Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SER) publiée le 29/07/2021

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le cas des étrangers désireux de déposer une demande de titre de séjour. Dans son rapport sur la dématérialisation et les inégalités d'accès aux services publics, paru en 2018, le Défenseur des droits pointait certaines défaillances de la dématérialisation, défaillances touchant plus spécifiquement certains usagers, notamment les étrangers désirant faire une demande de titre de séjour.
Au moment de la publication du rapport, trente préfectures rendaient obligatoire la demande de rendez-vous par internet afin de déposer une demande de titre de séjour. Ainsi, le Défenseur des droits écrivait « [qu'] à supposer que les personnes concernées aient accès à internet, la conception des sites internet des préfectures et les modalités d'organisation peuvent empêcher les personnes de déposer une demande de titre de séjour […], la dématérialisation de la demande de titre de séjour vient totalement « invisibiliser » l'attente des demandeurs pour accéder aux services publics ».
Le Défenseur des droits a saisi ces préfectures, leur rappelant les « dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile [selon lesquelles] cette impossibilité d'obtenir un rendez-vous est constitutive d'une atteinte aux droits de ces personnes en qualité d'usagers du service public en ce qu'il les place dans une position de grande vulnérabilité en les maintenant, ou en les faisant basculer, en situation irrégulière ». Le Défenseur demandait aux préfets d'accorder un rendez-vous à l'ensemble des personnes le requérant. Pour exemple, la réponse d'un Préfet saisi fut d'affirmer qu'il n'était pas possible de « transmettre d[es] informations sur les dossiers de ces personnes sachant qu'aucun dossier n'a encore été déposé. Pour cela, elles sont invitées à prendre rendez-vous sur le site internet ». Le Défenseur des droits a maintenu son instruction, « ne pouvant se satisfaire d'une telle réponse ».
Cette absence de voie non dématérialisée d'accès aux droits est donc contraire à la loi. Des usagers ont d'ores et déjà saisi les juridictions administratives, qui ont condamné l'État. De même, la Cimade a déposé vingt-trois requêtes, toujours pendantes, visant autant de préfectures, celle de Seine-Maritime ayant déjà été condamnée. Pour le Défenseur des droits, les « concepteurs des sites ne peuvent ainsi « oublier » de créer numériquement un dispositif juridique existant, interdisant de ce fait à la personne de réaliser sa démarche ».
L'État a donc connaissance de cet état de fait qui place les aspirants à une demande de titre de séjour dans une situation de précarité accrue et condamne les préfectures, sinon à agir en dehors du cadre juridique, du moins à le contourner. Le problème est aussi celui du financement. Un rapport des députés Stella Dupont et Jean-Noël Barrot, « Immigration, asile et intégration » paru le 26 mai 2021, pointait en effet que, malgré le renforcement budgétaire des services étrangers des préfectures depuis 2016 (+11,2 %), celui-ci a principalement bénéficié à d'autres activités (notamment l'éloignement), alors que l'activité liée aux titres de séjour progressaient, sur la même période, de +20,4 % ; les moyens dédiés au droit au séjour ont donc proportionnellement décru dans les préfectures au cours des cinq dernières années. Ces atteintes à la loi à répétition provoquent la multiplication des recours individuels devant les juridictions administratives, faisant craindre aux rapporteurs du rapport une transformation des tribunaux en pré-guichets des préfectures.
L'État ne pouvant ignorer la situation d'illégalité dans laquelle se trouvent ses services préfectoraux et que nous expliquons plus haut, elle demande ce que le Gouvernement compte mettre en place pour y remédier.

- page 4692

Transmise au Ministère de l'intérieur


La question est caduque

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