Question de M. TISSOT Jean-Claude (Loire - SER) publiée le 21/10/2021

M. Jean-Claude Tissot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les maladies professionnelles des agriculteurs suite à la publication par l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de la mise à jour de l'expertise collective « Pesticides et effets sur la santé ». Cette expertise confirme des données pour la plupart déjà connues notamment celles issues de la cohorte Agrican, à savoir l'apparition plus importante de certaines pathologies au sein de la population agricole : lymphomes non hodgkiniens (LNH), myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson… Elle met également en évidence « une présomption forte de lien entre l'exposition professionnelle aux pesticides et deux autres pathologies : les troubles cognitifs et la bronchopneumopathie chronique obstructive-bronchite chronique ». Largement médiatisées, les études sur les pathologies liées aux pesticides, aussi pertinentes soient-elles, ne doivent pas faire oublier les autres problématiques sanitaires de la profession. Si les agriculteurs vivent en moyenne plus longtemps que le reste de la population grâce à un mode de vie plus sain, ils vivent cependant moins longtemps en bonne santé. 9 maladies professionnelles sur 10 en agriculture sont les conséquences du travail physique (troubles musculo-squelettiques), une réalité trop souvent ignorée. Aussi, il lui demande quelles leçons le Gouvernement compte tirer de l'expertise de l'Inserm en termes d'identification précise des substances problématiques et de la réalité de leurs usages (agricoles, domestiques, biocides etc.) et dans quels délais sera mis en place un vrai baromètre de la santé des agriculteurs permettant d'avoir une visibilité « en temps réel » de l'ensemble des pathologies auxquelles ceux-ci sont confrontés.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 13/01/2022

Les expertises collectives de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont pour objectif d'apporter un éclairage scientifique sur des thématiques de santé publique aux fins d'éclairer la décision publique. S'agissant de l'expertise « ?Pesticides et effets sur la santé : nouvelles données? », l'Inserm a été saisi le 24 avril 2018 par les ministères chargés de la transition écologique, de la santé, du travail, de la recherche et de l'agriculture et de l'alimentation, afin d'actualiser l'expertise collective de 2013 sur « pesticides : effets sur la santé ». Les pesticides suscitent, en effet, une préoccupation légitime et les professionnels qui les manipulent ou sont à leur contact sont particulièrement exposés. Les principaux résultats des expertises de 2013 et 2021 montrent une présomption forte de lien entre l'exposition aux pesticides et cinq pathologies de l'adulte (troubles cognitifs, maladie de Parkinson, cancer de la prostate, lymphome non hodgkinien, myélome multiple, et bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) /bronchite chronique) et quatre pathologies de l'enfant (altération des capacités motrices, cognitives et sensorielles, trouble du comportement en particulier de type internalisé, tumeur du système nerveux central et leucémie). La commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP), réunissant les partenaires sociaux agricoles et des experts est chargée de proposer ou de donner un avis sur la création ou la révision des tableaux de maladie professionnelle pour le secteur agricole. Sur la base de l'expertise de l'Inserm de 2013, elle a déjà pris en compte plusieurs maladies consécutives à l'exposition aux pesticides comme la maladie de Parkinson et certaines hémopathies malignes en créant et révisant les tableaux 58 et 59 du régime agricole. Elle a poursuivi ses travaux et vient de proposer de créer un nouveau tableau qui permettra la reconnaissance en maladie professionnelle du cancer de la prostate provoqué par les pesticides. Cette proposition, votée unanimement par les partenaires sociaux, prend notamment en compte l'exposition à la chlordécone aux Antilles. Comme annoncé par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation au sénat le 21 octobre 2021, le Gouvernement a pris en compte cette proposition de la COSMAP par la publication d'un décret au Journal officiel le 22 décembre 2021 créant le tableau de maladie professionnelle 61 du régime agricole relatif au cancer de la prostate provoqué par les pesticides. Ce tableau, particulièrement attendu aux Antilles, constitue un engagement du Président de la République. La COSMAP poursuivra ses travaux sur les pesticides et examinera notamment les pathologies mises en exergue dans l'expertise collective de l'Inserm de 2021 comme la BPCO/bronchite chronique ou les troubles cognitifs de l'adulte. Ainsi, le Gouvernement, au côté des partenaires sociaux du secteur agricole, reste fortement engagé dans l'amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec les pesticides et de leur prise en charge. De plus, le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, géré par la mutualité sociale agricole (MSA), a été mis en place au 1er janvier 2020 par l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Il a permis de simplifier la procédure de reconnaissance dans le cadre d'un guichet unique inter-régime, c'est-à-dire à la fois pour les salariés du régime général et ceux du régime agricole. Peuvent ainsi être prises en compte dans le périmètre du fonds d'indemnisation les expositions aux produits phytopharmaceutiques et aux biocides. Il sera étendu prochainement aux médicaments vétérinaires, dès l'adoption d'une disposition en ce sens figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Enfin, sur la base des résultats de l'expertise de l'Inserm, les pathologies des enfants exposés durant la période prénatale du fait de l'exposition professionnelle de l'un de leurs parents aux pesticides peuvent également être prises en charge par le fonds d'indemnisation. Les expositions en milieu professionnel agricole pouvant avoir un impact sur l'état de santé sont nombreuses et très variées, que ce soit le risque d'accident, les contraintes physiques ou mentales, les risques liés aux produits chimiques, aux agents biologiques, etc. Santé publique France et la MSA ont mis en place un programme national de surveillance de la santé en relation avec le travail, intitulé Coset-MSA. Cette cohorte a pour objectif d'améliorer les connaissances sur l'état de santé et les risques professionnels en France. Elle prévoit de suivre les participants pendant plusieurs années afin, d'une part, d'étudier l'évolution de leur état de santé en relation avec les facteurs professionnels sur le long terme et, d'autre part, de donner une vision la plus complète possible de l'état de santé et de la diversité des situations professionnelles du monde agricole. Ces travaux sont régulièrement suivis par la COSMAP afin d'aider à mieux définir les priorités de réparation, mais aussi de prévention.

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