs.

Outre plusieurs dispositions sur l'obligation de communication partielle d'informations en matière environnementale, nonobstant le respect du secret industriel et commercial et l'abandon de la notion des " secrets protégés par la loi " -expression issue de la loi du 12 avril 2000-, l'article 26 du projet d'ordonnance précise que " le refus de communication est notifié au demandeur sous forme de décision écrite motivée ". S'agissant d'un refus tacite opposé à une demande de renseignements, une modification d'ordre réglementaire viendra compléter la mesure proposée.

B. LES NOVATIONS DE LA DIRECTIVE 98/8 (CE) DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 16 FÉVRIER 1998 CONCERNANT LA MISE SUR LE MARCHÉ DES PRODUITS BIOCIDES

1. Contenu de la directive

Cette directive concerne la mise sur le marché des produits biocides, c'est-à-dire des substances actives ou des préparations contenant de telles substances, qui sont destinées, grâce à leur action chimique ou biologique, à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles.

Les produits biocides sont des pesticides à usage non agricole : désinfectants, produits de protection tels que les produits de traitement du bois et de l'eau, et certains produits antiparasitaires, à l'exclusion des produits pharmaceutiques, des médicaments, des aliments pour animaux et des produits phytosanitaires.

Cette directive réglemente la mise sur le marché tant des préparations que des substances biocides entrant dans leur composition en les soumettant à une autorisation préalable.

- Au niveau communautaire, sont délivrées les autorisations portant sur les substances actives entrant dans la formulation des produits.

Le dossier de demande d'autorisation doit contenir l'identification précise de la substance, ainsi que l'analyse de ses différents modes d'utilisation, de ses effets, de son innocuité et de sa toxicité assorties d'une description détaillée des études et essais effectués.

- Au niveau national, l'autorisation devra être délivrée pour les produits n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation délivrée par un autre Etat membre. Le dossier transmis à l'autorité administrative nationale devra intégrer un résumé du dossier communautaire pour chaque substance active entrant dans la composition du produit considéré. Il devra être assorti du résultat des essais pratiqués pour le produit lui-même, et ces essais devront se décliner selon chacun des présentations et des formulations envisagées pour le produit.

La directive s'applique à toutes les substances nouvelles, c'est-à-dire celles qui n'étaient pas utilisées au 14 mai 2000 sur le territoire communautaire. Pour les substances et produits existants, ils feront l'objet d'une intégration progressive qui devrait durer dix ans au moins compte tenu du nombre de substances et de produits existants.

2. Impact par rapport à la législation française existante

En dépit de la dangerosité de ces produits, une faible part des biocides fait aujourd'hui l'objet d'un contrôle.

Certains d'entre eux, tels les produits anti-parasitaires les désinfectants vétérinaires et certains autres produits comme les désinfectants pour vide-ordures sont réglementés par la loi du 2 novembre 1943 relative à l'organisation du contrôle des produits anti-parasitaires à usage agricole.

Mais deux grandes catégories de produits, à savoir les insecticides et les désinfectants ménagers, ne sont soumis à aucune règle de mise sur le marché qu'il s'agisse des substances actives ou des préparations.

3. Contenu du projet d'ordonnance transposant la directive " biocides "

Cette directive devait être transposée avant le 14 mai 2000. Ce retard dans la transposition a déjà valu à la France une mise en demeure par la Commission pour non transposition.

Le projet d'ordonnance comporte deux chapitres relatifs aux produits biocides.

Le premier chapitre concerne les nouvelles substances actives, c'est à dire les substances entrant dans la composition des produits biocides, qui n'étaient pas présentes sur le marché au 14 mai 2000. La mise sur le marché de ces substances suppose l'obtention préalable, sur le fondement d'un dossier, d'une autorisation de mise sur le marché, qui leur permettra d'être inscrites sur une liste établie par un décret en Conseil d'Etat. Le projet détaille les cas de retrait ou de refus d'inscription.

Le second chapitre concerne le contrôle de la mise sur le marché des produits biocides eux-mêmes. La délivrance de l'autorisation de mise sur le marché d'un tel produit implique que ce dernier satisfasse à des conditions d'efficacité et d'absence de danger pour la santé et l'environnement, comme l'indique la directive. Des procédures simplifiées sont prévues pour les produits biocides faiblement dangereux ou ceux qui ont déjà reçu une autorisation dans un autre Etat membre. Enfin, des substances biocides ne répondant pas aux conditions posées pour recevoir une autorisation de mise sur le marché peuvent bénéficier de dérogations, dès lors que ce produit est nécessaire pour faire face à un risque sanitaire particulier et exceptionnel.

Un troisième chapitre regroupe des dispositions diverses, qui prévoit notamment, afin de sécuriser l'utilisation de ces produits, l'obligation de transmettre, aux autorités administratives, les informations relatives aux produits biocides commercialisés.

Enfin, un dernier chapitre définit les contrôles garantissant l'application des dispositions précédentes, et prévoit des sanctions.

4. Impact économique

S'agissant de l'impact économique pour le secteur industriel concerné, les mesures prévues au niveau communautaire garantissent l'unicité du marché. En effet, si les exigences concernant la mise sur le marché des biocides sont actuellement très limitées en France, certains Etats membres disposent déjà d'une réglementation très complète de ces produits. Or, même différentes d'un Etat à un autre, ces réglementations s'imposent aux exportateurs français.

Les substances actives feront l'objet d'une évaluation unique pour l'ensemble des Etats membres évitant ainsi la multiplication des dossiers. Les préparations biocides seront autorisées dans chaque Etat membre mais elles devront répondre aux mêmes exigences. De plus, elles bénéficieront d'une procédure d'autorisation simplifiée en cas de demande dans plus d'un Etat membre.

Au-delà de ces aspects positifs qu'il convient de souligner, le coût financier attaché à la mise en oeuvre de cette directive est loin d'être négligeable , puisque le coût des essais pour un dossier de substance active est estimé à 30 millions de francs et celui pour les essais accompagnant un dossier de produit à environ 450.000 francs selon le Conseil européen de l'industrie chimique.

Les coûts seront bien entendus réduits pour les substances ou produits déjà autorisés ou les substances des produits biocides qui constituent également des substances de produits phytopharmaceutiques.

Néanmoins sur certains segments de ce marché très spécialisé, il est à craindre que les entreprises de taille moyenne ne puissent pas assumer ce surcoût financier. De plus, l'objectif de la directive étant de réduire le nombre de substances et de préparations biocides en circulation par le biais de l'autorisation, on assistera nécessairement, dans les années qui viennent, à une restructuration des entreprises concernées avec la disparition des plus petites d'entre elles spécialisées dans la fabrication de certains produits biocides.

Sans remettre en cause l'intérêt d'une législation commune sur ces produits, qui prend en compte l'impact sur la santé et la protection de l'environnement, il aurait sans doute été intéressant d'avoir, au Parlement, un débat sur les conséquences économiques de cette directive.

C. LES ATTEINTES AUX DROITS DU PARLEMENT À TRAVERS LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 92/49/CEE DU CONSEIL DU 21 MAI 1992 " NATURA 2000 "

1. Contexte et contenu de la directive

Comme le rappelait notre collègue Jean-François Le Grand dans son rapport d'information 1 ( * ) adopté par notre commission, en avril 1997, le très mauvais contexte dans lequel a été mise en oeuvre la directive 92/43/CEE " Habitats naturels " explique le rejet unanime constaté, en 1996, contre ce texte, et ce parmi l'ensemble des acteurs du monde rural. Ainsi, relevait-il, on avait à faire à " un texte mal connu, mal interprété, une règle du jeu quasi inexistante, un défaut majeur de communication et à des réactions de défense de la part de certains se sentant pris au piège de l'intégrisme écologique prôné par quelques autres ".

Depuis, le dialogue a repris avec profit, notamment au niveau local. Mais la procédure imposée aujourd'hui par le Gouvernement ne fait-elle pas peser une menace sur les avancées réelles constatées tant en ce qui concerne la désignation de ce réseau écologique européen que l'élaboration des futurs documents de gestion ?

a) Contenu de la directive " Habitats naturels "

L'objectif de la directive est de contribuer à assurer la préservation de la diversité biologique européenne, principalement au moyen de la constitution d'un réseau écologique intitulé " Natura 2000 " de sites abritant les habitats naturels et les habitats d'espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire.

La directive cherche à concilier cet objectif de protection avec les exigences économiques, sociales et culturelles des Etats membres. Ainsi, la désignation des sites entraînera pour les Etats membres une obligation de résultat, c'est-à-dire, selon la directive, le maintien ou la restauration des habitats naturels et des habitats d'espèces d'intérêt communautaire, dans un état de conservation favorable, mais l'article 2, dans son paragraphe 3, précise également qu'il est tenu compte tant des exigences économiques sociales et culturelles que des particularités régionales et locales et l'article 6 aménage le régime d'implantation dans les zones du réseau, des projets affectant de façon significative l'environnement.

L'objectif de la directive est donc de mettre en place un réseau d'habitats dits d'intérêt communautaire en créant des Zones spéciales de conservation (ZSC) visant la conservation des 253 types d'habitats, des 200 espèces faunistiques et des 432 espèces végétales figurant dans ses annexes.

Ces habitats ou ces espèces sont soit en danger de disparition dans leur aire de répartition naturelle " et sont donc considérés comme prioritaires dans la directive ", soit ont une aire de répartition naturelle réduite, sont menacés ou vulnérables ou enfin constituent des exemples remarquables des caractéristiques propres à l'une ou à plusieurs des six régions biogéographiques européennes.

La directive est complétée par six annexes :

- annexe I : types d'habitats naturels d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de ZSC (basée sur la classification CORINE-biotopes) ;

- annexe II : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de ZSC ;

- annexe III : critères de sélection des sites susceptibles d'être identifiés comme sites d'importance communautaire et désignés comme ZSC ;

- annexe IV : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte ;

- annexe V : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de gestion ;

- annexe VI : méthodes et moyens de capture et de mise à mort et modes de transport interdits.

La constitution de ce réseau fait l'objet d'une procédure détaillée prévue aux articles 4 et 5 de la directive et qui requiert une collaboration étroite entre la Commission européenne et les Etats membres : sur la base de listes nationales transmises par les Etats membres, la Commission doit établir la liste des sites d'intérêt communautaire que les Etats membres devront désigner ensuite en ZSC.

Le calendrier prévisionnel de la constitution du réseau " Natura 2000 " s'établissait ainsi :

- établissement d'une liste nationale de sites (1992-1995) ;

- établissement de la liste communautaire (1995-1998) ;

- incorporation des sites retenus au réseau " Natura 2000 " (1998-2004), et adoption des mesures de gestion, mais tous les Etats membres ont pris du retard dans la mise en oeuvre de la directive.

Il convient de rappeler que la directive 92/43/CEE " Habitats naturels " intègre également les zones de protection spéciale (ZPS) désignées au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages. Ainsi, à compter de l'entrée en vigueur de la directive 92/43/CEE/"Habitats naturels", le 5 juin 1994, l'article 7 prévoit que les obligations découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 se substituent à celles de l'article 4, paragraphe 4 de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages et s'appliquent tant aux ZPS désignées à cette date qu'aux ZPS créées ultérieurement.

S'agissant de la protection des espaces ainsi intégrés dans le réseau écologique européen, la directive fait peser sur les Etats membres une obligation de résultat.

L'article 2 de la directive fixe l'objectif général à atteindre, à savoir le " maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable des "Habitats naturels" et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire " en précisant que " les mesures prises " pour atteindre cet objectif " tiennent compte des exiges économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales ".

L'article 6, paragraphes 1 et 2, donne compétence aux Etats membres pour définir les mesures appropriées permettant d'atteindre les objectifs définis à l'article 2, notamment afin d'éviter toute perturbation ou détérioration ayant des effets significatifs sur les espèces ou les habitats visés dans les annexes.

En conséquence, et tout en laissant aux Etats membres le soin de définir les moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés, la directive prévoit de façon détaillée à l'article 6, paragraphes 3 et 4, la procédure d'évaluation de l'impact d'un projet sur l'environnement, lorsque ce projet est prévu dans une ZSC.

- Il s'agit de s'assurer que tout nouveau projet d'activités prend en compte effectivement les intérêts de conservation de la nature. Ceci passe par une évaluation appropriée des incidences du projet sur les objectifs de conservation du site et la consultation du public en cours de procédure.

- S'il est démontré que l'impact du projet porte préjudice à l'intégrité du site, les autorités nationales ne peuvent donner leur accord que sous certaines conditions :

* s'il est démontré qu'il n'existe pas d'autre solution ;

* si le projet répond à un intérêt public majeur qui peut être de nature sociale ou économique ;

* l'Etat doit alors adopter des mesures compensatoires pouvant, au besoin, prévoir la recréation du même type d'habitat sur le site ou ailleurs.

Enfin, lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou d'espèce prioritaire, le projet ne peut porter préjudice à l'intégrité du site que pour des considérations majeures liées à la santé de l'homme et à la sécurité publique.

En ce qui concerne le régime de protection des espèces, la présence de celles dotées d'un statut prioritaire justifie, en outre, la mise en place de mesures évitant toute perturbation et dérangement.

b) Bilan d'application de la directive " Habitats naturels " en France.

Les propositions françaises ont peu évolué depuis le 15 juillet 1999 et concernent 1.029 sites couvrant environ 26.720 km 2 de superficie, soit environ 4,9 % du territoire. La superficie moyenne de chaque site est d'environ 2.600 hectares.

Le tableau ci-dessous, communiqué par l'administration fin 1999, récapitule la répartition des sites proposés par région :

Propositions transmises à la commission

Région

Nombre

Surface terrestre (ha)

Surface marine (ha)

Cours d'eau (km)

Pourcentage/
superficie régionale

Alsace

16

50 908

6,1

Aquitaine

66

149 271

7 864

1

3,6

Auvergne

61

86 080

2 382

3,3

Bourgogne

46

55 201

3

1,7

Bretagne

52

87 012

100 101

3,2

Centre

38

106 109

2,7

Champagne-Ardenne

72

53 678

2,1

Corse

43

89 153

52 510

10,3

Franche-Comté

40

119 904

7,4

Ile-de-France

14

24 112

60

2,0

Languedoc-Roussillon

57

297 151

7 208

10,9

Limousin

27

17 236

8

1,0

Lorraine

60

42 245

1,8

Midi-Pyrénées

91

270 155

6,0

Nord-Pas-de-Calais

21

9 374

4 603

0,8

Basse-Normandie

30

55 640

55 314

3,2

Haute-Normandie

20

23 509

7 363

660

1,9

Pays-de-la-Loire

32

155 890

30 038

4,9

Picardie

32

28 597

10 033

1,5

Poitou-Charentes

50

104 138

185 033

2

4,0

Provence-Alpes-Côte d'Azur

70

576 949

12 137

18,4

Rhône-Alpes

110

269 848

6,2

TOTAL

1 029

2 672 160

472 204

3 116

4,9

En application du décret n° 95-631 du 5 mai 1995 relatif à la conservation des "Habitats naturels", l'inventaire des sites proposés par la France à la Commission européenne a fait l'objet d'une concertation locale avec les maires et les représentants des milieux économiques et professionnels concernés.

L'arrêt du Conseil d'Etat du 27 septembre 1999 a, d'ailleurs, rappelé cette obligation de consultation en annulant pour illégalité la circulaire du 11 août 1997 ainsi que les trois décisions des 16 octobre, 3 décembre et 9 décembre 1997 du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, parce que cette circulaire autorisait les préfets à s'affranchir de la procédure de consultation pour les sites, dont la transmission ne posait pas de problème.

Il convient de souligner que la liste des 1.029 propositions transmises intègre les propositions annulées par l'arrêt du conseil, car celles-ci ont été soumises, dans un deuxième temps, à la procédure de consultation prévue par le décret de 1995.

Actuellement, la concertation se poursuit pour définir la gestion de chaque site avec l'élaboration d'un cahier d'objectifs dans le cadre d'un comité local de pilotage qui associe tous les acteurs concernés.

En 1996, un programme expérimental, soutenu financièrement par la Commission européenne, au titre du Fonds Life, avait concerné 36 sites pilotes. En 1999-2000, la réalisation de documents d'objectifs porte désormais sur 300 sites.

2. La France en position de faiblesse au regard des exigences européennes

Force est de constater qu'un contentieux important oppose la France à la Commission Européenne s'agissant de la mise en oeuvre du réseau écologique européen " Natura 2000 ".

D'une part, la France a été condamnée le 6 avril 2000 par la Cour de Justice des Communautés pour ne pas avoir transposé certaines dispositions de l'article 6 de la directive " Habitats naturels " notamment les paragraphes 3 et 4 et elle fait l'objet, depuis le 28 juillet 2000, d'une mise en demeure d'appliquer cet arrêt.

De cette décision, il ressort que la Cour a condamné l'insuffisance du dispositif français d'évaluation écologique des plans et projets affectant les zones " Natura 2000 " ; ainsi le champ d'application de l'étude d'impact, en droit français est réservé à certains types d'opérations d'une certaine importance compte tenu de la prise en compte de seuils. De plus, il a été jugé que le contenu de l'étude impact était insuffisant car il ne prévoyait pas l'analyse et l'évaluation des incidences du projet envisagé sur l'environnement et les objectifs de conservation du site concerné.

D'autre part, le retard, pris la France dans l'envoi de ses propositions à la Commission a conduit celle-ci à engager une procédure d'infraction en manquement au titre de l'article 226 du Traité. Bien que des transmissions successives aient été faites durant la procédure précontentieuse, la Commission a estimé que la France n'avait pas satisfait à ses obligations en n'ayant pas présenté une liste nationale complète de ses propositions dans les délais impartis et comme exigé par l'article 4 de la directive. Elle a donc saisi la Cour de Justice des Communautés en juin 1999 et son arrêt est attendu.

On peut, à ce sujet, s'étonner du choix de la procédure retenue par la Commission européenne, qui n'utilise pas les moyens expressément prévus par les articles 4 et 5 de la directive pour aboutir, de manière concertée, à l'élaboration d'une liste de sites. Ainsi, l'article 5 prévoit-il, dans les cas exceptionnels où la Commission constate l'absence " d'un site abritant un type d'habitat naturel ou une espèce prioritaires " dans la liste des sites proposés par un Etat membre, une procédure de concertation bilatérale entre elle-même et ce dernier afin de rechercher un accord. Si le différend subsiste, dans un délai de six mois, la Commission transmet ses propositions au Conseil, ce dernier statuant alors à l'unanimité dans un délai de trois mois.

L'avatar de la procédure en manquement au titre de l'article 226 du Traité illustre sans doute -une fois encore et il faut le déplorer- les difficultés du Gouvernement français et de son administration à établir avec les services de la Commission européenne un dialogue constructif.

Ou bien alors, cette dernière se serait-elle lassée, face à un bilan français jugé trop faible au niveau européen ? Au 17 mars 2000, l'ensemble des propositions faites par les Etats membres portait sur 10.250 sites, pour une superficie de l'ordre de 361.000 km², soit 11,2 % de la superficie de l'Union européenne.

Ainsi, au terme des séminaires organisés par la Commission européenne pour cinq des six régions biogéographiques identifiées pour structurer le réseau écologique, il est apparu que les propositions françaises, comme d'ailleurs celles de la plupart des Etats membres -mais dans de moindres proportions-, devaient être complétées pour environ un tiers des habitats et espèces concernées.

La Commission, pour obtenir ces compléments -qu'elle juge indispensables pour la cohérence du réseau écologique européen en voie de constitution- a alors décidé, le 16 mars dernier, de lier l'approbation des programmes soutenus par les fonds structurels " FEDER objectifs 1 et 2 " et " FEOGA Garantie " à la transmission de ces listes.

Afin d'éviter la menace réelle de blocage des dossiers de subvention, le Gouvernement s'est engagé auprès de la Commission à lui faire parvenir des propositions complémentaires respectivement pour le 31 mai 2001 pour les régions alpine, atlantique et méditerranéenne et 31 juillet 2001 pour la région continentale. A cette fin, des instructions ont été adressées aux préfets de département pour préparer les propositions susceptibles de combler les insuffisances françaises. Le Gouvernement s'est également engagé sur une transposition rapide de la directive " Habitats naturels " en droit interne.

3. Mais le choix de procéder par ordonnance reste inacceptable pour le Parlement

Tant sur le fond que sur la forme -et malgré les mises en garde sévères au niveau européen- le procédé dont use le Gouvernement n'est pas acceptable et l'ensemble des professionnels concernés le dénonce avec force, d'autant plus que beaucoup d'entre eux s'inquiètent du contenu du projet d'ordonnances.

Il aurait fallu que le Parlement puisse procéder à l'examen minutieux d'un dispositif qui va s'appliquer à l'ensemble du monde rural, qui pourra, dans certains cas, remettre en cause des projets d'infrastructure et qui, au travers des mesures de gestion proposées pour les sites, aura des effets sur l'exercice du droit de propriété.

a) Le refus du dialogue au niveau du Parlement

En juin 1998, sur la base du rapport relatif à la mise en oeuvre de la directive adoptée à l'unanimité par votre Commission, M. Jean-François Le Grand a rapporté devant le Sénat, qui les a adoptées, les conclusions d'une proposition de loi relative à la mise en oeuvre du réseau écologique européen dénommé " Natura 2000 " 2 ( * ) . Dans la discussion générale, les orateurs avaient insisté sur la nécessité d'un cadre législatif qui réglemente les procédures de concertation, tant sur la désignation des sites que sur leur gestion. Il y était également question de la nécessité de prévoir -sous une forme ou sous une autre- la prise en charge par la puissance publique des contraintes de gestion imposées aux propriétaires ou aux gestionnaires des espaces intégrés dans le réseau écologique européen.

En réponse, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, après s'être livrée à une critique en règle du dispositif de la Commission, a refusé tout dialogue constructif, puisqu'elle n'a proposé aucun amendement. Bien plus, elle a opposé l'article 40 à l'article de la proposition de loi relatif à l'indemnisation des propriétaires et gestionnaires concernés, en déclarant préférer une approche contractuelle pour rémunérer un service rendu à la collectivité par ces propriétaires ou ces gestionnaires.

