Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 18/11/2021

M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les pénuries de médicaments.
Selon l'agence nationale de sécurité du médicament, ce sont actuellement 2446 médicaments qui sont en rupture ou en risque de rupture. Depuis 2012, 10 % de ces médicaments, en moyenne, sont des anticancéreux. Aussi, la ligue contre le cancer a renouvelé son interpellation en septembre dernier en publiant les témoignages des personnes malades, victimes des pénuries de médicaments.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a consacré l'obligation pour les industriels de constituer pour chaque médicament un stock de sécurité destiné au marché national qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicament.
Toutefois, le décret d'application du 30 mars 2021 a révisé à la baisse le dispositif en introduisant une obligation de « au moins » 2 mois de stock pour les médicaments à intérêt thérapeutique majeur (MITM) pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme. La possibilité d'augmenter ce stock de sécurité prévue par le décret ne répond pas à un objectif de prévention des pénuries, puisque la liste des médicaments concernés serait établie à postériori sur la base des ruptures constatées les deux années précédentes.
En 2018, une mission sénatoriale mentionnait une durée moyenne des pénuries de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur de 14 semaines. Il convient de tenir compte de l'importance des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur reconnue par la loi, en prévoyant que pour ces derniers la limite des stocks ne puisse être inférieure à quatre mois de couverture des besoins.
Une telle disposition permettrait, en effet, de limiter les pertes de chances, les interruptions de traitements et les effets indésirables, parfois graves, causés par des changements de traitements en urgence, et de ne pas méconnaitre les graves conséquences que ces pénuries peuvent avoir sur la prise en charge des personnes malades.
Par conséquent il lui demande de mieux prendre en compte les MITM reconnus par la loi, en prévoyant que, pour ces derniers, la limite des stocks ne puisse être inférieure à quatre mois de couverture des besoins en médicament.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 06/01/2022

Le décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 relatif au stock de sécurité destiné au marché national, qui est entré en vigueur le 1er septembre 2021, prévoit que « tout titulaire d'autorisation de mise sur le marché et toute entreprise pharmaceutique exploitant un médicament en France doit constituer un stock de sécurité destiné au marché national ».A cet égard, les industriels doivent procéder au stockage du nombre d'unités de produit fini d'une spécialité prêtes à être distribuées sur le territoire français, au moins équivalent à :  - au moins deux mois de couverture des besoins pour tout médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) mentionné à l'article L. 5111-4 du Code de la santé publique (CSP) ;  - une semaine de couverture des besoins pour tout autre médicament. Ce stock de sécurité est porté à un mois pour les médicaments contribuant à une politique de santé publique définie par le ministre chargé de la santé (vaccins, contraceptifs). Néanmoins, pour les MITM, le directeur général de l''Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) peut décider, à la demande du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise pharmaceutique exploitant le médicament, de diminuer ce seuil si la durée de conservation de la spécialité est incompatible avec le seuil de 2 mois de stock minimum, la production de la spécialité est mise en œuvre de façon adaptée à chaque patient ou fabriquée à partir de produits d'origine humaine, la saisonnalité des besoins de la spécialité le nécessite ou la spécialité est un gaz à usage médical. En outre, le directeur général de l'ANSM peut également décider d'office d'augmenter le seuil du stock de sécurité d'un MITM lorsque la spécialité fait l'objet de risques de ruptures ou de ruptures de stock réguliers dans les deux années civiles précédentes nécessitant ainsi qu'un stock supérieur à deux mois soit constitué, sans excéder quatre mois de couverture des besoins. Les spécialités faisant l'objet d'une rupture de stock et la cause de ces ruptures font l'objet d'une publication sur le site internet de l'ANSM. Ces données sont mises à jour en permanence. L'ANSM publiera également les dérogations à la hausse et à la baisse des stocks de sécurité, conformément à sa politique de transparence. Les industriels ont eu 6 mois pour se préparer à l'application du décret et constituer ces stocks. Il est à noter que les plans de gestion des pénuries d'environ la moitié des MITM prévoyaient déjà des stocks de sécurité de 2 mois. Depuis le 1er septembre 2021, les laboratoires commercialisant des MITM doivent informer l'ANSM, en déclarant un risque de rupture, s'ils sont dans l'incapacité de détenir le niveau de stock exigé. L'ANSM effectuera également des contrôles lors de l'inspection des laboratoires exploitants afin de s'assurer de l'effectivité du respect de ces nouvelles dispositions. La localisation de stock de médicaments sur le territoire européen ne devrait pas engendrer de problèmes supplémentaires à une localisation sur le territoire français, le droit à la libre circulation des marchandises au sein de l'Union étant garantie par les articles 26 et 28 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Au cours de la pandémie de COVID-19, le transport n'a pas été une des principales causes de ruptures de stock de médicaments. Enfin, plusieurs appels à manifestation d'intérêt ont été lancés par le Ministère de l'économie et des finances afin de permettre la relocalisation en France d'industries de santé. Le comité stratégique de la filière des industries et technologies de santé travaille également à établir des priorités pour la relocalisation de ces activités. Par ailleurs, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'action pour la relocalisation en France de projets de recherche et de sites de production de produits de santé. A ce titre, des initiatives destinées à favoriser la recherche française ont vu le jour notamment dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations.  Enfin, la Commission européenne a élaboré une proposition de règlement relatif à un rôle renforcé de l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux afin permettre une gestion centralisée des ruptures de stock, en cas de crise sanitaire. A ce titre, la Commission propose de surveiller et atténuer les effets des pénuries potentielles et réelles de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques pour répondre à une urgence de santé publique ou à d'autres événements majeurs susceptibles d'avoir une incidence grave sur la santé publique. A cet égard, il est proposé de créer, au sein de l'EMA, les structures appropriées afin de faciliter la surveillance et la notification des pénuries. En outre, il est prévu que l'EMA puisse demander et obtenir des informations auprès des titulaires d'autorisations de mise sur le marché (AMM), des fabricants et des Etats membres concernés afin de prévenir ou d'atténuer les effets de pénuries au sein de l'Union européenne.

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