Question de M. RAVIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - NI) publiée le 23/12/2021

M. Stéphane Ravier attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la carrière antique de la Corderie à Marseille.

Découverte par l'institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), au sein du quartier Saint Victor, lors de fouilles en 2017, elle est actuellement menacée d'enfouissement.
Ces 635 m2 de terrain ont pourtant été classés monuments historiques en 2018 et la mairie actuelle de Marseille s'était engagée à les valoriser.
Les vestiges grecs de l'Antiquité font apparaitre des traces de sarcophages, traces d'outils anciens, et fronts de taille bien conservés. Ils témoignent de l'exploitation d'une carrière à partir du VIe siècle avant Jésus-Christ par les carriers phocéens, habitants fondateurs de Massilia.
Cette découverte récente permet d'établir de nouvelles connaissances sur l'histoire antique de Marseille, fruit du contact entre les Grecs venus d'Orient d'avec les populations locales, les Celtes Ligures.
Pour mémoire, des sites majeurs de l'histoire de Marseille ont déjà été détruits ces dernières années : la nécropole paléochrétienne de la rue Malaval (2e arrondissement) ou le site néolithique de Saint-Charles (1er arrondissement).
Dans le cas présent, le site est notamment menacé par la demande insistante du secteur de l'immobilier qui y a des intérêts affichés.
Il convient cependant de trouver une écologie patrimoniale entre activité économique, construction de logements et préservation des vestiges du berceau de la ville. Promouvoir l'identité marseillaise passe par la préservation de son patrimoine historique. C'est un droit fondamental des Marseillais de connaitre et d'accéder à leur histoire locale.
Par ailleurs, les associations de défense du patrimoine et riverains, premiers concernés, demandent que l'on respecte ce lieu d'une richesse exceptionnelle et qu'on étudie les pistes pour le conserver. L'argent public trouverait là une occasion idéale de réaliser un objectif de bien commun.
Le devoir de mémoire et la connaissance du passé ne sont pas un retour en arrière, ils peuvent faire l'objet de projets d'avenir : poursuites des fouilles, mise en valeur d'avenir, que ce soit à travers des fenêtres vitrées ou par la construction d'une halle ou d'un musée. Au lieu de cela, la solution avancée est celle d'une modélisation en trois dimensions dans un musée tiers.
Au lieu de faire le choix de l'abandon et de l'enfouissement, il lui demande s'il est possible de porter une attention toute particulière à ce dossier en renforçant notamment le rempart qui surplombe la carrière, érigé sous Louis XIV à la fin du XVIIe siècle, pour assurer la sécurité du site et envisager sa conservation dans l'intérêt du patrimoine marseillais.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 03/02/2022

Sur commande de la direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d'Azur, Monsieur François Botton, architecte en chef des monuments historiques, a produit une étude concernant l'état de conservation des vestiges de la carrière antique de la Corderie Saint-Victor et les hypothèses à envisager pour garantir leur préservation et assurer leur mise en valeur. Les trois options proposées sont : le réenfouissement de ces vestiges, après mise en œuvre des travaux nécessaires à leur conservation à long terme ; le maintien de l'exhumation, nécessitant probablement la création d'une halle couverte, pour assurer leur protection ; le réenfouissement partiel, avec la création de « fenêtres » vitrées pour que les visiteurs puissent observer les éléments les plus significatifs. L'architecte en chef des monuments historiques lui-même ne cache pas les difficultés liées aux deuxième et troisième scénarios et considère que le premier est le mieux à même de garantir la préservation des vestiges. Le service chargé de l'inspection, au sein de la direction générale des patrimoines et de l'architecture, a été appelé à émettre un avis sur cette étude. L'inspection, collège archéologie et collège monuments historiques, a constaté qu'il était techniquement très difficile de construire une couverture, au-dessus de ces vestiges, pour en permettre la présentation au public. Elle a donc plutôt préconisé le réenfouissement des vestiges, pour en assurer la sauvegarde. Cette proposition n'est évidemment pas une solution idéale. Une conservation partielle de la carrière, son dégagement, son classement au titre des monuments historiques et sa mise en valeur avaient été envisagés il y a quelques années, afin d'en favoriser la présentation à des fins touristiques et pédagogiques. Mais depuis lors, deux éléments majeurs ont toutefois pu être observés : d'une part, l'extrême fragilité de ces vestiges, liée notamment à la mauvaise capacité de conservation de la pierre, fragilité elle-même sans doute cause de l'abandon initial de la carrière ; d'autre part, et par voie de conséquence, l'importance des investissements que nécessiterait leur maintien hors du sol, sans apporter d'ailleurs de garantie quant à leur évolution à long terme. L'hypothèse d'un enfouissement partiel, avec la création de fenêtres, ne semble pas non plus apporter de garanties suffisantes en termes de conservation. Enfin, la configuration du site ne se prête aisément ni à une construction de protection, ni à la réalisation de visites. Les hypothèses de mise en valeur sont donc limitées et nécessiteront quoi qu'il en soit une réflexion approfondie, associant les différents acteurs (État, commune, riverains, etc.) pour en retenir les meilleurs vecteurs et les moyens de sa mise en place et de son entretien. En conséquence, la seule hypothèse qui semble pouvoir être retenue et qui garantira, pour les générations futures, l'assurance de la conservation de ce site exceptionnel pour l'histoire de Marseille, est le réenfouissement des vestiges, dans le délai le plus rapide possible, pour arrêter les dégradations dues à leur mise au jour. Toutes opérations de relevés et de photographies complémentaires, permettant d'assurer une présentation virtuelle de ces vestiges, dans le lieu qui paraîtra le mieux approprié, devront bien sûr être conduites pendant la préparation de cette procédure.

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