On ne peut que regretter une telle attitude alors même que le Sénat souhaitait débattre sans esprit partisan et de façon pragmatique des meilleurs moyens à mettre en oeuvre. Le texte soumis à l'examen de la Haute Assemblée pouvait être modifié et complété, à l'issue d'un débat approfondi.

b) La validation rétroactive de certains sites désignés comme ZPS

En ce qui concerne la désignation des sites intégrant le réseau écologique européen, la principale lacune du texte de transposition concerne la désignation des zones de protection spéciale (ZPS) en application de la directive 79/409/CEE Oiseaux sauvages.

On peut rappeler que le réseau " Natura 2000 " intègre également ces ZPS et que les obligations de gestion découlant de l'article 6 de la directive 92/43/CEE " Habitats naturels " s'appliquent, depuis le 5 juin 1994, tant sur les ZPS désignées à cette date que sur celles créées ultérieurement.

Or, à ce jour, il n'existe, en droit interne, aucune procédure juridique préétablie et transparente. Le choix de ces ZPS a été fait à partir d'un inventaire d'identification scientifique validé au niveau régional et qui constitue l'inventaire des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF).

De plus, ce zonage, établi sans règle de concertation connue, et sans avoir recueilli l'avis des principaux intéressés se voit reconnaître une valeur juridique indirecte opposable aux autorités administratives chargées de la gestion de l'espace.

Ainsi, la juridiction administrative a-t-elle jugé à plusieurs reprises que " l'absence de prise en compte d'une ZNIEFF relève d'une erreur manifeste d'appréciation dans le rétablissement de l'état initial de l'environnement " 3 ( * ) . De même, dans le cadre des " porter à connaissance ", les préfets indiquent aux communes les éléments à prendre en compte lors de l'établissement de leurs documents d'urbanisme, et la présence de ZNIEFF sur leur territoire doit y être mentionnée.

Dans ces conditions, il est inacceptable d'envisager qu'un arrêté du seul ministre de l'environnement " légalise ", de manière rétroactive, ces ZPS déjà désignées même si elles ont fait l'objet d'une transmission à la Commission européenne. Au-delà de l'effet juridique attaché aux ZNIEFF en droit interne, ces ZPS feront l'objet, s'agissant de leur gestion, d'obligations pesant sur les gestionnaires et les propriétaires concernés.

Ceci est d'autant plus critiquable que le projet de décret, dont votre rapporteur a eu connaissance, instaure pour l'avenir, et s'agissant des ZPS, une procédure de concertation au niveau départemental associant les communes, ainsi que les établissements publics et consulaires concernés, qui auront deux mois pour se prononcer.

c) Des lacunes concernant la gestion des espaces intégrés dans le réseau écologique européen

Le Gouvernement privilégie une approche contractuelle négociée avec les gestionnaires concernés pour assurer la conservation des milieux sélectionnés mais fait également application des mesures réglementaires, notamment au titre des parcs nationaux, des réserves naturelles, des biotopes ou des sites classés.

Le projet d'ordonnance est muet sur l'adoption de mesures nouvelles qui viendraient s'ajouter au dispositif réglementaire existant. Or, des interlocuteurs, tels France Nature Environnement, considèrent que les mesures protectrices sont insuffisantes notamment lorsque les contrats ne seront pas adoptés ou correctement appliqués.

Il aurait été légitime que le Parlement puisse débattre de la nécessité d'instaurer ou non de nouvelles règles protectrices en matière d'environnement.

S'agissant du contenu des contrats eux-mêmes conclus entre l'Etat et les gestionnaires des espaces naturels, plusieurs incertitudes demeurent :

- l'article 24 du projet d'ordonnance précise que le contrat appelé " Natura 2000 " définit la nature et les modalités des prestations de l'Etat ainsi que les engagements du bénéficiaire qui en constituent la contrepartie. Mais, le projet de décret précise également, en ce qui concerne le document d'objectifs définit par arrêté préfectoral, que les cahiers des charges des mesures contractuelles doivent inclure, outre l'inventaire des aides et prestations d'entretien ou de travaux, " le descriptif des engagements non rémunérés conditionnant l'obtention des mesures rémunérées ".

Quelle sera l'étendue de ces engagements, sous quelle forme seront-ils définis et négociés avec les gestionnaires des espaces concernés ?

- Le projet d'ordonnances prévoit que les prestations de l'Etat sont interrompues si les engagements du contractant ne sont pas respectés, mais qu'en est-il, à l'inverse, si l'Etat n'assure plus les financements sur lesquels il s'était engagé ? Les aléas de l'annualité budgétaire pèsent sur les crédits inscrits au budget du Fonds de gestion des milieux naturels qui financera les mesures de gestion du réseau " Natura 2000 ".

En définitive, les mesures de gestion spécifiques qui s'appliqueront dans les sites " Natura 2000 " auront des répercussions sur l'exercice du droit de propriété. Il n'est pas anormal, alors, de souhaiter que, s'agissant d'un droit fondamental, le Parlement soit associé à la définition de ces mesures.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous proposera d'adopter un amendement tendant à supprimer la directive 92-43/CEE " Habitats naturels " de la liste des directives faisant l'objet du projet de loi d'habilitation.

II. LES DISPOSITIONS INTERESSANT L'AGRICULTURE ET L'ALIMENTATION (ARTICLES 1ER ET 2)

A. DIRECTIVE 95/53/CE DU CONSEIL DU 25 OCTOBRE 1995, FIXANT LES PRINCIPES RELATIFS À L'ORGANISATION DES CONTRÔLES OFFICIELS DANS LE DOMAINE DE L'ALIMENTATION ANIMALE

Cette directive tend à harmoniser les contrôles officiels réalisés par les Etats membres de l'Union européenne en matière d'alimentation animale.

Dans ce but, elle définit un certain nombre de principes communs destinés à régir l'organisation de ces contrôles :

- ces contrôles doivent être conduits à tous les stades de la filière -production, fabrication, stades intermédiaires précédant la mise en circulation, mise en circulation, utilisation des produits dans les exploitations- de manière régulière et en cas de suspicion, proportionnellement à l'objectif poursuivi ;

- les produits destinés à l'alimentation animale en provenance de pays tiers doivent faire l'objet de contrôles de conformité avant leur mise en libre pratique dans l'Union européenne. Si les contrôles réalisés concluent à une non-conformité des produits, la directive prévoit que ceux-ci devront être rendus conformes avant d'obtenir le dédouanement. A défaut, ces produits pourront être refoulés.

- les produits destinés à l'alimentation animale qui font l'objet d'échanges entre les Etats membres devront, pour l'essentiel, être contrôlés dans le pays d'origine, même si la directive admet que des contrôles soient effectués au cours du transport ou dans le pays de destination. La directive prévoit les mesures que peut prendre un Etat de destination lorsqu'il constate qu'un produit provenant d'un autre Etat membre est non conforme. En outre, elle vise à instaurer un système de coopération entre les administrations des Etats membres pour faire face à ce type de crise.

- Des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives devront être prévues.

- Les Etats membres doivent apporter certaines garanties aux assujettis, telle la possibilité d'obtenir une contre-expertise, ou encore l'obligation pour les agents de contrôle de respecter le secret professionnel.

- Enfin, les Etats membres doivent établir un programme annuel de contrôle en alimentation animale. Un bilan de ce programme doit être communiqué chaque année à la Commission, qui émet, le cas échéant, des recommandations destinées à compléter le programme de l'année suivante.

Etat de la transposition

Cette directive devait être transposée avant le 30 avril 1998.

Au moment de sa publication, cette directive était déjà pratiquement satisfaite par la législation française en vigueur. Les dispositions qui nécessitaient une transposition étaient celles qui concernaient les contrôles à l'importation des aliments pour animaux, préalablement à leur mise en libre pratique.

La transposition de ces dispositions relatives au contrôle à l'importation été réalisée par le biais des paragraphes XI, XII, XIII, XIV, XV et XVI de l'article 101 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999. Cet article, qui a modifié les articles 275-1 et suivants du code rural, récemment recodifiés en 236-1 et suivants, étend en fait aux aliments pour animaux le dispositif de contrôle applicable aux animaux et denrées d'origine animale, en provenance d'autres Etats membres ou de pays tiers.

En outre, deux arrêtés du 11 février 2000 ont défini les modalités du contrôle vétérinaire auquel les matières premières importées destinées à la fabrication d'aliments pour animaux doivent être soumises avant de pouvoir être dédouanées et ont établi la liste des postes frontaliers habilités à pratiquer ce contrôle.

La demande d'habilitation du Gouvernement viserait à conforter la transposition de l'article 13 de la directive, relatif aux mesures de police que peut prendre un Etat membre de destination lorsqu'est constatée, à l'occasion d'un contrôle, une non-conformité sur un produit en provenance d'un autre Etat membre. On considérait jusqu'à présent que l'article 101 de la loi d'orientation agricole assurait la transposition de cette disposition. Cependant, compte tenu de l'importance de ces mesures, qui sont destinées à s'appliquer à des acteurs non nationaux, il convient de leur conférer une base législative plus précise et incontestable.

Ainsi, l'Etat membre concerné pourra mettre en demeure l'expéditeur, le destinataire (ou tout autre ayant droit) de réaliser l'une des mesures de police suivantes :

- la mise en conformité des produits dans un délai déterminé ;

- la contamination ;

- tout autre traitement approprié ;

- l'utilisation à d'autres fins ;

- la réexpédition dans le pays d'origine ;

- la destruction des produits.

L'article 13 de la partie prévoit en outre que les frais résultant des mesures de police sanitaire prises en cas de non conformité d'un produit à la réglementation incombent au détenteur de ces produits.

Si cette disposition apparaît légitime dès lors qu'un contrôle conclut à la non conformité, elle ne résout pas la question de l'absence d'indemnisation des personnes qui ont subi, du fait de ces mesures, un préjudice important alors que le produit concerné est finalement reconnu sain.

Or, cette hypothèse est aujourd'hui fréquente, dans un contexte de multiplication des alertes alimentaires qui entraînent une application du principe de précaution. C'est le cas, en particulier, dans le domaine sensible de l'alimentation animale, où l'on ne recense pas moins de deux alertes par semaine.

Ainsi, en 1998, les producteurs européens d'aliments pour bétail se sont vus imposer des mesures contraignantes de police sanitaire, aboutissant à une paralysie de leur activité, parce que certains d'entre eux avaient importé, en provenance du Brésil, du citrus -pulpe d'agrumes utilisée en alimentation animale qui développe l'appétence des bovins- contenant de la dioxine.

De même, en juin 1999, au moment de la " crise belge des poulets à la dioxine ", les fabricants français d'aliments pour animaux ont vu leur activité bloquée pendant quatre mois, un arrêté du 4 juin 1999 ayant prescrit le retrait du marché d'un certain nombre de produits susceptibles d'être contaminés, parce qu'ils avaient utilisé des graisses importées de Belgique.

La question de l'indemnisation des personnes ayant subi un préjudice du fait de la mise en oeuvre de mesures de police sanitaire a été évoquée lors de l'examen par le Sénat le 5 octobre 2000 de l'article premier du projet de loi " portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale ", qui étend la liste des mesures de police sanitaire que les agents de contrôle peuvent prendre à l'égard d'un produit issu d'un élevage qui présente un risque pour la santé publique.

A l'issue d'un débat, le Sénat a adopté un amendement, présenté par le sénateur Jean Bizet et plusieurs de ses collègues, prévoyant que le ministre de l'agriculture détermine les conditions d'indemnisation des détenteurs du produit qui, après examen, s'est avéré sain.

La transposition de l'article 13 de la directive 95/53/CE pose de nouveau la question de l'indemnisation du détenteur lésé par l'imposition de mesures de police sanitaire à l'encontre de produits importés qui sont finalement mis hors de cause.

Certes, cette indemnisation soulève un certain nombre de problèmes techniques, tel celui de la délicate indemnisation du préjudice indirect, lié à une perte d'image.

Votre rapporteur pour avis estime, que c'est précisément en raison de la complexité de cette question qu'un débat législatif sur la transposition de cet article de la directive aurait été souhaitable.

Par ailleurs, votre rapporteur souhaite attirer l'attention sur les futures transpositions de directives actuellement en cours de discussion qui sont porteuses d'évolutions importantes de la réglementation applicables en matière d'alimentation animale. Il s'agit notamment :

- de deux directives qui devraient compléter les dispositions relatives aux contrôles, en instaurant notamment des clauses de sauvegarde destinées à suspendre l'importation de produits déterminés en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat tiers ;

- et surtout d'un projet de directive relatif à l'étiquetage, tendant à indiquer l'ensemble des ingrédients entrant dans la composition des aliments, actuellement en cours d'examen.

Il est indispensable que le Parlement débatte des dispositions à caractère législatif qui seront nécessaires pour transposer ces futures directives.

B. DIRECTIVE 89/397/CE DU 14 JUIN 1989 RELATIVE AU CONTRÔLE OFFICIEL DES DENRÉES ALIMENTAIRES

Contenu de la directive

Cette directive vise à harmoniser les contrôles réalisés dans l'Union européenne en matière de denrées alimentaires.

Les contrôles visés par cette directive concernent les denrées et additifs alimentaires, mais également les matériaux et objets entrant en contact avec les denrées (équipements, matériel de nettoyage), les modalités d'étiquetage et de présentation, les moyens de conservation.

La directive fixe les grands principes qui doivent guider la mise en oeuvre de ces contrôles :

- ces contrôles doivent être réalisés en cas de soupçon de non conformité, mais aussi régulièrement, dans un but préventif ;

- la mesure de contrôle doit être proportionnée à l'objectif poursuivi ;

- les contrôles doivent s'exercer à tous les stades : production, importation, entreposage, transport, distribution et commerce.

La directive détaille ensuite les différentes modalités de contrôle possibles : inspection, prélèvement d'échantillons, vérification de la fiabilité des systèmes d'auto-contrôles.

Elle autorise les agents de contrôle à prendre des mesures lorsqu'ils constatent des irrégularités et prévoit des garanties au profit des personnes contrôlées.

Enfin, elle impose aux Etats membres d'établir des programmes de contrôle tenant compte des recommandations de la Commission européenne en la matière.

Etat de la transposition

Cette directive devait être transposée au 14 juin 1990.

Jusqu'à présent, la France considérait que le droit français assurait la transposition de cette directive. La Commission n'a d'ailleurs fait aucune observation sur les dispositions nationales en vigueur censées satisfaire les exigences de cette directive.

Il semble pourtant que des mesures de transposition ou, plus modestement, des mesures complémentaires, soient encore nécessaires. C'est pourquoi le Gouvernement a sollicité une habilitation afin, selon les informations recueillies par votre rapporteur, de transposer ou de compléter la transposition de trois articles de la directive : l'article 4, l'article 5 et l'article 10.

L'article 4 précise que les contrôles sont effectués non seulement en cas de soupçons de non-conformité, mais également de façon régulière. Il s'agit donc de prévoir que les contrôles peuvent être réalisés dans une optique préventive.

Or, les agents de contrôle qui interviennent sur le fondement du livre II du code de la consommation ne disposent pas, en l'état actuel de la législation, du pouvoir de police administrative qui leur permettrait, dans le cadre de contrôles réguliers, de procéder à la recherche d'infractions, ce qui constitue un obstacle à la mise en oeuvre des plans de contrôle élaborés par l'administration, conformément à la directive 89/397/CE. La transposition de l'article 4 de cette directive se traduirait donc par la reconnaissance, aux agents de contrôle chargés de vérifier l'application du code de la consommation, du droit de réaliser des contrôles réguliers à caractère préventif. Votre rapporteur regrette que la reconnaissance de pouvoirs de contrôle supplémentaires emprunte la voie d'une ordonnance, qui ne permet pas de garantir qu'en contrepartie des dispositions seront prises en faveur des droits des personnes contrôlées.

La transposition de l'article 5 serait une conséquence de celle de la précédente disposition. Cet article, combiné au quinzième considérant de la directive -qui indique que les contrôles ont également un but préventif-, implique d'inscrire dans la législation française que des prélèvements d'échantillons peuvent être réalisés en dehors de l'hypothèse d'une recherche d'infraction, par exemple dans le cadre des plans de surveillance.

Enfin, il est apparu, à la lumière de plusieurs jugements rendus par des tribunaux, que le droit français n'offrait pas de base législative suffisante en ce qui concerne les pouvoirs de police reconnus par l'article 10 de cette directive aux agents en charge du contrôle des denrées alimentaires.

La loi d'orientation agricole a permis de détailler précisément ces pouvoirs de police, mais seulement en matière de denrées alimentaires d'origine animale. L'article 97 de la loi d'orientation agricole insère ainsi un article 253-2 dans le code rural, qui autorise les vétérinaires inspecteurs en présence d'un danger sanitaire inhérent à des denrées animales ou d'origine animale et destinées à la consommation humaine, à prendre les mesures de police sanitaire consistant :

- à rendre obligatoire un traitement des denrées en cause permettant d'éliminer tout danger pour la santé publique ;

- ou à ordonner la destruction pure et simple de ces denrées.

L'application de ces dispositions aux denrées d'origine végétale n'est donc, pour l'heure, pas effective. Alors même que des pouvoirs de sanction peuvent être mis en oeuvre à l'égard du détenteur des produits alimentaires d'origine végétale non conformes, en raison par exemple d'un défaut d'étiquetage, aucune mesure relative au produit en cause, telle qu'une obligation de mise en conformité ou encore une interdiction de commercialisation, ne peut aujourd'hui être imposée. Dépourvus du droit de prendre, à l'égard d'un produit non conforme, des mesures de police sanitaire, les agents de contrôle se voient contraints de recourir à des moyens de persuasion, peu efficaces, auprès des personnes sanctionnées, ou d'interdire un produit sans en avoir juridiquement l'autorisation.

C. DIRECTIVES N° 1999/2 ET N° 1999/3 RELATIVES AUX DENRÉES TRAITÉES PAR IONISATION

La directive 1999/2/CE, et la directive n° 1999/3 qui la complète, visent à harmoniser les législations relatives aux denrées traitées par ionisation.

L'ionisation est une technique de stérilisation des aliments par rayonnement. A l'inverse des stérilisations par la chaleur, l'ionisation présente l'avantage de ne pas entamer les qualités gustatives et nutritionnelles des denrées alimentaires. Elle est utilisée pour stériliser des denrées qui, comme les épices, contiennent une forte proportion de germes.

Les rayonnements ionisants utilisés doivent être d'un niveau suffisamment faible pour éviter tout risque de contamination radioactive.

La directive-cadre n° 1999/2 comporte, d'une part, des dispositions à caractère technique, relatives aux méthodes d'ionisation autorisées : la stérilisation des denrées alimentaires par l'utilisation de sources radioactives ou d'appareils produisant un certain type de rayonnement.

Elle établit, d'autre part, un certain nombre de dispositions à caractère général relatives aux denrées alimentaires destinées à être ionisées ; ces dispositions concernent notamment :

- la liste de ces denrées, sur la base de conditions restrictives ;

- la dose maximale à appliquer ;

- les modalités d'étiquetage des denrées et ingrédients traités : la directive pose ainsi l'obligation de mentionner tout produit ayant subi une ionisation, même partielle, contrairement à la réglementation française en vigueur, qui prévoit une dispense d'étiquetage pour les ingrédients ionisés entrant pour moins de 1 % dans la composition de la denrée finale.

La directive 1999/3 définit les denrées pour lesquelles l'utilisation de l'ionisation est autorisée au plan communautaire : les épices, les herbes aromatiques séchées et les condiments végétaux. Cette liste pourra faire l'objet d'extension. La Commission européenne doit, en effet, aux termes de l'article de la directive, présenter avant le 31 décembre 2000 une proposition visant à compléter la liste minimale établie par la directive 1999/3.

Dans l'attente de cette liste définitive, le dispositif actuel, consistant à soumettre à l'examen de la Commission les autorisations accordées au plan national, est maintenu. Les denrées qui peuvent actuellement en France faire l'objet d'un traitement par ionisation sont notamment les aliments composés irradiés pour animaux, les oignons et échalotes, les flocons et céréales, les cuisses de grenouille, les fruits et légumes secs.

Les dispositions de ces directives devaient être transposées avant le 20 septembre 2000 .

Etat de la transposition

Le décret n° 70-392 du 8 mai 1970, qui détermine le régime actuel d'autorisations pour l'ionisation des aliments, satisfait en partie les exigences de cette directive.

La plupart des dispositions restant pour l'heure à transposer devraient faire l'objet d'un décret, actuellement en préparation, destiné à modifier le décret du 8 mai 1970.

Une seule mesure de cette directive nécessite une disposition législative de transposition. Il s'agit de l'instauration d'un régime spécifique d'agrément, prévu aux paragraphes 1 et 2 de l'article 7 de la directive , pour les installations où sera réalisée l'ionisation des denrées. Cet agrément a pour but de garantir que l'établissement possède les équipements et le personnel adaptés, et qu'il est en mesure de maîtriser la dose d'irradiation appliquée aux denrées, conformément aux dispositions prévues par les annexes II et III de la directive 1999/2/CE.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, la mise en place de l'agrément des, ne devrait pas entraîner de coûts importants de mise aux normes, les établissements d'ionisation, qui sont de l'ordre d'une dizaine en France, se conformant déjà en pratique aux prescriptions de la directive. L'agrément devrait être délivré par les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes du ministère de l'Economie et des Finances.

La remise de l'agrément sera conditionnée à la vérification préalable, que l'établissement dispose bien :

- de sources de rayonnement conformes à la réglementation ;

- de zones de manutention et d'entreposage permettant de séparer les denrées traitées des denrées encore non traitées ;

- d'équipements permettant la conservation des denrées à une température appropriée ;

- d'un personnel ayant les qualifications requises ;

- d'un certain nombre d'instruments de mesure et d'enregistrement.

Pour l'instant, la France n'a pas été mise en cause en raison de la non transposition partielle de ce texte.

