Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SER) publiée le 02/12/2021

Question posée en séance publique le 01/12/2021

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Aujourd'hui, à Viviez, à Decazeville et dans tout le bassin industriel alentour, c'est ville morte !

Les commerçants ont baissé le rideau et toute la population – citoyens et élus – retient son souffle, dans une mobilisation sans précédent, appuyée par des dizaines de milliers de citoyens venus de la France entière. Entendrez-vous donc, madame la ministre chargé de l'industrie, le grand « cri muet » de ce territoire meurtri ?

Déjà, en 1987, 3 000 emplois sidérurgistes et métallurgistes avaient disparu. Connaissez-vous vraiment, madame la ministre, ce territoire rural et industriel, qui a perdu des milliers d'habitants en trente ans ?

Depuis le 26 novembre dernier, la Société aveyronnaise de métallurgie, la SAM, est en liquidation judiciaire et 333 salariés viennent de perdre leur travail.

Le groupe Renault a fait savoir par voie de presse, sans avertir les salariés, qu'il ne soutiendrait pas le projet de reprise. Il est pourtant le seul client de la SAM.

C'est donc toujours le même scénario : on s'approvisionne là où la main-d'œuvre est moins chère, au seul bénéfice des actionnaires : in fine, ce n'est ni plus ni moins que la mise à mort d'un territoire. Les salariés d'abord, mais aussi tous les habitants, vont payer une fois de plus le prix fort. C'est un profond sentiment d'abandon et d'injustice qui étreint ce territoire.

La situation de la SAM constitue l'exemple même de la désindustrialisation, organisée par un groupe automobile français, avec la complicité du Gouvernement, principal actionnaire. En effet, il s'agit bien d'une capitulation, après deux ans de recherches, en vain, d'un repreneur !

La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, s'est déplacée lundi dernier à Viviez, afin de réaffirmer le soutien de la région à la fonderie, s'engageant d'ores et déjà concrètement pour l'avenir de ce site. De votre côté, vous assistez, résignée, à la fuite inexorable de nos savoir-faire et à l'extinction de cette filière d'excellence qu'est la fonderie.

Vous affirmez avoir l'industrialisation au cœur, madame la ministre, mais quel est le sens de votre politique ? Combien d'entreprises comme la SAM allez-vous encore abandonner ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie publiée le 02/12/2021

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie. Madame la sénatrice Préville, Bruno Le Maire et moi-même avons bien conscience de la situation du bassin d'emploi de Decazeville et, plus largement, du bassin de vie correspondant, qui s'étend jusqu'à votre territoire, le Lot. Dans cette situation, notre boussole, c'est de trouver une solution pour chaque salarié.

Cela suppose, d'abord, que Renault prenne toutes ses responsabilités. C'est ce que nous avons demandé, afin que ce groupe propose un accompagnement individuel à chaque salarié. Je vous le rappelle, hier, cette entreprise a indiqué que, eu égard aux circonstances exceptionnelles, elle mettrait en place un accompagnement individuel, y compris financier, pour chaque salarié.

Pour sa part, l'État mobilise le fonds de reconversion des salariés de la filière fonderie. Il s'agit notamment d'un financement de 15 000 euros activable pour une formation ou pour une création d'entreprise, ainsi que d'une enveloppe de 5 000 euros pour aider à la recherche d'emploi ou pour faciliter une mobilité professionnelle, laquelle n'emmène pas nécessairement très loin mais peut occasionner des frais.

Enfin, je l'ai indiqué à deux reprises cet après-midi, nous travaillons à l'accélération des projets de développement industriel du territoire, avec le dispositif Choc industriel, que nous avons déclenché. Nous sommes donc en contact avec un certain nombre d'entreprises ; nous avons des projets de créations d'emplois sur le territoire et nous espérons pouvoir ouvrir ces emplois aux salariés de Decazeville.

Toutefois, vous le savez, il faut aller plus loin.

Ce qui est en jeu, c'est l'accompagnement de la transformation environnementale de la filière automobile.

Ce qui est en jeu, puisque vous avez à cœur le combat contre le réchauffement climatique, c'est le fait de passer du moteur thermique au moteur électrique.

Ce qui est en jeu, c'est non pas le refus de Renault de soutenir la SAM, mais l'effondrement des commandes de ce constructeur lié au fait que, collectivement, nous achetons plus de véhicules électriques que par le passé.

M. François Bonhomme. Quelle surprise !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Voilà ce qui est en jeu, madame la sénatrice !

Or notre responsabilité – et c'est ce que nous faisons –, c'est d'accompagner cette transformation, par exemple en installant des gigafactories, des « giga-usines » de batteries électriques, qui créeront des milliers d'emplois, grâce au plan de relance, lequel nous permet d'accompagner plus de 350 entreprises de la sous-traitance automobile dans cette transformation et dans l'innovation.

Notre responsabilité, c'est également d'investir, au travers de France 2030, plusieurs milliards d'euros dans le soutien, non aux constructeurs, mais à toute la filière de sous-traitance,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … afin de permettre à celle-ci d'être plus forte et de créer de l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Mme Angèle Préville. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je vous ai parlé d'une filière d'expertise industrielle et, justement, la SAM travaillait déjà à sa reconversion.

Où sont la fierté de travailler, l'innovation et la magie, ces mantras que vous invoquez sans cesse ? À quelle réalité correspondent-elles ? À aucune, semble-t-il, madame la ministre, car – les faits sont têtus – il y a manifestement une inefficacité flagrante de votre action en la matière… (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

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