Question de M. MIZZON Jean-Marie (Moselle - UC) publiée le 11/11/2021

M. Jean-Marie Mizzon interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la stratégie de l'État en matière de méthanisation.
À l'origine, ce procédé innovant devait permettre à des fermes de valoriser leurs propres déchets voire ceux de fermes voisines. Il présentait des qualités économiques, écologiques et énergétiques indiscutables.
Aujourd'hui, dans certains départements, en Moselle notamment, on constate, dans ce domaine, une évolution qui pose question.
En effet, certains agriculteurs ne cultivent plus pour nourrir les hommes ou des animaux mais pour alimenter le seul méthaniseur, plantant des dizaines voire des centaines d'hectares de céréales – du maïs notamment – dans ce seul but.
Or, si ce mouvement devait se poursuivre, il pourrait même, sans aller jusqu'à sa généralisation, avoir des conséquences à plusieurs niveaux.
Tout d'abord, parce qu'il télescope, à terme, notre volonté de souveraineté alimentaire - dont il convient de rappeler qu'elle était l'un des principes directeurs de la construction européenne dans les années 1960.
Ensuite, parce qu'il vient affaiblir notre balance commerciale agro-alimentaire – aujourd'hui encore excédentaire grâce aux céréales précisément et aux vins et spiritueux.
Ensuite encore, parce qu'il entraîne des transports par camion de céréales venant de zones de plus en plus éloignées et incitent à labourer des prairies pour y planter et planter encore – ce qui sur un plan écologique n'est pas très satisfaisant.
Enfin, parce qu'il entraîne une augmentation du prix des céréales que les éleveurs ont du mal à supporter.
Ce système, qui offre certes à nombre d'agriculteurs des possibilités de reconversion, totale ou partielle, fonctionne cependant selon un modèle économique quelque peu artificiel car subventionné alors même qu'il peut porter atteinte à l'environnement, tout ceci alors qu'il intéresse un nombre grandissant d'investisseurs.
Aussi, au regard de ce constat, il lui demande quelle est la stratégie de l'État dans le domaine de la méthanisation.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 19/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2022

Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 1915, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la méthanisation.

À l'origine, ce procédé innovant devait permettre à des fermes de valoriser leurs propres déchets voire ceux de fermes voisines. Il présentait des qualités économiques, écologiques et énergétiques indiscutables.

Aujourd'hui, dans certains départements, notamment en Moselle, on observe dans ce domaine une évolution qui pose question.

En effet, certains agriculteurs cultivent non plus pour nourrir les hommes ou les animaux, mais pour alimenter le seul méthaniseur, plantant des dizaines voire des centaines d'hectares de céréales, notamment du maïs, dans ce seul but.

Si ce mouvement devait se poursuivre, il pourrait, sans aller jusqu'à une généralisation, avoir pour conséquence de télescoper, à terme, notre volonté de souveraineté alimentaire, dont il convient de rappeler qu'elle était l'un des principes directeurs de la construction européenne dans les années 1960.

Il vient en outre affaiblir notre balance commerciale agroalimentaire, aujourd'hui encore excédentaire, grâce aux céréales, précisément, et aux vins et spiritueux.

N'oublions pas non plus qu'il engendre des transports par camion de céréales venant de zones de plus en plus éloignées et incite à labourer des prairies pour y planter et planter encore, ce qui, sur un plan écologique, n'est pas très satisfaisant.

Enfin, il entraîne une augmentation du prix des céréales à laquelle les éleveurs ont du mal à faire face.

Il n'en demeure pas moins que ce système intéresse un nombre grandissant d'investisseurs et offre à de nombreux agriculteurs des possibilités de reconversion, totale ou partielle.

Pour autant, il fonctionne selon un modèle économique artificiel, car subventionné, alors même qu'il peut porter atteinte à l'environnement.

Aussi, au regard de ce constat, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la stratégie de l'État dans le domaine de la méthanisation ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur un sujet extrêmement important, celui de la méthanisation. Vous l'avez fort bien montré dans votre question, la méthanisation est à la fois une chance et une menace pour le monde agricole.

Les opportunités sont d'ordre économique et environnemental, puisque la méthanisation fait partie des objectifs de développement des énergies renouvelables. À ce titre, je la défends donc et estime qu'elle doit être soutenue.

Toutefois, il convient d'agir avec raison. La méthanisation peut en effet être source de dangers – je mets de côté les contrôles des infrastructures au titre de la police environnementale – pour le monde agricole lui-même, lorsque les productions agricoles viennent à entrer en compétition les unes par rapport aux autres.

On dit souvent qu'en Allemagne l'élevage laitier a disparu du fait de la méthanisation. C'est probablement excessif, mais c'est un signal qu'il nous faut prendre en compte.

La position du Gouvernement a toujours été de défendre, soutenir et développer la méthanisation, tout en créant un cadre visant à préserver les équilibres agricole. C'est ce que nous avons fait avec le décret du 7 juillet 2016 et que nous continuerons de faire, comme le propose d'ailleurs l'excellent rapport sénatorial de M. Daniel Salmon.

Selon moi, tout projet de méthanisation devrait a minima faire l'objet d'un nihil obstat de la profession agricole, par exemple des chambres d'agriculture. Cela pourrait être une bonne piste à suivre.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, vous avez parlé d'une méthanisation raisonnée, idée que je partage. Toutefois, très concrètement, sur le terrain, on ne mesure pas les dispositions que vous avez prises pour en arriver là ! Dans le département de la Moselle, on a le sentiment que chacun fait comme il veut et que le premier qui démarre a raison.

Sans doute devriez-vous vous engager à mener des mesures de contrôle pour mieux vérifier ce qui se passe.

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