D. RÈGLEMENT N° 2238/93 DU 26 JUILLET 1993 RELATIF AUX DOCUMENTS ACCOMPAGNANT LES TRANSPORTS DES PRODUITS VITI-VINICOLES ET AUX REGISTRES À TENIR DANS LE SECTEUR VITI-VINICOLE

Contenu du règlement

Ce règlement a mis en place des instruments de contrôle du secteur viti-vinicole, dans la perspective de la mise en place du marché unique et donc de la suppression des frontières entre Etats membres : des documents destinés à accompagner le transport des produits et des registres viti-vinicoles.

L'application de la législation française antérieure avait pour conséquence la coexistence sur le territoire français de multiples documents de transport. Ce système comportait en particulier des documents distincts selon que les produits viti-vinicoles circulaient à l'intérieur du territoire français ou qu'ils franchissaient les frontières françaises. Le règlement n° 2238 a donc simplifié le régime des documents de transport, lesquels sont désormais communs à tous les produits viti-vinicoles circulant à l'intérieur de la Communauté. Trois documents sont prévus :

- un document administratif d'accompagnement pour les produits circulant en suspension de droit d'accises ;

- un document d'accompagnement simplifié (DAS) pour les produits circulant en droits acquittés ;

- un document économique pour les produits viti-vinicoles non soumis à accises.

Ces documents peuvent valoir attestation de l'origine ou de la qualité pour les vins à appellation d'origine contrôlée.

D'autre part, la directive impose à toute personne produisant ou détenant des produits viti-vinicoles, pour leur profession ou à des fins commerciales, la tenue de registres indiquant :

- les entrées et sorties de ces produits (registre dit de cave) ;

- les manipulations nécessaires à leur élaboration (registre de manipulation) ;

- certains produits nécessaires à leur production (registre de détention de certains produits).

Etat de l'application

Conformément au droit communautaire, ce règlement est entré en vigueur dès sa parution au Journal officiel des Communautés européennes.

Toutes les dispositions d'application rendues nécessaires par ce règlement ont été transposées par l'intermédiaire de textes à caractère réglementaire.

Cependant, le règlement ne prévoyant pas de sanction en cas de non respect des obligations qui découlent de ses dispositions, il appartient aux Etats eux-mêmes de mettre en place un régime de sanctions garantissant l'effectivité de l'application du règlement.

La réforme des contributions indirectes opérée par la loi de finances rectificative pour 1999 a donc introduit des sanctions applicables en cas de manquement à l'obligation de tenir une comptabilité matière des produits viti-vinicoles soumis à accises, c'est à dire des vins et alcools viniques.

En revanche, rien n'a été prévu jusqu'à présent pour sanctionner le non respect de cette obligation dans le cas des produits viti-vinicoles non soumis à accises, tels que les marcs, les lies, les jus de raisin. Il convient donc de prévoir des sanctions pour ces produits, ce qui nécessite des dispositions de caractère législatif.

Cette mesure présente un caractère particulièrement urgent pour les marcs et les lies, déchets issus du processus de fabrication du vin, qui doivent obligatoirement être soumis à distillation. Les producteurs perçoivent en effet une aide du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) destinée à financer cette distillation. Le régime de sanction qui doit être mis en place permettra également de garantir une utilisation de cette aide communautaire conforme à sa finalité.

III. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE LA CONSOMMATION (ARTICLE 1ER)

Quatre directives visées par l'article premier du projet de loi concernent la protection des consommateurs. Il s'agit de :

- la directive 93/13/CE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

- la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance ;

- la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CE sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative ;

- la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

Ces directives adoptées après le lancement du marché unique illustrent la montée en puissance du droit communautaire de la consommation.

Les Etats membres de l'Union européenne ont depuis longtemps élaboré des politiques en vue de défendre les intérêts des consommateurs. Les méthodes utilisées pour garantir ces droits reflètent différents systèmes juridiques, traditions socio-culturelles, contextes institutionnels et politiques nationaux. Cette diversité de réglementations et de structures a été considérée comme un obstacle à l'institution d'un marché unique et a justifié l'élaboration progressive d'une politique au niveau communautaire.

Depuis l'Acte unique, la politique communautaire de la consommation s'est, en effet, inscrite dans la politique plus générale de réalisation du marché intérieur. La suppression des frontières et la réalisation du marché unique au 1 er janvier 1993 ont mis en évidence l'existence d'un marché de plus de 340 millions de consommateurs, dont le bon fonctionnement exigeait la représentation et l'information des consommateurs, la sécurité des produits et des transactions.

Cette évolution s'est accentuée avec le traité de Maastricht, qui hisse la protection des consommateurs au rang de véritable politique communautaire. L'article 153 nouveau du traité instituant les communautés européennes, prévoit que " la Communauté contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques des consommateurs ainsi qu'à la promotion de leur droit à l'information, à l'éducation et à s'organiser afin de préserver leurs intérêts ". Cet article constitue depuis le cadre juridique indiscutable permettant de poursuivre une politique communautaire de défense des consommateurs dont nous retrouvons ici la traduction.

Le traité de Maastricht a ainsi ouvert de nouvelles perspectives concrétisées par plusieurs directives dont celles relatives aux actions en cessation, aux contrats négociés à distance et à la publicité comparative.

A. LA DIRECTIVE RELATIVE AUX CLAUSES ABUSIVES

La protection du consommateur contre les clauses abusives instituée en France par la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 a acquis une dimension européenne, avec l'adoption par le Conseil des Communautés européennes de la directive n° 93/13/CE du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

Il ne s'agit que d'une directive d'" harmonisation minimale ", les Etats ayant la possibilité d'adopter ou de maintenir des règles plus strictes afin d'assurer au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui qu'elle instaure.

La France a transposé cette directive par la loi n° 95-96 du 1 er février 1995 , en ne réformant sa législation précédente que dans la mesure où la directive améliorait la protection du consommateur. La transposition que le Gouvernement se propose d'effectuer par voie d'ordonnance ne touche donc qu'un point mineur de cette directive que la Commission européenne estime n'avoir pas été correctement transposée.

La transposition n'aurait sur ce point pour objet que de compléter le dispositif de l'article L.132-1 du code de la consommation relatif à la protection des consommateurs contre les clauses abusives. Il s'agirait de préciser au septième alinéa de cet article du code de la consommation que l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert que dans le cas où elles sont " rédigées de façon claire et compréhensible " .

Cette précision, conforme à la jurisprudence des tribunaux et à la doctrine de la Commission des clauses abusives, permettra aux autorités françaises d'éviter un contentieux inutile et de faible importance ayant pour cause juridique la transposition incomplète de la directive 93/132/CE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. A la suite de la notification d'un avis motivé de la Commission du 4 mai 1999 en application de l'article 226 du Traité de l'Union, les autorités françaises se sont, en effet, engagés à compléter l'article L.132-1 du code de la consommation afin de tenir compte explicitement du texte de l'article 4, paragraphe 2, de ladite directive.

Votre commission n'a pas d'objection majeure à la transposition par voie d'ordonnance de cette directive.

B. LA DIRECTIVE " CONTRATS À DISTANCE "

Le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont adopté, le 20 mai 1997, une directive concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance 4 ( * ) .

L'objet de cette directive est de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les contrats à distance entre consommateur et fournisseur. À ce titre, elle énonce les informations préalables dont doit bénéficier le consommateur, les modalités de confirmation écrite de ces informations, l'exercice du droit de rétractation et les effets du contrat à distance.

Les États membres sont tenus de transposer cette directive dans leur ordre interne au plus tard trois ans après son entrée en vigueur, à savoir le 4 juin 1997. Ils peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus strictes pour assurer une protection plus élevée du consommateur. Ils peuvent même interdire les contrats à distance de certains biens pour des motifs d'intérêt général, comme par exemple pour les médicaments.

Le champ d'application de cette directive est celui des rapports entre professionnels et consommateurs pris stricto sensu, comme il est de tradition dans le droit communautaire de la consommation. Il est précisé dans l'article 2 de la directive que le consommateur s'entend de toute personne physique agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, tandis que le fournisseur s'entend de toute personne physique ou morale agissant dans le cadre de son activité professionnelle.

Elle comporte plusieurs dispositions protectrices pour l'acheteur :

- une obligation d'information préalable du consommateur et de confirmation écrite de cette information. Ainsi, le consommateur bénéficiera d'une information détaillée concernant : la qualité, le prix des produits et des services, l'identité du fournisseur, la garantie et le service après vente, ainsi que les délais et coûts de livraison ;

- un droit de rétractation. Un délai minimum de 7 jours est accordé au consommateur pour exercer ce droit et être remboursé, le cas échéant, des sommes avancées en paiement, sans aucune pénalité ;

- des droits particuliers et une interdiction ;

- un droit d'opposition à toute sollicitation effectuée dans le cadre d'un démarchage par automate d'appel téléphonique ou par fax ;

- un droit de contestation d'un paiement effectué après communication d'un numéro de carte bancaire. Limité à l'utilisation frauduleuse du numéro de carte bancaire, ce droit permet au consommateur d'obtenir la recréditation des sommes prélevées ;

- l'interdiction de fournir, contre demande de paiement, un bien ou un service à un consommateur sans commande préalable de celui-ci ;

- un droit d'accès aux tribunaux nationaux pour les associations de consommateurs, qui se double d'un droit de saisine des juridictions administratives.

Le droit français ne devrait pas être bouleversé par la transposition de cette directive, qui apportera néanmoins des précisions et des enrichissements utiles . Le droit français et le droit belge ont, en effet, été parmi les principales sources d'inspiration lors des travaux d'élaboration de la directive.

Aussi, sur un certain nombre de points majeurs tels que les obligations générales d'information, l'instauration d'un délai de rétractation de sept jours, la prohibition de la fourniture de biens ou de services à un consommateur sans commande préalable, la directive ne nécessitera aucune mesure de transposition, le droit français comportant déjà ces dispositions.

La transposition de la directive permettra néanmoins de préciser certaines dispositions du code de la consommation. Elle imposera par exemple, d'étendre le droit de rétractation aux services, de préciser l'étendue des dérogations ou droit de rétractation et aux obligations d'information préalable.

Dans ces conditions, votre commission n'a pas d'objection majeure à la transposition par voie d'ordonnance de cette directive

C. LA DIRECTIVE SUR LA PUBLICITÉ COMPARATIVE

Si la publicité comparative a été autorisée en France par la loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs : il n'en est pas de même pour tous les Etats membres de l'Union, dont certains, fidèles à la tradition de la " réclame " sont encore réticents à laisser entrer la publicité comparative dans leur univers législatif. Aussi la volonté d'intensifier la concurrence au sein du marché unique et d'harmoniser les législations nationales en matière de publicité comparative a conduit la commission a prendre l'initiative d'un projet de directive.

La directive 97/7/CE adoptée par le Conseil et le Parlement européen, le 6 octobre 1997, se présente comme un texte de compromis, issu d'une période d'élaboration de six années. Lors de l'adoption de la directive du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des législations nationales en matière de publicité trompeuse, il avait été prévu d'élaborer dans un second temps, une législation communautaire en matière de publicité comparative. Le 28 mai 1991, la Commission a donc transmis une proposition de directive au Conseil, sur laquelle le Parlement européen et le Comité économique et social se sont prononcés. Enfin, le 19 mars 1996, le Parlement et le Conseil ont adopté une position commune sur la proposition modifiée de la Commission.

La directive 97/7/CE que le Gouvernement se propose de transposer par voie d'ordonnance autorise la publicité comparative dans l'Union européenne sous réserve d'une série de conditions :

- ne pas être trompeuse ;

- prendre en compte des biens et des services " objectivement comparables " ;

- n'engendrer aucune confusion sur le marché ;

- ne pas entraîner le discrédit ou le dénigrement d'un concurrent ;

- ne pas porter sur des reproductions ou des invitations de marques ou noms commerciaux protégés.

Cette publicité ne doit, en outre, porter que sur des biens ou services " répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ", ainsi que sur " des caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives ".

La transposition de cette directive devrait entraîner une modification substantielle du droit français .

Si la loi du 18 janvier 1992 a autorisé la publicité comparative, elle a soumis son autorisation à des conditions très restrictives. Aussi, le recours à ce type de message publicitaire est dans la pratique très rare, une situation qui devrait changer avec la transposition d'un texte communautaire plus libéral.

Les dispositifs français et communautaires diffèrent, en effet, sur trois points essentiels :

La définition des produits et des services sur lesquels peut porter la comparaison devra être étendue

L'article L.121-8 du code de la consommation issu de la loi du 18 janvier 1992 prévoit que la publicité comparative ne peut s'appliquer qu'" aux biens ou services de même nature ". En droit communautaire, peuvent être majorés des biens et services " ayant le même objectif et répondant au même besoin ".

L'élargissement du champ d'application de la publicité comparative ainsi opéré pourrait avoir des conséquences pratiques importantes. Alors que hier un message publicitaire indiquant que " le gaz naturel est, en coût global, de 15 % à 20 % moins cher que la vapeur, qui est son principal concurrent " était considéré comme illicite, car ne portant pas sur des produits identiques vendus dans les mêmes conditions 5 ( * ) , ce même message sera autorisé une fois la directive transposée. De même, pourraient être autorisées des comparaisons entre un Paris-Lyon par train et par avion. Alors que le droit français n'autorisait la publicité comparative que pour des produits identiques ou quasi identiques, la directive étend le champ des comparaisons à des produits similaires, voire à des catégories de produits ou des segments de marché. Cette ouverture est sans nul doute de nature à aviver la concurrence dans de nombreux secteurs économiques.

La directive élargit la possibilité d'établir des comparaisons de prix

Le code de la consommation français distingue les comparaisons sur les produits des comparaisons sur les prix et fixe des conditions d'autorisation très strictes de la comparaison des prix.

En vertu de l'article L.121-8 du code de la consommation, la comparaison sur les prix " doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur ". Cette position élaborée par la Cour de Cassation 6 ( * ) puis reprise par la loi de 1992, doit être interprétée rigoureusement. Les produits identiques sont ceux qui émanent du même fabricant : par conséquent, seules les publicités comparatives de prix entre distributeurs sont admises par la jurisprudence. C'est en ce sens que serait qualifiée d'illicite la pratique des " tableaux de concordance " qui expose des différences de prix entre des produits qui ne seraient qu'équivalents. De plus, les produits doivent être vendus dans les mêmes conditions économiques, ce qui signifie que la publicité comparative de prix entre une grande et une petite surface doit être considérée comme illicite.

Autorisée en droit, la comparaison des prix qui intéresse nombre de consommateurs était difficilement praticable et peu pratiquée. Il devrait en être autrement avec la transposition de la directive.

La directive ne distingue, en effet, pas entre ces modes de comparaison. Elle dispose que la publicité comparative est valable si " elle compose objectivement plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou des services dont le prix peut faire partie ". La comparaison entre prix n'est donc assortie d'aucune condition particulière. Il serait donc possible de comparer les prix de différents produits répondant aux mêmes besoins.

Vers la fin de l'obligation de communication préalable

Le droit français prévoit une obligation de communication préalable de l'annonce comparative par l'annonceur " comparé " qui permet au concurrent d'opter rapidement pour une défense commerciale ou judiciaire. La directive ne reprend pas cette obligation.

Cette disposition française a été considérée par la grande majorité des Etats membres comme une contrainte contraire à la liberté commerciale et n'a donc pas été intégrée à la directive européenne. Au demeurant, elle est dépourvue de sanction dans le dispositif français.

La transposition de cette directive devrait également entraîner des modifications mineures du droit français. Le texte communautaire n'a, par exemple, pas prohibé les annonces comparatives figurant sur certains supports. Or l'article L.121-11 du Code de la consommation interdit purement et simplement aux annonceurs, de faire figurer les publicités comparatives " sur des emballages, des factures, des titres de transport, des moyens de paiement, des billets d'accès à des spectacles ou à des lieux ouverts au public ". Le législateur a considéré que de tels supports ne pouvaient que rendre plus difficile le contrôle de la licéité de la publicité comparative et l'application des sanctions éventuelles. Ces conditions de forme n'étant pas prévues par le texte communautaire, on peut penser qu'elles ne devraient pas être prises en considération dans le cadre de la transposition en France de la directive.

De même, en cas de litige, une nouvelle disposition a été introduite à l'article 6 a), à la demande du Parlement européen, afin que l'annonceur soit tenu d'apporter dans un " bref délai ", des preuves relatives à l'exactitude matérielle des données de fait contenues dans la publicité comparative. Cette obligation n'est pas prévue par la loi du 18 janvier 1992 qui dispose cependant que l'annonceur doit être en mesure de prouver l'exactitude de ses allégations, indications ou présentations.

En conclusion, la transposition de la directive du 6 octobre 1997 aura des conséquences sur de très nombreux secteurs économiques et sur la vie quotidienne des consommateurs français.

Ainsi il faut imaginer le développement possible de la publicité comparative dans le domaine de la téléphonie, dans celui de l'informatique, du transport ou du tourisme. La grande distribution devrait également avoir plus largement recours à des comparaisons qui souvent l'avantagent. Les grandes marques internationales d'origine anglo-saxonne qui utilisent couramment la publicité comparative aux Etats-Unis notamment dans les secteurs de la restauration rapide ou des boissons pourraient de même développer ce type de communication.

L'introduction en France de la directive du 6 octobre 1997 pourrait également avoir des conséquences dans des secteurs moins attendus comme le secteur pharmaceutique. La directive publicité comparative s'applique, en effet, également aux médicaments, même si ceux-ci font également l'objet de dispositions spécifiques 7 ( * ) . L'application de ces nouvelles règles aux médicaments pourrait, par exemple, permettre la comparaison du prix du médicament original et de sa copie générique 8 ( * ) . C'est dire combien une transposition présentée comme technique pourrait avoir des conséquences sur les pratiques publicitaires.

La libéralisation du recours à la publicité comparative concerne au premier plan les publicitaires et les annonceurs. Certes, la première étape de cette libéralisation entamée par la loi du 18 janvier 1992 n'a pas entraîné une augmentation significative de la part des publicités comparatives dans l'ensemble des activités publicitaires. Mais il faut y voir moins l'effet d'une réticence culturelle que d'un dispositif juridique extrêmement restrictif. Dès lors on peut imaginer que la publicité comparative puisse prendre la place qui est la sienne aux Etats-Unis ou du moins en Angleterre où elle représenterait 3 à 20 % de l'activité publicitaire selon les secteurs.

Dans ces conditions on ne peut que regretter la méthode employée. Ces dispositions méritent mieux qu'un débat tronqué. Votre commission, tout en estimant nécessaire une rapide entrée en vigueur de ce nouveau régime, juge que la publicité comparative aurait mérité un vrai débat législatif où chacun aurait pu faire entendre sa voix.

La publicité comparative est, en effet, un des domaines du droit de la consommation qui suscite en France comme à l'étranger le plus de contentieux. C'est pourquoi cette transposition doit être l'occasion d'adopter un dispositif juridique clair et précis, mais également un dispositif opérationnel et pleinement compris par les entreprises, les professionnels de la publicité et les consommateurs.

Votre rapporteur pour avis a la faiblesse de penser que le Parlement est mieux à même de garantir ces exigences que l'atmosphère confinée des cabinets et des couloirs de Bercy. Qui mieux, en effet, que le Parlement pourrait garantir ce travail d'explication publique nécessaire dans un domaine qui touche les intérêts économiques de nombreux professionnels et la vie quotidienne de tous les consommateurs ?

La loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs avait sur ce point donné lieu à des débats constructifs. Les travaux du Sénat, et, en particulier, la contribution du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Jean-Jacques Robert, qui avait tenu à entendre l'ensemble des professions concernées, les nombreux apports de l'Assemblée Nationale avaient permis à la suite de deux lectures d'aboutir à un texte équilibré. Il aurait été souhaitable que la modification de cette loi fasse l'objet de la même procédure.

Votre rapporteur a néanmoins constaté à travers les nombreux contacts qu'il pris sur ce sujet avec les professionnels concernés, les annonceurs et les associations de consommateurs un relatif consensus sur les grandes orientations d'une directive qui, par ailleurs, laisse peu de marge de manoeuvre aux Etats membres.

Aussi après avoir soupesé les avantages d'un débat parlementaire et les inconvénients d'un retard supplémentaire dans la transposition de ce texte, votre rapporteur conçoit que l'on puisse sur ce point préférer la rapidité au débat.

D. LA DIRECTIVE RELATIVE AUX ACTIONS EN CESSATION EN MATIÈRE DE PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Le Gouvernement se propose de transposer par voie d'ordonnance la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions de cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

Cette directive a pour objectif de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres, afin de permettre la cessation de pratiques illicites au regard des directives communautaires. Il s'agit d'améliorer la confiance des consommateurs dans le marché unique en permettant, sous certaines conditions, à des organisations ayant un intérêt légitime à agir d'intenter des recours devant les tribunaux ou autorités administratives de chaque Etat membre.

Cette directive doit pallier -au moins partiellement- les imperfections découlant de l'absence d'espace judiciaire européenne lorsque des pratiques nuisibles portent atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs dans le cadre des échanges transfrontaliers.

La directive définit les " entités qualifiées " comme les organismes ou organisations qui conformément à leur droit national ont vocation à défendre les intérêts collectifs des consommateurs et peuvent donc demander que cessent des pratiques illicites. Il s'agit des organismes publics indépendants chargés de la protection des consommateurs ou des organisations de consommateurs. Un recensement de l'ensemble de ces organismes sera fait par chaque Etat membre et la liste en sera publiée au JOCE. Les tribunaux ou autorités administratives des Etats membres devront accepter l'inscription sur cette liste comme une preuve de la capacité à agir. Ils pourront cependant examiner pour chaque demande de cessation si la vocation déclarée de l'organisme lui donne bien le droit de demander la cessation d'une pratique illicite.

