Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 23/12/2021

M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'usage excessif des interpellations et gardes à vue dans le cadre des mouvements sociaux.
Depuis plusieurs années, citoyens, associations et organisations internationales (Conseil de l'Europe, organisation des nations unies) alertent sur des pratiques des forces de l'ordre qui entravent le droit de manifester, pourtant protégé par la Convention européenne des droits de l'Homme ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ainsi, lors du mouvement des gilets jaunes, 11 203 manifestants ont été placés en garde à vue entre le 17 novembre 2018 et le 12 juillet 2019, selon un rapport d'Amnesty international (« Arrêtés pour avoir manifesté : la loi comme arme de répression des manifestants pacifiques en France »). Or, plus de la moitié d'entre eux n'ont finalement fait l'objet d'aucune poursuite, ce qui interroge sur le bien-fondé de leur arrestation. De telles pratiques intimident nombre de nos concitoyens, qui hésitent désormais à descendre dans la rue pour s'exprimer pacifiquement.
Des méthodes similaires ont également été constatées durant les mouvements contre les lois « sécurité globale » et « séparatisme ». Toujours selon Amnesty (« Climat d'insécurité totale : arrestations arbitraires de manifestants pacifiques le 12 décembre 2020 à Paris »), près de 80 % des individus interpellés à Paris lors de ces manifestations n'ont fait l'objet d'aucune poursuite. Pour 35 d'entre elles, Amnesty affirme que ces privations de liberté ont eu lieu en l'absence d'éléments permettant raisonnablement de penser qu'ils avaient pu commettre une infraction.
Ces pratiques reposent en effet sur des lois trop vagues, voire contraires au droit international, ce qui est très préoccupant. Ainsi, le délit de participation à un groupement en vue de la préparation de violences (article 222-14-2 du code pénal) a régulièrement été invoqué pour justifier ces interpellations, étant donné qu'il offre une grande liberté d'appréciation quant à ce qui constitue cette « préparation de violences »
L'arrestation pour dissimulation du visage, interdite depuis avril 2019 (article 431-9-1 du code pénal), pose également question alors que le port du masque a parfois été rendu obligatoire dans l'espace public avec la pandémie. Le délit d'outrage à agent dépositaire de l'autorité publique est lui aussi extrêmement vague, permettant des arrestations reposant souvent sur la seule parole d'un policier.
Le refus de dispersion après sommation, qui semble correspondre au délit de participation à un attroupement (article 431-3 du code pénal) est lui aussi mobilisé. Or, la notion d'attroupement est définie de manière trop vague dans la législation française, car elle inclut certes les rassemblements qui troublent l'ordre public, mais également ceux qui sont susceptibles de le faire. Dans ces conditions, la simple participation à un rassemblement pacifique peut constituer un motif d'arrestation, ce qui entraîne une restriction disproportionnée du droit à la liberté de réunion pacifique.
Alors que le Président de la République s'était engagé à protéger le droit à la liberté de réunion pacifique en 2017 et que plus de 100 000 personnes ont signé une pétition (« Manifestants, pas criminels ! ») pour lui demander de mettre fin à ces pratiques, aucune réforme n'est à l'ordre du jour.
Ainsi, il lui demande quelles évolutions législatives et réglementaires il compte mettre en place afin de garantir pleinement le droit de manifester. Outre le volet légal, il l'interroge quant aux instructions qu'il entend donner aux préfets et aux forces de l'ordre pour établir des consignes respectueuses des libertés lors des procédures d'interpellation ou d'autres mesures risquant d'entraver ce droit fondamental (fouilles, contrôles, mesures d'interdiction, restriction de circulation...).

- page 7002

Transmise au Ministère de l'intérieur


La question est caduque

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