Question de Mme VARAILLAS Marie-Claude (Dordogne - CRCE) publiée le 14/10/2021

Mme Marie-Claude Varaillas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des éleveurs laitiers et l'avenir de la filière.

En cinq ans, le coût des matières premières a explosé (intrants, fourrages, médicaments pour les animaux) et cette hausse n'est plus compensée par celle du prix du lait. Les conséquences sur le nombre d'éleveurs laitiers et la production sont sans appel. Ainsi en Nouvelle-Aquitaine, selon les chiffres de la chambre d'agriculture, le cheptel a été réduit de 45 % (contre 19 % en France), soit une baisse de la production de lait de 30 %. En Dordogne, cela se traduit par la cessation d'activité d'un tiers des éleveurs laitiers en 5 ans.

Les dispositifs de courts et moyens termes, tels que l'exonération des cotisations et l'accès à la plénitude des droits sociaux, doivent être activés mais ne suffiront pas à pérenniser cette activité agricole, dont la crise structurelle ne cesse de s'aggraver. La question de la rémunération se pose donc comme un enjeu de justice sociale et de dignité mais aussi comme un enjeu de pérennité d'une agriculture qui maille tout le territoire.

La proposition de loi n° 4490 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, examinée en commission mixte paritaire le 4 octobre 2021, ne permettra pas de garantir un prix rémunérateur pour les producteurs laitiers car elle se prive d'outils permettant d'assurer un rééquilibrage satisfaisant des relations commerciales et une meilleure répartition de la valeur. L'instauration d'indicateurs publics et contraignants, un suivi rigoureux des prix et des marges de chacun des acteurs de la filière, l'établissement d'un prix minimum indicatif pour chaque production, mais aussi l'instauration d'un prix plancher d'achat aux producteurs permettraient d'encadrer plus fortement la contractualisation.

Aussi, elle lui demande d'une part, comment il entend répondre aux revendications légitimes des producteurs laitiers d'une juste et digne rémunération et, d'autre part, comment il entend répondre aux enjeux liés à l'avenir de la filière laitière.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/01/2022

Le Gouvernement n'ignore rien des difficultés liées à la rémunération des producteurs et en particulier des éleveurs laitiers. Les prix payés aux producteurs, ainsi que les relations entre la production agricole, les industriels et les distributeurs sont en effet une préoccupation constante du Gouvernement. Issue des états généraux de l'alimentation, qui avaient fait l'objet d'un consensus rare, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite loi EGALIM, votée en 2018, a constitué une avancée notable pour une meilleure répartition de la valeur le long de la chaîne alimentaire. Elle a notamment permis d'inscrire, dans les pratiques, de nouveaux modes de négociations en entamant la « marche en avant du prix » c'est-à-dire une meilleure prise en compte des coûts de production agricoles dans la formation des prix d'achats aux agriculteurs. Depuis cette loi, il revient désormais au producteur ou à son organisation de producteurs de faire une proposition de contrat et donc une proposition de prix ou de formule de prix à son acheteur, qui dans ce cas devra obligatoirement prendre en compte des indicateurs de coûts de production et de leur évolution, ainsi que des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires sur les marchés. Les interprofessions, et en particulier l'interprofession compétente en matière de lait de vache, ont mené un important travail pour élaborer et diffuser des indicateurs de référence, même si ces indicateurs sont encore inégalement mobilisés en fonction des filières. Cette loi a donné des premiers résultats encourageants, notamment dans la filière laitière. Ainsi, l'ensemble des dispositions de la loi EGALIM a contribué à améliorer les relations commerciales et le niveau du prix du lait payé aux producteurs. En 2019, le prix du lait payé aux producteurs est ainsi resté au-dessus du prix de 2018 tout au long de l'année. En particulier, grâce aux dispositions de la loi EGALIM, la baisse saisonnière des prix du lait observée chaque année au printemps lors de la période du pic de production a été très limitée. La crise sanitaire a impacté les prix du lait en 2020 mais la baisse a été limitée à moins de 1 %, ce qui montre la résilience de la filière. Sur les neuf premiers mois de 2021, le prix du lait est en hausse d'environ 3,5 % et s'inscrit dans une dynamique positive. Cependant, des dispositions préexistantes, notamment celles de la loi de modernisation de l'économie de 2008, freinaient la pleine concrétisation des effets de la loi EGALIM à la faveur d'une concurrence effrénée entre enseignes. Ainsi, à l'issue d'un important travail parlementaire et des conclusions de la mission de M. Serge Papin, de nouveaux dispositifs de régulations et de transparence ont pu être conçus et votés par le Parlement sur la base de la proposition de loi du député Grégory Besson-Moreau. Cette loi dite « EGALIM 2 », promulguée le 19 octobre 2021, marque donc un tournant dans les relations commerciales au sein de la chaîne alimentaire. Elle garantira une meilleure prise en compte des coûts de production des agriculteurs, et permettra de mieux respecter le tarif des industriels, grâce à la non-négociabilité de la matière agricole, la non-discrimination tarifaire, ligne à ligne, les clauses de révision automatique des prix tant sur les marques nationales que sur les marques de distributeurs et un encadrement des pénalités logistiques. Cette nouvelle loi doit porter des résultats concrets dès les prochaines négociations commerciales. Sa promulgation constitue une nouvelle étape et les premiers décrets permettant sa mise en œuvre ont été pris rapidement. L'État sera extrêmement vigilant quant au respect de cette loi et de ses nouvelles dispositions. Les services de contrôles sont d'ores et déjà mobilisés comme ceux de la médiation pour une implémentation rapide et effective. Le comité de règlements des différends, institué par la loi, sera constitué avant la fin de l'année 2021. Par ailleurs, l'ouverture du cycle de négociations annuel est cette année marquée par une hausse des cours de matières premières agricoles (céréales, soja) ou industriels (engrais, énergie…) impactant la rémunération des acteurs de la chaîne agroalimentaire. Dans ce contexte, lors du premier comité de suivi des négociations commerciales 2021-2022 qui s'est tenu le 10 novembre 2021, le ministre chargé de l'agriculture a appelé à la responsabilité : les renégociations nécessaires à la poursuite des contrats actuels doivent avoir lieu sans attendre le 1er mars lorsque les conditions économiques le nécessitent. Le comité se réunira chaque mois pendant toute la période de négociations commerciales afin de suivre au plus près l'avancée des négociations dans le nouveau cadre législatif d'EGALIM 2. Enfin, dans ce contexte de hausse du coût des intrants, une cellule nationale de suivi des producteurs de lait en difficulté a été mise en place le 20 octobre 2021 à la demande du ministre chargé de l'agriculture. Elle a vocation à faire un état des lieux de la mobilisation des différents dispositifs transversaux pour l'accompagnement des producteurs de lait qui rencontrent des difficultés et à identifier les zones et types d'exploitations laitières les plus concernées.

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