Ce sont les Etats membres qui désigneront les entités jugées aptes à exercer l'action en cessation. La directive ne précise pas explicitement s'il y aura lieu de créer des entités ad hoc chargées de recevoir les actions en cessation ou s'il suffit de désigner celles qui sont déjà reconnues.

Sont identifiés plus particulièrement les organismes publics indépendants chargés de la protection des consommateurs et les organisations dont l'objectif est de protéger de semblables intérêts. Les organisations représentatives des entreprises n'ont pas été retenues puisque leur intérêt à agir pouvait sembler, à quelques égards, en opposition avec les intérêts des consommateurs. La notion d'entités qualifiées utilisée dans la directive vise, en fait, à couvrir le champ le plus large possible afin de prendre en compte les particularités existantes au sein des Etats membres.

La directive vise expressément les infractions aux directives communautaires adoptées : publicité trompeuse, démarchage, crédit, télévision, voyages à forfait, publicité des médicaments à usage humain, clauses abusives, propriété à jouissance en temps partagé, contrats à distance. La directive prévoit que ce champ d'application pourrait être élargi tous les trois ans après rapport de la Commission au Conseil. La directive reconnaît la possibilité d'agir en cessation soit dans le pays où l'infraction est initiée, soit dans celui où elle produit son effet, dès lors qu'il s'agit d'une pratique contraire au droit communautaire prévu par les textes qu'elle vise expressément et que je viens de citer.

Les organisations qualifiées pour intenter une action en cessation peuvent préalablement à toute procédure tenter d'obtenir cette cessation soit directement en s'adressant au professionnel, soit en consultant un organisme public indépendant chargé de la protection des consommateurs dans l'Etat membre où ils veulent intenter un recours. Si la cessation n'est pas obtenue dans un délai de deux semaines après cette consultation, les tribunaux peuvent être directement saisis sans délai.

La transposition que le Gouvernement se propose d'adopter par ordonnance suppose la modification dans le Code de la consommation, des articles L.412-1 et suivants afin d'introduire dans notre droit national la possibilité pour des associations ou des organismes de défense des consommateurs d'autres Etats membres de l'Union européenne à agir en justice devant les tribunaux français.

La rédaction de l'article L.421-1 nouveau devra prendre en compte la possibilité à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement au fait portant un préjudice direct ou indirect, aux associations ou entités qualifiées en application de la directive et dont la liste est publiée au JOCE pour ce qui concerne les infractions intra-communautaires aux directives visées en annexe 1 de la directive.

La transposition ne suppose pas de modification du décret d'agrément des associations. La reconnaissance mutuelle suppose, en effet, que les associations ou organismes étrangers soient assimilées aux associations agréées. Il n'y a pas lieu de leur accorder un agrément national.

La transposition de cette directive qui est une des applications du principe de reconnaissance mutuelle ne devrait donc pas susciter de difficulté particulière.

Votre commission n'a pas d'objection majeure à la transposition par voie d'ordonnance de cette directive.

IV. LES DISPOSTIONS INTERESSANT L'INDUSTRIE ET LES TÉLÉCOMMUNICATIONS (ARTICLES 1ER ET 2)

A. L'INDUSTRIE

Dans le secteur de l'industrie, plusieurs textes communautaires sont concernés par l'habilitation demandée par le Gouvernement. Il s'agit en particulier :

- de la directive n°89/104/CE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques et du règlement (CE) n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, qui feraient l'objet d'une ordonnance commune de transposition ;

- de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles ;

- des articles 43 et 49 du Traité instituant la Communauté européenne en ce qui concerne la profession d'agents en brevets.

Malgré l'importance de ces sujets, qui intéressent particulièrement votre rapporteur -qui avait suivi, en tant que rapporteur pour avis de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, la discussion de la loi n° 94-102 du 5 février 1994 relative à la lutte contre la contrefaçon-, les conditions d'examen du présent projet de loi n'ont pas permis à votre commission d'étudier le sujet aussi attentivement qu'elle l'aurait souhaité.

Le Gouvernement s'apprête ainsi à réécrire dix pages de la partie législative du code de la propriété intellectuelle.

1. Le droit des marques

Les dispositions envisagées en transposition de la directive n° 89/104 et du règlement 90/94 sont relativement techniques et procèdent surtout d'une démarche d'harmonisation de la législation française avec le droit européen en vigueur, plus que d'un bouleversement radical des dispositions nationales.

a) Dispositions envisagées pour la transposition de la directive 89/104 rapprochant les législations sur les marques

Des observations ont été adressées par la Commission européenne aux autorités françaises concernant la transposition de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

La Commission estime que les dispositions actuelles de l'article L.714-1 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas en totale conformité avec celle de l'article 8 (2) de la directive précitée. En effet, l'article L.714-1 permet au propriétaire d'une marque d'invoquer les droits qu'elle lui confère à l'encontre d'un licencié qui enfreint les limites de sa licence, sans préciser les clauses concernées comme le fait l'article 8 (2) de la directive. Ceci pourrait impliquer qu'en droit français, la vente en dehors du territoire concédé par la licence constitue une contrefaçon de marque, alors que selon la directive seule l'apposition de la marque en dehors du territoire couvert par al licence constitue une contrefaçon.

Une nouvelle rédaction de l'article L.714-1 assurerait la conformité totale du code de la propriété intellectuelle avec la directive.

b) Dispositions relatives à la mise en oeuvre du règlement 40/94 sur la marque communautaire

Il est envisagé d'introduire par ordonnances un nouveau chapitre au code de la propriété intellectuelle destiné à transposer le régime de la marque communautaire en droit français.

En effet, le règlement 40/94 du 20 décembre 1993 a institué, sur tout le territoire de la communauté, un titre unique, jouissant d'une protection uniforme.

Ce règlement a, en outre, imposé aux Etats membres, pour sa mise en oeuvre, de désigner des autorités nationales compétentes pour connaître de la marque communautaire.

Les mesures envisagées en droit national seraient les suivantes :

- Désignation des " tribunaux des marques communautaires "

Selon l'article 91 du règlement sur la marque communautaire, les Etats membres doivent désigner sur leur territoire un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et deuxième instance dénommées " tribunaux des marques communautaires ". Cette désignation aurait dû intervenir au plus tard le 15 mars 1997.

Afin de pouvoir procéder par décret en Conseil d'Etat à cette désignation, le Gouvernement souhaite prévoir dans la loi, comme pour les marques nationales, la compétence exclusive de certaines juridictions de grande instance et d'appel. C'est ce que proposerait un nouvel article L.717-4 du code de la propriété intellectuelle.

- Désignation de l'autorité compétente pour apposer la " formule exécutoire "

Pour répondre à une exigence du règlement, un nouvel article L.717-7 désignerait l'INPI comme organisme habilité à pour apposer la formule exécutoire sur les décisions de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), fixant le montant des frais mis à la charge de la partie perdante dans une procédure devant cet office.

- Application du droit national aux atteintes à la marque communautaire

L'ordonnance prévoirait que les sanctions civiles et pénales de la contrefaçon et les mesures de retenue aux frontières applicables aux marques communautaires sont les mêmes que celles du régime des marques nationales, et ce par simple référence aux articles pertinents.

- Relations entre marques communautaires et marques nationales

Enfin, il est envisagé de prévoir dans le code de la propriété intellectuelle un régime (complexe) régissant les relations entre marque nationale et marque communautaire.

- En dernier lieu, un article de l'ordonnance envisagée étendrait le champ géographique d'application de la marque communautaire.

La marque communautaire produit ses effets sur le territoire national, comme une marque nationale. Néanmoins, la marque nationale et la marque communautaire, tout en ayant la même portée juridique, n'ont pas toujours la même portée géographique. Tel est le cas en France où la marque communautaire ne s'étend pas aux territoires d'outre-mer.

Afin de mettre fin à cette situation qui a été relevée à plusieurs reprises par la Commission, trois articles sont ajoutés au Livre VIII du code de la propriété intellectuelle qui tendent à conférer des effets dans les territoires d'outre-mer aux marques communautaires et aux marques nationales issues de la transformation de marques communautaires. Il y est procédé par une transcription des articles pertinents du règlement, lequel n'a pas d'effet direct dans les territoires d'outre-mer.

2. La protection des dessins et modèles

La directive 98/71 ayant pour but le bon fonctionnement du marché intérieur et l'élimination des obstacles à la libre circulation des produits, elle harmonise des dispositions nationales nécessaires à la réalisation de cet objectif, à savoir : le principe de l'acquisition du droit par l'enregistrement, l'objet, la durée et l'étendue de la protection des dessins et modèles. Elle laisse à l'initiative des Etats membres les modalités procédurales de l'obtention et de la mise en oeuvre des droits.

La transposition envisagée tendrait à remplacer intégralement le titre I du Livre V du code de la propriété intellectuelle.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que, sur le fond, la directive n'est pas en opposition avec le droit en vigueur . En particulier, la protection des dessins et modèles est assurée aussi, à des degrés divers selon les Etats membres, par la législation du droit d'auteur qui n'est pas harmonisée, et donc pas concernée par la directive.

Par exemple, la règle traditionnelle, en France, du cumul total de protection entre le droit d'auteur et celle des dessins et modèles, règle issue de la théorie de l'unité de l'art, serait entièrement maintenue. Le principe en serait expressément affirmé par un nouvel article L.513-1.

Pourtant, l'enregistrement du dessin et modèle deviendrait une formalité attributive du droit conféré par le Livre V, le déposant pouvant se prévaloir du droit d'auteur, pour la période antérieure à son dépôt, à condition bien entendu qu'il soit le créateur.

Le Gouvernement a indiqué que la directive et le projet de texte de transposition ont fait l'objet d'un consensus des " milieux concernés ", industriels et conseils spécialisés.

Votre rapporteur regrette, faute de disposer du temps d'un examen plus approfondi, de n'avoir pu le vérifier.

3. La liberté de prestation des agents en brevets de la communauté européenne

Par deux lettres du 15 mai 1998 et du 6 août 1999, la Commission européenne a indiqué au Gouvernement français que certaines dispositions du code de la propriété intellectuelle soulevaient des problèmes de compatibilité avec le principe de libre prestation de services dans la communauté européenne, posés par les articles 59 à 66 du Traité instituant la Communauté européenne.

Un avis motivé a été émis par la Commission le 24 janvier 2000.

Les dispositions incriminées figurent au code de la propriété intellectuelle, et notamment à son article L.422-4. D'après l'analyse de la Commission, ces dispositions imposeraient, lors de la procédure devant l'institut national de la propriété industrielle (INPI), la représentation par un conseil en propriété industrielle inscrit sur une liste nationale et ayant son domicile professionnel en France.

L'article L.422-4 dispose en effet que les personnes qui souhaitent se faire représenter dans les procédures devant l'INPI ne peuvent le faire que par des conseils en propriété industrielle dont la spécialisation est en rapport avec l'acte et qui sont inscrits sur une liste, dont le principe est fixé à l'article L.422-1, qui est établi par le directeur de l'INPI.

Pour éviter une éventuelle saisine de la CJCE, le Gouvernement souhaiterait préciser par ordonnances que cette disposition de l'article L.422-4 ne fait pas obstacle à la faculté de recourir " à un professionnel habilité à représenter, en matière de propriété industrielle, des personnes physiques ou morales devant le service central de la propriété industrielle de l'Etat membre de la communauté sur le territoire duquel il est établi ". Les mandataires en propriété intellectuelle de l'Union européenne accrédités auprès des homologues de l'INPI pourront donc représenter les demandeurs devant cet établissement public français.

B. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Neuf directives portant sur le secteur des télécommunications sont concernées par le projet de loi. Ce sont, pour la plupart, des textes intervenus après le vote de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996. Certaines des leurs dispositions avaient été transposées par anticipations dans cette loi, d'autres restent à intégrer en droit français.

DIRECTIVES DU SECTEUR DES TELECOMMUNICATIONS CONCERNEES PAR LE PROJET DE LOI

-directive n° 90/388/CEE de la Commission européenne du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications ;

- directive n° 96/19/CE de la Commission du 13 mars 1996 modifiant la directive 90/388/CEE en ce qui concerne la réalisation de la pleine concurrence sur le marché des télécommunications ;

- directive n° 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications ;

- directive n° 97/33CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) ;

- directive n° 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 1997 modifiant les directives 90/387/CEE en vue de les adapter à un environnement concurrentiel dans le secteur des télécommunications ;

- directive n° 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications ;

- directive n° 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

- directive n° 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité ;

- directive n° 1999/64/CE de la Commission du 23 juin 1999 modifiant la directive 90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux de télécommunications et les réseaux câblés de télévision appartenant à un seul et même opérateur constituent des entités juridiques distinctes.

Parmi les nombreux sujets concernés, trois points -annuaire universel, financement du service universel et équipements terminaux- appellent des commentaires plus détaillés de la part de votre rapporteur. Ils seront examinés ci-dessous.

Le tableau synoptique suivant, établi dans un souci de clarté, résume quant à lui sommairement les principaux changements envisagés au code des postes et télécommunications et l'état des éventuelles procédures d'infraction à l'encontre de la France pour non transposition de ces directives.

DIRECTIVE

DATE LIMITE DE TRANSPOSITION

PROCÉDURE D'INFRACTION EN COURS

CHANGEMENT À OPÉRER EN DROIT FRANÇAIS

90/388

31/12/1990

Directive entièrement transposée

96/19

11/01/1997

Saisine de la CJCE (service universel)

Directive entièrement transposée

97/13

31/12/1997

Avis motivé, saisine prévue de la CJCE

Les taxes liées aux autorisations doivent refléter les frais administratifs; les délais de sanction (article L 36-11 du code des p et t) et d'accord tacite pour l'établissement d'un réseau indépendant (L.33-2) doivent être mis en conformité avec la directive.

97/33

31/12/1997

Avis motivé, saisine prévue de la CJCE

Un mécanisme de différenciation des obligations des opérateurs en fonction du marché sur lequel ils sont puissants doit être institué (article L 34-8) ; les avantages induits doivent être déduits du coût net du service universel (article L 35-3)

97/51

31/12/1997

Saisine de la CJCE

Un mécanisme de désignation des opérateurs puissants sur le marché des liaisons louées doit être instauré (article L 35-5) , ainsi que la possibilité pour l'autorité réglementaire de fixer le point de terminaison du réseau (article L.36-6).

97/66

24/10/1998

Saisine de la CJCE

Interdiction des appels de prospection commerciale par automates sans autorisation préalable de l'abonné

98/10

30/06/1998

Avis motivé, saisine prévue de la CJCE

Annuaire universel (L 35-4) ; possibilité pour l'autorité réglementaire de demander aux opérateurs la modification de leurs contrats types (L. 34-1) ; obligation des opérateurs puissants (nouvel article).

99/64

Obligations à respecter pour le 30/04/00

Les obligations de la directive sont déjà respectées.

99/5

08/04/2000

Modification articles L 34-9 et L 32, nouveau régime de mise sur le marché

Malgré la technicité de la matière, l'ampleur des changements à introduire dans notre droit ne doit pas être sous estimée : ce serait environ une dizaine de pages du code des postes et télécommunications que le Gouvernement s'apprêterait à réécrire. Ces changements modifient parfois significativement le cadre réglementaire existant. De quoi dénoncer, encore une fois, la méthode employée et regretter que ces dispositions ne donnent lieu qu'à un débat tronqué.

La protection des données et de la vie privée, par exemple, est une préoccupation légitime et ancienne, qui a conduit à l'adoption d'une directive spécifique portant sur le secteur des télécommunications : la directive 97/66 du 15 décembre 2000 qui figure dans la liste des directives concernées par le projet de loi.

Cette directive prévoit notamment que les appels non sollicités effectués à des fins de prospection commerciale au moyens d'automates d'appels ou de télécopieurs ne peuvent être autorisés que s'ils concernent des abonnés qui ont donné leur accord pour recevoir ce type d'appels.

Cette disposition importante pour le respect de la vie privée devrait ainsi être transposée par voie d'ordonnance, le Gouvernement envisageant d'insérer un nouvel article L.33-4-1 au code des postes et télécommunications obligeant les opérateurs de télécommunications à donner la possibilité à leurs abonnés d'exprimer leur consentement à faire l'objet de prospection directe au moyen de télécopieurs ou d'automates d'appels et à fournir sur demande la liste des abonnés concernés.

Votre commission, tout en estimant nécessaire une rapide entrée en vigueur de ce nouveau régime, estime que la protection de la vie privée aurait mérité un vrai débat législatif, permettant également de faire entrer dans le droit national les dispositions de la directive 95/46 sur la protection des données personnelles, dont la transposition est envisagée dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information.

Il convient, enfin, de relever que toutes ces directives sauf trois - (90/388, 96/19 et 99/64) d'ailleurs déjà entièrement transposées ou respectées, ce qui conduit votre commission à s'interroger sur les raisons de leur présence à l'article 1er du projet de loi -, intervenues entre 1997 et 1999, sont d'ores et déjà en cours de révision . La Commission a en effet présenté un " paquet réglementaire " de huit textes destinés à être adopté d'ici à la mi-2001 et à remplacer les 28 textes communautaires en vigueur dans le secteur des télécommunications. Un premier échange de vues a eu lieu à ce sujet lors du Conseil Télécom du 3 octobre dernier. Dans un tel contexte, l'urgence de la transposition apparaît évidente.

1. L'annuaire universel des télécommunications

a) Une obligation légale jamais mise en oeuvre, dont l'économie est remise en cause par une directive de 1998

La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a parachevé l'ouverture de ce secteur à la concurrence. Dès lors qu'elle rendait possible, sur tous les segments du marché, l'entrée de nouveaux opérateurs, elle a, en contrepartie, prévu l'élaboration d'un annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés , quel que soit le réseau de télécommunications (fixe, mobile...) et l'opérateur choisis, ainsi que la fourniture d'un service de renseignements universel . Cet annuaire et ce service de renseignements universels font même, de par la loi, partie du service universel des télécommunications.

La liste consolidée de l'ensemble des abonnés de tous les opérateurs, servant à établir cet annuaire, devait être, toujours en vertu de cette loi, gérée par un organisme indépendant, juridiquement distinct des opérateurs. Un décret pris en Conseil d'Etat devait venir préciser ses missions et ses critères de désignation. Il était enfin indiqué qu'il ne pouvait lui-même éditer d'annuaire universel, mais devait revendre la liste exhaustive des abonnés, à un prix orienté vers les coûts, aux éditeurs d'annuaires et notamment à France Télécom, chargé, par la loi, d'éditer un annuaire universel.

Pourtant, quatre ans après le vote de ces dispositions, il n'existe toujours pas en France d'annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés, alors que notre pays comptait, au 30 juin 2000, 24,3 millions d'abonnés au téléphone mobile !

En 1998, alors que le décret attendu n'était toujours pas sorti -retard que votre commission avait d'ailleurs déjà largement déploré- une directive européenne a en effet quelque peu fragilisé l'édifice mis au point par l'article 8 de la loi du 26 juillet 1996.

A cette date en effet, l'article 6 de la directive 98/10/CE dite " ONP/téléphonie vocale " a établi que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone doivent répondre à toutes les demandes " raisonnables " de cession de leurs listes d'abonnés, à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires . Comme cela vient d'être dit, le droit français ne prévoit que l'obligation pour les opérateurs de communiquer leurs listes d'abonnés à l'organisme gestionnaire de la liste nécessaire à l'édition de l'annuaire universel.

Cette obligation communautaire prive l'organisme dont la création avait été envisagée par le législateur de la perspective de jouir de la gestion exclusive de la liste universelle.

Le Gouvernement considère qu'il serait de ce fait exposé à une concurrence susceptible de remettre en cause son équilibre financier. C'est pourquoi une modification législative est envisagée afin, d'une part, de transposer en droit français les dispositions de l'article 6 de la directive 98/10/CE et, d'autre part, de supprimer la référence à l'organisme prévu à l'article L. 35-4 du code des postes et télécommunications, même si ce point ne paraît pas encore définitivement acquis.

Dans le système envisagé, tout éditeur d'annuaire aurait la faculté de s'adresser à chacun des opérateurs pour obtenir communication de sa liste d'abonnés. France Télécom continuerait d'être chargé d'éditer un annuaire universel -sous forme électronique et papier- et d'assurer un service de renseignement universel dans le cadre de ses obligations de service universel. L'opérateur aurait la possibilité, pour remplir effectivement cette obligation, de s'adresser à chacun des autres opérateurs pour obtenir les listes d'abonnés nécessaires.

b) Les questions posées par la transposition de l'article 6 de la directive 98/10

La transposition de l'obligation communautaire soulève plusieurs questions :

- le principe d'un organisme indépendant gérant la liste universelle des abonnés doit-il être conservé ? Ainsi l'avant-projet de loi portant diverses dispositions d'harmonisation communautaire, un temps envisagé par le Gouvernement et soumis pour avis à diverses instances 9 ( * ) , maintenait-il le principe de son existence ;

- quels doivent être les tarifs de cession des listes d'abonnés à des fins d'édition d'annuaire : quels coûts doivent être prise en compte ?

- ces tarifs doivent-ils s'appliquer à l'édition de tous les annuaires, voire à la prospection commerciale, ou exclusivement à l'édition des annuaires universels ?

- l'ART doit-elle disposer d'un pouvoir d'arbitrage des différends sur les conditions techniques et financières de cession de ces listes ?

- sous quelle forme doit être distribué l'annuaire universel, en particulier pour les abonnés d'opérateurs tiers (surtout si, avec le " dégroupage de la boucle locale " 10 ( * ) programmé en 2001, l'abonnement à France Télécom ne sera plus une obligation de fait pour la téléphonie fixe) ?

c) La position de votre commission

Votre commission réaffirme son attachement à l'existence d'un annuaire et d'un service de renseignements universels. Elle souhaite les voir rapidement mis en oeuvre.

Elle estime que la transposition de l'obligation de cession des listes d'abonnés à des tarifs reflétant les coûts doit être strictement limitée à l'édition d'annuaires et exclure explicitement l'utilisation des données obtenues à un tel tarif à des fins de prospection commerciale.

