Question de M. DEVINAZ Gilbert-Luc (Rhône - SER) publiée le 23/12/2021

M. Gilbert-Luc Devinaz attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation des journalistes et de la liberté de la presse en Afghanistan.

Depuis août 2021 et le retour au pouvoir des Talibans, une chape de plomb s'est abattue sur l'Afghanistan. En dépit des déclarations publiques du gouvernement taliban visant à donner des gages de confiance à la communauté internationale, force est de constater que la situation évolue de manière extrêmement préoccupante .
Lors de la dernière séance du Conseil de sécurité de l'organisation des nations unies (ONU), le 17 novembre 2021, le représentant de la France lui-même dressait un constat sévère : aucun acte concret de la part du gouvernement taliban venait traduire son engagement auprès de la communauté internationale à respecter les droits humains, la liberté de circulation des personnes ou encore la rupture avec les organisations terroristes.
En parallèle, les organisations professionnelles de journalistes ne cessent d'alerter sur une réalité de terrain dramatique pour l'exercice de la liberté d'information comme pour l'intégrité physique et psychologique des journalistes afghans. Selon reporters sans frontière, ce sont désormais moins de d'une centaine de femmes journalistes qui sont encore en mesure de travailler à Kaboul alors que l'on en comptait plus de 700 début 2021. Les rédactions locales sont soumises à d'intolérables pressions pour faire disparaitre les visages et les voix des femmes journalises des ondes de radios et plateaux télé. Ce voile d'invisibilité témoigne d'un retour progressif à l'oppression des années 1990 où les Afghanes n'avaient le droit ni de travailler ni d'étudier. Il est essentiel que la communauté internationale mette la liberté de la presse, l'indépendance et le pluralisme des médias, la protection des journalistes au cœur des négociations avec le gouvernement taliban.
La France se doit de porter ces exigences d'une voix forte et claire, elle se doit également d'accueillir le plus rapidement possible les journalistes qui n'ont d'autres choix que l'exil. A ce jour, le ministère est en possession de centaines de noms communiqués par les consœurs et confrères des journalistes afghans qui demandent de l'aide. Le Président de la République a lui-même rappelé avec détermination cet été que la France serait au rendez-vous de cette solidarité internationale à l'égard de celles et ceux qui partagent nos valeurs. Pourtant, près de 6 mois plus tard, seule une poignée d'Afghans menacés a pu rejoindre notre pays.
Aussi, il lui demande donc des éclaircissements sur les modalités et délais de traitement des demandes en cours ainsi que sur l'effectivité des moyens déployés par les différentes ambassades de cette région du monde pour sécuriser et évacuer les Afghans ayant trouvé refuge, souvent clandestinement, dans les pays limitrophes.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 21/04/2022

La France suit avec une grande attention la situation des droits humains et libertés fondamentales en Afghanistan, parmi lesquelles figure la liberté de la presse, qui s'est fortement dégradée depuis la prise de Kaboul par les Talibans le 15 août 2021. Après avoir anticipé le rapatriement des Afghanes et Afghans ayant travaillé pour la France, ainsi que leurs familles, la France a mené, dès le 15 août, des opérations d'évacuation d'urgence, qui ont concerné en grande majorité des ressortissants afghans en besoin de protection. En dépit du désengagement rapide des forces américaines en charge de la sécurité de l'aéroport de Kaboul, la France a poursuivi son effort en mettant en place de nouvelles opérations d'évacuation aérienne, en partenariat avec le Qatar. Depuis la chute de Kaboul, nous sommes ainsi parvenus à mettre en protection plus de 3 000 Afghanes et Afghans, dont un grand nombre de journalistes, mais également des professionnels de la culture, syndicalistes, anciens personnels civils de recrutement local (PCRL) ou anciens cadres politiques et administratifs, avec leur famille. Dans le cadre de l'opération d'évacuation menée conjointement avec le Qatar le 2 décembre 2021, sur les 259 personnes évacuées, un peu moins de la moitié était des journalistes, accompagnés de membres de leur famille. Nos ambassades dans les pays limitrophes de l'Afghanistan sont également pleinement mobilisées : elles ont renforcé leurs effectifs pour répondre dans les meilleurs délais aux nombreuses demandes de visas aux fins de demande d'asile, en coordination avec le ministère de l'intérieur, compétent en la matière. À ce jour, près de 2500 demandes d'asile ont été enregistrées. Parmi ces demandeurs, près de 2 000 sont hébergés dans le cadre du dispositif national d'accueil (DNA). À ce jour, le départ d'Afghanistan demeure subordonné à l'autorisation des autorités de fait talibanes qui se montrent très strictes, en dépit des assurances qu'elles ont données à la communauté internationale. Nous continuons à porter des messages en faveur de la levée des entraves pour celles et ceux qui souhaitent quitter le pays et pour que soient respectés les droits humains, et tout particulièrement la liberté de la presse. Sur initiative de la France, ces exigences figurent parmi les conditions de la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies, que nous n'avons de cesse de rappeler. La France, qui a d'ores et déjà fourni une aide humanitaire de 100 millions d'euros en soutien à la population afghane fin 2021, reste pleinement mobilisée pour venir en aide aux Afghanes et aux Afghans menacés.

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