Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 07/10/2021

Question posée en séance publique le 06/10/2021

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, « la fraude fiscale, simple pacte républicain », le nouveau scandale des Pandora Papers en est une nouvelle illustration après les LuxLeaks, Panama Papers et tant d'autres.

Tout va bien, dormons tranquilles, puisque, quarante-huit heures après ces révélations, l'Union européenne supprime trois territoires de la liste des territoires non coopératifs. Trois paradis fiscaux de moins, c'est vrai que c'est un mauvais timing.

La France allant présider le Conseil européen, monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale alors que notre dette flambe ?

Pendant que certains cachent des millions dans les paradis fiscaux, nos étudiants font la queue devant les banques alimentaires et nos agriculteurs se débattent dans des difficultés infernales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 07/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 06/10/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, permettez-moi de revenir sur ces révélations.

Il s'agit de quelque 600 journalistes, 117 pays concernés et 12 millions de données qui seraient exploités ou exploitables par ce consortium de journalistes pour mettre au jour des pratiques d'optimisation, d'évasion, voire de fraude fiscale dans un grand nombre de pays, par le biais de sociétés offshore.

À ce stade, les informations dont le Gouvernement et la direction générale des finances publiques (DGFiP) disposent sont les informations révélées par la presse. Comme à chaque fois en pareille circonstance, nous avons donné, avec Bruno Le Maire, des instructions extrêmement claires à la DGFiP consistant à exploiter, à vérifier et à analyser chacune des données mises à sa disposition par ces révélations médiatiques.

Elle a pour instructions de vérifier si des contribuables français sont concernés et, le cas échéant, diligenter les contrôles fiscaux les plus sévères qui soient et de mettre en œuvre, en lien avec le ministère de la justice, les sanctions et procédures judiciaires qui s'avéreraient les plus utiles.

Nous continuons à œuvrer contre la fraude fiscale, à la fois à l'échelle française et à l'échelle européenne. Nous avons permis l'adoption d'une loi de lutte contre la fraude en octobre 2018 – vous aviez été active dans ces débats, madame la sénatrice – avec la création d'une police fiscale. Nous avons renforcé notre système d'information avec, notamment, la pérennisation de la rémunération des aviseurs fiscaux. Enfin, nous développons au niveau européen, sens dans lequel nous poussons, des échanges d'informations extrêmement poussés.

Ainsi, pour 2019, ce sont 107 milliards d'euros de revenus fiscaux complémentaires à l'échelle de l'Union européenne qui ont été trouvés et dégagés par des échanges d'informations portant sur plus de 84 millions de comptes que nous avons pu ainsi investiguer et vérifier.

Il y aurait beaucoup à dire pour développer les différents sujets et priorités que nous avons. Je crois pouvoir revenir, à l'occasion de prochaines questions, sur ce que nous faisons aussi en matière de lutte contre la fraude fiscale, et je veux vous assurer de ma détermination la plus totale à lutter contre cette fraude et à exploiter l'ensemble des données auxquelles nous aurons accès par les révélations que vous avez citées. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, nous sommes toujours dans l'ex post. Votre bilan n'est pas exactement celui que vous dites : vous avez réduit les moyens humains pour le contrôle fiscal et douanier, vous avez démantelé la délégation nationale à la lutte contre la fraude, vous avez perdu du temps pour la mise en place du système de détection précoce de fraude à la TVA – c'est un système de Trade Needs Analysis (TNA) appliqué par tous les pays européens dont on vous a demandé depuis plusieurs années l'application en France, et qui vient seulement de l'être.

Je rappelle que la fraude à la TVA représente 5 milliards d'euros détectés l'année dernière et 10 milliards au niveau de l'Europe.

Le Gouvernement s'est opposé à l'amendement du Sénat qui visait à interdire les aides covid aux entreprises disposant de filiales dans les paradis fiscaux, préférant – allons savoir pourquoi – la circulaire, qui est peut-être mieux que la loi. Vous me le direz peut-être.

Il reste 777 enquêtes préliminaires actuellement ouvertes pour des affaires de fraude fiscale et de blanchiment. Vous vous êtes opposé à la position légitime du Sénat, qui a voté la possibilité de prolongation de ces enquêtes pour ces faits. Délai que vous vouliez réduire sans distinguo dans la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Enfin, pour mener ces enquêtes préliminaires, on ne compte que trois enquêteurs. Je ne suis pas certaine que l'adéquation soit exacte.

Les chiffres publiés attestent de ce bilan désastreux. Le résultat de la lutte contre la fraude a été divisé par deux en 2017. Ces chiffres sont ceux de votre ministère, et vous les retrouverez dans l'excellent ouvrage de Charles Prats, Le Cartel des fraudes – Tome 2, qui traite de fraude fiscale.

Monsieur, le ministre, le projet de loi de finances arrive et j'espère que nous pourrons prendre des mesures vraiment efficaces, car, pour l'instant, le compte n'y est pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

- page 8897

Page mise à jour le