En outre, il lui paraît utile que l'Autorité de réglementation des télécommunications dispose des moyens réglementaires d'exercer un arbitrage technique et financier sur les conditions de cession de ces listes d'abonnés.

Votre rapporteur pour avis a personnellement interrogé le ministre chargé des télécommunications, M.  Christian Pierret, sur l'ensemble de ces questions. Le ministre lui a apporté par écrit les éléments de réponse suivants :

- il est envisagé de supprimer l'organisme indépendant dont l'existence est actuellement prévue par le code des postes et télécommunications ;

- une procédure de règlement des litiges par l'ART est prévue pour les différends concernant les conditions de fourniture des listes d'abonnés. Cette procédure serait similaire à celle qui existe déjà dans le domaine de l'interconnexion.

Votre commission approuve ces orientations.

2. Le financement du service universel des télécommunications

a) Un système de financement mutualisé mis en place en 1996 par la loi de réglementation des télécommunications

La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 qui a ouvert ce secteur à la concurrence a affirmé le principe du maintien d'un service public des télécommunications et a organisé sa prestation dans un régime de concurrence. Elle en a ainsi précisé le contenu : le service universel est défini comme la fourniture à tous d'un service téléphonique de qualité à prix abordable. Il assure l'acheminement gratuit des appels d'urgence, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire d'abonnés sous forme imprimée et électronique. Il garantit la desserte du territoire en cabines téléphoniques sur le domaine public. Le service universel prévoit des conditions tarifaires et techniques spécifiques, adaptées aux personnes qui rencontrent des difficultés d'accès au service téléphonique en raison de leur handicap ou de leur faible revenu. Son financement est partagé entre les opérateurs.

Au cours de cette discussion législative, votre commission avait d'ailleurs particulièrement veillé à ce que la libéralisation du secteur ne se traduise pas par une diminution des exigences de service public. Bien au contraire, le nouveau cadre réglementaire a conforté ces exigences et a même prévu un mécanisme de révision du champ du service universel des télécommunications, pour enrichir périodiquement son contenu en fonction des évolutions technologiques et des besoins de la société. Une clause de rendez-vous avec le Parlement a ainsi été fixée, au moins une fois tous les quatre ans. Votre commission déplore que le Gouvernement n'ait pas respecté la première échéance, fixée à juillet 2000, pour le dépôt de son rapport sur le service universel des télécommunications, censé servir de point de départ à une éventuelle discussion législative sur l'extension du service universel.

Le coût du service universel comporte, d'après la loi de 1996, cinq composantes :

- le coût lié au déséquilibre de la structure courante des tarifs de France Télécom : cette composante transitoire couvrait la phase de rééquilibrage des tarifs de France Télécom par rapport à ses coûts 11 ( * ) . Elle est supprimée depuis le 1 er janvier 2000 ;

- le coût de la péréquation géographique , c'est-à-dire celui lié à la desserte du territoire pour que tous les abonnés aient accès au téléphone à un même prix sur l'ensemble du territoire ;

- les tarifs sociaux : il s'agit de la charge liée à l'obligation de fournir une offre de tarifs particuliers, destinée à certaines catégories de personnes en raison notamment de leur faible niveau de revenu ou de leur handicap. A noter que leur mise en place est récente ;

- la desserte du territoire en cabines téléphoniques ;

- l'annuaire universel et le service de renseignements correspondant, qui n'ont pas encore vu le jour (cf. ci-dessus) et pour lesquels le coût correspondant est nul.

Ce coût net est calculé par l'Autorité de régulation des télécommunications, puis constaté par le ministre chargé des télécommunications. Le principe est d'évaluer la différence entre la situation (fictive) où l'opérateur ne supporterait pas d'obligations de service universel et agirait selon une logique purement commerciale et celle où il remplit ces obligations, qui génèrent des coûts (desserte de zones auxquelles il ne se serait pas intéressé dans une logique purement commerciale par exemple), mais aussi des recettes. Ce calcul utilise un modèle économique destiné à évaluer le coût de la péréquation géographique, à partir de celui des zones non rentables, mais aussi de celui des abonnés non rentables dans les zones rentables.

La loi a fixé à France Télécom la charge de fournir le service universel. Son coût est partagé et financé par l'ensemble des opérateurs de télécommunications, au prorata de leur trafic dans le trafic téléphonique total 12 ( * ) .

Depuis 1997, le montant du service universel est le suivant :

b) Un dispositif sous étroite surveillance communautaire

La mise en place, en France, de ce système de partage du coût net du service universel est suivie avec une attention particulière par la Commission, tant par les services en charge des télécommunications que par ceux chargés des questions de concurrence.

Dans son dernier rapport sur la mise en oeuvre de la réglementation communautaire en matière de télécommunications, la Commission estime qu' " eu égard aux préoccupations de marché quant au fait que les régimes de financement du service universel constituent une entrave à l'entrée sur le marché, il faut une évaluation rigoureuse des coûts nets réels de la fourniture du service universel. "

La Commission relève, dans ce même rapport, que bien que neuf Etats membres (Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Autriche, Portugal) ont adopté des dispositions législatives prévoyant la création d'un mécanisme de financement du service universel, seuls deux de ces Etats (France et Italie) ont mis ces mécanismes en service. En outre, la France est le seul pays dans lequel un transfert de paiements ait eu lieu entre les opérateurs .

Ainsi, dès 1998, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure au Gouvernement français concernant la transposition des directives européennes sur le service universel.

La Commission a fait observer que :

1. le caractère inéquitable de la charge de service universel pour l'opérateur qui en est chargé et la nécessité d'un système de partage des coûts du service universel n'auraient pas été établis ;

2. la mise en place d'un tel système dès 1997 n'aurait pas été entièrement justifiée ;

3. le calendrier du rééquilibrage tarifaire n'aurait pas été communiqué à la commission ;

4. les critères d'évaluation par la commission des coûts du service universel n'auraient pas suffisamment été pris en compte.

Sur les mêmes fondements, la Commission a envoyé un avis motivé à la France au titre de l'article 226 du traité, l'invitant à prendre les mesures requises.

Une réponse du Gouvernement en date du 3 décembre 1999 clarifie le calcul de la composante " tarifs sociaux " et annonce la volonté du Gouvernement de prendre en compte, à compter de 2000, les avantages immatériels liés à la qualité d'opérateur chargé du service universel, qui doivent venir en diminution des coûts nets du service universel. Cette obligation figure à l'article 5, paragraphe 4, de la directive 97/33, citée parmi les directives pour lesquelles le Gouvernement demande l'habilitation à effectuer une transposition par ordonnances.

Malgré cette réponse, la Commission a considéré que nombre de griefs subsistaient. Elle a donc saisi la Cour de Justice d'un recours en manquement contre la France sur les points suivants :

- mise en oeuvre de mécanisme de compensation dès 1997 ;

- absence de mesure économique et comptable du rééquilibrage tarifaire ;

- caractères non objectifs, proportionnels et transparents de certaines composantes (forfaitaires) ;

- non publication des contributions des différents opérateurs.

D'après les informations communiquées à votre commission, la réponse des autorités françaises serait en cours d'élaboration.

c) La prise en compte des avantages induits dans le coût du service universel

Le principe admis par la directive 97/33 est que, si le fait de fournir le service universel peut entraîner des coûts, cela génère également des effets positifs, notamment en termes de notoriété et d'image.

La prise en compte de tels " avantages induits " n'est prévue explicitement ni par la loi précitée du 26 juillet 1996 ni par le décret du 13 mai 1997 relatif au financement du service universel pris pour son application.

Un changement de ces dispositions -et en particulier de l'article L.35-3 du code des postes et télécommunications- est donc nécessaire pour faire entrer l'obligation communautaire dans le droit national.

Mais ces avantages immatériels, bien que réels, sont par nature très difficiles à quantifier. D'ailleurs les estimations varient suivant les méthodes de calcul retenues.

L'ART indique, dans son rapport annuel publié en juin 2000, avoir engagé des travaux pour quantifier les effets économiques induits et les avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel . Elle a notamment confié une étude à un cabinet indépendant pour quantifié ces effets au moyen d'une enquête auprès d'un échantillon représentatif des ménages 13 ( * ) .

Les différentes évaluations conduites par l'Autorité situent, suivant les années, ces avantages entre 200 et 550 millions de francs.

Si l'on s'en tient au montant prévisionnel du coût net du service universel pour 2000 (soit 2,8 milliards de francs), selon une telle estimation des avantages induits, la baisse du coût du service universel occasionnée par leur prise en compte serait de 7 à 20%.

Votre rapporteur pour avis a pu constater que ces estimations - de même que l'existence d'un quelconque avantage induit- étaient contestés par l'opérateur historique. La mise en oeuvre de l'obligation communautaire pourrait s'avérer particulièrement délicate, surtout qu'il s'agit d'un enjeu financier réel pour les opérateurs concernés.

C'est pourquoi votre commission regrette que l'absence de débat législatif ne permette pas d'évoquer la méthodologie qui pourrait être retenue pour chiffrer - tâche ardue s'agissant de notions immatérielles - ces avantages induits.

Votre rapporteur a interrogé le ministre à ce sujet. Des réponses qui lui ont été apportées, il ressort que le Gouvernement entend préciser par décret la méthodologie que devra suivre l'art pour défalquer les avantages induits du coût net du service universel calculé chaque année.

3. La réforme du mode d'agrément des équipements terminaux de télécommunications

a) Les principales dispositions de la directive

La directive 99/5 du 7 avril 1999 sur les équipements terminaux de télécommunications et les équipements radio, dite directive " RTTE ", qui figure dans la liste des directives du projet de loi en cours d'examen, modifie profondément le cadre réglementaire applicable à la commercialisation de certains équipements de télécommunications. L'agrément préalable des équipements est en effet remplacé par une déclaration de conformité du fabricant à certaines exigences posées par la réglementation : le contrôle a priori de ces équipements est remplacé par un contrôle a posteriori.

La directive RTTE s'applique à l'ensemble des équipements radioélectriques et des équipements terminaux, -c'est-à-dire situés à l'extrémité des réseaux de télécommunications- à l'exception :

- des équipements radioélectriques utilisés par des radioamateurs, à moins qu'il ne s'agisse d'équipements disponibles dans le commerce ;

- des fils et des câbles ;

- des équipements relevant de la directive 96/98/CE du Conseil du 20 décembre 1996 relative aux équipements marins ;

- des équipements radioélectriques destinés à être utilisés exclusivement pour la réception de services de radiodiffusion sonore et de télévision ;

- des équipements, produits ou éléments au sens de l'article 2 du règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil du 16 décembre 1991 relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile ;

- des équipements et systèmes pour la gestion du trafic aérien au sens de l'article 1er de la directive 93/65/CEE du Conseil du 19 juillet 1993 relatif à la définition et à l'utilisation de spécifications techniques compatibles pour l'acquisition d'équipements et de systèmes pour la gestion du trafic aérien ;

- des équipements utilisés dans les activités ayant trait à la défense nationale, à la sécurité publique, à la sécurité de l'Etat et aux fonctions de l'Etat dans le domaine du droit pénal.

Les acteurs économiques concernés par cette directive sont les industriels fabricants d'équipements ainsi que, dans une moindre mesure, les opérateurs de télécommunications.

L'objectif de ce texte est de faciliter l'introduction sur le marché de ces équipements et de créer un marché unique européen pour tous les équipements radioélectriques. Le contrôle a priori est ainsi remplacé par un contrôle a posteriori.

Ses principales dispositions sont les suivantes :

- la directive réduit le champ des exigences essentielles applicables aux équipements terminaux ;

- elle allège les procédures d'évaluation de conformité en généralisant un régime déclaratif suivant des normes harmonisées ;

- elle modifie le champ d'intervention des organismes notifiés qui ne sont consultés que pour avis, dans des cas exceptionnels ;

- elle établit une responsabilité du constructeur pour la déclaration de conformité et l'introduction sur le marché ;

- elle donne aux exploitants de réseaux le libre choix des interfaces de ces derniers, en contrepartie de la publication des spécifications de ces interfaces ;

- elle impose la mention de la destination d'usage des équipements sur leur emballage.

Ce système, entré en vigueur le 8 avril 2000, est déjà en partie appliqué, même si le droit français n'a pas encore été mis en conformité avec le droit européen.

b) Un système déjà en vigueur dans les faits

Depuis l'entrée en vigueur de la directive, les équipements concernés doivent être conformes aux exigences essentielles et avoir fait l'objet d'une évaluation de conformité à ces exigences. L'attestation de conformité prévue par l'article L. 34-9 du code des postes et télécommunications n'est plus exigée.

Les exigences essentielles applicables sont :

- la santé et la sécurité des personnes ;

- la compatibilité électromagnétique ;

- la bonne utilisation du spectre des fréquences radioélectriques.

D'autres exigences essentielles pourront être ajoutées, ultérieurement, selon la procédure prévue à l'article 3 de la directive.

L'évaluation de conformité doit se faire selon l'une des procédures prévues par la directive. Le cas échéant, les fabricants ou les responsables de la mise sur le marché des équipements peuvent faire appel à un " organisme notifié " désigné par l'Autorité de régulation des télécommunications.

Des informations plus précises sur les procédures d'évaluation de conformité et sur les organismes notifiés ont été mises sur le site de l'Autorité de régulation des télécommunications, à l'attention des industriels concernés.

La commercialisation des équipements radioélectriques fonctionnant dans des bandes de fréquences non harmonisées dans la Communauté européenne doit faire l'objet d'une déclaration adressée à l'Agence nationale des fréquences au moins quatre semaines avant le début de la commercialisation, suivant une procédure décrite sur le site de l'Agence nationale des fréquences.

Les équipements doivent en outre faire l'objet des marquages prévus par la directive et être accompagnés de la déclaration de conformité aux exigences essentielles et des informations sur l'usage auquel l'appareil est destiné. Ces informations doivent permettre d'identifier notamment :

- pour les équipements radioélectriques, la zone géographique à l'intérieur de laquelle l'équipement est destiné à être utilisé et les conditions particulières d'utilisation ;

- pour les équipements terminaux, les réseaux auxquels ils sont destinés à être connectés.

L'ensemble des informations accompagnant les équipements doivent être rédigées en langue française.

Si ce système est, dans les faits, déjà appliqué par les grands industriels, l'administration est en revanche démunie, faute de modification du cadre légal français lui donnant les moyens de contrôle nécessaires, vis-à-vis de certains autres fabricants.

c) Les changements à introduire en droit national

La transposition de cette directive implique une nouvelle rédaction de l'article L. 34-9 du code des postes et télécommunications, issu de la loi du 26 juillet 1996, qui définissait le régime de la délivrance de l'attestation de conformité. Des changements seraient en outre apportés aux articles L. 32 ; L 36-6 ; L. 36-7 ; L. 39-1 ; L. 40 et L. 96 du code, auquel serait en outre inséré un article additionnel.

Sur le fond, les compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications doivent être redéfinies. En outre, conformément à la philosophie d'un dispositif qui remplace le contrôle a priori par un contrôle a posteriori, il est envisagé de renforcer les moyens de surveillance du marché (dispositions pénales du code des postes et télécommunications).

Un avant projet de loi et un avant projet de décret de transposition de cette directive figurent sur le site www.telecom.gouv.fr . Il est probable que les éventuelles ordonnances reprendront le contenu de ces projets.

Votre rapporteur pour avis a interrogé par écrit les industriels concernés sur ces dispositions importantes pour leur secteur d'activité, ainsi que le groupement des industries de télécommunications et d'électronique professionnelle.

Il ressort de cette consultation que la transposition de la directive est attendue. Si l'économie globale des projets gouvernementaux paraît convenir à l'industrie, deux remarques techniques peuvent néanmoins être formulées sur l'avant projet de loi soumis à consultation :

- il parait utile d'étudier si la définition des " exigences essentielles " ne pourrait pas renvoyer, dans un souci précision et de cohérence du droit, aux dispositions déjà en vigueur en matière de santé des personnes (directive 73/23/CEE) ou de compatibilité électromagnétique (directive 89/336/CE) ;

- il paraît opportun de préciser, comme le fait la directive, que, par rapport aux exigences de sécurité figurant dans la directive 73/23/CEE, la gamme de tension applicable aux équipements concernés est élargie (article 3 de la directive RTTE).

Votre commission souhaite que ces remarques, de nature très technique, puissent être prises en compte par le Gouvernement lors de l'élaboration du projet d'ordonnance.

V.  LES DISPOSITIONS INTERESSANT LE SECTEUR POSTAL (ARTICLE 1ER)

A. LE SERVICE PUBLIC DE LA POSTE : UN RENDEZ VOUS MANQUÉ AVEC LA NATION

1. Le service public postal mérite un grand débat national

Parmi les sujets, aussi nombreux que variés, qui sont listés dans le projet de loi d'habilitation, s'il en est un qu'il est inadmissible d'y voir figurer, c'est bien celui du service public de la poste .

Le service public n'est pas seulement un moyen de répondre aux besoins les plus fondamentaux de nos concitoyens. Il n'est pas seulement un fondement de notre droit public. Il est aussi, depuis près d'un siècle, un instrument d'unification du territoire et de développement économique. Il est, surtout, un des piliers actuels du contrat républicain .

Comme le souligne un récent rapport du Commissariat général du plan sur les services publics en réseau 14 ( * ) , les secteurs de l'électricité, du gaz, du transport ferroviaire, de la poste et des télécommunications ont été organisés dans notre pays suivant une approche typiquement française, conduisant à la création d'un puissant opérateur national, fortement intégré, en situation de monopole, contrôlé par l'Etat, investi de missions de service public et vecteur des stratégies nationales dans son domaine d'activité.

Cette approche a résulté de la convergence de préoccupations économiques (les rendements croissants justifiant des situations de monopole naturel) ; d'intérêt général (aménagement du territoire et cohésion sociale) ; de progrès social et de stratégie industrielle (politique énergétique, recherche et développement).

L'Etat a traditionnellement joué un rôle central dans l'organisation de ces services publics de réseau, rôle proéminent mais multiforme : régulateur, prescripteur du service public, porteur des stratégies industrielles, garant des grands équilibres économiques. Il a aussi été la tutelle et l'actionnaire des opérateurs publics.

Parmi ces services publics, La Poste jouit d'une situation particulière : son universalité et sa forte présence territoriale font qu'aucun autre grand service public de réseau ne bénéficie d'une telle proximité avec la population. La Poste entretient une relation privilégiée avec le public, comme avec les élus locaux. Son rôle sociologique est majeur : le bureau de poste appartient au paysage d'une commune, comme l'église, l'école et la mairie.

a) Gouvernés par le principe d'adaptabilité, les services publics doivent être dotés des moyens de s'adapter à la nouvelle donne économique et technologique

Mais les mutations de l'environnement de ces grands services publics de réseau appellent désormais des évolutions décisives.

La législation communautaire , qui pousse à la libéralisation des marchés, n'est bien souvent que le facteur le plus manifeste du changement imposé à nos grands opérateurs publics. Mais d'autres déterminants expliquent ces évolutions. Le rapport précité du Commissariat général du plan cite d'ailleurs, parmi d'autres facteurs :

- les évolutions technologiques : nouvelles technologies de communication ; production décentralisée d'électricité sans " effet d'échelle " ; transports par méthaniers pour le gaz ; interopérabilité, suivi du fret et technologie pendulaire pour le rail ; informatisation croissante des traitements postaux ;

- les évolutions de marché : explosion des besoins de télécommunications ; développement des trafics transfrontaliers ; commerce électronique et progression des activités de messagerie express pour le secteur postal.

Sous l'influence des progrès techniques, de la globalisation de l'économie, de la constitution du grand marché unique et de la diffusion d'une concurrence désormais européenne, certains de ces services publics ont donc été amenés à se moderniser, sans toutefois que ne soient reniés les grands principes qui les fondent.

Ainsi en a-t-il été, par exemple, des télécommunications , au terme d'un processus communautaire progressif, qui s'est traduit, en France, par un large débat national conduit, en 1995 et 1996, par le ministre chargé des télécommunications, M. François Fillon. Le Parlement a eu toute sa place dans ce débat, mené au Sénat par notre collègue Gérard Larcher au nom de votre commission. Débat fructueux, qui a conduit à la réforme du statut de l'opérateur public et à l'ouverture du secteur à la concurrence par deux lois du 26 juillet 1996.

Non sans que le service public des télécommunications ait été conforté à travers une prise en charge mutualisée de son financement par l'ensemble des opérateurs. Non sans que l'aménagement du territoire ait été imposé comme une exigence centrale du nouveau cadre réglementaire. Non sans que le statut des personnels ait été préservé. Non sans que les droits des consommateurs aient été renforcés.

Quatre ans après cette modernisation réussie d'un de nos grands services publics, comment remettre en cause le bien fondé d'une démarche équilibrée, qui allie ouverture à la concurrence et modernisation du statut de l'opérateur historique ? Baisses de tarifs, augmentation considérable de l'offre de services, innovations technologiques incessantes : les faits sont là et parlent d'eux-mêmes.

La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a, quant à elle, procédé d'une démarche moins ambitieuse. Plutôt que de réaliser toutes les adaptations nécessaires, elle s'est calquée sur le minimum d'ouverture à la concurrence imposée par la législation communautaire, sans qu'une réflexion d'ensemble sur le statut de l'opérateur -on pense en particulier au gestionnaire du réseau de transport placé " en son sein " - ne soit réellement menée. Malgré le caractère timoré -voire ambigu- des dispositions adoptées, cette loi, à l'amélioration de laquelle le rapporteur de la Commission des Affaires économiques Henri Revol a beaucoup oeuvré, marque une étape importante dans une évolution qui est cependant loin d'être achevée. En tout état de cause, et malgré un calendrier chaotique maintes fois dénoncé par votre commission, le débat a bel et bien eu lieu. Il aurait même pu s'avérer constructif, sans un arbitrage politicien tardif et malencontreux, qui lui conféra finalement un caractère partisan. Les débats de la commission mixte paritaire sont, à cet égard, particulièrement révélateurs.

