Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 08/07/2021

M. Guillaume Gontard attire l'attention de Mme la ministre des armées sur les conditions ayant permis la conclusion de contrats d'armements avec l'Egypte. Le 4 mai 2021, le ministère des armées confirmait la signature de trois contrats par l'Égypte avec les entreprises Dassault Aviation, MBDA et Safran pour la livraison de 30 avions Rafale et des équipements associés. Cette transaction lui pose question. Les licences à l'exportation d'armements sont normalement accordées selon des règles strictes, et doivent notamment respecter le traité sur le commerce des armes (TCA) de 2013 et la position commune de l'Union européenne. Cette dernière inclut entre autres la prise en compte du respect des droits de l'Homme par le destinataire des armements, de la situation interne dans ce pays, et de la préservation de la paix et de la stabilité régionale.
D'une part, la situation interne comme l'action extérieure de l'Égypte ne correspondent pas à ces exigences. Pour preuve, l'organisation Amnesty International recense depuis de nombreuses années les violations par l'Égypte des droits fondamentaux de sa population : restrictions des libertés d'association, d'expression, de la presse, répression de toute opposition politique, arrestations arbitraires de dizaines de personnes dont des journalistes et des défenseurs des droits humains, conditions de détention inhumaines menant parfois à la mort, condamnations à mort, etc. Cette répression nourrit indirectement le terrorisme et contribue à l'instabilité de la région. Enfin, l'Égypte fait partie de la coalition menée par l'Arabie saoudite au Yémen, dont les membres violent les droits humains et le droit de la guerre, contribuant à la pire crise humanitaire du monde, selon les mots de la directrice générale du comité national français du fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) le 2 juin 2020.
En outre, le rapporteur d'une mission d'information de l'Assemblée nationale sur le contrôle des exportations concluait fin 2020 dans son rapport que « des échanges et de la mission effectuée en Égypte, [il] garde le sentiment que les équipements d'envergure acquis par l'Égypte n'ont qu'un lointain rapport avec les besoins pressants d'une armée dont la vocation est la défense du territoire national ». Cela confirme son inquiétude forte sur la bonne mise en œuvre du contrôle des exportations d'armements.
D'autre part, son inquiétude porte sur les conditions financières de ces accords. Le porte-parole des forces armées égyptiennes précisait dans un communiqué du 4 mai 2021 que la signature de ces contrats avait été permise par un prêt de la France sur dix ans. Selon le média d'investigation Disclose, ce prêt serait garanti par la France à hauteur de 85 %, sur un montant total de 3,95 milliards d'euros. Si l'Égypte échouait à rembourser ce prêt, ce seraient donc 3,4 milliards d'euros que le Trésor public devrait rembourser aux banques françaises qui ont accordé ce prêt à l'Égypte, sans compter les intérêts. L'Égypte étant lourdement endettée, ce scénario ne peut être écarté.
Aucune information sur ledit prêt n'a été rendue publique par le Gouvernement, alors qu'il engage les finances publiques françaises. Les maigres informations disponibles à ce sujet, et non démenties, proviennent du média Disclose. Il regrette que les seules informations précises sur ces contrats d'armement majeurs et sur l'engagement du Trésor public proviennent d'un site d'investigation et non du Gouvernement.
C'est pourquoi il lui demande la communication d'informations relatives aux contrats passés avec l'Égypte, notamment le détail des critères pris en compte dans l'attribution des licences à l'exportation de ces armements, et les conditions financières prévues par ces accords, en particulier celles engageant les finances publiques, dont leur inscription budgétaire.

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Réponse du Ministère des armées publiée le 05/05/2022

La politique menée par la France en matière d'exportation d'armement repose sur un principe de prohibition, énoncé à l'article L2335-2 du code de la défense, en vertu duquel toute demande d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés est soumise à autorisation ou licence signée par le Premier ministre après avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. La délivrance de ces licences repose sur un ensemble de considérations liées, à titre principal, au respect de nos engagements internationaux, ainsi qu'aux enjeux de stabilité et de sécurité régionales ou internationales, à la lutte contre la prolifération, à la protection de nos forces et de celles de nos alliés. Le respect de la position commune de l'Union européenne et du traité sur le commerce des armes (TCA) est systématiquement observé dans la mise en œuvre de la réglementation relative aux exportations d'armement. À ce titre, le TCA rappelle dans son préambule, le principe du « respect de l'intérêt légitime reconnu à tout État d'acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense et contribuer à des opérations de maintien de la paix, et de produire, exporter, importer et transférer des armes classiques ». Dans ce cadre, à l'issue d'une évaluation in concreto qui permet notamment d'apprécier s'il existe un risque manifeste ou prépondérant que les matériels de guerre concernés soient utilisés pour commettre, notamment, des violations graves des droits de l'Homme ou du droit international humanitaire, seules sont accordées les demandes relatives à la satisfaction des besoins légitimes des pays concernés, et ne contrevenant pas aux engagements internationaux de la France ni aux embargos décidés par les organisations internationales. Cette appréciation au cas par cas est propre à chaque État. Il convient, par ailleurs, de rappeler que l'Égypte est confrontée à des enjeux majeurs de stabilité régionale justifiant un soutien de la France dans le domaine de l'armement. L'analyse systématique des demandes de licence permet, dans ce contexte, de cibler spécifiquement les matériels susceptibles d'appuyer l'Égypte dans son combat contre le terrorisme et pour la sécurité de son territoire et de sa population civile. L'utilisation des Mirage 2000 de défense aérienne et des Rafale déjà livrés ne met pas en cause cette analyse. En outre, on peut observer que ni les Nations unies, ni l'Union européenne n'ont décidé de mesures d'embargo sur les livraisons d'équipements militaires vers ce pays, qui bénéficie également du soutien d'autres pays occidentaux. Concernant le soutien financier aux exportations de défense et de sécurité, l'État apporte sa garantie via l'assurance-crédit publique, gérée par Bpifrance Assurance Export, aux exportateurs, afin de les couvrir du risque d'interruption de leurs contrats commerciaux, d'une part et, d'autre part, en cas de paiement à crédit, aux banques finançant l'acquisition des matériels par crédit-acheteur. Dans ce dernier cas, la garantie aux banques n'est pas de 100 %, elles conservent une fraction de risque de 5 %. Ces garanties sont octroyées par la France selon les règles de l'Arrangement de l'OCDE. Ces règles comprennent notamment l'obligation de paiement d'une prime correspondant à la catégorie de risque du pays concerné, destinée à couvrir l'État du risque de non-remboursement du crédit par le pays acheteur. Les garanties accordées à l'Égypte par l'État s'exercent dans ce cadre. S'agissant des conditions financières des contrats Rafale, les contrats Dassault Aviation et MBDA France de 2015 ont bénéficié d'une couverture publique en assurance-crédit comprenant la garantie de l'interruption du contrat et la garantie du risque de non-paiement au profit des banques prêteuses. L'Égypte rembourse comme prévu et sans retard les emprunts contractés au titre de ces contrats. Concernant la seconde commande de 30 avions Rafale, signée par le gouvernement égyptien le 25 avril 2021, les paiements des contrats aux exportateurs seront assurés à hauteur de 85 % par crédit acheteur. Les banques perçoivent le paiement d'intérêts et l'État la prime de risque.

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