2. Les choix politiques sont plus nécessaires que jamais

Ce n'est pas d'une transposition par voie réglementaire du reliquat de la directive de 1997 que La Poste a besoin. Un bref rappel des évolutions récentes du paysage postal européen suffira à montrer le caractère dérisoire de la réponse du Gouvernement aux mutations en cours. Votre commission en reste persuadée : sans une vraie prise de conscience politique, notre poste est en danger.

En 1999, dans un deuxième rapport " Sauver La Poste : est-il encore temps pour décider " , votre commission et le groupe d'études sur l'avenir de La Poste formulaient les propositions suivantes :

RAPPEL DES PROPOSITIONS DU RAPPORT
" SAUVER LA POSTE : EST-IL ENCORE TEMPS POUR DECIDER ", JUIN 1999

1) Nouer une alliance internationale dans la messagerie en ouvrant le capital de Coelo , le holding colis et logistique de La Poste, à un partenaire étranger disposant des moyens d'un réseau mondial.

2) Ouvrir clairement le débat sur la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux publics , dans le cadre notamment de la discussion de la loi d'orientation postale à établir pour éclairer l'avenir.

3) Créer avec un grand partenaire informatique une filiale commune dédiée à la construction et à la gestion d'une plate-forme de commerce électronique .

4) Parallèlement, à l'instar de la poste allemande, développer une offre logistique intégrée à l'intention des PME et des grandes entreprises ayant créé leur propre site de commerce électronique.

5) Prendre toutes les initiatives nécessaires pour que le programme de réglementation postale fixé par la directive de 1997 soit poursuivi dès l'installation de la nouvelle Commission européenne, afin d'éviter des débordements du marché de nature à perturber le service universel.

6) Instituer un régulateur postal autonome recevant compétence exclusive sur le secteur du courrier, les services financiers entrant dans le cadre des attributions du Conseil de la concurrence.

7) Se conformer aux exigences du droit européen relatives à la séparation des comptes des activités sous monopole et des autres, ainsi qu'à l'individualisation comptable des activités de service universel.

8) Réfléchir à une hausse temporaire du prix du timbre pour disposer de nouvelles marges de manoeuvre.

9) Créer un service universel bancaire minimum pour les ménages les plus modestes et en faire reposer le financement sur le principe du " pay or play ", ce qui permettrait à La Poste d'être en partie compensée des charges que lui impose son action en ce domaine.

10) Pour aider à l'aménagement postal du territoire , élargir la diffusion des produits postaux en acceptant le développement de leurs ventes dans des réseaux commerciaux, aménager les horaires des points de contact postaux en fonction de la fréquentation réelle du public et faire de La Poste un acteur central des maisons de service public.

11) Clarifier les compétences des divers échelons territoriaux pour favoriser la mobilisation des cadres de terrain et, par là même, la définition d'un projet conquérant d'entreprise à même d'entraîner tous les personnels.

12) Pour permettre de mieux impliquer les élus dans la revitalisation postale des territoires, envisager des partenariats institutionnels entre La Poste et les collectivités locales pouvant prendre la forme de sociétés d'économie mixte locales .

C'est donc bien une réflexion d'ensemble que préconise votre commission. La méthode employée par le Gouvernement révèle, quant à elle, une sous-estimation des enjeux postaux globaux.

Qu'a fait le Gouvernement depuis l'intervention de la directive ? Un colloque en 1998, quelques demandes d'avis aux quatorze parlementaires et trois personnalités qualifiées membres de la CSSPPT, quelques morceaux de discussion -toujours fragmentés- au Parlement, en mars 1999 lors du débat de l'amendement postal à la loi d'aménagement du territoire, ou lors des diverses discussions budgétaires, quelques déclarations par-ci par-là, comme celle de M. Laurent Fabius, affirmant au Sénat lors du débat d'orientation budgétaire le 6 juin dernier que La Poste " est l'un des grands dossiers pour le gouvernement français " 19 ( * ) !

Des interventions éparses, mais rien de décisif, pas de vision d'avenir, pas de réelle mobilisation, pas de loi d'orientation postale.

Et aujourd'hui le Gouvernement nous demande de nous en remettre à lui pour régler par ordonnance la fin de la transposition de la directive postale !

La Commission des affaires économiques condamne fermement la loi du silence que le Gouvernement tente d'imposer au débat postal. Au secret des arbitrages ministériels, elle oppose la nécessité d'une discussion par la représentation nationale.

A l'heure où la France peine à rassembler sur sa position les petits Etats et ceux de l'Europe du Sud pour la révision de la directive de 1997, à l'heure de la transformation rapide des autres postes européennes, et de la montée en puissance inexorable de la poste allemande, nous devons collectivement penser l'avenir de notre poste.

Alors qu'un comité de 160 parlementaires français 20 ( * ) -appartenant d'ailleurs en quasi totalité à la gauche plurielle- envoie une pétition à la Commission européenne contre les propositions du commissaire Bolkestein, comment la nécessité d'un débat national n'apparaît-elle pas plus clairement au Gouvernement ?

* 19 Journal officiel des débats, page 3666.

* 20 Le Comité Ripostes constitué par le député François Brottes.

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