Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 16/12/2021

M. Pierre Charon attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les interrogations du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale des crédits figurant à l'annexe numéro 5 du projet de loi de finances pour 2022 concernant l'aide au développement.

Le rapporteur spécial déplore « une limite persistante de l'aide française, qui comprend encore trop peu de crédits à destination des pays prioritaires, tandis que la Chine, en passe de devenir la première puissance économique mondiale, reste un pays bénéficiaire de l'aide au développement ».

Selon le rapporteur, en 2020, la Chine est le neuvième principal bénéficiaire de l'aide publique au développement (APD) bilatérale, devant des pays comme le Burkina-Faso ou le Cameroun. 371 millions d'euros ont été versées entre 2018 et 2020 dont 140 millions en 2020.

Les frais de scolarité représentent une part non négligeable de l'aide à la Chine : pour l'année universitaire 2019-2020, 16 684 étudiants chinois étaient présents en France, le nombre le plus important hors pays du Maghreb.

Or, la Chine devrait atteindre prochainement le rang de première économie mondiale.

Pourtant elle bénéficie encore de l'aide publique au développement des pays de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le comité d'aide au développement (CAD) la considérant encore comme pays en développement.

Il est temps de mener une action résolue auprès du CAD afin de modifier ces critères : au regard du niveau de développement de la Chine et de son influence grandissante dans un grand nombre de pays réellement en développement, il est impératif de considérer la Chine comme un pays développé.

Il lui demande ses intentions pour recentrer l'aide au développement vers les pays qui en ont le plus besoin.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 31/03/2022

L'éligibilité à l'aide publique au développement (APD) est fondée sur des règles de l'OCDE relatives au niveau de revenu par habitant des pays. Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, qui rassemble les trente plus grands bailleurs de fonds traditionnels, détermine la liste des pays éligibles à l'APD sur la base de leur revenu national brut (RNB) par habitant. Aujourd'hui, sont éligibles à l'APD les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire. Toujours selon les règles du CAD de l'OCDE, un pays n'est plus éligible à l'APD lorsqu'il a dépassé, durant trois années consécutives, le seuil de pays à revenu élevé, c'est-à-dire un revenu supérieur ou égal à 12 696 $ par habitant. La Chine est un cas très particulier en matière de développement international. Si elle est aujourd'hui, au regard de son produit intérieur brut (PIB) global, la deuxième puissance économique mondiale, elle se situe autour du 80e rang au regard du PIB par habitant, se positionnant encore parmi les pays en développement. Selon des prévisions fondées sur l'évolution du revenu national brut (RNB) par habitant (hors effet Covid), la Chine pourrait atteindre la catégorie de pays à revenu élevé en 2023 et donc ne plus être éligible à l'APD à partir de 2027. En 2020 (chiffres provisoires), la Chine reste le 9e bénéficiaire de l'APD bilatérale française, avec 139,77M€ (données OCDE). Ce montant recouvre, pour sa majeure partie, 73 M€ correspondant aux frais d'écolage des étudiants chinois accueillis sur le territoire français. Ces frais peuvent, selon les règles du CAD, être comptabilisés dans l'APD. Le restant correspond à des projets bilatéraux conduits par la France en Chine, qui prennent très majoritairement la forme de prêts à taux de marché (50 M€ en 2020), à l'appui de projets qui présentent l'intérêt de permettre la diffusion de bonnes pratiques et de savoir ou savoir-faire correspondant à nos priorités. C'est la raison pour laquelle la quasi-totalité des projets français en Chine portent sur les questions de développement durable, d'énergies renouvelables et de protection de l'environnement. La question d'une sortie de la Chine de l'APD est de plus en plus prégnante à mesure que le revenu par tête du pays continue de croître. C'est la raison pour laquelle notre aide au développement est elle-même évolutive. Elle s'adaptera au niveau de développement réel de la Chine et de ses territoires, et à notre faculté à contribuer à des projets concrets conformes à notre vision d'un développement vert et inclusif, et dans le respect du droit international. Conformément aux orientations définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, la France s'est, par ailleurs, engagée à concentrer son effort de solidarité, en subventions et en dons, dans dix-neuf pays prioritaires, faisant tous partie des pays les moins avancés (PMA) et situés sur le continent africain, à l'exception d'Haïti. Sur la période 2016-2019, l'APD globale allouée par la France à ces dix-neuf pays prioritaires a augmenté de 16% par an en moyenne, pour atteindre 1,6 Mds€. Parallèlement, l'APD bilatérale à destination de ces mêmes pays a plus que doublé entre 2016 et 2019, passant de 424 M€ à 928 M€. Ces pays ont bénéficié en 2019 de 45% de l'aide-projet financée par le programme 209 (« Solidarité envers les pays en développement »), soit 14,3 M€, et deux tiers des subventions mises en œuvre par l'Agence française de développement (AFD), soit 2,4 Mds€. Les pays prioritaires de l'aide française ont, par ailleurs, bénéficié de près d'un quart des ressources du 11e Fonds européen de développement (FED) sur la période 2014-2020. La loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales renforce encore davantage la concentration de l'APD française vers les dix-neuf pays prioritaires de la politique de développement. Ainsi, ces dix-neuf pays bénéficieront de la moitié de l'aide-projet mise en œuvre par l'État, dont un tiers sera concentré sur les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), et des deux tiers des subventions mises en œuvre par l'AFD.

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