Dans le secteur gazier , le Gouvernement annonce -depuis fort longtemps- l'inscription " imminente " à l'ordre du jour du projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaz naturel et au développement des entreprises gazières, adopté en conseil des ministres en mai dernier. Si l'exécutif n'a pas outre mesure l'air pressé de débattre d'un sujet épineux au sein de la majorité, le principe d'un tel débat est-il, au moins, acquis. La date limite de transposition, fixée au 10 août 2000, est quant à elle d'ores et déjà dépassée.

Seule La Poste est privée du grand débat national qu'appellent les changements économiques, technologiques et réglementaires à l'oeuvre dans son secteur d'activité . A cet égard, comment interpréter l'affirmation de l'exposé des motifs du projet de loi qui indique que " l'habilitation n'est pas demandée pour les directives dont l'objet et la portée politiques justifient un débat par la représentation nationale, à l'occasion d'un projet ou d'une proposition de loi : il en va ainsi notamment des directives(...) 98/30 (gaz) " ? A contrario, faut-il lire que le service public postal n'a pas d'objet ni de portée politique tels qu'un débat par la représentation nationale se justifie ? Votre commission ne saurait bien évidemment souscrire à une telle analyse !

Le glacis idéologique sous lequel est étouffé le débat postal est incompatible avec la nécessité de l'adaptation des services publics . L'adaptabilité est, ne l'oublions pas, une des trois principales caractéristiques des services publics français, avec la continuité et l'égalité. Cette capacité de réaction aux attentes des usagers et aux besoins de l'économie doit demeurer l'essence des services publics.

b) Un devoir politique trop longtemps différé

Depuis la publication du rapport d'information de notre collègue Gérard Larcher " Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique " , rédigé sous l'égide du groupe d'études sur l'avenir de La Poste et adopté 15 ( * ) en octobre 1997, votre commission ne cesse de réclamer la discussion d'une grande loi d'orientation postale qui assure l'avenir de La Poste et intègre les évolutions rendues nécessaires par le droit communautaire -et notamment par l'adoption de la directive du 15 décembre 1997 sur les service postaux communautaires, libéralisant partiellement le secteur-.

Quelle ne fut pas la déception de votre commission de constater que le Gouvernement avait, par un amendement inséré, en mars 1999, au détour d'un texte de loi en discussion 16 ( * ) , fait adopter un article de loi dans le code des postes et télécommunications, transposant " à la sauvette " une partie de la dite directive ! Cet artifice procédural permettait en effet à l'exécutif de faire l'économie d'un débat sur la situation de La Poste. Est-ce à dire que certaines échéances électorales à venir avaient davantage motivé le Gouvernement dans son entreprise que l'intérêt bien considéré de La Poste, de ses personnels et de ses clients ?

Un tel procédé ne pouvait que scandaliser votre Haute assemblée. Comment imaginer que le débat sur le service public postal puisse être réduit à l'examen hâtif d'un cavalier législatif inséré dans un texte soumis, qui plus est, à la procédure de l'urgence ?

Le Sénat se refusa, bien entendu, à cautionner une telle méthode, aggravée, qui plus est, par une accumulation de promesses non tenues de la part du Gouvernement.

c) Le débat postal promis par le Gouvernement : subterfuge, mensonge ou omission ?

En mars 1999, non content de priver la nation d'un débat public pourtant nécessaire, l'exécutif ne s'est pas privé d'user de manoeuvres dilatoires -pour utiliser un vocabulaire conforme à la courtoisie républicaine mais en deçà des réalités - pour amener la représentation nationale à adopter le dispositif législatif concerné.

C'est chronologiquement tout d'abord la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (CSSPPT) 17 ( * ) qui fut saisie, pour avis, en janvier 1999, d'un projet de dispositions législatives de transposition de la directive européenne 97/67/CE du 15 décembre 1997 ultérieurement transformé en amendement gouvernemental au projet de loi d'aménagement du territoire.

Comme l'indique son avis, publié le 20 janvier, elle fit " immédiatement savoir au ministre " :

- qu'elle " rejetait cette procédure qui priverait le Parlement d'un large débat sur l'ensemble de la question du service public postal , essentiel pour l'avenir de La Poste " ;

- mais " qu'un engagement du Gouvernement de déposer et faire examiner au Parlement avant la fin de l'année 1999 un projet de loi global de réglementation du secteur postal libérerait en revanche l'avis de la Commission et lui permettrait d'entrer dans la discussion des termes de l'amendement, l'urgence d'un vote étant évidente " .

Ayant obtenu du ministre une telle assurance, la commission supérieure a, en conséquence, transmis au Gouvernement son avis sur les dispositions en cause.

Cet engagement du Gouvernement a d'ailleurs été réitéré à l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de l'amendement concerné, en des termes, il est vrai, relativement ambigus.

Ainsi, au compte rendu des débats du 2 février 1999 18 ( * ) figurent les propos suivants du ministre :

" La Commission supérieure du service public a été consultée sur ce texte. (...) Nous comprenons sa préoccupation, (..) que je sais partagée sur tous ces bancs, que puisse être examinée par le Parlement un projet d'ensemble se rapportant à ces questions du service public de La Poste.

C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, j'ai proposé au premier ministre que le Gouvernement dépose, dans les prochains mois, un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre juridique complet et qui confortera ainsi la lisibilité d'ensemble de notre réglementation relative au service public. Il permettra, par ailleurs, de débattre largement -je pense que nous en avons besoin- du service public, de sa modernisation, de son encouragement par les pouvoirs publics et par le Gouvernement. "

Outre qu'il est assez cocasse que le Gouvernement, tout en escamotant le débat, en souligne la nécessité, ces propos montraient clairement qu'une échéance était prévue pour examiner enfin, dans son ensemble, l'avenir du secteur postal.

Pourtant le doute -habilement entretenu par l'intéressé ?- demeure quant aux intentions réelles du ministre, celui-ci déclarant ensuite, au cours de la même séance du 2 février, que la CSSPPT avait d'ores et déjà été saisie de ce " projet législatif d'ensemble ", ce qui n'était évidemment pas le cas, sauf à considérer que les maigres dispositions transmises le 16 janvier en tenaient lieu. Or c'est justement l'insuffisance de ces dispositions qui avait amené la CSSPPT à exiger du ministre l'engagement du dépôt d'un texte ultérieur, plus ambitieux.

La Commission supérieure a d'ailleurs clairement fait savoir qu'il ne saurait en être ainsi, dans un avis de mars 1999 : " Réunie en séance plénière le 3 mars 1999 pour débattre des modalités de transposition de la directive européenne 97/67/CE du 15 décembre 1997, la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications considère qu'elle n'a pas encore été saisie du projet de loi annoncé par le ministre dans sa lettre du 20 janvier 1999 , qui " donnera aux activités postales un cadre juridique complet ". En conséquence, elle attend les nouvelles initiatives du Gouvernement pour formuler ses observations ".

Cet engagement du ministre fut réitéré en séance publique au Sénat le 25 mars 1999 par la voix de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lors de la discussion de l'article 15 bis du projet de loi d'aménagement du territoire, pour lequel, à l'initiative de la commission spéciale présidée par le président Jean François-Poncet et dont le rapporteur était notre collègue Gérard Larcher, Le Sénat avait refusé d'adopter l'article portant transposition partielle de la directive , estimant la méthode indigne du débat requis pour le service public postal.

En lieu et place de la transposition partielle de la directive, le texte adopté par le Sénat pour l'article 15 bis disposait que : " Une loi d'orientation postale interviendra dans les six mois à compter de la publication de la présente loi ". Il ne fut finalement pas retenu par l'Assemblée nationale.

D'ailleurs, infirmant implicitement les propos tenus en séance par son représentant, quant à la transmission déjà intervenue d'un texte plus complet, le Gouvernement a transmis à la CSSPPT le 28 décembre 1999 un avant projet de loi portant diverses dispositions d'harmonisation communautaire , dans lequel figuraient notamment des mesures tendant à parachever la transposition de la directive. Ce sont d'ailleurs ces dispositions que le Gouvernement s'apprête à prendre par ordonnances si le Parlement l'y habilite.

Faut-il voir dans ce texte fourre-tout le fameux projet législatif " d'ensemble " moult fois promis sur les questions postales ? Nul ne saurait le prétendre s'agissant d'un texte " patchwork " , sans autre ambition que de transcrire au minimum minimorum la directive de 1997 et qui n'a en outre pas franchi les limbes de la pré-consultation. Aucun rapport avec la loi d'orientation postale réclamée par votre commission depuis plus de 3 ans.

La Poste est-elle donc condamnée à voir son sort se régler en catimini, dans l'atmosphère confinée des cabinets et des couloirs de Bercy ? A force de vouloir ne surtout faire aucune vague en abordant de front un sujet -il est vrai- difficile, n'est-ce pas à coup sûr l'avenir de l'opérateur postal qui se trouve hypothéqué par la loi du silence dans laquelle il est enfermé ?

Au delà de la sincérité des intentions gouvernementales, qui se trouve remise en cause par des actes si peu en accord avec les déclarations passées sur le futur grand débat d'ensemble, c'est le secteur postal qui est atteint par la désinvolture avec laquelle sont traités les grands enjeux de son avenir. Et pourtant -l'actualité le démontre chaque jour- l'heure des choix a sonné.

2. Les choix politiques sont plus nécessaires que jamais

Ce n'est pas d'une transposition par voie réglementaire du reliquat de la directive de 1997 que La Poste a besoin. Un bref rappel des évolutions récentes du paysage postal européen suffira à montrer le caractère dérisoire de la réponse du Gouvernement aux mutations en cours. Votre commission en reste persuadée : sans une vraie prise de conscience politique, notre poste est en danger.

En 1999, dans un deuxième rapport " Sauver La Poste : est-il encore temps pour décider " , votre commission et le groupe d'études sur l'avenir de La Poste formulaient les propositions suivantes :

RAPPEL DES PROPOSITIONS DU RAPPORT
" SAUVER LA POSTE : EST-IL ENCORE TEMPS POUR DECIDER ", JUIN 1999

1) Nouer une alliance internationale dans la messagerie en ouvrant le capital de Coelo , le holding colis et logistique de La Poste, à un partenaire étranger disposant des moyens d'un réseau mondial.

2) Ouvrir clairement le débat sur la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics , dans le cadre notamment de la discussion de la loi d'orientation postale à établir pour éclairer l'avenir.

3) Créer avec un grand partenaire informatique une filiale commune dédiée à la construction et à la gestion d'une plate-forme de commerce électronique .

4) Parallèlement, à l'instar de la poste allemande, développer une offre logistique intégrée à l'intention des PME et des grandes entreprises ayant créé leur propre site de commerce électronique.

5) Prendre toutes les initiatives nécessaires pour que le programme de réglementation postale fixé par la directive de 1997 soit poursuivi dès l'installation de la nouvelle Commission européenne, afin d'éviter des débordements du marché de nature à perturber le service universel.

6) Instituer un régulateur postal autonome recevant compétence exclusive sur le secteur du courrier, les services financiers entrant dans le cadre des attributions du Conseil de la concurrence.

7) Se conformer aux exigences du droit européen relatives à la séparation des comptes des activités sous monopole et des autres, ainsi qu'à l'individualisation comptable des activités de service universel.

8) Réfléchir à une hausse temporaire du prix du timbre pour disposer de nouvelles marges de manoeuvre.

9) Créer un service universel bancaire minimum pour les ménages les plus modestes et en faire reposer le financement sur le principe du " pay or play ", ce qui permettrait à La Poste d'être en partie compensée des charges que lui impose son action en ce domaine.

10) Pour aider à l'aménagement postal du territoire , élargir la diffusion des produits postaux en acceptant le développement de leurs ventes dans des réseaux commerciaux, aménager les horaires des points de contact postaux en fonction de la fréquentation réelle du public et faire de La Poste un acteur central des maisons de service public.

11) Clarifier les compétences des divers échelons territoriaux pour favoriser la mobilisation des cadres de terrain et, par là même, la définition d'un projet conquérant d'entreprise à même d'entraîner tous les personnels.

12) Pour permettre de mieux impliquer les élus dans la revitalisation postale des territoires, envisager des partenariats institutionnels entre La Poste et les collectivités locales pouvant prendre la forme de sociétés d'économie mixte locales .

C'est donc bien une réflexion d'ensemble que préconise votre commission. La méthode employée par le Gouvernement révèle, quant à elle, une sous-estimation des enjeux postaux globaux.

Qu'a fait le Gouvernement depuis l'intervention de la directive ? Un colloque en 1998, quelques demandes d'avis aux quatorze parlementaires et trois personnalités qualifiées membres de la CSSPPT, quelques morceaux de discussion -toujours fragmentés- au Parlement, en mars 1999 lors du débat de l'amendement postal à la loi d'aménagement du territoire, ou lors des diverses discussions budgétaires, quelques déclarations par-ci par-là, comme celle de M. Laurent Fabius, affirmant au Sénat lors du débat d'orientation budgétaire le 6 juin dernier que La Poste " est l'un des grands dossiers pour le gouvernement français " 19 ( * ) !

Des interventions éparses, mais rien de décisif, pas de vision d'avenir, pas de réelle mobilisation, pas de loi d'orientation postale.

Et aujourd'hui le Gouvernement nous demande de nous en remettre à lui pour régler par ordonnance la fin de la transposition de la directive postale !

La Commission des affaires économiques condamne fermement la loi du silence que le Gouvernement tente d'imposer au débat postal. Au secret des arbitrages ministériels, elle oppose la nécessité d'une discussion par la représentation nationale.

A l'heure où la France peine à rassembler sur sa position les petits Etats et ceux de l'Europe du Sud pour la révision de la directive de 1997, à l'heure de la transformation rapide des autres postes européennes, et de la montée en puissance inexorable de la poste allemande, nous devons collectivement penser l'avenir de notre poste.

Alors qu'un comité de 160 parlementaires français 20 ( * ) -appartenant d'ailleurs en quasi totalité à la gauche plurielle- envoie une pétition à la Commission européenne contre les propositions du commissaire Bolkestein, comment la nécessité d'un débat national n'apparaît-elle pas plus clairement au Gouvernement ?

B. EN EUROPE, DES MUTATIONS ACCÉLÉRÉES, EN FRANCE, UNE MARCHE À PETITE VITESSE

1. Les postes européennes : une transformation spectaculaire

Sans s'étendre trop longuement sur un sujet déjà bien connu de votre commission, notamment grâce aux rapports d'information de notre collègue Gérard Larcher 21 ( * ) , votre rapporteur rappellera brièvement le parcours spectaculaire effectué par certains opérateurs postaux européens.

Ainsi la réforme de la poste allemande, entreprise à compter de 1994, a reposé sur trois axes : transformation en société anonyme, réorganisation du réseau, évolution du statut du personnel. La loi postale du 1 er janvier 1995 prévoit l'entrée en bourse de la Deutsche Post , prévue pour intervenir dans les tous prochains jours. Cet opérateur est aujourd'hui un géant mondial, capable de racheter l'intégrateur DHL.

La poste allemande mène depuis 1998 une stratégie offensive de croissance externe, puisqu'elle aurait déboursé jusqu'à présent environ 50 milliards de francs pour sa politique d'internationalisation. Elle a multiplié les opérations d'acquisitions et de rachats partout en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, l'une des dernières opérations de grande ampleur ayant été le rachat de la société américaine de transport de fret aérien Air Express International

Récemment, les deux compagnies allemandes Lufthansa et Deutsche Post ont annoncé officiellement le regroupement de leurs participations respectives dans DHL International, le spécialiste de la messagerie rapide. Cette alliance permet aux deux opérateurs de détenir ensemble 50 % du groupe. Lufthansa et la Poste allemande ont également annoncé leur intention de créer une filiale commune de logistique, nommée E-LOGIC, pour se développer dans le commerce électronique d'entreprise à entreprise, segment le plus porteur du commerce électronique.

DPAG a par ailleurs commencé à regrouper les entreprises rachetées au sein d'un réseau intégré de distribution paneuropéen qui soit commun à toutes ces entreprises, et qui soit structuré sous la marque unique " EURO EXPRESS ". L'enseigne Euro Express lancée le 1 er octobre 1999 par la poste allemande est destinée à englober lune offre complète de transport de colis (messagerie, express) dans les 19 pays d'Europe où la poste allemande est présente.

La politique de croissance externe de Deutsche Post s'accompagne d'une politique marketing forte. En effet, le groupe a adopté une nouvelle identité visuelle et changé d'appellation, puisqu'il a été rebaptisé " Deutsche Post World Net-Mail, Express, Logistics, Finance ", nom qui symbolise l'étendue de ses ambitions et de ses moyens.

La poste allemande bénéficie des marges financières que lui a procuré la hausse -contestée- du prix du timbre. Elle fait aujourd'hui figure de géant européen, à dimension mondiale.

La poste hollandaise , TNT Post Group, a, elle aussi, conduit, ces quinze dernières années, un changement drastique mais consensuel , incluant privatisation, changement de statut des personnels, positionnement sur les marchés en croissance et accroissement de la rentabilité. En juin 1988, elle est devenue la première entreprise postale au monde à être cotée en bourse.

Présent dans plus de 200 pays avec près de 100.000 salariés, le groupe ne cesse de publier des résultats positifs. Entre 1993 et 19997, son chiffre d'affaires a été multiplié par trois. Né du rachat de l'intégrateur TNT par la poste néerlandaise fin 1996, le groupe a poursuivi son positionnement sur les marchés en croissance (messagerie et logistique), par le rachat, fin 1998, de la société française Jet Services. Ces dernières années, ses opérations de croissance externe ont concerné plus de 25 entreprises de messagerie pour un montant supérieur à 15 milliards de francs.

Le Post Office britannique a quant à lui acquis en 1999 deux sociétés allemandes, le réseau de messagerie German Parcel et le messager express Der Kurier, et vient de racheter au début de cette année l'américain Citipost Group. En France, le Post Office a racheté la société CRIE, spécialisée dans les envois express de courrier en France et à l'international, et plus récemment la société de messagerie Extand, filiale de Géodis.

Au début de l'année 2000, le Post Office a créé une joint-venture avec la poste néerlandaise et Singapore Post, qui aura un champ d'action mondial en se concentrant sur le traitement du courrier international des entreprises. La création d'un partenariat commercial associant deux postes européennes à un partenaire asiatique -d'ailleurs complémentaires sur le plan de leur développement- illustre les enjeux liés à la mondialisation des marchés postaux ainsi que ceux inhérents à un développement plus général du marché global des services de la logistique. Ce partenariat commercial, s'il devait aboutir à un rapprochement plus significatif de ces deux postes, se traduirait à terme par une nouvelle configuration du paysage postal européen.

Ces changements ne se sont pas déroulés au même rythme dans l'ensemble de la Communauté.

En matière d'ouverture des marchés, sept Etats membres sont à plusieurs égards allés plus loin que ce que ne prévoyait la directive postale de 1997. Ainsi, il n'existe pas de monopole postal en Suède ni en Finlande. En Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie et au Danemark, le domaine " réservé " à l'opérateur historique est déjà plus réduit que le maximum prévu par la directive (350 grammes). En Allemagne, la limite en vigueur actuellement est de 200 grammes pour le courrier ordinaire et de 50 grammes pour le publipostage. Aux Pays-Bas, le publipostage ne fait pas partie du domaine réservé et la limite de poids et de prix de ce dernier est de 100 grammes. En Espagne, le courrier inter-urbain et le publipostage sont intégralement libéralisés. En Italie, le publipostage est également ouvert à la concurrence.

Alors que le marché français est le deuxième d'Europe, alors que La Poste est appelée à jouer un rôle significatif en Europe, les évolutions françaises ont été beaucoup plus lentes.

2. La France à petite vitesse dans les tournants stratégiques

Face à un tel palmarès, les efforts pourtant réels de La Poste française paraissent sans commune mesure avec la modernisation et les stratégies de déploiement international de ses concurrentes.

En particulier, votre commission ne sous-estime pas la portée de l'accord conclu en septembre dernier avec un grand intégrateur (Federal Express), dont elle souhaitait de longue date l'intervention.

Mais elle considère que notre poste reste enfermée dans un cadre réglementaire qui hypothèque sa réactivité.

Certes, l'amélioration progressive des résultats financiers est un signal encourageant.

Mais le contrat de plan conclu avec l'Etat en 1998 manque de souffle, l'application difficile des 35 heures pèse sur le dialogue social et sur la productivité. La question du statut de La Poste reste taboue et, faute de capital, l'opérateur doit trouver en lui-même -ou via ses filiales- les moyens de son expansion internationale.

La question des missions d'intérêt général exercées sans contrepartie financière n'est toujours pas réglée.

Le rapport d'information précité de 1997 de votre commission et du groupe d'études sur l'avenir de la poste avait calculé le coût net des charges d'intérêt général assurées par La Poste. Ce coût représentait plus de 8 milliards de francs par an , en 1996, dont 4,5 milliards de francs pour le coût d'entretien d'un large réseau (17 000 points de contact postaux sur le territoire) pour partie peu fréquenté (3 000 points de contact fonctionnent moins d'une heure par jour). Ce chiffrage, qui mériterait sans doute d'être actualisé, n'a d'ailleurs pas été contesté.

3. La révision de la directive postale : une échéance essentielle qui aurait dû être mieux anticipée

a) Un sursis qui n'a pas été mis à profit

La directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté n'a que très partiellement ouvert le secteur à la concurrence.

En effet, une initiative conjointe du Président Chirac et du Chancelier Kohl au sommet de Dublin en décembre 1996 avait permis d'endiguer la volonté d'ouverture immédiate de certains autres Etats membres.

Votre commission s'en était félicitée, considérant que La Poste devait être préparée au choc concurrentiel.

Mais la question de l'ouverture accrue à la concurrence n'était que repoussée, la directive prévoyant sa propre révision, selon un calendrier dont elle fixait les échéances :

- à la suite d'une évaluation - qui n'a pas été menée- la Commission européenne devait présenter, pour le 31 décembre 1998, une proposition concernant la poursuite de l'ouverture du marché postal, en vue notamment de libéraliser le courrier transfrontière et le publipostage et de revoir à nouveau les limites de prix et de poids des services " réservés " ;

- le Conseil et le Parlement devaient se prononcer sur cette proposition avant le 1 er janvier 2000 ;

- les mesures décidées devaient entrer en vigueur le 1 er janvier 2003.

