Question de M. VALLINI André (Isère - SER) publiée le 04/11/2021

M. André Vallini attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes sur l'utilisation croissante et quasi exclusive de l'anglais au sein des institutions européennes.
Ainsi le 25 octobre 2021, la Cour des comptes européenne a tenu pour la première fois une conférence de presse uniquement en anglais. Elle avait décidé, quelques jours auparavant, de travailler en anglais et sans interprétation.
Depuis le Brexit, 1 % des Européens ont l'anglais pour langue maternelle. Très loin derrière l'allemand, le français, l'italien ou l'espagnol.
L'Union européenne compte 24 langues officielles dont trois de travail : l'anglais, le français et l'allemand. Mais c'est bel et bien l'anglais qui est le plus fréquemment utilisé au sein des institutions européennes à l'exception de la cour de justice de l'Union européenne qui délibère en français.
Privilégier l'anglais ne permet pas de respecter l'égalité des langues nationales des États membres de l'Union ni de favoriser la diversité linguistique. Il est plus que jamais nécessaire de stopper cette évolution vers une langue unique, qui est non seulement facteur d'uniformisation des pensées et donc des politiques, mais qui de surcroît viole les traités européens.
Il souhaite donc savoir comment la France entend agir pour maintenir le français comme langue de travail au sein des institutions européennes, en conformité avec les textes fondateurs de l'Union européenne.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 06/01/2022

La France promeut l'usage du français à travers la défense du principe fondamental du multilinguisme au sein des organisations internationales et en particulier des institutions européennes, dont le régime linguistique est régi par le règlement n° 1/1958 du 15 avril 1958. Son engagement pour cette cause a été concrétisé par le Président de la République dans la « Stratégie internationale de la France pour la langue française et le plurilinguisme », annoncée le 20 mars 2018 et destinée à redonner au français sa place et son rôle dans le monde, et ce, dans le respect du multilinguisme. Il y figure précisément la promotion du multilinguisme au sein de l'Union européenne. Dans ce cadre, la Présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) constitue une opportunité pour renforcer et remettre à l'agenda européen cet engagement. Un Groupe de travail sur la Francophonie et le multilinguisme au sein des institutions européennes a été institué en avril 2021 par les Secrétaires d'État à la Francophonie et aux Affaires européennes. Il a remis aux autorités françaises un rapport composé d'un état des lieux de la diversité linguistique au sein de l'Union et d'une série de recommandations opérationnelles, dont la France pourra s'inspirer pour la définition de ses ambitions en la matière. A l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, la France organisera aussi à Bruxelles en mars 2022 un événement de haut niveau sur la diversité linguistique et la langue française. La doctrine linguistique de la PFUE met à l'honneur le multilinguisme et la langue française, qu'il s'agisse du régime linguistique des réunions ministérielles informelles, des réunions d'experts, ou de la diffusion des documents. Les représentants français s'exprimeront bien entendu en français pendant la présidence française de l'Union européenne. Cette règle, déjà mise en application au quotidien hors présidence, sera appliquée à la conduite même des débats. Par ailleurs, la France (via le SGAE) contribue chaque année en moyenne à hauteur d'1,8 M€ aux frais d'interprétation en langue française pour les réunions des groupes de travail du Conseil, afin que toutes les instances préparatoires dont le régime d'interprétation le permet puissent bénéficier de l'interprétation en langue française. La France reste vigilante à ce que l'interprétation vers le français soit systématiquement proposée, y compris pendant les réunions ministérielles informelles et a, par exemple, effectué des démarches fermes dans ce sens auprès de la Présidence portugaise pendant la crise sanitaire. Le Vade-mecum « Le français dans les institutions européennes » mis à jour par le Secrétariat général des affaires européennes sera la référence. En complément, un guide sur l'usage du français, spécifiquement dédié à la PFUE, devrait être communiqué à tous les agents en amont de la PFUE. La France conduit par ailleurs le programme dit « Millefeuille », qui consiste à offrir des cours de français aux fonctionnaires européens et aux agents des représentations permanentes auprès des institutions européennes. D'abord doté de 200.000 euros en 2021 dans le but de former 140 agents, le programme a été réalimenté avec 350.000 euros supplémentaires pour répondre à la grande demande exprimée par les conseillers des Représentations permanentes dans le contexte de la Présidence française. On recense en effet près de 550 conseillers en cours de formation. Nous souhaitons poursuivre ce programme à un niveau élevé pendant et après la présidence. En dehors de la PFUE, la France est pleinement engagée dans la promotion de la diversité linguistique et la défense du français. A cet égard, la collaboration en matière d'alerte et de rappel des règles, entre les équipes de Paris et la Représentation permanente auprès de l'Union, tend à s'institutionnaliser. A travers l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), elle soutient les programmes de formation linguistique des fonctionnaires et diplomates et s'implique, aux côtés de la Belgique, le Luxembourg et la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans le « Dispositif de veille, d'alerte et d'action pour la langue française et le multilinguisme dans les organisations internationales » lancé par la Secrétaire générale de la Francophonie en décembre 2019. La France fut également le moteur de l'adoption du Plaidoyer en faveur de la langue française et du multilinguisme dans les institutions européennes en 2018 lors du Sommet de la Francophonie à Bucarest. Enfin, des actions sont menées par la France pour rendre notre langue attractive par nos idées au cœur même des institutions européennes. Celles-ci se renforcent à l'approche de la présidence. A la Commission européenne, la Représentation permanente, en partenariat avec le Collège Belgique (Académie royale de Belgique) et l'Alliance française-Bruxelles Europe et en lien avec la Direction générale des Ressources humaines de la Commission européenne, propose des conférences-débats mensuelles sur différents thèmes pour les agents de la Commission. Le principe est de stimuler des échanges en français au sein de cette institution tout en valorisant des talents et des réflexions issus de la francophonie. Au Parlement européen, à partir du mois d'octobre et en coordination avec la Direction générale de la logistique et l'interprétation pour les conférences sont proposées des conférences sur des thèmes variés puis sur les priorités de la Présidence française. Ces conférences visent à préparer tous les interprètes ayant dans leur combinaison linguistique le français (soit la plupart des interprètes agents et indépendants travaillant au Parlement européen) à la Présidence tout en les sensibilisant à la culture française. A titre d'exemples, de grands noms comme Wajdi Mouawad (Directeur du Théâtre de la Colline, auteur, comédien et metteur en scène) et Barbara Cassin (de l'Académie française) interviennent dans ce cadre.

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