Question de M. CIGOLOTTI Olivier (Haute-Loire - UC) publiée le 22/07/2021

Question posée en séance publique le 21/07/2021

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cigolotti. Ma question s'adresse à Mme la ministre des armées.

Depuis l'arrêt Matzak, rendu le 21 février 2018 par la Cour de justice de l'Union européenne, une épée de Damoclès plane au-dessus du statut des sapeurs-pompiers volontaires et remet en cause notre modèle de sécurité civile.

Avec l'arrêt du 15 juillet dernier, c'est désormais l'ensemble des activités militaires qui se trouve menacé par la Cour de justice de l'Union européenne.

Cet arrêt affirme que les militaires des États membres sont assujettis au même droit du travail que n'importe quel travailleur, exception faite des opérations.

Cette décision introduit une notion de catégorisation. Il y aurait d'un côté des militaires qui combattent sur le terrain et ne sont pas soumis à la limitation du temps de travail et, de l'autre, tous ceux qui sont affectés à des fonctions de support ou à la préparation opérationnelle, dont le temps de travail va être encadré par le droit européen.

Cet arrêt remet en cause le principe d'unicité du statut militaire en France et la doctrine selon laquelle les forces armées doivent être disponibles « en tout temps et en tout lieu ».

Si l'on peut combattre sur le terrain, c'est parce que le matériel est bien entretenu et que l'approvisionnement est maîtrisé. C'est donc la sécurité même de nos militaires qui est en jeu, car pour être performant en opération il faut pouvoir se former et s'entraîner de manière bien spécifique.

Madame la ministre, nous savons que vous avez conscience du problème posé par cet arrêt. L'application de cette décision annoncerait la fin de notre modèle d'armée complet et nécessiterait le recrutement de 30 000 militaires supplémentaires, ce qui est impensable !

Pouvez-vous précisément évaluer aujourd'hui l'impact que cet arrêt peut avoir sur la gestion de nos forces armées ? Surtout, quels moyens institutionnels entendez-vous mettre en œuvre à l'échelon européen pour contrer cette jurisprudence ?

Enfin, pensez-vous que la Cour de justice de l'Union européenne puisse convaincre les groupes armés terroristes de passer, eux aussi, à une durée de travail hebdomadaire de 35 heures entrecoupées de temps de repos compensateur ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Daniel Chasseing et Jean-Claude Requier applaudissent également.)


Réponse du Ministère auprès de la ministre des armées - Mémoire et anciens combattants publiée le 22/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Cigolotti, vous savez que Florence Parly et moi-même prônons avec force une solide Europe de la défense. Nous sommes farouchement pro-européennes !

Pour autant, la souveraineté française ne doit pas se dissoudre dans l'Europe ; elle doit au contraire en sortir plus forte.

Dans cet arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, qui porte sur un cas slovène, les juges découpent l'action militaire en pièces de puzzle. Il y aurait les militaires en opération et les autres. Tailler ainsi l'action militaire en morceaux n'est conforme ni à l'histoire de nos armées ni à l'ambition que nous portons pour elles. Le temps de travail des militaires ne se décompte pas, car c'est la réalisation de la mission qui prime.

Depuis quatre ans, partout où je me suis rendue en France, je n'ai vu que des femmes et des hommes totalement engagés au service des Français. Depuis quatre ans, monsieur le sénateur, ni Florence Parly ni moi-même n'avons jamais été interpellées sur la question du temps de travail. Les militaires sont profondément attachés à leur statut, et le pays est profondément attaché à la disponibilité de nos forces armées.

Nous sommes en train d'analyser précisément toutes les implications de cet arrêt afin de déterminer la meilleure réponse à lui apporter. S'il apparaît que la seule solution est de faire évoluer le droit applicable, c'est-à-dire la directive européenne sur le temps de travail, alors nous nous engagerons résolument dans cette voie, afin de permettre aux États membres qui le souhaitent d'exempter totalement leurs forces armées de son application.

Il n'y aura pas en France une armée à deux vitesses ; c'est impossible. Je ne le souhaite pas, Florence Parly non plus, et je peux vous assurer que ni les militaires ni les Français ne le souhaitent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny et Laure Darcos, ainsi que M. Jean-Claude Requier, applaudissent également.)

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