L'élaboration de la proposition par la Commission a été retardée par la démission de la Commission précédente le 15 mars 1999, ainsi que par la nécessité, pour le nouveau Collège, de réexaminer la question. Aussi est-ce le 30 mai 2000 que la Commission a formulé ses propositions, matérialisées par une proposition de directive publiée en juillet modifiant celle de 1997.

Ce sursis, obtenu de justesse en 1996, par une implication personnelle du chef de l'Etat, n'a malheureusement pas été mis à profit pour préparer La Poste au choc concurrentiel à venir. Ce manque d'anticipation des évolutions prévisibles du secteur postal risque de coûter cher à l'opérateur public.

La France en est ainsi réduite aujourd'hui à tenter d'obtenir un nouveau sursis.

b) Une proposition d'ouverture accrue, programmée en deux étapes

Sans préjudice de la liberté des Etats-membres à libéraliser plus rapidement leur marché, la proposition de directive de la Commission prévoit la poursuite de l'ouverture à la concurrence en deux nouvelles étapes. La première, qui devrait entrer en vigueur le 1 er janvier 2003 , consisterait en un abaissement général des limites de poids et de prix actuelles pour les services qui peuvent continuer à être réservés (c'est-à-dire exercés sous monopole) parallèlement, toutes les limites de poids et de prix seraient supprimées en ce qui concerne le courrier transfrontalier sortant et le courrier express.

L'étape ultérieure, pour laquelle la décision devrait intervenir au 31 décembre 2005 au plus tard, prendrait effet au 1 er janvier 2007 ; il s'agirait d'une nouvelle restriction des droits exclusifs encore accordés aux prestataires du service universel conformément à l'article 7 de la directive, conservés dans la seule mesure où cela est strictement nécessaire au maintien du service universel. L'ampleur de cette nouvelle avancée devra être déterminée par le Parlement européen et le Conseil le 31 décembre 2005 au plus tard, sur proposition de la Commission présentée avant le 31 décembre 2004, au terme d'un réexamen du secteur portant sur le maintien du service universel postal dans un contexte concurrentiel.

Si les propositions de la Commission étaient acceptées, ce serait environ 10 milliards de francs supplémentaires de chiffre d'affaire de La Poste qui seraient mis en concurrence, soit environ le quart des services actuellement réservés.

c) Des premières réactions qui laissent présager une négociation serrée

Un premier échange de vues sur les propositions de la Commission a eu lieu lors du Conseil Télécommunications du 3 octobre. Ce premier tour de table a surtout permis aux Etats-membres de se " positionner " en vue de la négociation à venir.

D'après des comptes-rendus officieux de cette réunion, parus notamment dans la presse, on peut dire que, si deux blocs d'Etats sont déjà clairement identifiés (ceux qui veulent accélérer l'ouverture et ceux qui veulent la modérer), d'autres délégations ont en revanche réservé leur position.

Certains Etats n'ont pas fait mystère de leur désir d'accélérer la libéralisation, souhaitant aller au delà des propositions de la Commission.

Il s'agit de l'Allemagne , des Pays bas , de la Suède et de la Finlande .

Il faut dire que ces Etats sont tous déjà préparés à une concurrence déjà largement effective chez eux.

Comment ne pas regretter, sur un plan politique, que l'axe franco-allemand, moteur de la construction européenne, sur lequel avait reposé le compromis de Dublin en 1996, se trouve désormais rompu en matière postale?

Certains autres Etats membres jugent plus ou moins excessive l'ouverture proposée par la Commission.

Si la Grèce et la France , par exemple, ont jugé inacceptables les propositions de la Commission, ces pays n'ont pas pour l'instant officiellement formulé de contre-proposition précise. L'Espagne et le Portugal paraissent être sur la même ligne.

L'Italie a considéré que la limite de poids des services réservés devrait être fixée à 150 grammes au lieu de 50 dans la proposition de la Commission.

Les autres Etats membres n'ont pas encore fait part de leur position définitive.

Ainsi en est-il, officiellement, du Royaume-Uni , qui semblerait pourtant incliner, si l'on en croit des propos de son secrétaire d'Etat au commerce, vers une proposition médiane, proche de celle formulée par l'Italie.

Les négociations en vue du Conseil des ministres du 22 décembre 2000 s'avéreront donc sans nul doute particulièrement difficiles, même si le Parlement européen pourrait être, dans cette négociation, un élément plus favorable que la Commission aux thèses du Gouvernement français. Votre commission considère quant à elle préférable d'obtenir un accord au sein du Conseil sous présidence française, c'est-à-dire d'ici à la fin de l'année, plutôt que sous présidence suédoise.

Une indication pourrait être donnée par la position officielle des opérateurs postaux -qui n'est pas celle des différents Gouvernements, même si elle s'en rapproche forcément-. Ainsi, dans un communiqué de presse de l'association PostEurop du 22 mai dernier, dix postes ont demandé à la Commission " d'user de prudence et de circonspection " dans la libéralisation ultérieure du marché. Ce " groupe des dix " comprend les postes française, grecque, italienne, portugaise, luxembourgeoise, mais aussi belge, anglaise, autrichienne, danoise et irlandaise.

Votre commission souhaite qu'un compromis satisfaisant puisse être trouvé d'ici au Conseil du 22 décembre, tant sur le périmètre des services réservés que sur la définition des " services spéciaux " ou le calendrier ultérieur de libéralisation. Elle estime que l'élaboration d'un éventuel accord ne dispense pas pour autant le Gouvernement d'entamer une réflexion sur l'évolution du cadre législatif postal français.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SUR LA TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES DE LA DIRECTIVE 97/67

Les dispositions législatives qu'il est proposé d'adopter par voie d'ordonnance complètent la transposition partielle de la directive de 1997 opérée par l'article 19 (article 15 bis du projet de loi) de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

1. Des dispositions qui pourraient, sans réel inconvénient technique, sortir du champ de l'habilitation

D'après les informations communiquées par le Gouvernement, les dispositions envisagées sont de portée essentiellement technique. Il s'agit en particulier :

- de fixer une procédure d'autorisation par le ministre chargé des postes des activités nouvellement ouvertes à la concurrence en 1999 (envois de correspondance faisant partie du service universel mais hors services réservés -entre 351 et 2000 grammes-, envois à valeur déclarée et envois recommandés). Cette procédure d'autorisation n'est qu'une option prévue par la directive, qui n'oblige en aucun cas les Etats membres à la mettre en oeuvre ;

- de renforcer les moyens juridiques permettant notamment d'assurer le respect du monopole de La Poste sur les services réservés (recueil d'informations auprès des opérateurs, pouvoirs d'enquêtes, sanctions pénales). Ces dispositions ne relèvent pas à strictement parler de la transposition de la directive. Elles sont plutôt une adaptation (nécessaire, le rapport précité " Sauver La Poste " le disait déjà, en 1997) du cadre législatif actuel, inadapté depuis de longues années.

La question du renforcement des moyens de contrôle du respect du monopole postal se pose en effet depuis longtemps et n'est pas exclusivement liée à l'ouverture partielle à la concurrence introduite en droit national en 1999.

Votre commission estime donc que ces dispositions pourraient sans inconvénient trouver leur place dans le projet de loi d'orientation postale dont elle souhaite (depuis trois ans) la discussion prochaine.

En définitive, le texte envisagé par le Gouvernement porte d'une part sur une disposition optionnelle de la directive et d'autre part sur l'adaptation -certes utile- d'un droit ancien dont l'absence, y compris depuis l'ouverture partielle à la concurrence il y a deux ans, n'a pas gêné La Poste.

Le coeur du dispositif de la directive du 15 décembre 1997 -et notamment le champ des services réservés à La Poste- a déjà été transposé en 1999.

2. Une méthode du Gouvernement qui révèle une grave sous-estimation des enjeux postaux et un réel mépris du Parlement

Sur le fond , votre commission rappelle que son rapport d'information de 1999, adopté conjointement avec le groupe d'études sur la poste, préconisait l'instauration d'une autorité indépendante pour la réglementation du secteur postal, compétente sur le secteur du courrier.

Au-delà de la question de principe des modalités de la régulation des services publics de réseau, c'est aussi la nécessité d'une symétrie de traitement des services publics qui incite votre rapporteur à renouveler une telle recommandation. Il est, au moins, important qu'il en soit débattu.

Sur la forme, votre commission désapprouve totalement la méthode de transposition employée par le Gouvernement.

Malgré ses déclarations, le Gouvernement escamote le débat public sur les questions postales en " saucissonnant " la directive de 1997, en en insérant un premier " bout " par cavalier législatif et en transcrivant le reliquat par ordonnance.

C'est, nous dit-on, pour gagner du temps, pour aller vite, pour ne pas être les " mauvais élèves " de la classe communautaire.

C'est uniquement à cette fin, laisse-t-on entendre, que l'urgence est déclarée sur ce projet de loi.

Ce scénario n'est pas neuf, il devient même systématique s'agissant des questions qui fâchent au sein de la majorité plurielle.

C'est celui de " l'urgence lente ", déjà dénoncé au Sénat, par la voix de notre collègue Henri Revol pour la transposition de la directive " électricité ", ou encore par nos collègues Philippe Marini, Pierre Hérisson et Gérard Larcher pour les nouvelles régulations économiques.

Scénario dont tout porte à craindre qu'il pourrait se reproduire pour le gaz.

" L'urgence lente " du Gouvernement Jospin : voici un terme qui mérite désormais toute sa place au royaume des oxymores, compte-tenu de l'utilisation répétée qui en est faite, à côté du " soleil noir " de Gérard de Nerval ou des " affreuses douceurs " de Charles Baudelaire.

Car cette méthode s'industrialise : elle devient systématique.

Le Gouvernement laisse s'accumuler les retards puis, une fois que lettres de mise en demeure et autres avertissements communautaires arrivent, il en prend prétexte pour faire l'impasse sur le débat parlementaire. Le Parlement serait-il tenté de s'en offusquer ? Comme il est facile alors de l'accuser de vouloir retarder la transposition du droit européen, et de lui demander de continuer à se taire !

Ainsi la directive " électricité ", adoptée en décembre 1996, à l'élaboration de laquelle la France a pris une large part, entrée en vigueur en février 1997, n'a-t-elle fait l'objet du dépôt d'un projet de loi que le 9 décembre 1998 ( deux ans après son adoption ). Discuté en urgence, bien évidemment, ce texte n'a pourtant été examiné à l'Assemblée nationale que le 23 mars 1999. C'est alors que le Gouvernement a jugé bon d'attendre encore huit mois pour l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat, le 5 octobre 1999.

Délai que rien ne semble pouvoir justifier (sauf peut être la proximité des élections européennes, au printemps 1999 ?) et que le Sénat a d'autant plus dénoncé qu'après des mois d'atermoiements, le calendrier des dernières phases de la discussion législative fut fixé de telle sorte que votre commission ne put disposer en pratique que de quelques heures (!) pour l'examen de ce texte en nouvelle lecture.

Finalement, la loi fut promulguée le 10 février 2000, soit plus de trois ans après l'adoption de la directive, sans que ce retard ne soit en aucune sorte imputable à une quelconque mauvaise volonté parlementaire.

Il y a fort à craindre que la directive " gaz " ne soit transposée -si elle l'est un jour, et il faudra bien qu'elle le soit- dans des conditions de travail parlementaire tout aussi déplorables.

Si elle se généralise, la méthode de " l'urgence lente " se perfectionne également.

Elle donne lieu à des variantes de plus en plus sophistiquées. Avec le projet de loi actuel, elle " avance " encore d'un cran -ou plutôt elle rétrograde encore d'un échelon le caractère démocratique du débat-. Ce n'est plus sur des dispositions précises que le Parlement est appelé à se prononcer de toute urgence après des années d'attentisme, mais sur le principe d'un blanc seing donné au Gouvernement.

Une telle méthode est-elle conforme à l'esprit de notre Constitution, dont l'article 2 dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants -le Parlement- et par la voie du référendum ?

Une telle méthode est-elle cohérente avec la déclaration solennelle du Premier ministre le 19 juin 1997, qui disait, dans sa déclaration de politique générale, " ne plus vouloir de ce jeu de défausse qui a trop souvent consisté à se décharger sur l'Europe de tâches qui auraient du être assumées dans le cadre national, à imputer à l'Union européenne des défaillances qui procédaient souvent de nos propres insuffisances " ?

Est-elle conforme au souhait maintes fois réaffirmé de rénover le rôle du Parlement ?

La réponse à toutes ces questions est malheureusement évidente.

Votre commission récuse donc fermement à l'avance toute accusation tendant à faire porter sur le Sénat la responsabilité de la non transposition de la directive postale. La discussion d'une loi d'orientation postale est en effet réclamée par votre commission depuis 1997. Des propositions très détaillées ont été formulées à cet effet, dont certaines ont d'ailleurs été traduites sous forme de proposition de loi 22 ( * ) .

S'il peut exceptionnellement permettre, compte tenu de l'engagement européen de notre pays, le recours à la procédure des ordonnances, comment le Parlement pourrait-il accepter un tel mode de traitement pour un service public si cher aux Français ?

Le service public postal mérite mieux que de tels subterfuges, surtout à l'heure où la renégociation de la directive de 1997 et la symbolique entrée en bourse de la poste allemande soulignent la rapidité des mutations de ce secteur et l'ampleur de la réflexion à mener dans notre pays.

En conséquence, votre commission vous proposera un amendement tendant à supprimer la directive postale de la liste des textes que le Gouvernement est habilité à transposer par ordonnances.

VI. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES (ARTICLE 4)

A. LA RÉFORME DU SYSTÈME AUTOROUTIER

L'article 4 du projet de loi d'habilitation énonce qu'outre les mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures mentionnée à l'article 1 er , et afin de faciliter, " notamment ", la mise en oeuvre des dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics de travaux, le Gouvernement sera autorisé à prendre, par ordonnances, les mesures législatives requises pour :

- supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, prolonger les durées actuelles des concessions et prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications seront appliquées dans les comptes des sociétés, au titre de l'exercice ouvert au 1 er janvier 2000 ;

- redéfinir les règles, " notamment en les unifiant et les simplifiant ", relatives à l'institution de péages pour l'usage d'infrastructures routières et de certains ouvrages d'art compris dans la voirie nationale, départementale et communale, y compris lorsque la gestion de ces ouvrages d'art est assurée par un établissement public de coopération intercommunale.

1. Les origines du " modèle autoroutier français "

Il vous sera d'abord rappelé qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de la voirie routière, les autoroutes sont " des routes sans croisement, accessibles seulement en des points aménagés et réservées aux véhicules à propulsion mécanique ". La base juridique de notre système autoroutier est toujours constituée par la loi du 18 avril 1955 instituant le régime de la concession .

Le vote de la loi du 18 avril 1955 a permis à notre pays de rattraper le retard pris à cette époque par rapport à nos principaux voisins. Ce texte disposait notamment que " l'acte déclaratif d'utilité publique peut , dans des cas exceptionnels, décider que la construction et l'exploitation d'une autoroute seront concédées par l'Etat à une collectivité publique, à un groupement de collectivités publiques, ou à une chambre de commerce, ou à une société d'économie mixte dans laquelle les intérêts publics sont majoritaires ".

Les sociétés dont la création était ainsi autorisée devaient signer avec l'Etat une convention de concession, qui leur transférait la responsabilité du financement, de la construction, de l'entretien et de l'exploitation à péage de la section faisant l'objet de la convention.

La loi de 1955 a été par la suite assouplie. La mention " dans les cas exceptionnels " a été ainsi supprimée par le décret du 4 juillet 1960. Mais surtout, la loi de finances pour 1969, complétée par un décret du 12 mai 1970, a autorisé la création de sociétés à capitaux privés.

La gestion des emprunts nécessaires au financement de la construction des autoroutes par les sociétés d'économie mixtes (SEMCA) a été assurée par la Caisse nationale des autoroutes (CNA), établissement public créé en 1963 et géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, l'établissement public Autoroutes de France (ADF), a été créé en 1982, pour accorder des crédits aux sociétés d'économie mixte ayant des besoins de trésorerie.

Soulignons que la loi de 1955 posait le principe de la gratuité des autoroutes concédées.

2. Les schémas directeurs

Le principe des schémas directeurs routiers nationaux a été introduit par la LOTI du 30 décembre 1982. Cette loi prévoit que les schémas sont élaborés en tenant compte de nombreux critères tels que les besoins des usagers, l'aménagement du territoire, les coûts, les besoins de la nation et le Plan.

Avant les schémas directeurs de la loi de 1982, la France a connu d'autres programmes : un " plan directeur d'aménagement du réseau routier " en 1960 ; un " schéma directeur des grandes liaisons routières " en 1971 et un " schéma d'aménagement à long terme du réseau national " en 1978.

Les schémas directeurs routiers nationaux ont été présentés comme des documents " d'affichage des choix publics " s'appliquant aux liaisons interurbaines.

Trois schémas nationaux se sont succédés depuis 1982.

Le schéma directeur du 14 février 1986 qui abandonnait, signalons-le au passage, 1.570 kilomètres d'autoroutes par rapport au programme de 1978.

Le schéma du 18 mars 1988 qui a constitué la base du programme actuel. Il relançait le programme autoroutier en ajoutant 1.700 kilomètres de liaisons à péage aux 1.100 kilomètres non encore engagés du schéma précédent. Ces 2.800 kilomètres étaient prévus pour être réalisés en dix ans.

Enfin, le schéma directeur national de 1992 a amplifié l'orientation autoroutière du schéma de 1988. Il ambitionnait de doter en quinze ans la France d'un réseau national de 37.700 kilomètres environ.

Il distinguait notamment trois catégories de " liaisons à vocation structurante " :

Les autoroutes de liaison

S'étendant sur 9.540 kilomètres, celles-ci devaient être, lorsqu'il s'agissait de constructions nouvelles, " généralement réalisées sous le régime de la concession et donner lieu à péage pour leur exploitation ".

Ces autoroutes de liaison correspondaient globalement aux autoroutes concédées. A l'exclusion des autoroutes de liaisons gratuites en service lors de la publication du schéma directeur en 1992 (soit environ 500 kilomètres), les autoroutes de liaison prévues au schéma directeur sont en effet toutes " à péage ".

Les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (LACRA)

Les LACRA devaient être soit des routes nouvelles, soit des voies existantes aménagées, destinées à être intégrées dans la catégorie des autoroutes au sens de l'article L. 122-1 du code de la voirie routière. Il était prévu de les réaliser soit par aménagement sur place de voies existantes, soit en site nouveau, de façon à recevoir à terme le statut d'autoroutes tout en restant hors péage.

Leur construction, sur crédits budgétaires, devait tendre à pallier les discontinuités entre les tronçons autoroutiers en prenant la forme :

- soit de liaisons à 2x2 voies financées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions ;

- soit d'autoroutes gratuites aux caractéristiques traditionnelles telles que l'A 75 et l'A 20.

Leur financement " hors contrat de plan Etat-régions " a longtemps relevé du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN.

Au terme du schéma directeur, les LACRA devaient s'étendre sur 2.580 kilomètres.

Les grandes liaisons d'aménagement du territoire (GLAT)

Prévues sur 4.410 kilomètres, elles complétaient le " réseau de base ". Leur fonction était d'assurer une armature structurante du territoire.

Les GLAT n'avaient pas vocation à être de nouvelles voies à proprement parler. Elles appartenaient au réseau existant mais, compte tenu de leur position géographique, devaient être considérées comme prioritaires dans l'allocation des crédits budgétaires.

3. L'accélération de 1993

Le changement de majorité de 1993 a eu des conséquences importantes en matière autoroutière. Il a été décidé d'accélérer la réalisation du schéma directeur.

Le comité interministériel d'aménagement du territoire, réuni à Mende en 1993, a ainsi opté pour l'achèvement du schéma directeur autoroutier en dix ans au lieu des quinze initialement prévus. Le Premier ministre de l'époque, M. Edouard Balladur, a confirmé cette option.

Afin d'achever le schéma en 2003, l'ensemble des sections inscrites au schéma devait être mis en travaux avant l'an 2000. Cependant, avant de s'engager dans la voie de l'accélération, il a été décidé de procéder à une réforme du financement du secteur autoroutier.

La réforme aura connu trois étapes :

a) une recapitalisation des sociétés d'économie mixte ;

b) leur réorganisation en trois pôles géographiques : parallèlement à la cession à l'Etat de 50 % de ses participations dans les mères, l'établissement public " Autoroutes de France " a cédé à celles-ci la totalité de ses participations dans les filiales.

De la sorte, chaque société-mère détenait au moins 95 % du capital de sa filiale. Les groupes ont été ainsi constitués :

- APRR avec AREA pour filiale,

- ASF avec ESCOTA pour filiale,

- SANEF avec SAPN pour filiale.

c) la mise en place de relations contractuelles avec l'Etat , entraînant une nouvelle définition de la politique tarifaire : les sociétés ont désormais bénéficié d'une plus grande souplesse de gestion en matière tarifaire. Une norme moyenne d'évolution a été fixée pour chaque société, dans le cadre des contrats.

Le contrôle de l'Etat ne s'est plus exercé dans le cadre d'autorisations annuelles, mais a posteriori, par la vérification du respect des engagements. Le nouveau dispositif tarifaire s'est appuyé sur les contrats de plan, mais aussi sur les cahiers des charges des sociétés.

Aux termes de l'article premier du décret 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers.

" Art. 1 er - Les tarifs de péage autoroutiers sont fixés chaque année par les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les conditions définies ci-après.

" Le cahier des charges de la société concessionnaire prévu par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière définit les règles de fixation des tarifs de péages, notamment les modalités de calcul d'un tarif kilométrique moyen servant de base aux tarifs de péages et qui tient compte de la structure du réseau, des charges d'exploitation et des charges financières de la société, ainsi que les possibilités de modulation de ce tarif kilométrique moyen.

