Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 25/11/2021

M. Didier Marie attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance au sujet des créations gratuites et des appels d'offres publics non indemnisés.
Les métiers de la prestation intellectuelle, artistique et technique représentent plus de 250 000 personnes, qui interviennent dans le champ des arts, du design, de la communication et de l'événementiel. Par leurs créations, ils sont à la source de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) français et de 700 000 emplois directs et indirects, et participent au rayonnement de la culture, des médias et des entreprises publiques ou privées. Or, leurs activités sont fragilisées par la tournure que prend la mise en compétition de leurs métiers. En effet, 80 % des appels d'offres demandent de remettre des maquettes, esquisses, pistes créatives, notes descriptives, plans d'actions… sans qu'aucune prime ou indemnité au titre du travail demandé ne soit prévue. Rémunérer les créations, c'est permettre à toutes et tous, et notamment aux indépendants, très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) d'accéder à la commande publique. C'est également une façon de garantir l'efficacité de la commande publique, en préservant la concurrence. Ces pratiques, qui vont à l'encontre du principe selon lequel tout travail mérite rémunération, ont un coût économique et social réel. Il est ainsi estimé que les appels d'offres non gagnés représentent un jour de travail par semaine parti en fumée, puisque non rémunéré. Cette situation, qui dure depuis de nombreuses années, est éclairée d'un jour nouveau par la crise sanitaire liée au Covid-19, puisque l'État subventionne ces activités (activité partielle, prêts garantis par l'État - PGE, fonds de solidarité…) tout en demandant aux professionnels de ces secteurs de travailler gratuitement pour ses marchés. Il revient à l'État de faire en sorte de rétablir l'équilibre de la relation entre professionnels et commanditaires, pour des raisons qui relèvent autant de l'éthique que de l'économie, puisque des milliers d'emplois sont en jeu. Cette situation est directement liée à l'imprécision du code de la commande publique, qui ne définit pas la notion d'« investissement significatif » et permet ainsi à une grande partie des commanditaires publics de prétexter qu'une esquisse, une maquette, une note descriptive ou un plan d'actions n'est pas un travail significatif pour éviter de rémunérer le travail demandé. Il lui demande donc si le Gouvernement envisage de modifier le code de la commande publique en reprenant une jurisprudence récente (TA Versailles, 15 juillet 2019, n°1707597) : « Lorsque ces demandes impliquent aux entreprises candidates de fournir des prestations de conception adaptées au seul appel d'offres alors elles donnent lieu au versement d'une prime », et en précisant le montant de la prime d'indemnité sur le modèle éprouvé avec les architectes (article R. 21172-4 du code de la commande publique - CCP), soit un montant égal à 80 % du prix estimé des études à effectuer pour répondre à la commande.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 10/02/2022

Les charges générées pour un opérateur économique par sa participation à une procédure d'attribution d'un marché public de services, de fournitures ou de travaux pour formuler sa candidature ou son offre lui incombent en principe, au même titre que des frais de prospection. Ces charges n'ont donc pas à être supportées par les acheteurs, quand bien même ceux-ci demeurent libres de le prévoir. Ce n'est que lorsque l'acheteur exige que les offres remises par les soumissionnaires soient accompagnées d'échantillons, de maquettes, de prototypes, ou de tout document permettant d'apprécier l'offre et que ces exigences conduisent à un investissement significatif pour les entreprises soumissionnaires, que l'article R. 2151-15 du code de la commande publique impose à l'acheteur de verser une prime. Pour l'entreprise titulaire du marché, le montant de cette prime sera déduit du prix qui lui est dû. Ce cadre est expliqué dans la documentation publiée sur le site internet du ministère de l'économie, des finances et de la relance. Il correspond aux cas dans lesquels la réponse à la procédure génère des charges sensiblement plus élevées que celles généralement supportées par les candidats ou soumissionnaires aux marchés publics et dans lesquels cette différence, si elle n'était pas compensée par le versement d'une prime, aurait pour effet de dissuader les opérateurs de participer à la procédure, en particulier les TPE et les PME. L'acheteur a donc intérêt à prévoir une telle prime afin de susciter la plus large concurrence possible et d'obtenir des offres de qualité. Le droit à cette prime ne résulte donc pas du simple fait que certains acheteurs demandent des maquettes, échantillons, prototypes ou autres documents, mais du coût significatif qu'induit cette demande pour les entreprises. Dans la mesure où les marchés de maîtrise d'œuvre faisant l'objet d'un concours impliquent nécessairement un investissement significatif de la part des soumissionnaires qui remettent des prestations liées à la conception de l'ouvrage, l'article R. 2172-4 fixe le principe du versement d'une prime et encadre les modalités de détermination de son montant. En revanche, pour les autres marchés, notamment de prestations intellectuelles,  l'appréciation concrète de la situation et du montant de la prime à prévoir ne peut relever que des acheteurs qui doivent évaluer la charge induite par leurs demandes, compte tenu des pratiques habituelles du secteur concerné. Cette appréciation est réalisée sous le contrôle du juge administratif.

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