Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRCE) publiée le 28/10/2021

Mme Cécile Cukierman attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la mise en place du logo nutri-score, qui deviendra obligatoire dès 2022, et qui inquiète les acteurs de la filière d'appellation d'origine protégée (AOP) de la fourme de Montbrison de la Loire.

Si l'objectif de santé publique n'est pas contestable, l'établissement de ce classement par lettre vise à orienter le consommateur dans le choix de son alimentation sans prendre en compte la qualité, ni la quantité consommée. Ainsi les fromages AOP font l'objet d'un mauvais classement en raison de leur teneur en sel ou en matière grasse alors même qu'ils obéissent à un cahier des charges répondant à des normes très strictes.

Alors que le monde agricole peine à se rémunérer décemment, la classification « nutri-score » sur les produits AOP pourrait fragiliser la filière et précariser davantage ces professionnels.

Compte tenu de ces éléments, elle souhaite savoir ce que le gouvernement entend entreprendre afin de protéger cette filière qui participe au rayonnement international gastronomique de la France et de ses savoir-faire.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de la jeunesse et de l'engagement publiée le 01/12/2021

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2021

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, auteure de la question n° 1889, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Cécile Cukierman. Madame la secrétaire d'État, la mise en place du logo Nutri-score prévue en 2022 inquiète les acteurs des filières des appellations d'origine protégée sur tout le territoire national. La filière de la fourme de Montbrison dans la Loire ne fait pas exception.

Loin de nous évidemment l'idée de remettre en cause les objectifs de santé publique, mais force est de constater que le classement par lettres, qui vise à orienter les choix alimentaires du consommateur, ne prend en compte ni la qualité des produits ni même la quantité réellement consommée au cours d'un repas.

La fourme de Montbrison fait l'objet d'un mauvais classement – elle est classée D –, en raison notamment de sa teneur en sel et en matières grasses, alors même qu'elle obéit à un cahier des charges et à des normes très strictes, auxquels il n'est pas possible de déroger, sauf à perdre l'appellation.

Je tiens donc à rappeler que ces produits, dès lors qu'ils seront estampillés D ou E, pourraient être interdits de publicité ou retirés des repas des collectivités. Le Nutri-score stigmatise donc un produit simple, peu transformé, à partir de lait et de sel pour sa conservation.

Alors que le monde agricole peine à se rémunérer décemment, l'application du Nutri-score aux produits sous AOP pourrait fragiliser ces filières et précariser davantage certains professionnels. Plus largement, elle conduirait à faire entrer dans nos assiettes des produits sans lien avec le terroir et à ne pas privilégier la proximité et les circuits courts, auxquels nous aspirons pourtant tous.

Compte tenu de ces éléments, et au nom des producteurs de fourme de Montbrison, je souhaite savoir ce que le Gouvernement entend entreprendre, afin de protéger cette filière qui participe au rayonnement international de la gastronomie et des savoir-faire de la France.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Madame la sénatrice Cécile Cukierman, vous interrogez le Gouvernement sur l'application du Nutri-score à la fourme de Montbrison.

Nos produits, en particulier nos fromages, font la fierté de la gastronomie française. Je rappelle, même si vous l'avez déjà fait, que les objectifs du Nutri-score sont spécifiques. Il s'agit d'apporter des informations complémentaires aux consommateurs, dans le cadre d'une politique de santé publique plus complète.

Cela étant, les consommateurs ne s'y trompent pas. Le suivi des ventes montre bien que les consommateurs plébiscitent les produits sous appellation, quel que soit leur Nutri-score, en particulier les fromages, dont les ventes sont en hausse. Cela montre que le goût et la qualité intrinsèque des produits sous AOP restent les critères principaux d'achat des consommateurs.

Madame la sénatrice, pour apaiser vos craintes et lutter contre les idées fausses, je rappelle, comme je l'ai fait il y a quelques instants à peine, que le Nutri-score est mis en œuvre sur la base du volontariat et qu'il ne sera jamais rendu obligatoire en France s'il ne l'est pas dans toute l'Europe, et ce afin d'éviter toute concurrence déloyale, bien sûr. Il est donc hors de question de le rendre obligatoire au 1er janvier 2022.

Une étude d'impact à l'échelon européen est en cours de réalisation par la Commission européenne. Elle pourrait déboucher sur un système d'étiquetage obligatoire, mais elle n'est pas connue à ce jour et doit encore faire l'objet de discussions très approfondies. En tout état de cause, cet étiquetage ne sera pas mis en œuvre avant la fin de l'année 2022, et la France aura son mot à dire sur les éventuelles évolutions du système proposé.

Madame la sénatrice, la France ne soutiendra jamais, je l'ai dit et je le répète, un système susceptible de nuire à la réputation de sa gastronomie, en particulier de ses fromages sous AOP. Il y va de la réputation patrimoniale de la France.

C'est pourquoi nous devons poursuivre les travaux d'évolution de l'algorithme du Nutri-score. Les autorités françaises continueront de travailler sur l'adaptation de cet algorithme.

Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement pour protéger notre gastronomie.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Si le Nutri-score n'est pas pris en compte par les consommateurs, autant le supprimer ! Cela sera plus pratique pour élaborer les emballages…

Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, je reste inquiète, car nous savons que le Nutri-score pourra avoir une influence dans les années à venir sur la constitution des menus des écoles, des maisons de retraite et, plus largement, des structures collectives, donc sur la diffusion de ce produit.

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