" Le contrat de plan, conclu pour une durée maximale de cinq années renouvelable entre l'Etat et la société concessionnaire, fixe les modalités d'évolution des tarifs de péages pendant la période considérée. "

Cette modification de la réglementation des péages a eu une triple fonction :

- financer l'achèvement du schéma directeur autoroutier, par le remboursement des emprunts ;

- imputer à l'usager le coût de l'utilisation des ouvrages ;

- réguler par les prix, qu'il s'agisse de gérer les pointes de trafic ou qu'il s'agisse d'orienter en profondeur la structure du trafic selon les différents axes.

4. Le tournant de 1997

Au moment du changement de majorité en 1997, il restait à construire 2.450 kilomètres d'autoroutes concédées.

Les élections législatives du printemps 1997 ont marqué un tournant en matière de politique autoroutière. Le ministre de l'équipement et des transports a ainsi choisi, peu de temps après son entrée en fonction, de suspendre l'ouverture de l'enquête d'utilité publique sur le tronçon central de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron.

Le modèle autoroutier français a été contesté, à cette époque, sur plusieurs points :

Il convenait de rompre avec une " logique de l'offre " car l'essentiel du réseau autoroutier français était considéré comme achevé.

Le programme d'investissement du système autoroutier était jugé " surdimensionné ".

L'annulation par le Conseil d'Etat, le 28 mars 1997, de la déclaration d'utilité publique de la section de l'autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon, au motif qu'elle présentait " un intérêt limité " et que son coût financier au regard du trafic attendu suffisait " à lui seul " à disqualifier ce projet, était alors interprété comme allant dans le sens de la thèse de surdimensionnement.

Le système autoroutier allait, affirmait-on par ailleurs, connaître une crise financière généralisée.

Appuyant cette thèse, la Cour des comptes estimait, d'ailleurs, dans son rapport public de 1992 consacré à la politique routière et autoroutière de la France, que " le système autoroutier avait été développé en dehors de toute logique économique, financière, juridique et comptable ; le maintien d'une organisation aussi ambiguë n'est pas à même de garantir le développement optimal de l'infrastructure de notre pays ".

On a souligné que la dette contractée par les sociétés autoroutières avait augmenté de 50 % au cours des cinq dernières années, l'encours total des prêts de la Caisse nationale des autoroutes aux sociétés étant passé de 78,7 milliards de francs fin 1993 à 127,5 milliards de francs fin 1997.

Le poids total de la dette des sociétés d'autoroutes s'établissait à 202,5 milliards de francs de francs fin 1997.

Il a été, enfin, relevé que le système des " charges de structures différées " constituait un lourd handicap et que les sociétés concessionnaires devaient disposer de fonds propres.

Enfin, le nouveau Gouvernement, issu des élections de mai 1997, a beaucoup insisté sur le fait que le droit communautaire rendrait nécessaire l'abandon du modèle autoroutier français .

5. L'évolution du mode d'attribution des concessions

Depuis les années 1960, l'Etat français désignait les concessionnaires de façon tout à fait libre. Avant la signature de la concession, un concessionnaire était pressenti , de façon à ce qu'il soit associé à la réalisation des études préalables.

Ce système a été remis en cause par l'évolution du droit communautaire, avec notamment la directive européenne dite " directive travaux ", qui est entrée en vigueur le 22 juillet 1990, même si elle n'a pas été immédiatement appliquée par la France.

En effet, à la suite de discussions avec les institutions communautaires, la France s'est engagée à solder avant le 31 décembre 1997 l'ensemble des concessions fondées sur la notion de " pressentiment " en introduisant une dérogation provisoire pour les sociétés pressenties avant 1990 dès lors qu'elles avaient réalisé des études préalables approfondies.

Soulignons que la directive européenne exige la publicité des appels d'offres des nouvelles concessions afin de respecter les règles de la concurrence entre les entreprises communautaires pour tout marché d'un montant supérieur à 5 millions d'euros.

Cet engagement a été respecté par le Gouvernement issu des élections d'avril 1997. Depuis le 1 er janvier 1998, aucun " pressentiment " accordé n'a emporté attribution automatique de concession.

La mise en conformité de la France avec la directive a été rendue plus urgente après l'annulation par le Conseil d'Etat de la concession de l'A 86, attribuée de gré à gré à Cofiroute en dehors des règles communautaires.

6. Les hésitations des années 1997/2000

En 1997, la réalisation du schéma directeur routier national n'a pas fait l'objet d'une remise en cause globale.

Certes, respectant les engagements antérieurs, le Gouvernement a concédé avant le 31 décembre 1997 l'ensemble des tracés faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique aux concessionnaires pressentis. Depuis, des tracés continuent à faire l'objet de déclarations d'utilité publique publiées au Journal Officiel.

En remettant en cause la loi " Pasqua ", le Gouvernement ne s'est cependant plus estimé lié par le schéma directeur.

Outre les sections bloquées pour des raisons juridiques, telles que l'A 86 et l'A 400, et financières, dans le cas de l'A 28 entre Rouen et Alençon, la pertinence de la réalisation de certaines sections a été explicitement contestée, en raison notamment de l'impact négatif pour l'environnement que leur réalisation était censée comporter.

Il s'agit de l'A 51 entre Grenoble et Sisteron et de l'A 58 entre Grasse, Mandelieu et La Turbie, dont le SDRN prévoit qu'elle est censée doubler l'A 8 lorsque celle-ci serait saturée. Ces décisions ont eu un caractère ouvertement politique.

En Ile-de-France le prolongement de l'A 16 jusqu'à la Courneuve et la réalisation de l'A 103 entre Noisy-le-Grand et Rosny-sous-Bois ont été annulés.

7. L'enquête et les propositions du Sénat

Le tournant politique de 1997 et l'actualisation des exigences communautaires remettaient largement en cause le modèle autoroutier français. Cette situation n'a pas été sans inquiéter le Sénat qui, dès l'automne 1997, a constitué une commission d'enquête " chargée d'examiner les conditions dans lesquelles semblaient remis en cause certains choix stratégiques concernant les infrastructures de communication, et les incidences qu'une telle remise en cause pouvait avoir sur l'aménagement et le développement du territoire français, notamment du point de vue de son insertion dans l'Union européenne ".

Cette commission d'enquête, dont le rapporteur était notre collègue Gérard Larcher, fut présidée par le président de notre Commission des Affaires économiques, M. Jean François-Poncet. Notre collègue Jacques Oudin en fut un membre actif et participa plus particulièrement à la partie de l'enquête consacrée aux routes.

Au mois de juin 1998, cette commission d'enquête présentait un certain nombre de conclusions.

Trois séries de mesures étaient notamment préconisées :

- la création d'une véritable procédure de programmation des investissements ;

- la rénovation en profondeur du système de financement des autoroutes ;

- l'application " raisonnée " des directives.

La première réforme souhaitée devait notamment réaffirmer l'utilité d'un schéma autoroutier et créer un véritable cadre de décision pour le développement routier et autoroutier.

S'agissant de la rénovation du système de financement , la commission d'enquête a souhaité :

- établir le principe de l'autoroute à péages ;

- poursuivre le regroupement de sociétés d'économie mixte ;

- rechercher des outils de financement adaptés.

A cet égard, il a été recommandé :

- de prolonger les concessions actuelles jusque vers 2035/2040 pour garantir l'équilibre du système par des durées correspondent à l'amortissement des ouvrages ;

- d'allonger la durée des financements ;

- de doter les SEMCA de véritables fonds propres.

Enfin, la commission d'enquête du Sénat a demandé une bonne application des directives européennes :

- la directive n° 93-89 du 25 octobre 1993 sur les péages (cette directive a été actualisée par la directive 1999/62/CE évoquée par le projet de loi d'habilitation), qui précise que : " les taux des péages sont liés aux coûts de construction, d'exploitation et de développement du réseau d'infrastructures concerné " et remet en cause les prélèvements de nature diverse sur les péages ;

- la sixième directive TVA sur l'application de la TVA aux sociétés concessionnaires. Rappelons que les sociétés d'autoroutes françaises ne sont pas assujetties à la TVA. Les péages ne sont pas non plus soumis à la TVA. En contrepartie, les sociétés ne peuvent récupérer la TVA sur leurs investissements.

La commission d'enquête du Sénat en a profité pour appeler de ses voeux un alignement du statut juridique, financier et comptable des SEMCA sur le droit commun et préconisé un prélèvement sur leurs résultats d'exploitation qui resterait neutre pour les finances publiques.

" Il serait possible -soulignait-elle- de substituer à l'ensemble des prélèvements actuels, qui ne tiennent pas compte de la situation financière des sociétés, un impôt sur le résultat d'exploitation associé au versement de dividendes. Couplé à l'allongement des concessions, ce système serait d'un rendement supérieur aux prélèvements actuels pour l'Etat ".

- la directive 84/440/CEE du 18 juillet 1989 actualisée par la directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 sur les marchés publics de travaux.

A cet égard, la commission d'enquête s'est interrogée sur la possibilité de maintenir le système français de " l'adossement " qui consiste à permettre le financement partiel d'une section d'autoroute par un allongement de la concession sur les sections existantes.

La commission d'enquête avait, sur cette question, privilégié la thèse selon laquelle la transparence des aides de l'Etat aux attributaires de concessions pouvait se traduire soit par des subventions directes soit par l'allongement des concessions existantes sur le réseau exploité.

Dans son avis rendu le 16 septembre 1999, le Conseil d'Etat a exprimé une position contraire en jugeant explicitement que " la pratique actuelle de l'adossement consistant à financer le déficit de la concession d'une section non rentable d'autoroute par la conclusion d'un avenant portant prolongation de la durée initiale d'une concession déjà attribuée et exploitée contrevient aux dispositions de la directive travaux et à celles de la loi n° 93-122 du 29 janvier1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ".

La controverse sur la question de l'adossement devrait donc être considérée comme achevée.

8. Le projet d'ordonnance portant sur la modernisation du régime d'exploitation des autoroutes et des ouvrages d'art à péage

Le chapitre I du projet d'ordonnance vise à permettre aux SEMCA de participer aux procédures d'attribution de nouveaux projets autoroutiers.

L'article premier prolonge ainsi la durée de concession de la Société des autoroutes du Sud de la France (ASF), de la société des autoroutes Rhône-Alpes (AREA), de la Société des autoroutes Estérel- Côte d'Azur-Provence-Alpes (ESCOTA), de la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF), de la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN), de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR).

Il prévoit que la prorogation des conventions de concession est prise en compte pour l'établissement des comptes des SEMCA dès le 1 er janvier 2000.

L'article 2 supprime la garantie de reprise de passif figurant aux articles 37 (effets de l'expiration de la concession), 38 (retrait de la concession) et 40 (déchéance du concessionnaire) du cahier des charges de ces sociétés.

Le chapitre II vise à adapter certaines dispositions du code de la voirie routière ainsi qu'à harmoniser et simplifier le régime juridique des ouvrages d'art à péage.

L'article 3 crée ainsi un article nouveau dans le code de la voirie routière pour inscrire dans ce code les principes de non discrimination et de modulation des péages tirés de la directive 1999/62 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

L'article 4 adapte la rédaction de l'article L.122-4 du code de la voirie routière aux caractéristiques actuelles du secteur autoroutier. Le principe de gratuité de l'usage des autoroutes n'y est plus mentionné.

L'article 5 modifie les dispositions des articles L.153-1 à L.153-3 du code de la voirie routière afin d'harmoniser et simplifier le régime juridique des ouvrages d'art à péage et de prévoir le cas des ouvrages d'art à comprendre dans la voirie gérée par les EPCI dotés d'une fiscalité propre ou des syndicats mixtes ayant compétence en matière de voirie :

- comme pour le nouvel article L.122-4 relatif au régime juridique des autoroutes, le nouvel article L.153-1 ne fait plus mention du principe de gratuité de l'usage des ouvrages d'art ;

- le nouvel article L.153-2 confie à la collectivité maître d'ouvrage la responsabilité de fixer seule les principes de la tarification des ouvrages d'art. Il permet également à l'Etat de percevoir un péage en régie sur ses ouvrages d'art ;

- le nouvel article L.153-3 harmonise les dispositions précisant la destination du péage perçu sur ouvrage d'art, quelle que soit la collectivité maître d'ouvrage.

L'article 6 abroge, enfin, l'article L.153-5 du code de la voirie routière relatif au régime d'autorisation des communes pour l'instauration du péage sur les ouvrages d'art.

B. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION

Elles seront pour l'essentiel de deux ordres.

Tout d'abord, les orientations de la réforme proposée par le Gouvernement vont, pour l'essentiel, dans le sens préconisé par le Sénat depuis un certain nombre d'années. Il est remarquable de constater que le " discours " gouvernemental qui accompagne les nouvelles mesures est bien différent de celui qui était tenu en 1997 quand le Sénat décidait de créer une commission d'enquête sur le sujet.

A cette époque, il n'était question que de la survenance imminente d'une grave crise financière du système autoroutier. La Haute Assemblée, au contraire, jugeait que l'équilibre financier des sociétés d'autoroutes était globalement respecté même si des mesures étaient nécessaires concernant l'allongement de la durée des concessions des sociétés existantes et l'alignement du statut juridique, financier et comptable des SEMCA sur le droit commun.

Le Gouvernement semble s'être rallié à ces positions et recommandations de bon sens.

Il convient de s'en féliciter.

En second lieu, votre rapporteur constate que le projet d'ordonnance visé par le projet de loi d'habilitation va bien au-delà de la simple transposition des prescriptions communautaires qu'il s'agisse de la directive " Poids lourds " du 17 juin 1999 explicitement visée ou même de la fameuse directive " Travaux " du 14 juin 1993.

En prolongeant, tout d'abord, la durée des concessions de six SEMCA (article premier), comme le recommandait d'ailleurs le Sénat, le Gouvernement entend améliorer la situation financière des sociétés d'économie mixte existantes en les mettant sur un pied d'égalité avec la société privée COFIROUTE ou d'autres sociétés européennes. Il ne s'agit pas à proprement parler d'adaptation de notre droit interne aux exigences communautaires.

Il en va de même des dispositions de l'article 2 qui mettent fin aux règles garantissant aux société d'économie mixte la reprise de leur passif . Il s'agit là, en contrepartie de l'alignement juridique et financer des SEMCA sur le droit des sociétés commerciales, de la disparition d'un avantage dérogatoire au droit commun.

D'autre part, en insérant dans notre code de la voirie routière les principes de non discrimination et de modulation des péages, le projet d'ordonnance étend à l'ensemble des usagers des règles que la directive communautaire " Poids lourds ", n'entend appliquer, pour le moment, qu'aux véhicules lourds de transport de marchandises.

S'agissant de la non-discrimination, le point 4 de l'article 7 de la directive précise que " les péages et droit d'usage sont appliqués sans discrimination, directe ou indirecte, en raison de la nationale du transporteur ou de l'origine ou de la destination du transport ".

S'agissant de la modulation, le point 5 du même article énonce par ailleurs que " les péages et droits d'usage sont mis en oeuvre et perçus, et leur paiement est contrôlé, de façon à gêner le moins possible la fluidité du trafic en évitant tout contrôle ou vérification obligatoire aux frontières intérieures de la Communauté. A cette fin, les Etats membres coopèrent afin d'instaurer des moyens permettant aux transporteurs d'acquitter les droits d'usage 24 heures sur 24, au moins dans les points de vente principaux, à l'aide de tous les moyens de paiement classiques, au sein ou en dehors des Etats membres où ils sont perçus. Les Etats membres dotent les points de paiement des péages et droits d'usage des installations adéquates pour préserver les normes types de sécurité routière ".

Le nouvel article L.118-1 du code de la voirie routière proposé à l'article 3 du projet d'ordonnance généralise ces principes en énonçant que : " les péages sont perçus sans discrimination directe ou indirecte en raison de la nationalité de l'usager ou de l'origine ou de la destination du transport .

Ils peuvent être modulés pour des motifs de régulation du trafic sur des axes congestionnés ".

En ce qui concerne la suppression du principe de gratuité (article 4 du projet d'ordonnance) de l'usage des autoroutes, tel qu'il résulte jusqu'à présent de la rédaction de l'article L.122-4 du code de la voirie routière, l'exposé des motifs du projet d'ordonnance la présente comme l'adaptation de notre droit interne aux " caractéristiques actuelles du secteur autoroutier ".

Il n'est pas question là non plus de transposition de règles communautaires.

Enfin, les nouvelles rédactions des articles L.153-1 à L.153-3 du code de la voirie routière concernant l'autorisation de mise à péage des ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux.

Désormais, toutes les collectivités pourraient, en toute liberté, instaurer un péage sur leurs ouvrages d'art, y compris lorsque cet ouvrage est exploité en régie.

Ces mesures, qu'aucune contrainte communautaire n'imposait, auront des conséquences très importantes. Elles traduisent des choix politiques précis qui méritent à l'évidence d'être soumis au débat parlementaire.

Ces quelques rappels conduisent votre rapporteur à la conclusion que les dispositions relatives au secteur autoroutier figurant dans le présent projet de loi d'habilitation doivent être absolument discutées au sein des assemblées.

Les considérations d'urgence aujourd'hui invoquées du fait des contraintes communautaires ou des nécessités économiques ne sont pas recevables dès lors -nous l'avons vu- que la plupart des innovations proposées reflètent des choix purement français sur des sujets qui ont depuis des années retenu l'attention du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Au mois de novembre 1999, le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement s'était d'ailleurs engagé, devant les Commission des Affaires économiques et des Finances du Sénat à déposer un projet de loi sur ces sujets.

Il serait impensable d'escamoter une discussion dans laquelle d'autres questions fondamentales pourraient -et devraient- d'ailleurs, être soumises au Parlement s'agissant en particulier de la concurrence et de la complémentarité entre tous les modes de transport .

Interrogée par votre rapporteur, une grande organisation professionnelle de transporteurs routiers de marchandises a appelé, par exemple, de ses voeux une réflexion sur la prise en charge par chaque mode de transport de ses coûts externes mais aussi internes !

Est-il imaginable que nous fassions l'impasse sur ce type de débats ?

Votre rapporteur vous proposera en conséquence de supprimer l'article 4 du projet de loi d'habilitation.

*

* *

Sous réserve des modifications qu'elle vous propose, votre Commission des Affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.

ANNEXE -

AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR
VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Article 1er

Supprimer le 10° du I de cet article.

Article 1er

Supprimer le 15° du II de cet article.

Article 2

Dans le 6° du I de cet article, remplacer les mots :

n° 3093/94 du Conseil du 15 décembre 1994

par les mots :

n° 2037/2000 du Parlement Européen et du Conseil du 29 juin 2000

Article 4

Supprimer cet article.

* 1 Natura 2000 : de la difficulté de mettre en oeuvre une directive européenne (n°309 - 1996-1997).

* 2 JO Débats Sénat - Séance du 29 juin 1998, p. 3581 à 3604.

* 3 TA. Poitiers, 27 juin 1990 - Soc. pour l'étude et la protection de la nature en Aunis et Saintonge.

* 4 Dir. Parl. et Cons. CE n° 97/7, 20 mai 1997, JOCE 4 juin 1997

* 5 SA La Compagnie parisienne de chauffage urbain c/ Gaz de France - TGI Paris - 18-12.1992.

* 6 Cass. Com. 22 juillet 1986 n° 84-12-825.

* 7 Notamment la directive 92/28/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments.

* 8 " Médicament et publicité comparative " Christophe Hénin, avocat à la Cour, docteur en droit. Gazette du Palais, 24/10/98.

* 9 ART et CSSPPT

* 10 Possibilité d'accès direct à l'abonné des concurrents de France télécom

* 11 Composante liée au déséquilibre de la structure des tarifs téléphonique au regard du fonctionnement normal du marché : compte tenu de la mission de service public assurée par France Télécom dans le cadre de l'ancien monopole, les tarifs de l'opérateur public étaient sciemment déséquilibrés. Le tarif de l'abonnement était inférieur aux coûts correspondants pour permettre au plus grand nombre de souscrire un abonnement au téléphone ; en contrepartie, les tarifs des communications longue distance et internationales étaient supérieurs à leur coût effectif et subventionnaient en quelque sorte abonnements et communications locales. Dans un régime de concurrence, les tarifs doivent être établis en fonction des coût. La loi avait donc prévu un rééquilibrage progressif de ces tarifs

* 12 Conformément à l'article R. 20-39 du code des postes et télécommunications, sauf pour les opérateurs n'ayant pas fourni leurs prévisions de volume de trafic, qui paient une contribution forfaitaire.

* 13 Etude de l'IFOP menée en septembre 1999 sur la valorisation des avantages du service universel, menée sous forme d'une enquête qualitative par téléphone interrogeant un échantillon national représentatif de 1400 personnes âgées de 15 ans et plus. La représentativité est assurée suivant la méthode des quotas

* 14 Paru à la documentation française en mars 2000.

* 15 Sénat, Rapport n° 42, 1997-1998.

* 16 La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

* 17 Président : Jacques Guyard, Député. Vice-Présidents : Alain Gouriou, Député, Pierre Hérisson, Sénateur. Membres : Jean Besson, François Brottes, Jacques Desallangre, Gabriel Montcharmont, Gérard Terrier, Députés ; Gérard Delfau, Pierre Laffitte, Gérard Larcher, Jean-Marie Rausch, René Trégouët, François Trucy, Sénateurs. Personnalités qualifiées :Jean-Claude Rauch, Nicolas Curien, Laurent Virol.

* 18 Page 715 du Journal officiel, 2 ème séance du 2 février 1999.

* 19 Journal officiel des débats, page 3666.

* 20 Le Comité Ripostes constitué par le député François Brottes.

* 21 Rapport précité de 1997 et rapport d'information n° 463, Sénat 1998-1999, " Sauver La Poste : est-il encore temps pour décider ? "

* 22 Proposition de loi de M. Gérard Larcher et plusieurs de ses collègues sur le service universel bancaire.

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