Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 02/12/2021

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la décision du haut conseil de stabilité financière (HCSF) du 29 septembre 2021 relative aux conditions d'octroi de crédits immobiliers, et sur les nouvelles conditions que celle-ci impose aux établissements de crédit et sociétés de financement en matière de délivrance de prêts immobiliers.
Le taux maximal d'endettement fixé à 35 % du revenu disponible, d'abord établi en tant que recommandation auprès des banques, deviendra juridiquement contraignant au 1er janvier 2022, faisant courir le risque de rejets massifs des demandes de crédit émises par des emprunteurs et investisseurs dont pourtant les revenus « restant à vivre » leur autoriseraient aisément de consentir à un effort de remboursement supérieur à 35 %.
Si l'objectif d'infléchir une baisse des dossiers de surendettement affiché par le HCSF et la banque de France poursuit une intention louable de consolider la solvabilité des emprunteurs, dans un contexte fragile de sortie de crise sanitaire, cette démarche risque en réalité d'entraver de nombreux projets de construction, à l'heure où une crise de l'offre de logements neufs se profile et ceci quand bien même la solvabilité d'investisseurs pouvant attester de revenus élevés ne justifie pas d'être remise en cause.
Une clause de progressivité, indexée sur le montant du revenu fiscal de référence et sur la solidité générale du dossier des emprunteurs, aurait judicieusement pu être intégrée au dispositif aux fins de ne pas bloquer des projets d'investissement immobilier bénéfiques à la situation du logement en France.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 27/01/2022

Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a adopté le 29 septembre dernier une décision qui rend juridiquement contraignante la recommandation qu'il avait émise en janvier 2021 sur les bonnes pratiques des conditions d'octroi. La recommandation était justifiée par le constat d'une dérive progressive des conditions d'octroi de crédits immobiliers depuis 2015. Le Comité européen du risque systémique avait adressé le 27 juin 2019 une recommandation à la France, qui pointait des vulnérabilités à moyen terme dans le secteur de l'immobilier résidentiel. La décision préconise de bonnes pratiques en matière de conditions d'octroi, à savoir un taux d'endettement maximal de 35 % et une maturité inférieure à 25 ans, avec un différé de 2 ans possible dans certains cas. Afin de ne pas pénaliser l'accession à la propriété, jusqu'à 20 % de la production de crédit peut s'écarter de ces critères, 80 % de cette flexibilité étant réservée aux acquéreurs de leur résidence principale. La décision entre en vigueur le 1er janvier 2022 et vise à ancrer ces bonnes pratiques dans la durée. Dans ce cadre, il n'a pas été jugé souhaitable d'introduire de clause de progressivité permettant aux ménages les plus aisés d'augmenter leur taux d'effort maximal. En effet, en premier lieu, une telle clause serait source d'inégalité face à l'emprunt : permettre un endettement supplémentaire pour les plus riches reviendrait à restreindre comparativement l'accession à la propriété pour les plus modestes. En second lieu, l'investissement locatif est une source de risque pour la stabilité financière, car il peut mener à des niveaux d'endettement importants parmi les plus aisés. Par ailleurs, la décision n'aura pas pour effet d'exclure des investisseurs de l'achat de logements neufs. Tout d'abord, la recommandation est déjà en vigueur et respectée par les établissements bancaires, sans qu'une diminution de la production de crédit n'ait été observée. Ensuite, la mesure n'a pas pour effet d'exclure de l'accession au crédit mais d'assainir les conditions d'octroi : un prêt non conforme aux critères de la mesure peut souvent devenir conforme en ajustant ses paramètres, comme sa maturité ou son taux d'effort. Ceci est particulièrement vrai pour les plus aisés, qui peuvent plus facilement mobiliser un apport afin que leur crédit respecte les bonnes pratiques d'octroi. Ainsi, il n'est pas attendu d'effet de la mesure sur la construction de logements neufs.

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